La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0306.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 juin 2018, P.18.0306.N


N° P.18.0306.N
R. P.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Siegfried De Mulder, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 février 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.



II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :<

br>
1. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, et 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de...

N° P.18.0306.N
R. P.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Siegfried De Mulder, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 février 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, et 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 et 149 de la Constitution, 2 du Code pénal et 2quater de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la présomption d'innocence : l'arrêt déclare, à tort, le demandeur coupable d'une infraction à l'article 2quater, 4° et 5°, de la loi du 24 février 1921 ; l'incrimination figurant à cet article requiert une violation de l'une des dispositions du Règlement (CE) n° 273/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 relatif aux précurseurs de drogues (ci-après « le Règlement (CE) n° 273/2004 ») et du Règlement (CE) n° 111/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 fixant des règles pour la surveillance du commerce des précurseurs des drogues entre la Communauté et les pays tiers (ci-après « le Règlement (CE) n° 111/2005 »), plus précisément en rapport avec une substance classifiée visée par ces Règlements ; la charge de la preuve de la commission d'une infraction à une disposition de ces Règlements en rapport avec une substance classifiée qui y est visée incombe au ministère public ; le précurseur « 3,4-Méthylènedioxyphénylpropane-2-one » (PMK) figure certes à l'annexe 1 - catégorie 1 des deux Règlements et est donc une substance classifiée, mais il n'en va pas de même de la PMK méthyle glycidate qui, selon les constatations de l'arrêt lui-même se référant à l'article 26.3bis du Règlement (CE) n° 111/2005, est un précurseur non classifié de la PMK ; l'article 26.3bis du Règlement (CE) n° 111/2005 prévoit uniquement que les États membres sont compétents pour constater que certaines substances non classifiées ne peuvent être importées, mais n'introduit pas en soi de disposition pénale ; l'incrimination n'a donc pas de fondement légal ; l'arrêt n'est, à tout le moins, pas motivé à suffisance et méconnait la présomption d'innocence à l'égard du demandeur.

2. L'article 2quater, alinéa 1er, 4°, premier tiret, de la loi du 24 février 1921 dispose que les infractions aux dispositions des Règlements (CE) n° 273/2004 et n° 111/2005 et des règlements en portant application, ainsi que les infractions aux dispositions de cette loi et des arrêtés pris en exécution de celle-ci concernant les substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes, sont punies des peines qui sont mentionnées quand l'infraction concerne l'accomplissement d'activités de fabrication, d'utilisation, d'entreposage, de courtage, de mise sur le marché, de commerce, d'importation, d'exportation ou de mise en transit sans en avoir obtenu l'agrément ou l'autorisation ou sans avoir fait de notification ou avoir pratiqué ces activités sans qu'elles soient visées dans l'autorisation ou l'agrément ou pour lesquelles il n'a pas été fait de notification, à l'exception des infractions visées à l'article 2quater, alinéa 1er, 1°, de la loi du 24 février 1921. L'article 2quater, alinéa 1er, 5°, de la loi du 24 février 1921 fixe les peines si l'infraction constitue un acte de participation à l'activité principale ou accessoire d'une association.

3. Le demandeur est poursuivi du chef des préventions A2 et A3, telles que requalifiées, pour avoir accompli des activités de fabrication, d'utilisation, d'entreposage, de courtage, de mise sur le marché, de commerce, d'importation, d'exportation ou de mise en transit sans avoir obtenu l'agrément ou l'autorisation à cet effet ou sans avoir fait de notification ou avoir pratiqué ces activités sans qu'elles soient visées dans l'autorisation ou l'agrément ou pour lesquelles il n'a pas été fait de notification, des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes et, ce faisant, avoir enfreint les dispositions des Règlements (CE) n° 273/2004 et n° 111/2005 et des règlements en portant application ainsi que les dispositions de [la loi du 29 février 1921] et des arrêtés pris en exécution de celle-ci concernant les substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes, avec la circonstance que l'infraction constitue un acte de participation à l'activité principale ou accessoire d'une association, à savoir l'importation, la mise en transit et l'exportation d'une quantité de 116 kilogrammes de PMK méthyle glycidate et l'importation d'une quantité de 226 kilogrammes de PMK méthyle glycidate.

4. Pour la définition des « substances classifiées », l'article 2, a), du Règlement (CE) n° 273/2004 renvoie aux substances figurant à l'annexe I. L'article 2, b), dudit Règlement définit une « substance non classifiée » comme étant toute substance qui, bien que non citée à l'annexe I, est réputée être utilisée dans le cadre de la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.

5. L'article 2, a) et b), du Règlement (CE) n° 111/2005 comporte des définitions similaires.

6. L'article 9.1 et 9.2, b), du Règlement (CE) n° 273/2004 dispose, en ce qui concerne les substances non classifiées, que la Commission élabore une liste régulièrement mise à jour des substances non classifiées, afin de permettre à l'industrie de contrôler volontairement le commerce de ces substances. L'article [10.1] dudit Règlement dispose que chaque État membre adopte les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes de mener à bien leurs tâches de contrôle et de surveillance d'opérations suspectes dans lesquelles interviennent des substances non classifiées.

7. L'article 10.2, b), du Règlement (CE) n° 111/2005 dispose, en ce qui concerne les substances non classifiées, que les directives établies par la Commission fournissent une liste régulièrement mise à jour des substances non classifiées, afin de permettre à l'industrie de contrôler volontairement le commerce de ces substances. L'article 10.4 dispose que, afin de réagir rapidement aux nouvelles tendances en matière de détournement, les autorités compétentes des États membres et la Commission peuvent proposer d'ajouter une substance non classifiée à la liste visée à l'article 10.2, b), pour en contrôler temporairement le commerce, et que les modalités et critères d'inclusion ou de suppression de telles substances dans ladite liste sont précisés dans les lignes directrices visées au paragraphe 1er. L'article 10.5 du Règlement (CE) n° 111/2005 dispose que, si le contrôle volontaire par l'industrie est jugé insuffisant pour empêcher l'utilisation d'une substance non classifiée pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes, la Commission peut ajouter cette substance non classifiée à l'annexe, par voie d'actes délégués, conformément à l'article 30ter.
L'article 26.3bis, du Règlement (CE) n° 111/2005 prévoit que les autorités compétentes de chaque État membre peuvent interdire l'introduction de substances non classifiées expédiées sur le territoire douanier de l'Union, ou leur départ de celui-ci, s'il existe suffisamment de preuves indiquant que ces substances sont destinées à la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes. Dans ce cas, l'autorité compétente en informe immédiatement les autorités compétentes des autres États membres et la Commission, en recourant à la procédure visée à l'article 27, et ces substances sont considérées comme étant proposées pour inscription sur la liste des substances non classifiées visée à l'article 10.2, b).

L'article 26.3ter, du Règlement (CE) n° 111/2005 dispose que chaque État membre peut prendre les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes de contrôler et de surveiller les transactions suspectes portant sur des substances non classifiées.

8. Il suit des dispositions précitées des Règlements (CE) n° 273/2004 et n° 111/2005 que le seul fait d'importer, de mettre en transit et d'exporter des substances non classifiées telles que définies à l'article 2, b), de ces Règlements, n'implique pas la violation de ces Règlements ni, par conséquent, de l'article 2quater, 4° et 5°, de la loi du 24 février 1921.

9. L'arrêt constate qu'il ressort du rapport d'analyse en laboratoire que le « sulfure de zinc » importé de Chine concerne la PMK méthyle glycidate, à savoir un précurseur non classifié de la PMK, elle-même précurseur classifié de la MDMA (XTC), pour lequel aucune utilisation régulière n'est connue.

10. L'arrêt qui, sur la base de cette constatation unique et en référence à l'article 26.3bis du Règlement (CE) n° 111/2005, considère que le demandeur s'est rendu coupable, pour les faits décrits aux préventions A2 et A3, d'une violation de l'article 2quater, 4° et 5°, de la loi du 24 février 1921, ne justifie pas légalement cette décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais afin qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Peter Hoet, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq juin deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0306.N
Date de la décision : 05/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-05;p.18.0306.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award