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26/06/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0603.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 juin 2018, P.18.0603.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0603.N
K. R.,
étranger, détenu,
demandeur en cassation,
Me Pieterjan Van Muysen, avocat au barreau de Gand,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, chargé de la Simplification administrative,
partie en intervention d'office,
défendeur en cassation,
Me Thomas Schreurs, avocat au barreau de Bruxelles.





I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'a

ppel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0603.N
K. R.,
étranger, détenu,
demandeur en cassation,
Me Pieterjan Van Muysen, avocat au barreau de Gand,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, chargé de la Simplification administrative,
partie en intervention d'office,
défendeur en cassation,
Me Thomas Schreurs, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la recevabilité du mémoire en réponse :

1. L'article 429, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle dispose que le défendeur en cassation ne peut indiquer sa réponse que dans un mémoire signé par un avocat et remis au greffe de la Cour, au plus tard huit jours avant l'audience.

2. Le mémoire en réponse a été déposé le vendredi 22 juin 2018, à savoir au-delà du délai de huit jours au moins avant l'audience du mardi 26 juin 2018, comme le prévoit l'article 429, alinéa 3 du Code d'instruction criminelle.

Le mémoire en réponse est tardif et, par conséquent, irrecevable.

Sur le moyen pris dans son ensemble :

3. Le moyen, en sa première branche, invoque la violation des articles 5, 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 72, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers : l'arrêt décide que la prolongation de la détention du demandeur n'est pas tardive ; il considère, à tort, que les dispositions légales relatives à la détention préventive concernent uniquement l'examen des recours auprès du pouvoir judiciaire qui y sont prévus et que ces dispositions n'empêchent pas que le défendeur puisse faire débuter la détention administrative à une date postérieure à celle de la décision de maintien ; la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive devait toutefois bel et bien être appliquée en l'espèce ; cette loi ne prévoit pas de possibilité de maintenir la détention préventive à une date postérieure à celle de la décision ; ainsi, l'arrêt viole les dispositions de la loi du 20 juillet 1990 ; de plus, il n'existe aucune procédure légale permettant de faire débuter l'exécution de la décision de maintien à une date postérieure à celle où elle est rendue.

Le moyen, en sa seconde branche, invoque la violation des articles 5, 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7, alinéa 5, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers : l'arrêt décide que la période de deux mois pour la prolongation de la détention débute au moment où la détention administrative prend effet et non au moment de la signification de la décision d'écrou ; aucune des dispositions susmentionnées ne permet que cette période débute au moment où la détention administrative prend effet et non au moment préalable de la signification de la décision de maintien.

4. L'article 60, alinéa 4, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté prévoit que, lorsque le tribunal de l'application des peines octroie la mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire d'un condamné qui fait l'objet d'un arrêté royal d'expulsion exécutoire, d'un arrêté ministériel de renvoi exécutoire ou d'un ordre de quitter le territoire exécutoire avec preuve d'éloignement effectif, ce jugement devient exécutoire au moment de l'éloignement effectif du condamné ou de son transfert vers un lieu qui relève de la compétence du ministre compétent pour l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement d'étrangers, et ce, au plus tard vingt jours après que la décision d'octroi a été coulée en force de chose jugée.

Aux termes de l'article 74/8, § 1er, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, les étrangers qui sont détenus dans un établissement pénitentiaire et qui font l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire sont, après avoir satisfait aux peines imposées par les cours et tribunaux, immédiatement éloignés ou transférés vers un lieu relevant de la compétence du ministre en vue de leur éloignement effectif. En vertu de l'alinéa 4 dudit paragraphe, ils peuvent être maintenus en détention pour un maximum de sept jours en vue de leur éloignement effectif ou de leur transfert.

L'article 7, alinéa 5, de la loi du 15 décembre 1980 prévoit que le ministre ou son délégué peut prolonger la détention par période de deux mois, sous les conditions établies à ladite disposition.

5. Ces dispositions instaurent un régime procédural propre à la loi du 17 mai 2006 et à la loi du 15 décembre 1980. La loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive ne lui est pas applicable.

6. L'article 5, § 1er, a et f, de la Convention autorise notamment la privation de liberté de la personne détenue régulièrement après condamnation par un tribunal compétent et contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours. Ces dispositions ne constituent pas un obstacle au régime procédural susmentionné.

7. Il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées de la loi du 17 mai 2006 et de la loi du 15 décembre 1980 que, lorsque la décision ordonnant la privation de liberté administrative découle d'un jugement par lequel le tribunal de l'application des peines octroie la mise en liberté provisoire d'un condamné en vue de son éloignement du territoire, cette décision peut effectivement prendre effet à une date postérieure à celle de la décision même, à savoir à la date à laquelle la décision devient exécutoire, soit au moment et dans la période fixée à l'article 60, alinéa 4, de la loi du 17 mai 2006. En pareille occurrence, le délai de deux mois pour la prolongation de la détention, fixé à l'article 7, alinéa 5, de la loi du 15 décembre 1980 prend également cours au moment où la décision administrative de privation de liberté devient exécutoire.

8. Dans la mesure où, en ses deux branches, il est déduit d'autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.

9. Il ressort des motifs de l'arrêt et de ceux de la lettre émanant de l'Office des étrangers du 8 mai 2018, qu'il adopte, que
- par jugement du 7 février 2018, le tribunal de l'application des peines a octroyé au demandeur la mise en liberté provisoire en vue de son éloignement du territoire ;
- le 14 février 2018, le demandeur a fait l'objet d'un ordre de quitter le territoire avec mise en détention en vue de son éloignement, avec pour mention que la détention administrative prend cours le 28 février 2018 ;
- cet ordre a été signifié au demandeur le 15 février 2018 ;
- le 1er mars 2018 et le 22 mars 2018, les rapatriements prévus ont dû être annulés parce que les documents de voyage nécessaires n'avaient pas été obtenus ;
- le 27 avril 2018, le demandeur s'est vu signifier une décision de prolongation de sa détention, à savoir la décision attaquée ;
- le jugement du 7 février 2018 susmentionné était exécutoire jusqu'au 5 mars 2018, à savoir vingt jours après avoir été coulé en force de chose jugée.

10. Par ailleurs, l'arrêt décide que le délai précité de deux mois prend cours au moment de la mise en détention administrative effective le 28 février 2018 et non au moment de la signification le 15 février 2018 de la décision d'écrou, de sorte que la décision de prolongation de la détention rendue le 27 avril 2018 a été prise dans les deux mois de la détention et que les dispositions de la loi du 20 juillet 1990 n'y font pas obstacle. Ainsi, l'arrêt justifie légalement la décision.

Dans cette mesure, le moyen, en ses deux branches, ne peut être accueilli.

Sur le second moyen :

11. Le moyen invoque la violation de l'article 60, alinéa 4, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté : l'arrêt omet de constater qu'au moment de la décision administrative de privation de liberté rendue le 14 février 2018, le jugement rendu le 7 février 2018 par le tribunal de l'application des peines était déjà passé en force de chose jugée, à savoir le 13 février 2018 ; l'exécution postposée du jugement du tribunal de l'application des peines fondée sur l'article 60, alinéa 4, de la loi du 17 mai 2006 requiert que l'ordre de quitter le territoire exécutoire ait été émis avant que le jugement du tribunal de l'application des peines n'ait acquis force de chose jugée ; par conséquent, l'arrêt décide, à tort, que le demandeur n'a fait l'objet d'une mise en détention administrative qu'à compter du 28 février 2018 et que la prolongation de la détention pour une période de deux mois est valablement intervenue le 27 avril 2018.

12. L'article 60, alinéa 4, de la loi du 17 mai 2006 ne requiert pas que l'ordre de quitter le territoire avec mise en détention en vue de l'éloignement soit décerné avant que le jugement du tribunal de l'application des peines octroyant la mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ait acquis force de chose jugée.

Le moyen qui est déduit d'une autre prémisse juridique, manque en droit.

Le contrôle d'office

13. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six juin deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0603.N
Date de la décision : 26/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-26;p.18.0603.n ?

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