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07/06/2018 | BELGIQUE | N°D.16.0021.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 juin 2018, D.16.0021.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° D.16.0021.N
K. V. G.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

ORDRE DES PHARMACIENS.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre une décision rendue le 20 octobre 2016 par le conseil d'appel néerlandophone de l'Ordre des pharmaciens.
L'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions le 11 avril 2018.
Le président de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.
II. Le

s moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° D.16.0021.N
K. V. G.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

ORDRE DES PHARMACIENS.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre une décision rendue le 20 octobre 2016 par le conseil d'appel néerlandophone de l'Ordre des pharmaciens.
L'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions le 11 avril 2018.
Le président de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le second moyen :

1. En vertu de l'article I.1, 1°, du Code de droit économique, pour l'application dudit code, on entend par entreprise toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique.
En vertu de l'article IV.1, § 1er, 2° et 3°, dudit code, sont interdites, sans qu'une décision préalable ne soit nécessaire à cet effet, toutes décisions d'associations d'entreprises qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser de manière sensible la concurrence sur le marché belge concerné ou dans une partie substantielle de celui-ci.
2. Même s'ils ne sont pas commerçants au sens de l'article 1er du Code de commerce et même s'ils occupent une fonction sociale, les pharmaciens exercent une activité visant l'échange de biens ou de services.
Ils poursuivent de manière durable un but économique et sont donc, en règle, des entreprises au sens de l'article I.1, 1°, du Code de droit économique.
L'Ordre des pharmaciens est une association professionnelle à laquelle tous ceux qui exercent la profession doivent légalement adhérer.
En vertu des dispositions de l'arrêté royal n° 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens, certaines tâches ont été confiées à l'Ordre, en particulier celle de veiller au respect de la déontologie et au maintien de l'honneur, de la discrétion, de la probité et de la dignité de ses membres. L'Ordre ne poursuit pas ainsi un but économique mais remplit une tâche légale pour laquelle il s'est vu accorder une compétence réglementaire par les autorités.
Cela n'empêche toutefois pas qu'il constitue une association d'entreprises au sens de l'article IV.1, § 1er, du Code de droit économique, de sorte que ses décisions doivent être conformes aux exigences des dispositions précitées dudit code.
Une décision d'un conseil d'appel qui impose à un ou plusieurs pharmaciens des limitations de la concurrence qui ne sont pas nécessaires au maintien des règles fondamentales de la profession ou à la satisfaction des besoins impératifs d'une dispensation régulière et normale des soins de santé, mais qui, en réalité, tendent à avantager certains intérêts matériels des pharmaciens ou à instaurer ou à maintenir un certain régime économique, est contraire à l'article IV.1, § 1er, 2° et 3°, du Code de droit économique.
3. Les juges d'appel ont constaté que « Google AdWords » est une technique publicitaire et que la « Google-advertentie » dirige vers la gamme complète des médicaments non soumis à prescription de la pharmacie en ligne, y compris les promotions proposées.
Ils ont considéré que :
- le fait qu'un pharmacien est un entrepreneur jouissant d'un régime de libre concurrence ne l'exempte pas du respect des dispositions légales, réglementaires et déontologique fondées sur l'obligation de respecter les règles fondamentales de la profession ;
- l'utilisation de « Google AdWords » ne peut être considérée autrement que comme un leurre pour toute la gamme d'une pharmacie en ligne par laquelle la demanderesse vise à augmenter son chiffre d'affaires en soustrayant une clientèle aux pharmacies situées à proximité physique de cette clientèle, pharmacies dans lesquelles, par nature, les soins pharmaceutiques lors de la délivrance d'un médicament peuvent être dispensés avec davantage de diligence, par exemple en fournissant des conseils sur son utilisation, éventuellement en suggérant la consultation d'un médecin, en assurant le suivi du respect de la thérapie, en surveillant toute consommation excessive de médicaments et leurs interactions ;

- les médicaments ne peuvent être commercialisés comme des marchandises ordinaires mais en fonction de leur utilisation responsable et rationnelle dans un contexte spécifique et au sein d'une structure où le contact personnel avec un pharmacien est la règle ;
- l'utilisation de « Google AdWords » par la demanderesse dans le contexte d'une pharmacie est une « outrance commerciale » contraire à l'honneur et à la dignité de la profession de pharmacien.
4. Il suit de ces motifs que les juges d'appel, qui fondent leur décision sur la protection des intérêts matériels des confrères et sur des vues générales relatives à l'organisation économique de l'activité de pharmacien, restreignent la concurrence sans motiver in concreto pour quelle raison la demanderesse compromet l'intérêt général en matière de santé publique, la protection de la santé des patients ainsi que le traitement et la guérison des malades, met en péril la qualité des soins dispensés, encourage la surconsommation, porte atteinte aux règles essentielles de la profession, donne un caractère commercial excessif à l'exercice de la profession de pharmacien ou entrave le libre choix du patient.
Ils ont ainsi violé l'article IV.1, § 1er, 2° en 3°, du Code de droit économique.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse la décision attaquée.
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision cassée.
Condamne le défendeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de 754,21 euros pour la demanderesse.
Renvoie la cause devant le conseil d'appel de l'Ordre des pharmaciens d'expression néerlandaise, autrement composé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, les conseillers Koen Mestdagh et Bart Wylleman, et prononcé en audience publique du sept juin deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Ariane Jacquemin et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : D.16.0021.N
Date de la décision : 07/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-07;d.16.0021.n ?

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