N° P.18.0144.N
M. D.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Pieterjan Van Muysen, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre des arrêts rendus le 26 juin 2017 (ci-après arrêt I) et le 17 janvier 2018 (ci-après arrêt II) par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle, statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt rendu par la Cour le 21 février 2017.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 779, 782, alinéa 1er, 782bis et 785 du Code judiciaire : l'arrêt II a été prononcé illégalement ; le conseiller M. Dams n'a pas signé l'arrêt II ; par conséquent, il est établi que les conseillers qui ont assisté aux audiences et délibéré en la cause, n'ont pas tous signé l'arrêt ; dès lors, l'article 782bis du Code judiciaire ne pouvait être appliqué.
2. L'article 779 du Code judiciaire prévoit qu'à peine de nullité, le jugement ne peut être rendu que par le nombre prescrit de juges, qui doivent avoir assisté à toutes les audiences de la cause.
L'article 782, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose qu'avant sa prononciation, le jugement est signé par les juges qui l'ont rendu et par le greffier.
En vertu de l'article 782bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, le jugement est prononcé par le président de la chambre qui l'a rendu, même en l'absence des autres juges.
Aux termes de l'article 785, alinéa 1er, du Code judiciaire, si le président ou l'un des juges se trouve dans l'impossibilité de signer le jugement, le greffier en fait mention au bas de l'acte, et la décision est valable, sous la signature des autres membres du siège qui l'ont prononcée.
3. Il résulte de la lecture conjointe de ces dispositions et de leurs travaux préparatoires qu'en application de l'article 782bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, le président peut prononcer un jugement si celui-ci a été signé par les juges qui ont assisté à toutes les audiences et délibéré en la cause ou, lorsque ces juges se trouvent dans l'impossibilité de signer le jugement, si celle-ci est constatée conformément à l'article 785 du Code judiciaire. L'impossibilité régulièrement constatée dans laquelle se trouve l'un des juges ne s'oppose pas à l'application de l'article 782bis, alinéa 1er, du Code judiciaire.
Le moyen, qui procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
(...)
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
13. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 1110 du Code judiciaire et de la méconnaissance du pouvoir de juridiction du juge de renvoi après cassation : en infligeant encore une peine d'emprisonnement au demandeur, l'arrêt II méconnait le pouvoir de juridiction du juge de renvoi ; la cassation se limite à la portée du moyen qui la fonde ; l'illégalité invoquée concernait le nombre d'heures de peine de travail infligé, de sorte que la peine de travail en tant que telle n'a pas fait l'objet de la cassation et que les juges d'appel pouvaient encore uniquement se prononcer sur la durée de cette peine de travail.
14. L'article 435, alinéas 1 et 2, du Code d'instruction criminelle prévoit qu'en cas de cassation, la Cour de cassation renvoie la cause, s'il y a lieu, et que la juridiction devant laquelle l'affaire est renvoyée se conforme à l'arrêt de la Cour sur le point de droit jugé par cette Cour.
15. Le juge de renvoi ne peut exercer sa juridiction que dans les limites de la cassation et du renvoi. Il lui appartient, sous le contrôle de la Cour de cassation, de déterminer les limites de sa saisine et, par conséquent, d'établir quelles sont les décisions cassées de la décision judiciaire attaquée, sur lesquelles il doit de nouveau statuer. En effet, seules les décisions cassées de la décision judiciaire attaquée déterminent l'étendue de la cassation et du renvoi, et non les motifs sous-jacents ou les motifs ayant donné ouverture à cassation.
16. Lorsque la Cour de cassation, après avoir estimé fondé un moyen invoquant qu'un juge d'appel a dépassé le nombre maximum d'heures de travaux d'intérêt général susceptibles d'être infligé, casse la décision de condamnation à une peine et au paiement d'une contribution au Fonds pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, le pouvoir de juridiction du juge de renvoi s'étend à la décision rendue sur le taux de la peine dans son ensemble et ne se limite pas au nombre d'heures de la peine de travail à infliger.
Le moyen qui, en cette branche, procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
17. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits l'homme et des libertés fondamentales et 2, alinéa 2, du Code pénal : en infligeant au demandeur une peine d'emprisonnement au lieu d'une peine de travail, l'arrêt II aggrave la situation pénale du demandeur par rapport à celle au moment de la commission des faits ; il était légalement possible, au moment des faits, que l'arrêt cassé par la Cour de cassation inflige une peine de travail au demandeur, en état de récidive ; la considération qu'aucune peine de travail ne pouvait encore être infligée à la date de l'arrêt II aggrave en fait la peine du demandeur ; l'application des dispositions précitées s'en trouve vidée de son contenu ; le contrôle au regard de l'article 7, § 1er, de la Convention ne doit pas se dérouler de manière abstraite, mais concrète.
18. L'arrêt II ne considère pas qu'une peine de travail ne peut être infligée au demandeur. Il considère toutefois, en exposant ses motifs, qu'une peine de travail n'est pas une peine appropriée en l'espèce.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, repose sur une lecture erronée de l'arrêt II et manque en fait.
19. Les articles 7, § 1er, de la Convention et 2, alinéa 2, du Code pénal ne s'opposent pas à ce que la situation d'une partie faisant l'objet d'une décision judiciaire cassée soit aggravée par le juge de renvoi. Une telle situation est étrangère à la règle de l'effet rétroactif de la loi pénale plus favorable, qui se fonde sur une comparaison entre les possibilités de sanction au moment des faits et au moment de la décision définitive.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
(...)
Le contrôle d'office pour le surplus
23. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt II en tant qu'il condamne le demandeur au paiement d'une contribution d'un montant supérieur à 25,00 euros au Fonds pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, majorée de 50 décimes additionnels, soit 150 euros ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt II cassé ;
Condamne le demandeur aux dix-neuf vingtièmes des frais de son pourvoi ;
Laisse le surplus des frais à charge de l'État ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Peter Hoet, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq juin deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le président de section,