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29/08/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0933.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 août 2018, P.18.0933.F


N° P.18.0933.F
A I,
inculpé, détenu en vue d'extradition,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Marc Nève, avocat au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 août 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Jean Marie Genicot a conclu.



II. LA DÉCISION

DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 292 du Code judiciaire e...

N° P.18.0933.F
A I,
inculpé, détenu en vue d'extradition,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Marc Nève, avocat au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 août 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Jean Marie Genicot a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 292 du Code judiciaire et du principe d'impartialité du juge, garanti par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le demandeur fait grief à l'arrêt qui rejette sa demande de mise en liberté d'avoir été rendu sous la présidence d'un magistrat ayant siégé à la chambre des mises en accusation lorsque celle-ci, le 13 juillet 2017, a ordonné l'exequatur du mandat d'arrêt délivré en son absence, le 26 janvier 2017, par un juge du tribunal d'arrondissement de Makhatchkala (République du Daghestan, Fédération de Russie) du chef de participation aux activités d'une organisation terroriste et de participation à une unité armée, non reconnue, sur le territoire d'un Etat étranger.

Le demandeur allègue que le magistrat précité ne pouvait connaître de sa demande de mise en liberté dès lors que l'arrêt du 13 juillet 2017 énonce qu'il n'existe pas de raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition a été présentée aux fins de le poursuivre ou de le punir pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques, ou que sa situation risquerait d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons et qu'il n'existe pas davantage de risques de le voir soumis à un déni flagrant de justice, à des faits de torture ou à des traitements inhumains et dégradants en Russie. Il soutient que, par ces énonciations, la chambre des mises en accusation s'est prononcée sur les conditions dans lesquelles, au fond, il est susceptible d'être jugé en Russie.

L'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas applicable aux juridictions d'instruction qui statuent sur une requête de mise en liberté d'une personne dont le mandat d'arrêt international a été déclaré exécutoire.

Dans la mesure où il soulève la violation de cette disposition conventionnelle, le moyen manque en droit.
L'article 292 du Code judiciaire prohibe, au titre de cumul des fonctions judiciaires, l'exercice de deux fonctions différentes dans la même affaire.

La circonstance que, comme en l'espèce, un juge a siégé en chambre des mises en accusation une première fois pour confirmer une ordonnance d'exequatur d'un mandat d'arrêt étranger puis, au sein de la même juridiction, afin de statuer sur une demande de libération conditionnelle en raison d'un dépassement du délai raisonnable de la détention subie en vue de l'extradition, sur le fondement de ce même titre, ne constitue pas le cumul prohibé par la disposition légale précitée, la fonction judiciaire de l'intervenant étant restée la même.

D'autre part, le fait que l'arrêt de la chambre des mises en accusation du 13 juillet 2017 a confirmé l'exequatur d'un mandat d'arrêt étranger nonobstant le risque allégué d'être soumis, en cas d'extradition, à un traitement contraire, notamment, aux articles 3 et 5 de la Convention ne révèle pas, dans le chef du président de cette juridiction, une intervention ayant revêtu un caractère et un degré tels que ce magistrat a dû se former une opinion, au fond, sur la manière dont le demandeur, une fois extradé , est susceptible d'être jugé.

Par la considération visée au moyen, la chambre des mises en accusation, dans l'arrêt du 13 juillet 2017, s'est limitée à vérifier si les conditions légales de l'extradition étaient réunies sans se prononcer sur le bien-fondé de la poursuite ou sur la réalité des charges pesant sur le demandeur.

Une telle circonstance ne saurait dès lors susciter de doute objectivement légitime quant à l'impartialité du magistrat précité.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le second moyen :

Le moyen invoque la violation de l'article 149 de la Constitution.

L'article 149 de la Constitution ne s'applique pas aux juridictions d'instruction statuant sur la demande d'exequatur d'un mandat d'arrêt étranger ou sur la demande de mise en liberté en raison d'un dépassement du délai raisonnable de la détention subie sur la base de ce titre.

En tant qu'il est pris de la violation de cette disposition, le moyen manque en droit.

Quant à la première branche :

Le demandeur fait grief aux juges d'appel de n'avoir pas répondu à ses conclusions faisant valoir que l'ensemble des éléments de la cause ne permet pas de justifier un maintien en détention provisoire.

Le juge satisfait à l'obligation de motiver les jugements et arrêts et de répondre aux conclusions d'une partie lorsque sa décision comporte l'énonciation des éléments de fait ou de droit à l'appui desquels une demande, une défense ou une exception sont accueillies ou rejetées.

Le demandeur a sollicité sa mise en liberté au motif que le délai endéans lequel il sera statué sur sa demande d'asile est lointain et incertain, de sorte que la durée de sa détention a déjà cessé d'être raisonnable.

L'arrêt considère que le caractère raisonnable du délai de la détention en vue de l'extradition doit s'apprécier sur la base de données concrètes. Il tient compte, pour décider que le délai raisonnable de la détention du demandeur n'est pas dépassé, du déroulement chronologique des différentes étapes de la procédure d'extradition, lesquelles se sont poursuivies de manière diligente. Il relève en outre que la première demande d'asile du demandeur introduite en Pologne a retardé le traitement de celle formée ensuite en Belgique et considère qu'il ne peut tenir compte de l'incertitude entourant la date de clôture de cette procédure d'asile pour décider que la durée de la détention du demandeur a cessé d'être raisonnable.

Il retient enfin que le risque de fuite et de soustraction du demandeur sont patents en raison notamment du fait qu'il a pu circuler facilement dans les pays de l'Union sans jamais avoir été contrôlé, qu'il est sans revenu et qu'il réside dans un centre pour réfugiés.

Par ces considérations, les juges d'appel ont décidé qu'il existait des raisons concrètes de maintenir le demandeur en détention.

A la défense invoquée par le demandeur, ils ont ainsi opposé des éléments de fait différents ou contraires dont ils ont déduit l'absence de dépassement du délai raisonnable de la détention.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Le demandeur fait reproche à l'arrêt de ne pas avoir répondu à sa demande de poursuite de détention sous surveillance électronique.

Cette demande, formée à titre subsidiaire dans le dispositif des conclusions du demandeur, est libellée comme suit : « Au regard de la durée déraisonnable de la détention préventive, dire que le maintien de la détention se poursuivra sous surveillance électronique ».

En considérant, sur la base des motifs concrets examinés à la première branche du moyen que le délai raisonnable de la détention du demandeur n'est pas dépassé et que le risque de fuite et de soustraction du demandeur étaient patents, l'arrêt ne devait pas répondre à cette demande de détention sous surveillance électronique.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Françoise Roggen, Koenraad Moens et Ariane Jacquemin, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf août deux mille dix-huit par Paul Maffei, président, en présence de Jean Marie Genicot, avocat général, avec l'assistance de Véronique Kosynsky, greffier délégué.
V. Kosynsky A. Jacquemin K. Moens
F. Roggen F. Van Volsem P. Maffei


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0933.F
Date de la décision : 29/08/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-08-29;p.18.0933.f ?

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