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18/06/2018 | BELGIQUE | N°S.15.0123.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 juin 2018, S.15.0123.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.15.0123.N
A. L.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

MAKRO CASH & CARRY BELGIUM, s.a.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 11 mai 2015 par la cour du travail d'Anvers, division d'Anvers.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen li

bellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution coordonnée ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.15.0123.N
A. L.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

MAKRO CASH & CARRY BELGIUM, s.a.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 11 mai 2015 par la cour du travail d'Anvers, division d'Anvers.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution coordonnée le 17 février 1994 ;
- articles 3, 1134, alinéa 1er, et 1135 du Code civil (article 3 tant dans la version antérieure que dans la version postérieure à son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé) ;
- articles 98, § 1er, 139, 1°, et 140 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé ;
- articles 3, 6, 7, 8, 9, 10, 17 et 29 de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, signée à Rome le 19 juin 1980, ratifiée par la loi du 14 juillet 1987, dans la version applicable avant l'abrogation de la Convention par l'article 24 du règlement (CE) n° 593/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
- articles 3 et 17 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ;
- articles 2, 3, § 1er, alinéa unique, 15°, 32bis, alinéa 1er, 32septies, § 1er, et 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail (articles 32bis, alinéa 1er, 32septies, § 1er, et 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, dans la version applicable avant leur modification par la loi du 28 février 2014 complétant la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail quant à la prévention des risques psychosociaux au travail dont, notamment, la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail).

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt dit partiellement fondé l'appel incident de la demanderesse et condamne la défenderesse à payer les montants énumérés dans l'arrêt attaqué, mais dit infondées les autres demandes formées par la demanderesse et considère plus particulièrement que la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame sur la base de l'article 32tredecies, § 4, de la loi du 4 août 1996.
Il fonde cette décision sur les motifs suivants (p. 17-20 de l'arrêt) :
« [La demanderesse] invoque l'article 32tredecies de la loi du 4 août 1996, qui prévoit que l'employeur ne peut mettre fin au contrat de travail du travailleur qui a déposé une plainte motivée, sauf pour des motifs étrangers à cette plainte.
Le 24 février 2010, [la demanderesse] a déposé, auprès du conseiller en prévention de [la défenderesse], une plainte pour harcèlement moral au travail.
Le 15 mars 2010, [la défenderesse] a mis fin au contrat de travail de manière unilatérale et sans invoquer de motif grave.
Le 24 mars 2010, [la demanderesse] a demandé sa réintégration, que [la défenderesse] a refusée le 13 avril 2010.
[La défenderesse] soutient que la loi du 4 août 1996 n'est pas applicable en raison de sa limitation territoriale à la Belgique.
L'arrêt énonce les considérations suivantes à cet égard.
Selon l'article 22 du contrat de détachement international, les parties ont convenu, conformément à l'article 3 de la Convention, de soumettre le contrat au droit belge.
La Convention prévoit un régime de droit international privé spécifique aux contrats de travail.
(...)
Le choix de la loi par les parties en constitue un élément clé et doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat.
En l'espèce, les parties ont expressément opté dans le contrat pour l'application du droit belge.
Les articles 8 à 10 de la Convention précisent que la loi qui régit le contrat de travail par le choix de la loi applicable ou par un rattachement objectif règle les aspects suivants :
- les formalités, l'interprétation du contrat ;
- son exécution, son objet et ses modalités d'exécution, les mesures qu'un créancier peut éventuellement invoquer pour imposer l'exécution des prestations, le juge pouvant également tenir compte à cet égard de la loi du pays où les obligations qu'il engendre sont exécutées ;
- les conséquences de l'inexécution totale ou partielle de ces obligations, y compris, le cas échéant, les règles juridiques régissant l'évaluation du dommage, dans la mesure où elles sont compatibles avec la loi de procédure à appliquer par le juge ;
- les modes d'extinction du contrat, la prescription et les délais de déchéance ;
- les conséquences de la nullité du contrat ;
- l'établissement de présomptions légales ou les règles de répartition de la charge de la preuve ;
- l'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci.
Les premiers juges ont affirmé à raison que l'application de la loi retenue se limite au contrat de travail proprement dit.
Quoi qu'il en soit, la validité de la loi contractuelle connaît des limites.
Des restrictions sont déjà ainsi apportées aux articles 6 et 7 de la Convention.
Ainsi, selon l'article 6, § 2, de la Convention, le contrat de travail est, nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur si celui-ci n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
L'article 3, alinéa 1er (aujourd'hui abrogé), du Code civil disposait que les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire belge.
La jurisprudence belge qualifie de ‘lois de police et de sûreté' du droit belge du travail les règles de droit impératif qui protègent le travailleur, à savoir la partie la plus faible sur le plan social.
S'agissant du champ d'application territorial des lois de police prévues dans le droit du travail, la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 4 décembre 1989, que celles-ci s'appliquent uniquement aux travailleurs qui accomplissent habituellement leur travail en Belgique.
Selon la doctrine majoritaire, il y a lieu d'interpréter cet arrêt en ce sens qu'une occupation en Belgique doit déjà présenter une certaine durée ou une certaine constance avant de pouvoir relever de l'application des lois de police prévues dans le droit belge du travail.
Dès lors, un lien suffisamment étroit avec la Belgique doit exister, comme le prévoit le champ d'application spatial ordinaire des lois de police protectrices (...).
Dans un arrêt du 27 mars 2006 portant sur les lois de police et de sûreté prévues dans les lois belges relevant du droit du travail, la Cour de cassation confirme tant la vaste interprétation matérielle de cette notion que son champ d'application spatial.
[Votre] Cour y énonce les considérations suivantes : « En matière de contrats de travail, les dispositions légales qui organisent la protection des travailleurs et qui ont un caractère impératif sont des lois de police et de sûreté ; elles obligent les employeurs pour les travailleurs qu'ils occupent habituellement en Belgique. »
Ce faisant, la Cour de cassation applique pleinement le concept des lois de police protectrices : il s'agit de toutes les dispositions impératives du droit du travail qui protègent les intérêts des travailleurs, à savoir la partie la plus faible sur le plan socio-économique, mais pour que ces dispositions s'appliquent à une relation de travail déterminée, il est requis que celle-ci présente un lien suffisamment étroit avec la Belgique sous la forme d'une occupation en Belgique caractérisée par une certaine durée ou une certaine constance.
En droit du travail, c'est donc le lieu d'exécution du travail et pas nécessairement le droit régissant le contrat qui constitue le point de rattachement pour l'application des lois de police (...).
[La demanderesse] fonde sa demande sur la loi belge, plus particulièrement sur la section 3 du chapitre Vbis de la loi du 4 août 1996, telle qu'elle s'appliquait à l'époque du dépôt de la plainte et du licenciement.
En matière de contrats de travail, les dispositions légales qui organisent la protection des travailleurs et qui ont un caractère impératif sont des lois de police et de sûreté.
Les premiers juges ont considéré à raison que les dispositions de la loi du 4 août 1996 sont des règles de protection en faveur du travailleur, en d'autres termes, des dispositions d'une loi de police et de sûreté.
[La demanderesse] a déposé en Belgique, auprès du conseiller en prévention, une plainte formelle pour harcèlement moral au travail en Espagne.
En l'espèce, la cour du travail constate que, depuis le 3 mai 2006 (donc avant même d'être embauchée par [la défenderesse]), [la demanderesse] était domiciliée en Espagne et y accomplissait habituellement son travail.
À l'époque de son recrutement par [la défenderesse], elle n'était pas occupée en Belgique, mais en Espagne.
En réalité, elle n'a quasiment pas fourni de prestations de travail en Belgique.
La circonstance qu'elle aurait accompli des prestations dans divers autres pays ne change rien au fait qu'il n'existe pas de lien suffisamment étroit avec la Belgique.
La cour du travail estime que ces éléments ne suffisent pas pour admettre l'existence d'un lien suffisamment étroit avec la Belgique, caractérisé par une certaine durée et une certaine constance, pour que la loi belge du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail trouve à s'appliquer en tant que loi de police et de sûreté. »

Griefs

Première branche

Conformément à l'article 3 de la Convention, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. L'article 3 ne soumet le choix de la loi à aucune condition, ne limite pas le choix de la loi applicable au contrat de travail au droit des contrats de travail du pays concerné et n'interdit pas d'opter pour les dispositions légales impératives d'un pays.
Aux termes de l'article 10 de la Convention, la loi applicable au contrat en vertu de l'article 3 de la Convention régit notamment : son interprétation, l'exécution des obligations qu'il engendre, les conséquences, dans les limites des pouvoirs attribués au tribunal par sa loi de procédure, de l'inexécution totale ou partielle de ces obligations, y compris l'évaluation du dommage dans la mesure où des règles de droit la gouvernent, les divers modes d'extinction des obligations, ainsi que les prescriptions et déchéances fondées sur l'expiration d'un délai et les conséquences de la nullité du contrat.
Pas plus que l'article 3, l'article 10 de la Convention ne prévoit que le choix de la loi applicable, en ce qui concerne l'exécution du contrat de travail, se limite au droit des contrats de travail de l'État membre concerné et que ce choix ne s'étend pas aux prescriptions impératives de la loi de ce pays. L'article 10 de la Convention s'étend, au contraire, dans la même mesure aux dispositions impératives de la loi du pays désigné conformément à l'article 6 de la Convention. Il s'ensuit que la législation applicable désignée par les parties ou en application de l'article 6 de la Convention porte également sur les dispositions légales impératives ayant trait, entre autres, à l'exécution des contrats de travail.
L'article 1134, alinéa 1er, du Code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Conformément à l'article 1135 du Code civil, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.
L'article 17 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail précise que l'employeur doit respect et égards au travailleur. Il résulte de la lecture conjointe de cette disposition et des dispositions de la loi du 4 août 1996 que l'employeur et ses membres du personnel doivent s'abstenir de harceler moralement le travailleur dans l'exécution de leur obligation d'occuper le travailleur, que l'employeur informé de faits de harcèlement moral est tenu d'adopter des mesures appropriées et ne peut mettre fin à la relation de travail établie avec le travailleur à la suite de cette notification ou d'une plainte pour harcèlement moral (articles 32bis, 32septies et 32tredecies de la loi du 4 août 1996). Tant l'article 17 de la loi du 3 juillet 1978 que les articles 32bis, 32septies et 32tredecies de la loi du 4 août 1996 portent sur l'exécution du contrat.
Dans ses conclusions d'appel (p. 31-40 de ses conclusions de synthèse et p. 2-6 de sa réplique à l'avis du ministère public), la demanderesse faisait valoir que les parties ont choisi de manière expresse l'application de la loi belge dans leur contrat de détachement, que l'obligation de l'employeur de faire travailler le travailleur dans des conditions décentes est couverte par ce choix et qu'en l'espèce, le choix de la loi par les parties porte donc aussi sur l'applicabilité de la loi du 4 août 1996.
L'arrêt considère que le choix de la loi constitue un élément clé des règles de renvoi particulières que la Convention prévoit pour les contrats individuels de travail et constate que les parties ont expressément opté pour l'application de la loi belge dans leur contrat mais décide, après avoir rappelé le contenu des articles 8 à 10 de la Convention, que les premiers juges ont indiqué à raison que l'application de la loi choisie se limite au contrat de travail proprement dit (p. 17-18 de l'arrêt).
Dans la mesure où il y a lieu de lire l'arrêt en ce sens que les juges d'appel ont décidé que le choix de la loi ne s'étend pas aux dispositions impératives du droit belge du travail ou aux dispositions du droit du travail qui ne figurent pas dans la loi du 3 juillet 1978, mais dans d'autres lois belges régissant les obligations des parties à un contrat de travail, l'arrêt viole les articles 3 et 8 à 10 de la Convention, ainsi qu'il est précisé au moyen en son préambule.
Dans la mesure où il y a lieu de lire l'arrêt en ce sens que les juges d'appel ont estimé que les obligations de l'employeur de s'abstenir d'actes de harcèlement moral, de prendre des mesures appropriées en cas de harcèlement moral et de ne pas licencier le travailleur en raison d'une plainte pour harcèlement moral ne s'inscrivent pas dans l'exécution du contrat de travail et, en particulier, dans l'exécution des obligations qu'il engendre, telle que visée à l'article 10 de la Convention, ces juges ont violé les articles 10 de la Convention, précisé au moyen, 17 de la loi du 3 juillet 1978, et 32bis, 32septies et 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 4 août 1996, précisés au moyen.
En décidant par ces motifs que l'application de la loi choisie par les parties se limite au contrat de travail proprement dit, les juges d'appel ont méconnu la force obligatoire du contrat de détachement international conclu le 10 octobre 2007 (violation des articles 1134, alinéa 1er, et 1135 du Code civil et 3 de la loi du 3 juillet 1978) et n'ont pas légalement justifié leur décision selon laquelle la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame (violation de l'article 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 4 août 1996, précisé au moyen).

Deuxième branche

L'article 6, alinéa 1er, de la Convention, dans la version applicable au litige, prévoyait que, nonobstant les dispositions de l'article 3 de la Convention, le choix de la loi opéré par les parties dans le contrat de travail ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 de cet article. Par conséquent, cette disposition conventionnelle n'ôte pas aux parties le droit d'opter pour les dispositions impératives de la loi d'un autre pays, pour autant que ce choix ne prive pas le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi applicable, à défaut de choix.
L'article 7, alinéa 1er, de la Convention, dans la version applicable au litige, énonçait que, lors de l'application, en vertu de cette Convention, de la loi d'un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d'un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables, quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il est tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application. Cette disposition conventionnelle ne prive pas davantage les parties du droit d'opter pour les dispositions impératives de la loi d'un pays, étant entendu qu'effet peut être donné aux dispositions impératives de la loi d'un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit.
Conformément au paragraphe 2 de son article 7, la Convention ne porte pas atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable au contrat. En l'espèce, la cour du travail n'a pas appliqué la disposition conventionnelle en question.
Dans ses conclusions d'appel (p. 31-40 de ses conclusions de synthèse et p. 2-6 de sa réplique à l'avis du ministère public), la demanderesse soutenait que, dans leur contrat de détachement, les parties ont expressément choisi l'application de la loi belge.
L'arrêt considère que le choix de la loi constitue un élément clé des règles de renvoi particulières que la Convention prévoit pour les contrats individuels de travail et constate que les parties ont expressément opté pour l'application de la loi belge dans leur contrat (p. 17), mais décide que les premiers juges ont indiqué à raison que l'application de la loi choisie se limite au contrat de travail proprement dit, estimant que la validité de la loi contractuelle connaît, quoi qu'il en soit, des limites et que des restrictions sont déjà apportées aux articles 6 et 7.
Ainsi que l'expose la demanderesse relativement au moyen, en sa première branche, l'article 3 de la Convention ne pose aucune limite à la validité de la loi contractuelle.
Il suit des dispositions conventionnelles rappelées ci-dessus que, dans le présent litige, les parties avaient le droit de choisir les dispositions impératives de la loi belge en matière de contrats de travail, tant que la demanderesse n'était pas privée de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, et qu'il n'y a pas lieu de donner effet aux dispositions impératives de la loi d'un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit.
L'arrêt ne vérifie pas et ne constate donc pas davantage que le choix de l'application de la loi belge en matière de bien-être au travail aurait privé la demanderesse de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi d'un autre pays et, ce faisant, elle ne met pas votre Cour en mesure d'exercer son contrôle légal (violation de l'article 149 de la Constitution).
En décidant, au motif que la validité de la loi contractuelle connaît, quoi qu'il en soit, des limites et que des restrictions sont déjà apportées aux articles 6 et 7, que la demanderesse ne peut se prévaloir de la loi belge en matière de bien-être au travail sans constater que le choix d'appliquer cette loi aurait privé la demanderesse de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi d'un autre pays, l'arrêt viole, en outre, les articles 3, 6, 7 et 10 de la Convention, ainsi que l'énonce le moyen. Par conséquent, l'arrêt ne décide pas davantage légalement que l'application de la loi choisie par les parties se limite au contrat de travail proprement dit et méconnaît la force obligatoire du contrat de détachement international conclu le 10 octobre 2007 (violation des articles 1134, alinéa 1er, et 1135 du Code civil et 3 de la loi du 3 juillet 1978). Par ces motifs, il ne décide pas non plus légalement que la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame (violation de l'article 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 8 août 1996 précisé au moyen).

Troisième branche

Le contrat de travail est, nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur si celui-ci n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable (article 6, § 2, de la Convention).
Ainsi que l'expose la demanderesse relativement au moyen, en sa première branche, l'article 3 de la Convention ne pose aucune limite à la validité de la loi contractuelle.
L'arrêt rappelle la teneur de l'article 6, alinéa 2, de la Convention (p. 18). Il résulte des termes de cette disposition conventionnelle qu'elle ne s'applique qu'à défaut de choix de la loi applicable conformément à l'article 3 de la Convention. De surcroît, l'arrêt constate que les parties ont expressément opté dans leur contrat pour l'application du droit belge (p. 17).
Dans la mesure où il convient de lire l'arrêt en ce sens qu'il décide, en application de l'article 6, alinéa 2, de la Convention que la demanderesse ne peut se prévaloir de la loi belge en matière de bien-être au travail, il viole cette disposition conventionnelle précisée au moyen en son préambule.
Par conséquent, l'arrêt ne décide pas davantage légalement que l'application de la loi choisie par les parties se limite au contrat de travail proprement dit et méconnaît la force obligatoire du contrat de détachement international conclu entre les parties le 10 octobre 2007 (violation des articles 1134, alinéa 1er, et 1135 du Code civil et 3 de la loi du 3 juillet 1978). Par ces motifs, ils ne décident pas non plus légalement que la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame (violation de l'article 32tredecies, §§ 1, 3 et 4, de la loi du 8 août 1996 précisé au moyen).

Quatrième branche

Dans la mesure où il y a lieu de lire l'arrêt en ce sens qu'il fonde sa décision sur la considération qu'il résulte de l'article 3 du Code civil que la demanderesse ne peut invoquer l'application de la loi belge en matière de bien-être au travail, il ne tient pas compte du fait que cette disposition légale a été abrogée à effet du 1er octobre 2004, donc avant la conclusion du contrat de détachement international entre les parties, par l'article 139, 1°, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé et applique une disposition légale qui n'est pas applicable au présent litige (violation des articles 3 du Code civil et 139, 1°, et 140 du Code de droit international privé).
Par conséquent, l'arrêt ne décide pas davantage légalement que l'application de la loi choisie par les parties se limite au contrat de travail proprement dit et méconnaît la force obligatoire du contrat de détachement international conclu entre les parties le 10 octobre 2007 (violation des articles 1134, alinéa 1er, et 1135 du Code civil et 3 de la loi du 3 juillet 1978). Par ces motifs, il ne décide pas non plus légalement que la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame (violation de l'article 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 8 août 1996 précisé au moyen).

Cinquième branche

L'article 6, § 2, de la Convention, dans la version applicable au litige, disposait que le contrat de travail est, nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, régi : a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou b) par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur si celui-ci n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
Il suit de ces dispositions conventionnelles qu'à défaut de choix de la loi applicable, la loi belge s'appliquerait en l'espèce, dans le cas où la demanderesse accomplit habituellement son travail en Belgique ou n'accomplit pas habituellement son travail dans un seul et même pays, dès lors que l'établissement de la défenderesse qui l'a embauchée se trouve en Belgique.
Dans ses conclusions d'appel (p. 2-6 de sa réplique à l'avis du ministère public), la demanderesse faisait valoir que le ministère public a conclu, à tort, dans son avis que la demanderesse travaillait en Espagne, qu'elle occupait, au contraire, une fonction de dimension internationale et déployait ses activités dans l'ensemble de la région formée par l'Europe occidentale, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient et que, par conséquent, il y a lieu d'appliquer la loi du lieu d'établissement de la défenderesse, en l'occurrence la Belgique.
L'arrêt considère néanmoins que, depuis le 3 mai 2006, la demanderesse était domiciliée en Espagne et y accomplissait habituellement son travail avant même d'être embauchée par la défenderesse, qu'elle n'a quasiment pas fourni de prestations en Belgique et que le fait qu'elle aurait fourni des prestations dans divers autres pays ne change rien à l'inexistence d'un lien suffisamment étroit avec la Belgique. Bien que, à défaut de choix, la loi du pays où se trouve l'établissement ayant embauché le travailleur doive être appliquée, lorsque ce dernier n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l'arrêt décide, par ces motifs, que la demanderesse ne peut prétendre à l'application de la loi belge en matière de bien-être au travail.
Cette décision n'est pas légalement justifiée (violation des articles 3 et 6, §§ 1er et 2, de la Convention précisés au moyen), dès lors que l'arrêt constate qu'avant d'être embauchée, la demanderesse accomplissait habituellement son travail en Espagne, mais pas que tel était encore le cas au moment où elle a déposé la plainte auprès du conseiller en prévention en Belgique et a été licenciée, bien qu'il constate que, depuis la fin septembre 2009, elle exerçait ses activités en Europe occidentale, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et a été invitée, en 2010, à ne plus travailler depuis Madrid, mais depuis Düsseldorf lorsqu'elle ne résidait pas dans l'un des trois pays qui lui avaient été attribués (p. 10 et 11). Dès lors que la décision repose sur des constatations et motifs contradictoires, l'arrêt viole également l'article 149 de la Constitution. Eu égard à ces constatations,, il ne ressort pas de l'arrêt, à tout le moins clairement, si, à partir de septembre 2009, la demanderesse accomplissait encore habituellement ou non son travail en Espagne et, de ce fait, l'arrêt s'appuie sur des motifs équivoques, dès lors que le droit de la Belgique, où se trouve l'établissement recruteur de la défenderesse, doit être appliqué si la demanderesse n'accomplissait plus habituellement son travail dans un seul et même pays, auquel cas l'arrêt n'est pas légalement justifié (violation de l'article 149 de la Constitution).
Par conséquent, l'arrêt ne décide pas davantage légalement que l'application de la loi choisie par les parties se limite au contrat de travail proprement dit et méconnaît la force obligatoire du contrat de détachement international conclu entre les parties le 10 octobre 2007 (violation des articles 1134, alinéa 1er, et 1135 du Code civil et 3 de la loi du 3 juillet 1978). Par ces motifs, il ne décide pas non plus légalement que la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame (violation de l'article 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 8 août 1996 précisé au moyen).

Sixième branche

L'article 6, § 2, de la Convention, dans la version applicable au litige, disposait que le contrat de travail est, nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, régi : a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou b) par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur si celui-ci n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
Il suit de ces dispositions conventionnelles que, dans l'hypothèse où le travailleur accomplit habituellement son travail dans un seul et même pays, la législation d'un autre pays avec lequel, ainsi qu'il résulte de l'ensemble des circonstances, le contrat de travail présente un lien plus étroit, s'applique. En la matière, il convient de tenir compte de tous les facteurs qui caractérisent la relation de travail parmi lesquels figurent, avant tout, le pays où le travailleur paie des impôts et taxes sur les revenus tirés du travail, le pays où il est affilié à la sécurité sociale et aux différents régimes de retraite et assurance maladie-invalidité, ainsi que la législation applicable à la fixation du salaire et aux autres conditions de travail.
Dans ses conclusions d'appel (p. 5-6 de sa réplique à l'avis du ministère public), la demanderesse soutenait que, même dans l'hypothèse où il conviendrait d'appliquer l'article 6, § 2, a), de la Convention, la loi belge en matière de bien-être au travail devait être appliquée au motif que le contrat de travail présentait un lien plus étroit avec la Belgique qu'avec tout autre pays, dès lors que la demanderesse possède la nationalité belge et a été recrutée en Belgique, que son employeur exerçait son autorité sur elle depuis son établissement situé en Belgique par l'intermédiaire de monsieur Bertsch à qui elle devait rendre compte et qui était l'auteur de faits de harcèlement moral perpétrés à son encontre, que son occupation a donné lieu au paiement de cotisations de sécurité sociale en Belgique, que son salaire et d'autres conditions de travail ont été fixés conformément au droit belge, que son contrat de travail a été résilié en application de la loi belge et que le juge belge avait été désigné comme le juge compétent dans la convention entre les parties.
L'arrêt ne répondant pas à cette défense précise et régulièrement invoquée par la demanderesse dans ses conclusions d'appel, il n'est pas régulièrement motivé à cet égard (violation de l'article 149 de la Constitution).
L'arrêt ne vérifie pas s'il peut se déduire des circonstances factuelles invoquées par la demanderesse que le contrat de travail conclu entre les parties présente un lien plus étroit avec la Belgique qu'avec l'Espagne et, de la sorte, il ne met pas votre Cour en mesure d'exercer son contrôle légal (violation de l'article 149 de la Constitution). En décidant qu'il n'existe pas de lien suffisamment étroit avec la Belgique sans tenir compte d'autres critères que le lieu où, selon la cour du travail, la demanderesse accomplissait habituellement son travail, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision selon laquelle la loi belge en matière de bien-être au travail ne peut trouver à s'appliquer (violation des articles 3 et 6 de la Convention, ainsi qu'il est précisé au moyen en son préambule).
Par conséquent, l'arrêt ne décide pas davantage légalement que l'application de la loi choisie par les parties se limite au contrat de travail proprement dit et méconnaît la force obligatoire du contrat de détachement international conclu entre les parties le 10 octobre 2007 (violation des articles 1134, alinéa 1er, et 1135 du Code civil et 3 de la loi du 3 juillet 1978). Par ces motifs, il ne décide pas non plus légalement que la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame (violation de l'article 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 8 août 1996 précisé au moyen).

Septième branche

Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse faisait valoir que l'autorité de l'employeur était exercée par la personne qui était l'auteur de faits de harcèlement moral perpétrés à son encontre et que, par conséquent, elle devait être autorisée à déposer une plainte formelle pour harcèlement moral, même s'il s'agissait de faits survenus à l'étranger, dès lors que la loi du 4 août 1996 définit le lieu de travail comme étant le lieu où le travail est effectué, sans opérer de distinction en fonction de son emplacement.
L'arrêt ne répondant pas à cette défense précise et régulièrement invoquée par la demanderesse dans ses conclusions d'appel, il n'est pas régulièrement motivé à cet égard (violation de l'article 149 de la Constitution).
En décidant qu'il n'existe pas de lien suffisamment étroit avec la Belgique sans tenir compte du lieu depuis lequel la demanderesse a fait l'objet d'un harcèlement moral, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision selon laquelle la loi belge en matière de bien-être au travail ne peut trouver à s'appliquer (violation des articles 2, 3, § 1er, alinéa unique, 15°, 32bis, alinéa 1er, 32septies, § 1er, et 32tredecies, §§ 1er, 3 et 4, de la loi du 4 août 1996 précisé au moyen en son préambule).

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Sur la recevabilité du moyen, en sa première branche :

1. La défenderesse oppose au moyen, en sa première branche, quatre fins de non-recevoir :
- bien que la demanderesse allègue la méconnaissance de la force obligatoire du contrat de détachement international que les parties ont conclu le 10 octobre 2007, elle ne joint pas de copie certifiée conforme de ce contrat au pourvoi en cassation ;
- l'article 16 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail n'est pas cité comme disposition légale violée, alors que cette disposition légale est essentielle pour le grief invoqué au moyen, en cette branche ;
- le moyen, en cette branche, repose sur différentes interprétations contradictoires de l'arrêt et, partant, est entaché de contradiction ;
- l'appréciation de la cour du travail selon laquelle la loi choisie par les parties se limite au contrat de travail proprement dit et donc au droit des contrats de travail comporte une interprétation de la clause du contrat de détachement et requiert, de la sorte, une interprétation de l'intention des parties, laquelle exige une appréciation en fait pour laquelle la Cour est sans pouvoir.
2. La méconnaissance de la force obligatoire d'un contrat n'implique pas nécessairement une interprétation erronée de celui-ci.
Pareil grief ne requiert pas toujours de joindre au pourvoi en cassation une copie certifiée conforme du contrat en cause.
La première fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
3. Le moyen, en sa première branche, allègue en substance que, après avoir constaté que les parties ont choisi d'appliquer la loi belge, les juges d'appel ne pouvaient considérer que l'article 32tredecies de la loi du 4 août 1996 ne s'applique pas à leur relation de travail.
Les violations invoquées des articles 3 et 10 de la Convention, 2 et 32tredecies de la loi du 4 août 1996 suffisent à entraîner la cassation.
La deuxième fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
4. La circonstance que le moyen, en cette branche, repose sur différentes interprétations de l'arrêt n'a pas pour conséquence qu'il soit lui-même entaché de contradiction.
La troisième fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
5. En considérant que l'application de la loi choisie se limite au contrat de travail proprement dit, l'arrêt ne procède pas à l'interprétation de la clause du contrat de détachement, mais il détermine les éléments qui relèvent de la loi qui, selon les articles 8 à 10 de la Convention, régit le contrat de travail en raison du choix des parties ou d'un rattachement objectif.
La quatrième fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen, en sa première branche :

6. En vertu de l'article 3, § 1er, de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.
Suivant l'article 10, § 1er, de la Convention, la loi applicable au contrat en vertu de l'article 6 régit notamment : son interprétation, l'exécution des obligations qu'il engendre, les conséquences, dans les limites des pouvoirs attribués au tribunal par sa loi de procédure, de l'inexécution totale ou partielle de ces obligations, y compris l'évaluation du dommage dans la mesure où des règles de droit la gouvernent, les divers modes d'extinction des obligations, ainsi que les prescriptions et déchéances fondées sur l'expiration d'un délai et les conséquences de la nullité du contrat.
Il suit manifestement de ces dispositions que, lorsque les parties ont désigné la loi applicable au contrat dans son ensemble, nonobstant l'application des autres dispositions de la Convention, la loi choisie par les parties s'étend à toutes les dispositions de la loi désignée qui régissent les droits et obligations réciproques des parties au contrat.
7. L'article 2, § 1er, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail prévoit que cette loi s'applique aux employeurs et aux travailleurs.
En vertu de l'article 32tredecies, § 1er, de la loi du 4 août 1996, dans la version applicable au litige, l'employeur ne peut mettre fin, sauf pour des motifs étrangers à la plainte, à l'action en justice ou au témoignage, à la relation de travail qui le lie au travailleur qui a déposé une plainte motivée au niveau de l'entreprise ou de l'institution qui l'occupe, selon les procédures en vigueur, ni modifier de façon injustifiée unilatéralement les conditions de travail de ce travailleur.
Cette disposition portant sur le respect du contrat de travail par l'employeur envers le travailleur, il s'agit, sans préjudice de l'application des autres dispositions de la Convention, d'une disposition à laquelle s'étend le choix de la loi applicable effective en application des articles 3, § 1er, et 10, § 1er, de la Convention.
8. L'arrêt constate que les parties ont conclu un contrat de travail le 25 octobre 2007 et le 5 novembre 2007, et que l'article 22 du contrat de détachement international précise qu'elles ont convenu, conformément à l'article 3 de la Convention, de soumettre le contrat au droit belge.
Il considère qu'en l'espèce, les parties ont opté de manière expresse dans le contrat pour l'application de la loi belge.
Dans la mesure où il rejette ensuite la demande de la demanderesse visant à l'obtention d'une indemnité de protection sur la base de l'article 32tredecies de la loi du 4 août 1996 au motif que les premiers juges ont indiqué à raison que l'application de la loi choisie se limite au contrat de travail proprement dit, l'arrêt viole les articles 3, § 1er, et 10, § 1er, de la Convention.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Quant à la seconde branche :

Sur la recevabilité du moyen, en sa seconde branche :

9. La défenderesse oppose au moyen, en cette branche, la première fin de non-recevoir déjà opposée au moyen, en sa première branche.
10. Pour les raisons énoncées dans la réponse au moyen, en sa première branche, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen, en sa seconde branche :

11. En vertu de l'article 3, § 1er, de la Convention, le contrat est régi par la loi choisie par les parties.
L'article 6, § 1er, de la Convention prévoit que le choix de la loi applicable que font les parties dans un contrat de travail ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 de cet article.
Il suit manifestement de ces dispositions qu'en matière de contrats de travail, la loi choisie par les parties s'applique au contrat de travail, même si, en vertu de l'article 6, § 2, de la Convention, une autre loi devrait s'appliquer à défaut de choix, à moins que l'application de la loi choisie ait pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix.
12. L'arrêt constate que :
- selon l'article 22 du contrat de détachement international, les parties ont convenu, conformément à l'article 3 de la Convention, de soumettre le contrat au droit belge ;
- depuis le 3 mai 2006, donc avant même d'être embauchée par la défenderesse, la demanderesse était domiciliée en Espagne et travaillait dans ce pays ;
- la demanderesse n'a, en réalité, quasiment pas fourni de prestations en Belgique.
Il considère que :
- en l'espèce, les parties ont opté de manière expresse dans le contrat pour l'application de la loi belge ;
- le fait que la demanderesse aurait fourni des prestations dans divers autres pays que l'Espagne ne change rien à l'inexistence d'un lien suffisamment étroit avec la Belgique pour que la loi belge en matière de bien-être au travail puisse trouver à s'appliquer.
13. En considérant par ces motifs que la demanderesse ne peut prétendre à l'indemnité de protection qu'elle réclame sur la base de l'article 32tredecies de la loi du 4 août 1996, sans constater que l'application de cette disposition priverait la demanderesse de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui, en vertu de l'article 6, § 2, de la Convention, serait applicable à défaut de choix, l'arrêt viole les dispositions précitées.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

14. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la demande visant à l'obtention d'une indemnité de protection sur la base de l'article 32tredecies de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail et sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens afin qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Beatrijs Deconinck, président, le président de section Alain Smetryns, les conseillers Koen Mestdagh, Antoine Lievens et Bart Wylleman, et prononcé en audience publique du dix-huit juin deux mille dix-huit par le président de section Beatrijs Deconinck, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Mike Van Beneden.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Mireille Delange et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0123.N
Date de la décision : 18/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-18;s.15.0123.n ?

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