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29/06/2018 | BELGIQUE | N°F.17.0074.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 juin 2018, F.17.0074.F


N° F.17.0074.F
GAMBLING MANAGEMENT, société anonyme, dont le siège social est établi à Seraing, route du Condroz, 13 D,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre

RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, a) poursuites et diligences du ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Énergie, dont le

cabinet est établi à Namur (Jambes), rue des Brigades d'Irlande, 4 B,
b) pou...

N° F.17.0074.F
GAMBLING MANAGEMENT, société anonyme, dont le siège social est établi à Seraing, route du Condroz, 13 D,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre

RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, a) poursuites et diligences du ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Énergie, dont le cabinet est établi à Namur (Jambes), rue des Brigades d'Irlande, 4 B,
b) poursuites et diligences du directeur du contentieux de la fiscalité immobilière et environnementale, dont les bureaux sont établis à Namur (Jambes), avenue du Gouverneur Bovesse, 29,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Didier Batselé a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

Aux termes de l'article 376, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, en vigueur avant sa modification par la loi-programme du 22 décembre 2008, le directeur des contributions ou le fonctionnaire délégué par lui accorde d'office le dégrèvement des surtaxes résultant d'erreurs matérielles, de doubles emplois, ainsi que de celles qui apparaîtraient à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l'allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs, à condition que : 1° ces surtaxes aient été constatées par l'administration ou signalées à celle-ci par le redevable ou par son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement, dans les trois ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi ; 2° la taxation n'ait pas déjà fait l'objet d'une réclamation ayant donné lieu à une décision définitive sur le fond.
Il ne suit pas de cette disposition que la demande de dégrèvement d'office doive, sous peine d'irrecevabilité, être adressée au directeur des contributions.
L'arrêt, qui, pour décider que la lettre du 2 novembre 2008 ne peut s'analyser comme une demande de dégrèvement d'office et, pour ce motif, déclarer l'action judiciaire irrecevable, considère que « c'est à l'autorité habilitée à statuer sur le recours administratif que [...] la demande de dégrèvement d'office doit être adressée », ne justifie pas légalement sa décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les dépens :

En vertu de l'article 82 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le gouvernement représente la région dans les actes judiciaires et extrajudiciaires. La région est citée au cabinet du président du gouvernement et les actions, en demandant ou en défendant, sont exercées au nom du gouvernement, poursuites et diligences du membre désigné par celui-ci.
Il y a lieu de délaisser à la demanderesse le coût de la signification de la requête au directeur du contentieux de la fiscalité immobilière et environnementale.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Délaisse à la demanderesse la moitié du coût de la signification de la requête ; réserve le surplus des dépens pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.
Les dépens taxés à la somme de six cent cinquante-six euros soixante-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin M.-Cl. Ernotte
M. Delange D. Batselé Chr. Storck


Requête
REQUÊTE EN CASSATION

POUR : La société anonyme GAMBLING MANAGEMENT, dont le siège social est établi route du Condroz, 13 D à 4100 Seraing et inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le n° 0859.984.677.
Demanderesse en cassation
Assistée et représentée par Me Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi boulevard de l'Empereur, 3 à 1000 Bruxelles, chez qui il est élu domicile.

CONTRE :

1) La REGION WALLONNE, représentée par son Gouvernement, poursuites et diligences du ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Energie, dont le cabinet est établi rue des Brigades d'Irlande, 4 B à 5100 Jambes, citée, conformément à l'article 82 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, au cabinet du Président du Gouvernement, situé rue Mazy, 25-27 à 5100 Jambes.
2) La REGION WALLONNE, représentée par son Gouvernement, poursuites et diligences de Monsieur le Directeur du contentieux de la fiscalité immobilière et environnementale (Direction générale opérationnelle fiscalité du Service Public Wallonie), dont les bureaux sont établis avenue Gouverneur Bovesse, 29 à 5100 Jambes.
Défenderesse en cassation

*

A Messieurs les Premier Président et Président, à Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation.
Messieurs, Mesdames,
La demanderesse a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt contradictoirement rendu entre les parties le 30 novembre 2016 par la cour d'appel de Liège (9e chambre - RG n° 2014/RG/1046).

LES FAITS ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE
En tant qu'ils intéressent le présent pourvoi, les faits et antécédents de la cause, tels qu'ils ressortent des constatations de l'arrêt entrepris et des pièces de la procédure, peuvent être résumés comme suit.
1. La demanderesse a déposé, le 1er septembre 2007, sa déclaration à la taxe sur les jeux et paris pour la période du 16 au 31 août 2007, mentionnant une base imposable de 480.994,63 euro , soit une taxe de 211.367,64 euro qui sera payée en deux versements des 23 août 2007 (122.850 euro ) et 19 septembre 2007 (88.787,64 euro ).
Cette base imposable déclarée comprenait un montant de 184.000 euro pour lequel Monsieur N.M. lui avait remis des chèques, qui s'avérèrent non provisionnés.
La demanderesse s'est constituée partie civile de ce chef contre Monsieur N. M. par acte du 24 janvier 2008.
Par ordonnance du 14 juin 2010, la chambre du conseil de Namur a ordonné l'internement de Monsieur N. M. et déclaré fondée, à concurrence de 1 euro , la constitution de partie civile de la demanderesse, réservant à statuer pour le surplus.
Compte tenu de l'insolvabilité de Monsieur N. M., le recouvrement des chèques non provisionnés s'est avéré impossible.
2. Par courrier du 2 novembre 2008, la demanderesse a informé de ces faits l'Administration fédérale de la Fiscalité des Entreprises et des Revenus (AFER), à l'époque compétente en matière de taxe sur les jeux et paris, plus précisément l'Inspection de recherche locale de Namur, en sollicitant « la restitution de la taxe dont [elle s'est acquittée], 44% de la recette de jeu de 184.000 euro , soit la somme de 80.960 euro » au motif qu'elle n'a « jamais perçu cette recette puisqu'il s'agit d'une créance irrécouvrable ».
Le même courrier a été envoyé à un autre agent du Service Public Fédéral Finances le 3 décembre 2008.
Par courrier du 9 février 2009, l'Inspection de recherche locale de Namur a accusé réception de la demande de la demanderesse et lui a demandé diverses pièces justificatives.
Celles-ci ont été transmises par la demanderesse par courrier du 20 février 2009.
3. Par courrier du 10 novembre 2011, la demanderesse a adressé une demande de remboursement de la taxe précitée à la Direction fédérale des Contributions directes de Liège.
La défenderesse avait entretemps repris le service de la taxe sur les jeux et paris avec effet au 1er janvier 2010, de sorte que la Direction des Contributions directes de Liège a, par courrier en réponse du 17 novembre 2011, informé la demanderesse du transfert de sa demande à la Direction générale opérationnelle de la Fiscalité du Service Public de Wallonie (Département Fiscalité Immobilière et Environnementale).
Cette dernière a accusé réception de la demande par courrier du 25 novembre 2011 puis, par décision du 22 mai 2012, a déclaré la demande de la demanderesse « irrecevable pour cause de forclusion ».
4. La demanderesse a introduit un recours contre la taxe devant le tribunal de première instance de Liège par requête du 9 août 2012.
Par jugement du 17 mars 2014, le tribunal a déclaré le recours irrecevable à défaut de recours administratif préalable recevable.
La demanderesse a relevé appel de cette décision.
Par l'arrêt entrepris, la cour d'appel de Liège « dit l'appel recevable mais non fondé » et « confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ».

LES DISPOSITIONS LEGALES APPLICABLES
La taxe sur les jeux et paris est un « impôt régional » au sens de l'article 3 de de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions (tel que modifié par la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant refinancement des Communautés et extension des compétences fiscales des Régions, entrée en vigueur le 1er janvier 2002).

L'article 5, § 3, de la loi spéciale prévoit que l'Etat cesse d'assurer le « service » des impôts régionaux « à partir de la deuxième année budgétaire suivant la date de notification du gouvernement de région au gouvernement fédéral de la décision d'assurer elle-même le service des impôts concernés ». L'article 5, § 4, de la loi spéciale prévoit que « les régions sont compétentes pour fixer les règles de procédure administratives concernant les impôts [régionaux] à compter de l'année budgétaire à partir de laquelle elles assurent le service des impôts » ; jusqu'à ce moment, cette compétence reste à l'Etat fédéral (cf. art. 4 a contrario).

La défenderesse a décidé d'assurer elle-même le service de la taxe sur les jeux et paris par son décret-programme du 18 décembre 2008 « en matière de fiscalité wallonne », dont l'article 13 exprime sa volonté de « reprendre le service des impôts régionaux visés par l'article 3, alinéa 1er, 1°, 2° et 3°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, à savoir la taxe sur les jeux et paris, la taxe sur les appareils automatiques de divertissement et la taxe d'ouverture de débits de boissons fermentées ».

Ainsi que le constate l'arrêt entrepris, il se déduit de la combinaison des dispositions précitées que « le service par l'Etat fédéral de la taxe sur les jeux et paris, dans le respect des règles de procédure qu'il fixe, se termine le 31 décembre 2009 et que celui de la [défenderesse] prend cours à partir du 1er janvier 2010 ».

Jusqu'au 31 décembre 2009, la procédure administrative en matière de taxe sur les jeux et paris , et notamment les recours administratifs en jeu dans la présente affaire, étaient régis par le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, qui renvoyait sur ce point aux dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992, soit, en qui concerne les recours administratifs, les articles 366 à 379 de ce code (voir les articles 1er, 2°, et 2, alinéa 1er, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus tel que rédigé avant sa modification par la loi du 23 décembre 2009).

En prévision de la reprise du service de la taxe sur les jeux et paris, au 1er janvier 2010, la défenderesse a, par un décret du 10 décembre 2009 « modifiant le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées, la loi du 13 juillet 1987 relative aux redevances radio et télévision et le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes » (ci-après, « le décret wallon du 10 décembre 2009 »), soumis la procédure administrative relative à la taxe sur les jeux et paris, y compris les recours administratifs, à son décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes. Le décret wallon du 10 décembre 2009 insère à ce effet, par son article 1er, un article 2ter dans le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus. Ce décret du 10 décembre 2009 dispose qu'il « entre en vigueur le 1er janvier 2010 » (art. 103, al. 1er, du décret).

Bref, jusqu'au 31 décembre 2009, les recours administratifs en matière de taxe sur les jeux et paris étaient régis par les articles 366 à 379 du CIR 92 ; depuis le 1er janvier 2010, ils sont régis par le décret wallon du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes.

LES MOYENS DE CASSATION
A l'appui de son pourvoi, la demanderesse invoque les moyens de cassation suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales dont la violation est invoquée
- Article 149 de la Constitution ;
- Article 376, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), tel qu'en vigueur avant sa modification par la loi-programme du 22 décembre 2008.
Pour autant que de besoin :
- Article 2 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, tel qu'applicable en Région wallonne, avant l'entrée en vigueur du décret wallon du 10 décembre 2009 précité ;
- Article 376, § 1er, du CIR 92 tel qu'en vigueur après sa modification par la loi-programme du 22 décembre 2008 et avant sa modification par la loi du 27 avril 2016 ;
- Article 376ter du CIR 92, tel qu'en vigueur avant sa modification par la loi du 27 avril 2016 ;
- Article 1385undecies, alinéa 1er, du Code judiciaire.


Décision et motifs critiqués
L'arrêt entrepris refuse de faire droit au moyen de la demanderesse fondé sur l'existence d'une demande de dégrèvement de la taxe sur les jeux et paris litigieuse déjà formulée par un courrier du 2 novembre 2008 adressé à l'administration fiscale et déclare par conséquent irrecevable, par confirmation du jugement a quo, le recours judiciaire introduit par la demanderesse contre la taxe sur les jeux et paris acquittée par elle pour la période du 16 au 31 août 2007 dans la mesure où cette taxe frappait un montant de base déclaré de 184.000 euro payé par des chèques qui s'étaient avérés sans provision et irrécouvrables par la demanderesse.
Cette décision se fonde sur les motifs figurant aux pages 4 et suivantes de l'arrêt entrepris, tenus ici pour reproduits, et notamment sur les motifs suivants :
(1) « le courrier adressé [par la demanderesse] à l'inspection de recherche locale de Namur le 2 novembre 2008, service dépourvu de compétence en matière de recours administratif, ne p[eut] s'analyser comme introduisant une réclamation ou une demande de dégrèvement d'office ; [...] c'est en effet à l'autorité habilitée à statuer sur le recours administratif que la réclamation ou la demande de dégrèvement d'office doit être adressée » (arrêt entrepris, p. 9).

(2) « en réalité, [la demanderesse] qui considère que la base imposable ne doit pas comprendre la recette correspondant au montant des chèques non encaissés, dispose de tous les éléments pour réclamer depuis sa tentative d'encaissement des chèques infructueuse dans les jours qui ont suivi la remise des chèques les 29, 30 et 31 août 2007 (...) et certainement à la date du dépôt de la plainte du 26 septembre 2007 auprès de la police de Namur » (arrêt entrepris, p. 9).

Griefs

Aux termes de l'article 1385undecies, alinéa 1er, du Code judiciaire, « contre l'administration fiscale, et dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er, 32° [à savoir les « contestations relatives à l'application d'une loi d'impôt »], l'action n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi ».

Le 2 novembre 2008, date à laquelle la demanderesse a, selon les constatations de l'arrêt entrepris, adressé un courrier à l'Inspection de recherche locale de Namur, les recours administratifs de réclamation et de demande de dégrèvement d'office en matière de taxes sur les jeux et paris étaient, pour ce qui concerne la Région wallonne, régis par les articles 366 à 379 du CIR 92, auxquels renvoyaient en effet les articles 1er, 2°, et 2, alinéa 1er, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus.

L'article 376ter du CIR 92, tel qu'introduit par la loi du 27 décembre 2004, dispose, dans la section « Recours administratifs » que « le directeur des contributions ou le fonctionnaire désigné par lui statue par décision motivée sur la demande [de dégrèvement d'office visée à l'article 376, § 1er] formulée par le redevable ou son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement » et que « sa décision est notifiée au redevable par pli recommandé à la poste » et « est irrévocable à défaut d'intentement d'une action auprès du tribunal de première instance, dans le délai fixé à l'article 1385undecies du Code judiciaire ».

L'article 376, § 1er, du CIR 92, avant sa modification par la loi-programme du 22 décembre 2008, dispose que « le directeur des contributions ou le fonctionnaire délégué par lui accorde d'office le dégrèvement des surtaxes résultant d'erreurs matérielles, de doubles emplois, ainsi que de celles qui apparaîtraient à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l'allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs » , sous les conditions que « ces surtaxes aient été constatées par l'administration ou signalées à celle-ci par le redevable ou par son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement, dans les trois ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi » et que « la taxation n'ait pas déjà fait l'objet d'une réclamation ayant donné lieu à une décision définitive sur le fond » (la demanderesse souligne - La loi-programme du 22 décembre 2008, applicable à partir du 29 décembre 2008, a modifié l'article 376, § 1er, pour porter ce délai de trois à cinq ans).

Première branche

La demanderesse faisait valoir en conclusions que son recours judiciaire contre la taxe litigieuse était recevable parce qu'il avait été précédé, si pas d'une réclamation recevable, à tout le moins d'une demande de dégrèvement d'office recevable formulée, le 2 novembre 2008, non seulement pour fait nouveau probant mais également pour erreur matérielle. La demanderesse soutenait à cet égard aux pages 11 et 12 de ses conclusions additionnelles et de synthèse d'appel :

« La [défenderesse] souligne encore qu'un dégrèvement ne serait pas possible à accorder, puisqu'il n'y aurait pas d'erreur matérielle et/ou de fait nouveau justifiant un tel dégrèvement (...).
Au contraire, [la demanderesse] est d'avis que l'on se trouve tant en présence d'une erreur matérielle que d'un fait nouveau.
Suivant les propres conclusions de la [défenderesse], (...) l'erreur matérielle est "une erreur de fait qui résulte d'une méprise sur l'existence d'éléments matériels en l'absence desquels l'imposition manque de base légale".
Or, in casu, il est évident que l'escroquerie dont a été victime [la demanderesse] entraine que les montants initialement déclarés n'ont finalement pas été effectivement encaissés par [la demanderesse], de sorte que l'imposition manque de base à concurrence du montant escroqué. Contrairement à ce que plaide la [défenderesse], l'importance du montant escroqué n'a pas d'influence déterminante : il pourrait même s'agir de plusieurs millions d'euros, qu'il n'en resterait pas moins que [la demanderesse] a été victime d'une escroquerie qui, en l'occurrence, était impossible à prévoir et à empêcher.
On rappellera que, selon notre Cour suprême, l'erreur matérielle est une erreur de fait qui résulte d'une méprise sur l'existence d'éléments matériels en l'absence desquels l'imposition manque de base légale (...). C'est exactement de cela qu'il s'agit ici : la perception des montants repris sur les chèques litigieux n'a pas été réalisée, contrairement à ce que les apparences pouvaient laisser penser légitimement à [la demanderesse].
La Cour de cassation a également décidé que "l'erreur matérielle en raison de laquelle le directeur des contributions peut accorder le dégrèvement de la surtaxe en dehors du délai de réclamation constitue une erreur matérielle qui résulte d'une incompréhension quant à l'existence d'éléments matériels à défaut desquels l'imposition n'a pas de fondement légal".
Cette condition est donc satisfaite en l'occurrence. »

- Premier rameau :
Par aucun de ses motifs, l'arrêt entrepris ne répond à ce moyen de la demanderesse déduit de l'introduction régulière d'une demande de dégrèvement pour erreur matérielle ; l'arrêt n'est, partant, par régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution),

- Second rameau :
L'article 376, § 1er, du CIR 92 ne subordonne pas la recevabilité d'une demande de dégrèvement d'office pour erreur matérielle à la démonstration que la production ou allégation tardive de cette erreur matérielle est justifiée par de justes motifs ; cette condition s'applique uniquement à la demande de dégrèvement d'office fondée sur les démonstration documents ou faits nouveaux probants.

A supposer que le motif de l'arrêt reproduit sous (2) constitue une réponse au moyen de la demanderesse déduit de l'introduction régulière d'une demande de dégrèvement pour erreur matérielle, alors l'arrêt entrepris viole, en se fondant sur ce motif pour rejeter ce moyen, l'article 376, § 1er, du CIR 92 tel qu'en vigueur avant sa modification par la loi-programme du 22 décembre 2008.

Seconde branche

Il ressort de l'article 376, § 1er, du CIR 92 que les surtaxes qui justifient la demande de dégrèvement d'office doivent être signalées par le redevable à l' « administration » et peuvent même être constatées par celle-ci d'office.

A défaut de précisions par le législateur quant au destinataire précis d'une telle demande, celle-ci peut valablement être adressée à tout fonctionnaire de l'administration compétente (voy. F. Stevenart Meeus (sous la dir.), Manuel de procédure fiscale, 2e éd., Limal, Anthémis, 2015, p. 483), sans préjudice du devoir de celui-ci, s'il ne s'estime pas compétent pour connaitre de la demande de dégrèvement, de la transférer au fonctionnaire compétent (sur cette obligation : circulaire n° Ci.RH.863/530.827 du 18 septembre 2000, n° 85).

L'arrêt constate que la demanderesse a adressé le courrier du 2 novembre 2008 à l'Inspection de recherche locale de Namur et ne dénie pas que, comme le défendeur le reconnaissait en conclusions, il s'agissait du Centre de Taxation (conclusion additionnelles et de synthèse de la défenderesse, page 15). Il ne dénie pas davantage que, comme la demanderesse le faisait valoir en conclusions, ce courrier formulait une demande de dégrèvement au sens de l'article 376, § 1er, du CIR 92 (conclusions additionnelles et de synthèse de la demanderesse, pages 9 et 10).

Partant, en décidant que ce courrier du 2 novembre 2008 ne peut « s'analyser comme introduisant une [...] demande de dégrèvement d'office » parce que « c'est en effet à l'autorité habilitée à statuer sur le recours administratif que [...] la demande de dégrèvement d'office doit être adressée », l'arrêt ajoute au texte de l'article 376, § 1er, du CIR 92 une condition que celui-ci ne contient pas, viole cette disposition légale et ne justifie pas légalement sa décision de déclarer irrecevable le recours de la demanderesse contre la taxe litigieuse (violation de l'article 376, § 1er, avant sa modification par la loi-programme du 22 décembre 2008 et, pour autant que de besoin, des autres dispositions légales visées en tête du moyen, à l'exception de l'article 149 de la Constitution).
SECOND MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales dont la violation est invoquée
- Articles 10, 11 et 172 de la Constitution ;
- Article 2 du Code civil ;
- Principe général de droit de non-rétroactivité de la loi ;
- Principe général du droit à la sécurité juridique ;

Décision et motifs critiqués
Rejetant le moyen de la demanderesse selon lequel le courrier du 10 novembre 2011 constitue une demande de dégrèvement d'office recevable pour avoir été introduite dans le délai de cinq ans visé à l'article 376, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), l'arrêt entrepris décide que « tant la réclamation que la demande de dégrèvement d'office introduites par le courrier (...) du 10 novembre 2011 réceptionné le 16 novembre 2011 sont tardives et irrecevables » et que « l'irrecevabilité des recours administratifs entraine l'irrecevabilité de l'action judiciaire » dirigée contre la taxe sur les jeux et paris relative à la période du 16 au 31 août 2007.
Cette décision se fonde sur les motifs figurant aux pages 4 et suivantes de l'arrêt entrepris, tenus ici pour reproduits, et notamment sur les motifs suivants :
« Que les règles de procédure s'appliquent en principe immédiatement (cf. article 3 du Code judiciaire) sans que le contribuable puisse se prévaloir d'un "droit acquis" au maintien de l'application des anciennes règles de procédure et qu'aucune disposition instaurant des règles transitoires particulières n'a été adoptée en l'espèce par la [défenderesse] ;
Qu'en vertu de l'application immédiate de la loi de procédure nouvelle, lorsque [la demanderesse] introduit le 16 novembre 2011 une réclamation à l'encontre de la taxe litigieuse, et subsidiairement, une demande de dégrèvement, les règles de procédure relatives aux recours administratifs applicables sont celles prévues par le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes, les règles de procédure de l'Etat fédéral ayant quant à elles cessé de s'appliquer à partir du 1er janvier 2010 avec le service de la taxe sur les jeux et paris ;
Que le moment où la taxe a été établie ne fixe pas de manière définitive les règles de procédure applicables comme le pose à tort [la demanderesse], celles-ci pouvant comme en l'espèce changer, sans cependant remettre en cause la validité des actes de la procédure réalisés conformément aux règles de procédure applicables lors de leur réalisation ;
Que [la demanderesse] invoque la violation du principe de sécurité juridique reconnu tant par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt "SA SIAT" (cf. CJUE, arrêt du 05.07.2012 - affaire C-318/10) que par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt "SERKOV" (cf. SERKOV c/UKRAINE, n° 397666/05) ;
Que l'on ne se trouve pas en l'espèce dans un litige présentant un rattachement à l'une des situations envisagées par les dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes, des services ou des capitaux ou portant sur l'application de mesures nationales par lesquelles l'Etat membre concerné mettrait en œuvre le droit de l'Union (...) et que c'est vainement que [la demanderesse] invoque en l'espèce la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Que par ailleurs, la jurisprudence de l'arrêt Serkov de la Cour européenne des droits de l'homme invoquée par [la demanderesse] ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ;
Que certes, la Cour européenne des droits de l'homme considère dans cet arrêt que l'imposition fiscale constitue en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 et que cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions et que si la privation de propriété doit être fondée sur une loi, il faut encore que cette dernière soit de qualité, à savoir être accessible aux personnes concernées, précise et prévisible dans son application ;
Qu'il ne s'agit cependant pas en l'espèce, d'un problème de clarté, de précision ou de prévisibilité d'une règle déterminée prévoyant une imposition ne satisfaisant pas aux exigences du principe de sécurité juridique mais de la prise en compte des conséquences d'un changement de règles de procédure parfaitement claires, précises et prévisibles édictées par des législateurs différents successivement compétents ;
Que c'est d'ailleurs à tort que [la demanderesse] prétend tirer de cet arrêt Serkov, une reconnaissance, de manière générale, de "la primauté du droit à la sécurité juridique par rapport au principe interne de légalité" découlant de l'article 1 du Procole additionnel n° 1 (...) ;
Que la reprise du service de la taxe sur les jeux et paris et la fin du service de cette taxe par l'Etat fédéral selon ses règles de procédure au 01 janvier 2010, n'a du reste pas pu en l'espèce légitimement surprendre [la demanderesse] puisqu'elles ont été annoncées plus d'un an auparavant par l'article 13 du Décret-programme en matière de fiscalité wallonne du 18 décembre 2008 publié au Moniteur belge du 30 décembre 2008 ;
Qu'en réalité, [la demanderesse] qui considère que la base imposable ne doit pas comprendre la recette correspondant au montant des chèques non encaissés, dispose de tous les éléments pour réclamer depuis sa tentative d'encaissement des chèques infructueuse dans les jours qui ont suivi la remise des chèques les 29, 30 et 31 août 2007 (...) et certainement à la date du dépôt de la plainte du 26 septembre 2007 auprès de la police de Namur (...) mais n'introduira un recours administratif que le 16 novembre 2011 [...] ;
Qu'en outre, il ne résulte pas d'une éventuelle méconnaissance des principes de bonne administration, qui n'a pas donné lieu pour le contribuable à une situation de force majeure, qu'une réclamation tardive ou demande de dégrèvement d'office tardives doivent être déclarés recevables (...) » (arrêt entrepris, pp. 7 à 9).

Griefs

1. De l'article 2ter du Code sur les taxes assimilées aux impôts sur le revenu, tel qu'inséré par le décret wallon du 10 décembre 2009 précité, il se déduit qu'à compter du 1er janvier 2010 la taxe sur les jeux et paris répond aux règles du décret de la Région wallonne du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes, et plus aux dispositions du CIR 92.

Parmi ces dispositions du CIR 92 dont l'application à la taxe sur les jeux et paris est exclue à compter du 1er janvier 2010 figure l'article 376, dont le § 1er, tel que modifié par la loi-programme du 22 décembre 2008, précise que la demande de dégrèvement d'office peut être admise que si les surtaxes litigieuses ont « été constatées par l'administration ou signalées à celle-ci par le redevable (...) dans les cinq ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi » (la demanderesse souligne).

L'article 27 du décret du 6 mai 1999, qui régit désormais la demande de dégrèvement d'office, dispose que celle-ci ne peut être admise que si les surtaxes litigieuses ont « été constatées par l'administration ou signalées par le redevable [...] dans les trois ans à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition auquel appartient l'impôt dont le dégrèvement est demandé, dans le cas des taxes perçues sans avoir été reprises dans un rôle » (la demanderesse souligne).

2. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la taxe sur les jeux et paris litigieuse était afférente à la période du 16 au 31 août 2007 et a été acquittée en août et septembre 2007.

Jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 décembre 2009, la demanderesse disposait donc, conformément à l'article 376, § 1er, du CIR 92, d'un délai jusqu'au 31 décembre 2011 pour valablement introduire sa demande de dégrèvement d'office.

Sous l'empire de l'article 27 du décret du 6 mai 1999, ce délai expire le 31 décembre 2009 (trois ans du 1er janvier de l'exercice d'imposition ; il ressort en effet des conclusions des parties et de l'article 60 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, applicable à cette taxe jusqu'au 31 décembre 2009, que cette taxe est de celles qui sont perçues sans avoir été reprises dans un rôle, et il ressort implicitement des articles 2 et 60 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, applicables à cette taxe jusqu'au 31 décembre 2009, et explicitement de l'article 19, alinéa 2, 1er tiret, du décret du 6 mai 1999, tel que modifié par le décret du 10 décembre 2009 et applicable à cette taxe à partir du 1er janvier 2010, que cette taxe est rattachée à l'exercice d'imposition dont le millésime désigne la période imposable).

3. L'article 103, alinéa 1er, du décret du 10 décembre 2009, dispose que le décret « entre en vigueur le 1er janvier 2010 » et le décret ne contient, quant au délai de demande de dégrèvement d'office, aucune disposition transitoire.

Ce dispositif d'entrée en vigueur a eu pour effet de ramener du jour au lendemain à zéro le délai ouvert à la demanderesse pour introduire sa demande dégrèvement d'office alors qu'elle disposait encore de plus de deux ans pour ce faire.

Il est vrai que la demanderesse a été avertie de la modification du délai par la publication du décret wallon du 10 décembre 2009 au Moniteur du 24 décembre 2009. Mais on constate en ce cas que le dispositif d'entrée en vigueur du décret, combiné avec la date de publication du décret au Moniteur, a eu pour effet de ramener à sept jours calendrier (du 24 décembre au 31 décembre 2009) le délai imparti à la demanderesse pour introduire sa demande dégrèvement d'office alors qu'elle disposait encore de plus de deux ans pour ce faire.

4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination déposées dans les articles 10 et 11 de la Constitution, et dont l'article 172 de la Constitution est une application particulière en matière fiscale, sont violées lorsqu'une différence de traitement est établie entre plusieurs catégories de personnes alors que les critères de différenciation employés ne sont pas susceptibles d'une justification objective et raisonnable.

Il se déduit de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qu'une telle justification objective et raisonnable fait défaut dans le cas où l'adoption d'une nouvelle politique législative s'effectue sans régime transitoire de sorte qu'il est porté une atteinte excessive, pour une catégorie déterminée de personnes, aux principes de confiance légitime et du droit à la sécurité juridique qui impliquent que le contenu du droit doit, en principe, être prévisible et accessible pour le citoyen.

5. En faisant entrer le décret du 10 décembre 1999 en vigueur le 1er janvier 2010 sans prévoir un régime transitoire, l'article 103 du décret wallon du 10 décembre 1999, combiné ou non à la date de publication du décret au Moniteur, viole les articles 10 et 11 et 172 de la Constitution en portant une atteinte excessive aux principes de confiance légitime et du droit à la sécurité juridique au préjudice de la catégorie des contribuables, dont fait partie la demanderesse, pour lesquels l'entrée en vigueur du décret a eu pour effet de ramener à zéro, ou à sept jours calendriers si l'on tient compte de l'avertissement qu'implique la publication du décret au Moniteur du 24 décembre 2009, le délai d'un an ou de deux ans qui leur restait pour introduire leur demande de dégrèvement d'office ; il s'agit, en pratique, des contribuables pour lesquels la taxe avait été établie en 2006 ou en 2007 (cas de la demanderesse), et qui sous l'empire de l'article 376, § 1er, du CIR 92 disposaient donc d'un délai jusqu'au 31 décembre 2011 ou 31 décembre 2012, ramené au 31 décembre 2009 par l'entrée en vigueur du décret.

Pour les autres catégories de contribuables, en effet, soit le délai dont ils disposaient expirait déjà le 31 décembre 2009 (cas des taxes établies en 2005) soit l'entrée en vigueur du décret a eu pour effet de ramener le délai restant à au moins un an (cas des taxes établies en 2008 et 2009), de sorte qu'une telle atteinte ne se constate pas à leur encontre.

6. L'arrêt entrepris, qui, après avoir constaté qu'« aucune disposition instaurant des règles transitoires particulières n'a été adoptée en l'espèce par [la défenderesse] », décide que « lorsque [la demanderesse] introduit le 16 novembre 2011 une réclamation à l'encontre de la taxe litigieuse et, subsidiairement, une demande de dégrèvement, les règles de procédure relatives aux recours administratifs applicables sont celles prévues par le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes », légitime la différence de traitement créée sans justification raisonnable par le décret wallon du 10 décembre 2009 précité et n'est, partant, pas légalement justifié (violation des articles 10, 11 et pour autant que de besoin 172 de la Constitution).

Développements
Par son arrêt n° 63/2013 du 8 mai 2013, la Cour constitutionnelle a décidé que les articles 10 et 11 sont violés si, en cas de changement de politique législative, l'absence d'un régime transitoire « entraîne une différence de traitement non susceptible de justification raisonnable ou s'il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime », ce qui est le cas notamment lorsqu'« il est porté atteinte aux attentes légitimes d'une catégorie déterminée de justiciables sans qu'un motif impérieux d'intérêt général puisse justifier l'absence d'un régime transitoire établi à leur profit ». Selon la Cour, cela est particulièrement vrai « en matière fiscale ».
Commentant cette décision, la doctrine enseigne que « le législateur, lorsqu'il modifie une disposition fiscale, doit respecter la confiance légitime que cette disposition, avant sa modification, a fait naître dans le chef des contribuables qui pouvaient légitimement compter sur l'application à leur situation personnelle de cette disposition » et qu'il « ne peut en être autrement que s'il existe un motif impérieux d'intérêt général qui peut justifier le sacrifice des attentes légitimes d'une catégorie de citoyens » (voy. M. Moris et F. Belleflamme, « Les principes de bonne administration en droit administratif et en droit fiscal - L'histoire d'une émancipation », Actualités des principes généraux en droit administratif, social et fiscal, Limal, Anthémis, 2015, pp. 191 et 192).
L'examen du moyen implique que votre haute juridiction pose à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle, qui pourrait être rédigée comme le point 5 grief ci-dessus.

PAR CES MOYENS ET CES CONSIDÉRATIONS,
L'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour la demanderesse, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt entrepris ; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel ; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée ; dépens comme de droit.

Déclaration pro fisco (droit de mise au rôle) : la valeur de la demande n'excède pas 250.000 euros et la cause est par conséquent exemptée du droit de mise au rôle par application de l'article 269/1, alinéa 7, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, tel que modifié par la loi du 28 avril 2015.

Bruxelles, le 20 juin 2017

Daniel Garabedian


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.17.0074.F
Date de la décision : 29/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-29;f.17.0074.f ?

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