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21/09/2018 | BELGIQUE | N°F.15.0005.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 septembre 2018, F.15.0005.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.15.0005.N
NYOBE, s. a.,
Me Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation,

contre


ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.





I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2014 par la cour d'appel de Gand.
Le 24 mai 2018, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moen

s a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la req...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.15.0005.N
NYOBE, s. a.,
Me Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2014 par la cour d'appel de Gand.
Le 24 mai 2018, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente quatre moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

(...)

Quant à la deuxième branche :

2. Contrairement à ce qu'allègue le moyen, en cette branche, il n'y a pas lieu de prendre en considération les principes généraux du droit public international lors de l'interprétation de l'article 263, § 2, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, repose sur un soutènement juridique erroné et manque en droit.

3. En vertu de l'article 263 du Code des impôts sur les revenus 1964, tel qu'applicable en l'espèce, l'impôt ou le supplément d'impôt peut être établi, même après l'expiration du délai prévu à l'article 259, entre autres lorsqu'une action judiciaire fait apparaître que des revenus imposables n'ont pas été déclarés au cours de l'une des cinq années qui précèdent celle de l'intentement de l'action et, dans cette hypothèse, l'impôt ou le supplément d'impôt doit être établi dans les douze mois à compter de la date à laquelle la décision rendue sur l'action judiciaire précitée n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel.
Dans la mesure où il repose sur le soutènement que le dépassement du délai raisonnable, au moment où a été rendue la décision sur l'action en justice contre un contribuable, conduit à ce que l'impôt ou le supplément d'impôt au sens de l'article 263 précité ne puisse plus être établi, dans les douze mois à compter de la date à laquelle la décision sur l'action judiciaire précitée n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel, à charge d'un autre contribuable sur les revenus imposables qui n'ont pas été déclarés au cours de l'une des cinq années qui précèdent celle de l'intentement de l'action, le moyen, en cette branche, manque en droit.
(...)
Quant à la cinquième branche :

7. Contrairement à ce qu'allègue le moyen, en cette branche, il ne peut être déduit des dispositions conventionnelles, des dispositions légales ou des principes généraux du droit cités au moyen que l'administration fiscale ne serait plus autorisée à appliquer un accroissement d'impôt, au moment de l'établissement d'une cotisation fiscale sur la base d'éléments révélés dans le cadre d'une procédure pénale, pour la seule raison que ladite procédure a pris fin après le dépassement du délai raisonnable.
Le moyen, en cette branche, manque en droit.
(...)

Sur le troisième moyen :

10. L'article 1385undecies, alinéa 1er, du Code judiciaire prévoit que, dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er, 32°, dudit code, l'action n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours organisé par ou en vertu de la loi.
Aux termes de l'alinéa 2 du même article, l'action est introduite au plus tôt six mois après la date de réception du recours administratif au cas où ce recours n'a pas fait l'objet d'une décision et, à peine de déchéance, au plus tard dans un délai de trois mois à partir de la notification de la décision relative au recours administratif.
Il s'ensuit que, si l'autorité administrative compétente omet de statuer sur le recours administratif du contribuable, celui-ci peut intenter une action devant la juridiction fiscale au plus tôt six mois à compter de la date à laquelle l'autorité compétente a reçu le recours administratif.
11. L'exigence du délai raisonnable n'est pas applicable aux contentieux fiscaux, à moins que la procédure en matière fiscale conduise ou puisse conduire, à l'occasion d'une procédure pénale, au prononcé d'une peine au sens de ladite disposition.
Le juge peut donc, dans le cas d'un accroissement d'impôt infligé par l'administration fiscale, qui constitue une sanction pénale au sens de l'article 6,
§ 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, diminuer cette sanction de manière substantielle ou éventuellement en dispenser le contribuable en raison du dépassement du délai raisonnable.
Pour l'appréciation du délai raisonnable d'une procédure tendant à imposer ou apprécier un accroissement d'impôt, il est, en règle, tenu compte de l'attitude de l'administration et aussi de l'attitude du contribuable ayant lui-même retardé déraisonnablement le traitement du litige.
12. Conformément aux articles 569, alinéa 1er, 32°, et 1385undecies du Code judiciaire, seul le contribuable peut saisir le juge d'un litige relatif à l'application d'une loi d'impôt. La circonstance que les intérêts de retard puissent recommencer à courir contre lui en vertu de l'article 414, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, n'y change rien.
13. Les juges d'appel ont constaté que :
- les accroissements d'impôt ont été annoncés dans les avis de rectification du 20 août 2001 ;
- une réclamation a été introduite contre les cotisations litigieuses le 13 février 2002 ;
- treize années se sont écoulées depuis ce point de départ du délai ;
- il ne peut être sérieusement contesté que l'affaire est très complexe et que le nombre de contestations en rapport avec les cotisations litigieuses est très élevé ;
- les parties ont d'ailleurs déposé des conclusions détaillées ;
- les parties ont tenté de régler leur différend à l'amiable, même si cette tentative s'est visiblement révélée vaine ;
- on ne peut donc se borner à tenir le défendeur pour responsable de la longueur de la procédure administrative et judiciaire dans son ensemble ;
- en l'absence de décision quant à la réclamation, la demanderesse n'a engagé la procédure judiciaire que par requête déposée au greffe du tribunal de première instance de Gand, le 15 janvier 2008.
14. Les juges d'appel ont considéré que :
- l'accroissement d'impôt infligé doit être considéré comme une sanction pénale au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'annonce des accroissements d'impôt, dans les avis de rectification de la déclaration du 20 août 2001, doit être considérée comme le point de départ du délai raisonnable garanti par cet article 6 ;
- la perte de temps résultant de la circonstance que la procédure judiciaire n'a été introduite que le 15 janvier 2008, par requête déposée au greffe du tribunal de première instance de Gand, n'est pas imputable au défendeur dès lors que la demanderesse avait la possibilité d'engager une procédure judiciaire à l'écoulement d'un délai de six mois à compter de la date de réception de la réclamation.
15. En ayant égard, lors de l'appréciation du délai raisonnable pour infliger les accroissements d'impôts de 50 %, au fait que la demanderesse, à défaut de décision rendue par l'autorité administrative compétente, n'a pas elle-même saisi immédiatement le tribunal de première instance de la cause, les juges d'appel n'ont pas violé l'article 6 de la convention précitée.
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Beatrijs Deconinck, les conseillers Geert Jocqué, Filip Van Volsem et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Ariane Jacquemin et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.15.0005.N
Date de la décision : 21/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-21;f.15.0005.n ?

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