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05/09/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1175.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 septembre 2018, P.17.1175.F


N° P.17.1175.F
1. L. H.,
2. V. D.,
domiciliés à Villers-le-Bouillet, rue des Etangs, 14,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Bernard Bastin, avocat au barreau de Liège,

contre

1. N. B.
2. TH. I.
prévenus,
défendeurs en cassation.




I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 6 novembre 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copi

e certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

I...

N° P.17.1175.F
1. L. H.,
2. V. D.,
domiciliés à Villers-le-Bouillet, rue des Etangs, 14,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Bernard Bastin, avocat au barreau de Liège,

contre

1. N. B.
2. TH. I.
prévenus,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 6 novembre 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Pris de la violation des articles 149 de la Constitution, et 780, alinéa 1er, 3°, et 1138, 3° et 4°, du Code judiciaire, le moyen soutient que l'arrêt est ambigu ou se contredit : après avoir constaté que le fonctionnaire délégué et le collège communal n'ont pas demandé une mesure de réparation directe, l'arrêt décide qu'il n'y a pas lieu d'examiner les demandes subsidiaires que les demandeurs ont formées « en cas de silence de ces autorités », au motif, selon l'arrêt, que « l'hypothèse n'est pas rencontrée » ; dès lors que les juges d'appel avaient relevé que le fonctionnaire délégué et le collège communal ne demandaient pas une mesure de réparation directe, la cour d'appel devait constater que la condition de la demande subsidiaire, c'est-à-dire le « silence des autorités », était réalisée, au lieu de considérer qu'elle ne l'était pas.

Dans leurs conclusions, les demandeurs ont invité la cour d'appel, à titre principal, à solliciter l'avis du fonctionnaire délégué et du collège communal, et à les prier soit d'intervenir à la cause, soit de communiquer leur choix quant à une des trois mesures de réparation directe prévues par l'article 155, § 2, du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie. A titre subsidiaire, « en cas de silence des autorités attitrées ou d'écartement de leur décision », les demandeurs ont postulé la remise en état par l'évacuation des remblais. A titre plus subsidiaire, également en cas de silence de ces autorités, les demandeurs ont sollicité que la cour d'appel prenne l'avis d'un expert hydrogéologue afin de déterminer les travaux hydriques dont l'exécution permettrait de revenir à la situation antérieure aux remblais.

La cour d'appel a d'abord rejeté la demande principale, en considérant que le fonctionnaire délégué et le collège communal étaient informés de la problématique, et qu'aucune disposition légale ne l'autorisait à s'immiscer dans leur choix implicite mais certain de ne pas demander une mesure de réparation directe devant la juridiction pénale.

Ensuite, après avoir considéré que les autres demandes formulées à titre subsidiaire ne devaient pas être examinées au motif que l'hypothèse d'un silence des autorités n'était pas rencontrée, la cour d'appel a quand même examiné ces demandes subsidiaires, en les rejetant.

En effet, les juges d'appel ont décidé qu'il ne pouvait être question de faire droit à la demande d'ordonner la remise en état par l'évacuation des remblais et à celle de solliciter l'avis d'un hydrogéologue pour déterminer les travaux permettant un retour à la situation antérieure.

A cet égard, après avoir énoncé que l'absence de demande de réparation directe de la part des autorités compétentes ne fait pas obstacle au droit du tiers lésé d'obtenir une réparation en nature du dommage subi, les juges d'appel ont relevé que les remblais litigieux sont à l'origine d'une légère hausse du sommet de la nappe aquifère, et que depuis la mise en place de la pompe et le rabattement permanent de la nappe, on peut considérer que l'état antérieur à l'exécution des remblais a été rétabli. La cour d'appel a jugé que le retrait des remblais à titre de réparation serait hors de proportion avec le seul dommage démontré par les demandeurs, et qu'en postulant pareille réparation, ils abusent de leur droit.

Il ressort de ce qui précède que le vice de motivation allégué est déduit d'une considération de l'arrêt qui énonce que les demandes subsidiaires des demandeurs ne doivent pas être examinées, alors qu'il ressort de l'arrêt que les juges d'appel ont examiné ces demandes.

Pareil moyen est dénué d'intérêt et, partant, irrecevable.

Quant à la seconde branche :

Le moyen soutient qu'en refusant d'interroger le fonctionnaire délégué ou le collège communal quant à leur choix d'une mesure de réparation directe, la cour d'appel a violé l'article D.VII.13 du Code du développement territorial ou, si cette disposition n'était pas immédiatement applicable au litige, l'article 155 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie.

En vertu de l'article D.VII.13, alinéa 1er, du Code du développement territorial, outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande motivée du fonctionnaire délégué ou du collège communal, soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction.

Cette disposition n'autorise pas le juge à interroger le fonctionnaire délégué ou le collège communal ni à les faire intervenir à la cause, pour qu'ils prennent position quant au choix de la mesure de réparation appropriée.

En tant qu'il soutient le contraire, le moyen manque en droit.

Pour le surplus, en tant qu'il invoque l'article D.VII.23 du Code du développement territorial, sans indiquer en quoi cette disposition aurait été violée, le moyen est irrecevable à défaut de précision.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen soutient qu'en considérant que la « restitutio in integrum » sollicitée par les demandeurs est abusive, l'arrêt viole les articles 44 du Code pénal et 161, 189 et 215 du Code d'instruction criminelle.

La victime du dommage résultant d'un acte illicite a le droit de demander la réparation en nature si elle est possible, si elle ne constitue pas l'usage abusif d'un droit et si elle présente un intérêt pour elle.

En tant qu'il soutient que le juge ne peut rejeter une demande de réparation en nature lorsqu'il constate que, dans les circonstances de l'espèce, une telle demande est abusive, le moyen manque en droit.

Le moyen soutient également que la cour d'appel avait l'obligation d'ordonner la restitution en vue de faire cesser l'infraction, même d'office.

Le juge ne peut prononcer une des mesures de réparation directe visées à l'article D.VII.13, alinéa 1er, du Code du développement territorial si elle n'a pas été demandée par le fonctionnaire délégué ou le collège communal. Le juge ne peut la prononcer d'office.

Dans la mesure où il soutient que le juge doit d'office ordonner la restitution en vue de faire cesser l'infraction, le moyen manque également en droit.

L'arrêt considère que le droit à la réparation du tiers lésé est limité par l'abus de droit, que le tiers qui s'estime lésé par les conséquences de l'infraction ne peut demander une réparation qui ne serait pas proportionnée à son dommage, que le retrait des remblais à titre de réparation est hors de proportion avec le seul dommage démontré par les demandeurs et en lien causal avec l'infraction déclarée établie, et qu'en postulant pareille réparation, les demandeurs abusent de leur droit.

Ainsi, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, et 780, alinéa 1er, 3°, et 1138, 3°, du Code judiciaire.

Les demandeurs soutiennent que les juges d'appel n'ont pas statué sur leur demande, formée à titre infiniment subsidiaire, de solliciter l'avis d'un expert hydrogéologue afin de déterminer les travaux hydriques dont l'exécution permettrait un retour à la situation hydrologique d'avant les remblais, et qu'ils n'ont pas motivé le rejet de cette demande.

D'une part, ainsi qu'il ressort de la réponse au premier moyen, la cour d'appel a statué sur cette demande, en la rejetant.

D'autre part, la cour d'appel a jugé, quant au préjudice causé par l'exécution des remblais, que depuis la mise en place de la pompe et le rabattement permanent de la nappe aquifère obtenu par ce dispositif, on peut considérer que l'état antérieur a été rétabli.

En constatant que l'état antérieur aux remblais litigieux est rétabli, l'arrêt motive sa décision de ne pas désigner un expert chargé de déterminer les travaux hydriques dont l'exécution permettrait de revenir à la situation antérieure.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

Quant à la seconde branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 780, alinéa 1er, 3°, et 1138, 3°, du Code judiciaire.

Les demandeurs font grief à l'arrêt de ne pas motiver le rejet de leur demande d'ordonner, sous astreinte, « la transcription de l'arrêt » aux frais des défendeurs.

En vertu de l'article D.VII.25, alinéa 3, du Code du développement territorial, toute décision rendue en la cause est mentionnée en marge de la transcription de la citation ou de l'exploit, selon la procédure prévue par l'article 84 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851.

Aux feuillets 10 et 11 de l'arrêt, la cour d'appel a décidé de ne pas faire droit à cette demande. Par aucune disposition, l'arrêt ne mentionne les motifs de cette décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Il n'y a pas lieu d'avoir égard au surplus du moyen qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la demande de mention de l'arrêt, aux frais des défendeurs, en marge de la transcription de la citation ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne chacun des demandeurs aux neuf dixièmes des frais et réserve le surplus pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Liège, autrement composée.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cinq cent septante-sept euros nonante-trois centimes dont deux cent vingt et un euros quatre centimes dus et deux cent cinquante-six euros cinquante-trois centimes payés par ces demandeurs.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir B. Dejemeppe J. de Codt


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1175.F
Date de la décision : 05/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-05;p.17.1175.f ?

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