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11/09/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0839.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 septembre 2018, P.17.0839.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0839.N
F. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Bruges.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 30 juin 2017 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 27 août 2018, l'avocat général Marc Timperman a déposé des conclusions au greffe.
À l'audien

ce du 11 septembre 2018, le conseiller Antoine Lievens a fait rapport et l'avocat général précité ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0839.N
F. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Bruges.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 30 juin 2017 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 27 août 2018, l'avocat général Marc Timperman a déposé des conclusions au greffe.
À l'audience du 11 septembre 2018, le conseiller Antoine Lievens a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le deuxième moyen :

Quant à la seconde branche :

1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 2, § 1er, 11, § 4, alinéa 2, de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire, 48, alinéa 1er, 2°, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière : le jugement attaqué déclare, à tort, le demandeur coupable du chef de la prévention B dès lors qu'en vertu des dispositions précitées, la Belgique est tenue de reconnaître le permis de conduire néerlandais délivré au demandeur et que ce permis de conduire lui permettait de conduire en Belgique également, même sans avoir présenté avec succès les épreuves qui lui avaient été imposées ; conformément aux articles 2, § 1er, et 11, § 4, de la directive 2016/126/CE, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, un État membre ne peut refuser de reconnaître un permis de conduire entre-temps délivré par un autre Etat membre que pendant une période d'interdiction strictement limitée dans le temps ; ce n'est donc pas le cas pendant l'éventuelle période non limitée dans le temps qui suit l'interdiction et au cours de laquelle l'intéressé ne peut encore conduire tant qu'il n'a pas satisfait aux examens ou aux tests imposés.

À titre subsidiaire, le moyen invite la Cour, en application des articles 19, § 3, b), du Traité du 13 décembre 2007 sur l'Union européenne (TUE) et 267 du Traité du 13 décembre 2007 sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), à poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union européenne : « Les articles 2, § 1er et 11, § 4, alinéa 2, de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'un État membre puisse encore refuser de reconnaître sur son territoire un permis de conduire entre-temps délivré par un autre État membre, lorsque les circonstances suivantes se présentent :
- une juridiction du premier État membre a tout d'abord infligé au titulaire d'un permis de conduire de ce premier État membre une déchéance du droit de conduire pour une période strictement délimitée dans le temps ;
- en outre, la même juridiction a décidé de subordonner la réintégration dans le droit de conduire du même conducteur à la réussite de plusieurs tests et/ou examens, ce qui signifie que ce conducteur ne pourra conduire à nouveau qu'après avoir présenté avec succès ces tests et/ou examens, et qu'il ne pourra pas encore conduire pendant la période non délimitée dans le temps qui s'écoulera avant que cela soit le cas ;
- un permis de conduire a été délivré à ce conducteur par un autre État membre, à une date postérieure à l'expiration de la déchéance du droit de conduire infligée pour une durée déterminée, à savoir pendant la seconde période, indéterminée, au cours de laquelle, selon la décision de la juridiction du premier État membre, le conducteur n'était pas encore autorisé à conduire et ce, jusqu'à ce qu'il ait présenté avec succès les tests et/ou examens qui lui avaient été imposés ? ».

2. Aux termes de l'article 2, § 1er, de la directive 2006/126/CE, les permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus.

L'article 11, § 4, de ladite directive dispose que :
- un État membre refuse de délivrer un permis de conduire à un demandeur dont le permis de conduire fait l'objet d'une restriction, d'une suspension ou d'un retrait dans un autre État membre ;
- un État membre refuse de reconnaître, à une personne dont le permis de conduire fait l'objet, sur son territoire, d'une restriction, d'une suspension ou d'un retrait, la validité de tout permis de conduire délivré par un autre État membre ;
- un État membre peut également refuser de délivrer un permis de conduire à un demandeur dont le permis a fait l'objet d'une annulation dans un autre État membre.

3. Par son arrêt C-419/10 du 26 avril 2012 (Wolfgang Hofmann contre Freistaat Bayern), la Cour de justice de l'Union européenne a statué comme suit :
- il ressort des travaux préparatoires de la directive 2006/126/CE que la volonté du législateur de l'Union a consisté à renforcer le principe de l'unicité des permis de conduire et à éviter qu'une personne dont le permis de conduire fait l'objet d'une mesure de restriction, de suspension ou de retrait dans un État membre puisse se voir délivrer un permis de conduire dans un autre État membre ou se voir reconnaître la validité d'un tel permis. Toutefois, il n'en résulte pas pour autant qu'une personne dont le permis de conduire a fait l'objet d'une mesure de restriction, de suspension ou de retrait dans un État membre ne puisse plus jamais obtenir un nouveau permis de conduire dans un autre État membre, même après l'expiration de la période d'interdiction temporaire d'obtention d'un nouveau permis de conduire dont a, le cas échéant, été assortie une telle mesure dans le premier État membre (points 73 et 74) ;

- un permis de conduire ne peut être délivré que par l'État membre sur le territoire duquel le demandeur a sa résidence normale, de sorte que la seule possibilité, pour une personne dont le permis de conduire a fait l'objet d'une mesure de restriction, de suspension ou de retrait dans un État membre et qui a ensuite transféré sa résidence dans un autre État membre, d'obtenir un nouveau permis de conduire est de s'adresser aux autorités compétentes du nouvel État membre de résidence (point 76) ;

- interpréter l'article 11, § 4, de la directive 2006/126/CE en ce sens qu'une telle personne ne pourrait plus obtenir un permis de conduire dans le nouvel État membre de résidence, même après l'expiration d'une éventuelle période d'interdiction de solliciter un nouveau permis, reviendrait, dès lors, à entraver le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (point 77);

- admettre qu'un État membre est en droit de se fonder sur ses dispositions nationales pour s'opposer indéfiniment à la reconnaissance de la validité d'un permis délivré par un autre État membre serait la négation même du principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire (point 78) ;

- ce point de vue est également confirmé par le régime particulier que l'article 11, § 4, alinéa 3, de la directive 2006/126/CE réserve à l'annulation d'un permis de conduire. Selon cette disposition, un État membre peut refuser de délivrer un permis de conduire à un demandeur dont le permis a fait l'objet d'une annulation dans un autre État membre, mais il n'est pas tenu de procéder à un tel refus. Il serait dès lors paradoxal d'interpréter l'article 11, § 4, alinéa 2, de la directive 2006/126/CE en ce sens que, en cas de restriction, de suspension ou de retrait d'un permis de conduire par un État membre, son titulaire n'aurait plus la possibilité, en vertu de l'article 11, § 4, alinéa 1er, de ladite directive, d'obtenir un permis dans un autre État membre alors qu'une telle possibilité existerait toujours en cas d'annulation d'un permis (points 85 à 88).

C'est notamment sur cette base que la Cour de justice a statué comme suit par l'arrêt précité : « Les articles 2, § 1er, et 11, § 4, alinéa 2, de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'un État membre refuse, en dehors de toute période d'interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire imposée au titulaire d'un permis de conduire délivré par un autre État membre et alors même que la condition de résidence normale sur le territoire de ce dernier a été respectée, de reconnaître la validité de ce permis de conduire, lorsque ledit titulaire a fait l'objet, sur le territoire du premier État membre, d'une mesure de retrait d'un précédent permis de conduire ».

4. Le jugement attaqué, qui statue autrement, n'est pas légalement justifié.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

5. Les autres griefs, qui ne sauraient entraîner une cassation sans renvoi, ne nécessitent pas de réponse.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve la décision sur les frais afin qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause au tribunal correctionnel de Flandre orientale, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audience publique du onze septembre deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0839.N
Date de la décision : 11/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-11;p.17.0839.n ?

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