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19/09/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0761.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 septembre 2018, P.18.0761.F


N° P.18.0761.F
D. S.
mineure d'âge,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Christian Mathieu et Delphine Sokolski, avocats au barreau de Charleroi,

en présence de

1. D. O.
père de S. D.
2. M. S.
mère de S. D.
défendeurs en cassation.




I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 27 juin 2018 par la cour d'appel de Mons, chambre de la jeunesse, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour rendu le 2 mai 2018.
La demanderesse invoque s

ept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeû...

N° P.18.0761.F
D. S.
mineure d'âge,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Christian Mathieu et Delphine Sokolski, avocats au barreau de Charleroi,

en présence de

1. D. O.
père de S. D.
2. M. S.
mère de S. D.
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 27 juin 2018 par la cour d'appel de Mons, chambre de la jeunesse, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour rendu le 2 mai 2018.
La demanderesse invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'arrêt attaqué décide qu'en application de l'article 38 du décret du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse, la demanderesse doit être hébergée temporairement, par le recours à la contrainte, hors de son milieu familial de vie en vue de son traitement, de son éducation, de son instruction ou de sa formation professionnelle, son intégrité physique ou psychique étant actuellement et gravement compromise.

La demanderesse fait grief à l'arrêt de violer les droits de la défense au motif que le greffe de la cour d'appel a omis d'aviser son père, avant l'audience, du dépôt de pièces nouvelles susceptibles d'avoir une incidence sur la solution du litige.

Il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que le juge d'appel se soit fondé sur ces pièces pour rendre sa décision.

En outre, le moyen n'indique pas en quoi la violation des droits de la défense du défendeur affecterait ceux de la demanderesse.
Le moyen est irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la méconnaissance de la présomption d'innocence garantie par l'article 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La demanderesse reproche au juge d'appel d'avoir décidé que son intégrité physique ou psychique était compromise en tenant pour acquis le comportement décrit par sa mère dans le cadre d'une plainte faisant l'objet d'une information judiciaire, l'arrêt énonçant que la demanderesse « a été jusqu'à exercer des violences physiques à l'encontre de sa mère à l'issue d'une audience d'une chambre de la famille de la cour [d'appel], sans la moindre réprobation de la part de son père ».

Pour se prononcer sur la mesure à appliquer, le juge peut avoir égard aux différents éléments de la cause, notamment les éléments de personnalité du mineur et de son milieu de vie, tels que sa situation sociale et familiale ou les actes que le mineur aurait posés, pourvu qu'il ne statue pas sur leur caractère infractionnel.

L'arrêt fait état d'un abus d'autorité de la part du père de la demanderesse, qui refuse les propositions d'aide de la conseillère de l'aide à la jeunesse, ne respecte pas les décisions judiciaires accordant de façon exclusive l'autorité parentale et l'hébergement de la demanderesse à sa mère et entraîne la demanderesse dans son combat contre sa mère. Il relève également le refus persistant de la demanderesse d'être hébergée chez sa mère.

Exprimée dans un tel contexte, la considération critiquée de l'arrêt n'emporte pas l'affirmation que le comportement imputé à la demanderesse aurait un caractère infractionnel dans son chef.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen reproche à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusions tant du père de la demanderesse que d'elle-même qui sollicitaient une expertise psychologique.

Il ne ressort pas des conclusions du père de la demanderesse qu'une telle mesure ait été demandée par celui-ci.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

Dans ses conclusions, la demanderesse a sollicité, à titre infiniment subsidiaire, une expertise.

Le juge d'appel ayant exposé de manière circonstanciée les raisons du placement de la demanderesse sous la contrainte, il n'était pas tenu de rencontrer cette demande, devenue sans pertinence en raison de sa décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

La demanderesse fait grief à l'arrêt de violer la foi due aux conclusions de son père par lesquelles il sollicitait une expertise psychologique.

Il n'apparaît pas desdites conclusions que le père de la demanderesse ait demandé une telle mesure, de sorte que le juge d'appel n'aurait pu en violer la foi.

Le moyen manque en fait.

Sur le quatrième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 152 et 189 du Code d'instruction criminelle.

La demanderesse reproche au juge d'appel de ne pas lui avoir accordé un délai pour conclure, qu'elle avait demandé dans son formulaire de griefs, au motif que l'article 152 du Code d'instruction criminelle n'est applicable que devant les tribunaux de police, alors que l'article 189 du Code d'instruction criminelle étend son application aux tribunaux correctionnels.

Il apparaît des pièces de la procédure que, devant la cour d'appel, la demanderesse a déposé des conclusions à l'audience sans critiquer la circonstance qu'un délai supplémentaire ne lui avait pas été accordé.

Critiquant une décision qui n'a pu causer préjudice à la demanderesse, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Sur le cinquième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 831 et 837 du Code judiciaire.

La demanderesse soutient qu'en prenant la cause en délibéré à l'audience du 23 mai 2018, alors qu'une requête en récusation avait été déposée la veille par son père au greffe de la cour d'appel, le juge d'appel a violé les dispositions légales précitées.

Il n'apparaît pas des pièces de la procédure que le père de la demanderesse ait déposé au greffe de la cour d'appel, en la présente cause, un acte de récusation du juge d'appel ou qu'il ait soulevé une cause de récusation de celui-ci avant le début des plaidoiries.

Requérant pour son examen une vérification d'éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

Sur le sixième moyen :

Pris de la violation de l'article 90 du Code judiciaire, le moyen soutient que le juge d'appel a connu antérieurement d'une cause dans laquelle il fut amené à statuer sur l'autorité parentale et l'hébergement de la demanderesse, de sorte qu'il ne pouvait connaître de la présente cause.

L'article 90, alinéa 6, 2°, du Code judiciaire dispose que pour la répartition des affaires entre les chambres de la famille et les chambres de la jeunesse du tribunal de la famille et de la jeunesse, le président veille, dans la mesure du possible, à ce qu'un juge ayant connu d'une cause civile visée à l'article 725bis à l'égard d'un enfant mineur ne puisse connaître d'une cause visée par la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait.

Revenant à soutenir que cette disposition interdirait en toutes circonstances qu'un juge ayant connu d'une cause civile visée à l'article 725bis à l'égard d'un enfant mineur puisse encore connaître d'une cause visée par la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, le moyen manque en droit.

Sur le septième moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 109bis du Code judiciaire.

La demanderesse a sollicité, tant dans son formulaire de griefs que par voie de conclusions, l'attribution de la cause à une chambre composée de trois conseillers, au motif que le jugement entrepris était rendu en matière pénale.

Elle fait d'abord grief à l'arrêt de déclarer non applicable la disposition légale précitée.

L'article 109bis, § 1er, du Code judiciaire dispose que, sauf s'il porte exclusivement sur des actions civiles ou s'il ne porte plus que sur pareilles actions, l'appel des décisions en matière pénale est attribué à une chambre à trois conseillers, le cas échéant, à la chambre spécifique visée à l'article 101, § 1er, alinéa 3.

Contrairement à ce que la demanderesse soutient, les mesures de contrainte relevant de la compétence du juge de la jeunesse statuant en matière protectionnelle dans le cadre de l'article 38 du décret du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse, ne sont pas de nature pénale au sens de la disposition visée.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

La demanderesse soutient ensuite qu'une chambre composée de trois conseillers aurait pu connaître de la cause en vertu de l'article 109bis, § 3, du Code judiciaire.

Cet article prévoit que les causes autres que celles énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont attribuées à des chambres à un conseiller à la cour et que, lorsque la complexité ou l'intérêt de l'affaire ou des circonstances spécifiques et objectives le requièrent, le premier président peut attribuer, d'autorité, au cas par cas, les affaires à une chambre à trois conseillers.

Cette compétence d'attribution est réservée au premier président de la cour qui l'exerce d'autorité, les parties ne se voyant pas reconnaître un droit d'initiative à cet égard et la chambre saisie étant sans pouvoir de juridiction pour statuer sur cette question.

En décidant qu'il ne lui appartenait pas de renvoyer la cause à une chambre collégiale, le juge d'appel a légalement justifié sa décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l'Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros cinquante centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0761.F
Date de la décision : 19/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-19;p.18.0761.f ?

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