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06/06/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0505.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, Deuxième chambre, 06 juin 2018, P.18.0505.F


N° P.18.0515.F
B. M.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège, et Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Sophie Matray, avocats au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt ren

du le 3 mai 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque cinq m...

N° P.18.0515.F
B. M.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège, et Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Sophie Matray, avocats au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 mai 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen et la demande de question préjudicielle :

Le demandeur soutient qu'en application de l'article 31, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la Cour est tenue de se prononcer dans les quinze jours à compter du pourvoi en cassation formé contre la décision qui ordonne la prolongation de la détention.

Il fait valoir que la Cour ne peut persister dans sa jurisprudence sans poser, au préalable, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.

Le grief n'est donc pas dirigé contre l'arrêt attaqué. Il dénonce une circonstance non imputable à la juridiction qui l'a rendu et sur laquelle il ne lui appartenait pas de statuer.

Le moyen est irrecevable.

La question préjudicielle se rattache à un moyen dont l'irrecevabilité est encourue pour un motif étranger à celui qui est invoqué à l'appui de la demande de renvoi.

L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et les articles 13 et 15 de la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, ne soulèvent aucune question d'interprétation ou de validité en relation avec la règle, tirée des articles 608 du Code judiciaire et 418 du Code d'instruction criminelle, suivant laquelle le pourvoi en cassation n'a d'autre objet que de déférer à la Cour les décisions des cours et tribunaux rendues en dernier ressort.

Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner le renvoi préjudiciel sollicité par le demandeur.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 780, 3°, du Code judiciaire.

Il fait grief à l'arrêt de ne pas répondre à la défense du demandeur soutenant que la décision de privation de liberté du 28 mars 2018 n'est pas adéquatement motivée, dès lors qu'elle ordonne rétroactivement son écrou à partir du 27 mars 2018, et ne précise pas le lieu d'écrou.

L'article 149 de la Constitution ne s'applique pas aux juridictions d'instruction saisies du recours visé par les articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

Par adoption des motifs de l'avis du ministère public, l'arrêt constate que le demandeur a été placé sous mandat d'arrêt le 27 janvier 2018, que la chambre du conseil a ordonné sa libération sous caution le 23 mars 2018, que celle-ci a été payée le 28 mars 2018 et que le jour même, l'Office des étrangers a notifié au demandeur un ordre de quitter le territoire avec maintien en vue d'éloignement. L'arrêt constate également que cette décision d'éloignement avec privation de liberté a été prise le 28 mars 2018.

Il ressort de ces constatations que la décision de privation de liberté n'a eu d'effet qu'à compter du jour où elle a été prise.

Ainsi, les juges d'appel ont répondu à l'allégation du demandeur selon laquelle la décision de privation de liberté avait été prise avec effet rétroactif.

Pour le surplus, en tant qu'il concerne le défaut de réponse à l'allégation d'absence de mention du lieu d'écrou dans la décision de privation de liberté, l'arrêt considère, par adoption des mêmes motifs, que le demandeur se contente de citer des dispositions légales qui seraient violées sans pour autant étayer ses griefs et que, selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, il ne suffit pas de viser les dispositions qui seraient violées mais il faut également en exposer les raisons.

Par les considérations précitées, l'arrêt répond régulièrement à cette défense du demandeur.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 780, 3°, du Code judiciaire, le moyen soutient qu'en acceptant une inexactitude aussi essentielle que la mention, dans la motivation de la décision d'éloignement et de maintien prise à l'encontre de « K.», d'une référence à une interdiction d'entrée prise à l'égard de « B. », l'arrêt s'abstient de vérifier l'exactitude des faits invoqués par l'autorité administrative et, ainsi, méconnaît le contrôle de légalité que la loi assigne aux juridictions d'instruction. Le demandeur reproche également à l'arrêt de s'être accommodé de l'indication dans la décision administrative des diverses identités sous lesquelles il est connu, alors que l'examen du dossier aurait dû conduire l'autorité administrative à constater que le demandeur est connu sous le nom de B.

L'article 149 de la Constitution ne s'applique pas aux juridictions d'instruction saisies du recours visé par les articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

L'article 780, 3°, du Code judiciaire se borne à imposer au juge l'observation d'une condition de forme et est étranger au grief selon lequel la décision ne serait pas légalement justifiée.

Dans la mesure où il est fondé sur ces dispositions, le moyen manque en droit.

En réponse au moyen faisant valoir que la mesure privative de liberté est entachée de défaut de motivation et d'erreur manifeste d'appréciation parce qu'elle indique le nom K. M. alors que l'examen du dossier fait apparaître que le demandeur est connu sous le nom B. M., l'arrêt considère que c'est à tort que le demandeur soutient que la décision administrative attaquée est libellée sous une identité qui n'est pas la sienne, dès lors qu'il ressort au contraire du dossier administratif que le demandeur est connu des autorités sous de très nombreuses identités ou alias, dont l'identité reprise dans la mesure de rétention, et qu'il ressort d'ailleurs de sa requête de mise en liberté que le demandeur fait effectivement usage de cette identité.

Dès lors que, par cette énonciation, les juges d'appel ont constaté, au terme d'une appréciation en fait qu'il n'appartient pas à la Cour de censurer, que le demandeur est connu des autorités sous de très nombreuses identités, dont celle qui est reprise dans la décision administrative querellée, il ne saurait être reproché aux juges d'appel d'avoir failli à leur mission de contrôle en ne déduisant aucune illégalité des mention et indication visées au moyen.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 72, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, 41.2.c, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 780, 3°, du Code judiciaire, et de la méconnaissance des droits de la défense et des principes de motivation des jugements et audi alteram partem.

L'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a pas vocation à s'appliquer à l'égard des Etats membres mais seulement des institutions, organes et organismes de l'Union.

En tant qu'il invoque cette disposition, le moyen manque en droit.

Devant la chambre des mises en accusation, le demandeur a contesté la légalité de l'ordre de quitter le territoire avec maintien du 28 mars 2018, au motif qu'il ne s'est pas vu offrir la possibilité de faire valoir utilement ses observations avant l'adoption de cet acte.

L'arrêt considère que c'est à tort que le demandeur soutient que le principe général du droit d'être entendu préalablement à la décision de rétention aurait été méconnu, dès lors que l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980 ne prévoit pas l'audition de l'étranger préalablement à la décision de rétention et qu'il s'ensuit qu'aucune violation de ses droits fondamentaux ne saurait s'en déduire.

Critiquant cette considération, le moyen fait valoir que le principe de bonne administration, en ce compris le droit d'être entendu, garantit à l'administré, indépendamment de la légalité du séjour de ce dernier, la possibilité de présenter préalablement ses observations concernant la mesure envisagée. Il en déduit que l'arrêt ne répond pas adéquatement aux moyens invoqués en conclusions.

Le juge satisfait à l'obligation de motiver les jugements et arrêts, et de répondre aux conclusions d'une partie, lorsque sa décision comporte l'énonciation des éléments de fait ou de droit à l'appui desquels une demande, une défense ou une exception sont accueillies ou rejetées.

Ainsi qu'il ressort de la considération critiquée, les juges d'appel ont répondu à l'exception soulevée devant eux relativement à la légalité de la décision du 28 mars 2018.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Outre cette considération, l'arrêt constate également, par adoption des motifs de l'avis du ministère public, que le demandeur a été soumis au questionnaire de l'Office des étrangers (section identification et éloignement) le 31 janvier 2018, et que, lors de son interview du 21 mars 2018, il a affirmé être français et marié, avec deux enfants, habiter Lille, souhaiter retourner en France et ne rien avoir à faire avec l'Algérie.

Dès lors qu'il ressort de ces constatations que le demandeur a été entendu préalablement à l'ordre de quitter le territoire du 28 mars 2018, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le cinquième moyen :

Le moyen reproche à l'arrêt de rejeter sa défense déduite de l'absence d'inventaire du dossier administratif.

Le demandeur soutient que les droits de la défense et le droit au bénéfice d'une bonne justice requièrent que le dossier administratif soit inventorié.

Répondant à cette allégation et à celle selon laquelle l'ensemble du dossier ne serait pas soumis à la Cour, l'arrêt constate que le dossier administratif contient les éléments qui permettent d'exercer le contrôle de légalité et qui permettent également au demandeur d'exercer ses droits de la défense, l'absence d'inventaire étant à cet égard sans conséquence.

L'arrêt considère également que la circonstance que le demandeur disposerait d'une photocopie plus complète du dossier n'implique pas que les droits de la défense seraient violés, dès lors que, d'une part, la cour d'appel a statué sur la base du dossier qui lui est soumis et, d'autre part, le demandeur n'a pas déposé les pièces supplémentaires dont il disposerait.

Ainsi, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Tamara Konsek, conseillers, et prononcé en audience publique du six juin deux mille dix-huit par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

T. Fenaux T. Konsek E. de Formanoir
F. Roggen B. Dejemeppe J. de Codt


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.18.0505.F
Date de la décision : 06/06/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Etrangers


Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2018
Fonds documentaire ?: Juridat
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-06;p.18.0505.f ?
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