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18/09/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0544.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 septembre 2018, P.17.0544.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0544.N
S. H. F.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Yves Vluggen, avocat au barreau de Gand.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 avril 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.





II. LA DÉCISION DE LA COUR
r>Sur le premier moyen :

1. Le moyen invoque la violation de l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Conventio...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0544.N
S. H. F.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Yves Vluggen, avocat au barreau de Gand.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 avril 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

1. Le moyen invoque la violation de l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 54 de la Convention du 19 juin 1990 d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit non bis in idem : l'arrêt ne répond pas à la défense de la demanderesse selon laquelle la décision de l'Office national de l'Emploi (ci-après : ONEM), ne peut être retirée ou réformée ; l'arrêt décide, à tort, que le principe non bis in idem ne peut être d'application en l'espèce, parce que la demanderesse n'avait pas droit à des allocations ; ce principe ne peut être occulté selon l'opportunité ou l'utilité de la sanction administrative ; en l'espèce, la sanction constitue effectivement une sanction pénale ; la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme selon laquelle une double procédure n'enfreint pas l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne vaut qu'à la condition qu'il s'agisse d'une procédure totalement intégrée et de poursuites concomitantes, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la décision de l'ONEM était déjà définitive au moment où la demanderesse a fait l'objet de poursuites pénales ; le fait que la demanderesse n'a pas introduit de demande visant l'obtention d'allocations de chômage ne s'oppose pas à la sanction.

2. L'article 14, § 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays.

En vertu de l'article 4, § 1er, du Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État. Le principe général du droit non bis in idem a la même portée.

3. Il est question de poursuites en matière pénale au sens de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées lorsque les poursuites répondent à une qualification pénale selon le droit interne, que l'infraction vaut, selon sa nature, pour tous les citoyens ou que la sanction poursuit, selon la nature ou la gravité de l'infraction, un objectif répressif ou préventif.

La circonstance qu'en raison de circonstances factuelles, une sanction n'ait pas de conséquences effectives et concrètes pour le contrevenant est, selon cette appréciation, sans pertinence.

4. L'article 153, alinéa 2, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage prévoit que le chômeur qui a perçu ou peut percevoir indûment des allocations du fait qu'il a omis de faire une déclaration requise autre que celle visée à l'article 134, § 3, ou l'a faite tardivement, peut être exclu du bénéfice des allocations pendant treize semaines au plus. Cette sanction, valable pour le futur, est reprise au Chapitre VI de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, intitulé ‘Sanctions administratives'.

5. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu'à la suite des faits du chef desquels la demanderesse fait actuellement l'objet de poursuites, les autorités administratives ont exclu la demanderesse du bénéfice des allocations pendant treize semaines.

6. La sanction de l'exclusion visée à l'article 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 vise le maintien d'une norme dont la portée est générale et donc la défense de l'intérêt général tel qu'il est traditionnellement protégé par le droit pénal. La sanction est répressive et préventive de nature. Elle ne tend pas à une réparation du préjudice subi, mais à punir le contrevenant et à empêcher qu'il puisse encore se rendre coupable de tels faits à l'avenir. Elle peut avoir des conséquences pécuniaires considérables pour le contrevenant. Ainsi, la procédure qui mène à cette sanction correspond à des poursuites pénales au sens des dispositions conventionnelles précitées.

7. L'arrêt qui rejette la défense avancée par la demanderesse invoquant le principe non bis in idem, en décidant que la décision de l'ONEM du 16 octobre 2013 ne peut avoir valeur de sanction pénale parce qu'elle ne revêt pas un caractère répressif, qu'elle n'est pas proportionnelle à l'infraction et que la demanderesse n'a pas effectivement subi cette sanction, n'est pas légalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Sur les autres griefs :

8. Il n'y a pas lieu de répondre aux autres griefs qui ne sauraient entraîner une cassation sans renvoi.

Sur l'étendue de la cassation :

9. La cassation de la décision rendue sur le caractère de sanction de l'exclusion visée à l'article 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 entraîne la cassation des autres décisions de l'arrêt, eu égard au lien étroit entre ces décisions.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve la décision sur les frais afin qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0544.N
Date de la décision : 18/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-18;p.17.0544.n ?

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