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01/06/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0642.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 juin 2018, C.17.0642.F


N° C.17.0642.F
LA CAYENNE, société civile ayant adopté la forme de la société privée à responsabilité limitée, en liquidation, dont le siège social est établi à Mons, impasse de la Cense Gain, 34, représentée par son liquidateur, monsieur P. V.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. P.,
défenderesse en cassation,
2. P. V.,
3. N. P.,
défendeurs en cass

ation ou, à tout le moins, parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant l...

N° C.17.0642.F
LA CAYENNE, société civile ayant adopté la forme de la société privée à responsabilité limitée, en liquidation, dont le siège social est établi à Mons, impasse de la Cense Gain, 34, représentée par son liquidateur, monsieur P. V.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. P.,
défenderesse en cassation,
2. P. V.,
3. N. P.,
défendeurs en cassation ou, à tout le moins, parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2015 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 15 mai 2018, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 259, § 1er, du Code des sociétés détermine la procédure à respecter lorsqu'un membre du collège de gestion d'une société privée à responsabilité limitée a, directement ou indirectement, un intérêt opposé de nature patrimoniale à une décision ou à une opération soumise au collège de gestion.
En vertu du paragraphe 2 de cette disposition légale, la société peut agir en nullité des décisions prises ou des opérations accomplies en violation des règles prévues audit article.
La nullité prévue à l'article 259, § 2, précité étant relative et destinée à protéger les intérêts de la société, seule celle-ci peut agir en nullité de l'acte incriminé sur la base de cette disposition légale.
Cet acte leur fût-il préjudiciable, les actionnaires ne disposent pas d'un droit propre à agir en nullité dudit acte sur la base de la disposition légale précitée.
L'arrêt, considère que, « dans la mesure où [la défenderesse] soutenait, dans sa demande originaire, en se basant sur l'avis provisoire de l'expert judiciaire, que la [demanderesse et le deuxième défendeur] ont pu agir de concert en vue de la priver au maximum de ses droits et de lui causer un préjudice propre, distinct de celui de la société, elle justifie ainsi à suffisance de la recevabilité de son action, sur le double fondement de l'action paulienne et de l'article 259, § 2, du Code des sociétés ».
Par ces énonciations, d'où il ressort qu'aux yeux de la cour d'appel la défenderesse est recevable à agir en nullité sur la base de l'article 259, § 2, du code des sociétés au motif qu'elle a subi un préjudice propre, l'arrêt, qui reçoit la demande en nullité, viole cette disposition.
Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du premier juin deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, en présence de l'avocat général Michel Nolet de Brauwere, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M.-Cl. Ernotte M. Lemal D. Batselé


Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR: La société civile à forme de société privée à responsabilité limitée La Cayenne, en liquidation, dont le siège social est établi à 7000 Mons, Digue des Peupliers, 2/2, actuellement 7000 Mons, Impasse de la Cense Gain, 34, inscrite à la BCE sous le numéro 0430.649.811, re-présentée par son liquidateur, monsieur P. V.,

Demanderesse en cassation, assistée et représentée par Me Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de Cassation soussigné, ayant son cabinet à 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est fait élection de domicile,

CONTRE : 1. Madame M. P.,

2. Monsieur P. V.,

3. Monsieur N. P.,

Défendeurs en cassation, les deuxième et troisième parties étant à tout le moins appelées en déclaration d'arrêt commun de l'arrêt à in-tervenir,


*

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Mes-sieurs les Conseillers, composant la Cour de Cassation,

Messieurs,
Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à la censure de Votre Cour l'arrêt, rendu le 11 septembre 2015 par la deuxième chambre, affaires civiles, de la Cour d'appel de Bruxelles (RG : 2014/AR/915).

FAITS ET RETROACTES

La société civile à forme de sprl La Cayenne fut constituée à l'époque par monsieur P. V. et son ex-épouse, madame M. P.. Cel-le-ci devenait en 1992 copropriétaire indivise avec la sprl La Cayenne d'un immeu-ble, situé à ..., avenue ...

L'immeuble comportait plusieurs unités.

Par acte notarié du 17 février 2011 la demanderesse a vendu l'unité 2 à son gérant, monsieur P. V., dans des conditions que la défen-deresse a qualifiées d'irrégulières.

Par citation, signifiée les 3 et 4 octobre 2011 à la demanderesse ainsi qu'aux deux gérants de la société, à savoir messieurs V. et P., la défenderesse a postulé l'annulation de la vente de l'unité 2 de l'immeuble liti-gieux, ayant fait l'objet de l'acte authentique reçu le 17 février 2011 par le notaire M. de résidence à ...

Elle a, par ailleurs, fait procéder en 2012 à la vente publique des uni-tés 1 et 4, dont elle se prétendait seule propriétaire, alors que leur acquisition en remploi anticipé de fonds propres est contestée.

La vente de l'unité 1 a fait l'objet d'une action en annulation par l'ac-quéreur et d'une plainte avec constitution de partie civile, tandis que la poursuite des opérations de vente publique de l'unité 4 a été interdite par jugement du 26 novembre 2014 du Tribunal de la famille de Bruxelles.

Après avoir introduit une action en retrait forcé devant le Tribunal de commerce de Mons, statuant comme en référé, monsieur V. a ob-tenu, par jugement du 16 mai 2014, le transfert à son profit des 132 parts dans la sprl La Cayenne, ayant appartenu à l'indivision post-communautaire.

Entre-temps l'immeuble avait été vendu et une grande partie des fonds disponibles avait été distribuée.

Par le jugement du 28 février 2014 le Tribunal de première instance de Bruxelles a reçu la demande de la défenderesse et l'a dit fondée, a annulé la vente reçue le 17 février 2011 par acte de Me J.-M. M., notaire de rési-dence à ..., par laquelle la demanderesse vendait à monsieur V. l'unité 2 dans l'immeuble, sis à ..., avenue ..., et a condamné les trois défendeurs originaires aux dépens, l'indemni-té de procédure ayant été liquidée à 1.320 euro .

La demanderesse a relevé appel de cette décision. Elle a également formulée une nouvelle demande, tendant à la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 10.000 euro à titre d'indemnisation pour procédure téméraire et vexatoire.

Par l'arrêt du 11 septembre 2015 la Cour d'appel de Bruxelles a décla-ré l'appel recevable mais non fondé, a confirmé le jugement dont appel en ce qu'il a reçu la demande originaire et statué sur les frais des citations introductives d'in-stance et sur l'indemnité de procédure, statuant à nouveau pour le surplus, compte tenu de la demande de la défenderesse modifiée en degré d'appel, a con-staté que la demande originaire était devenue sans objet, a dit n'y avoir lieu d'al-louer une indemnité de procédure en degré d'appel, a déclaré la demande nouvel-le de la demanderesse recevable, mais non fondée, et lui a délaissé les frais de son appel.

La demanderesse estime pouvoir invoquer les moyens développés ci-après à l'encontre de cette décision.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

-articles 17 et 18 du Code judiciaire,
-article 259, § 2, du Code des sociétés

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 11 septembre 2015 la Cour d'appel de Bruxel-les a déclaré l'appel de la demanderesse non fondé, a confirmé le jugement dont appel en ce qu'il a reçu la demande originaire de la défenderesse et statué sur les frais des citations introductives d'instance et sur l'indemnité de procédure, statu-ant à nouveau pour le surplus, compte tenu de la demande de la défenderesse mo-difiée en degré d'appel, a constaté que la demande originaire était devenue sans objet, a dit n'y avoir lieu d'allouer une indemnité de procédure en degré d'appel, a déclaré la demande nouvelle de la demanderesse, tendant à condamner la défen-deresse à lui payer une indemnité de 10.000 euro pour procédure téméraire et vexa-toire, outre les dépens des deux instances, recevable, mais non fondée, et lui a dé-laissé les frais de son appel, ce après notamment avoir considéré que :

« La recevabilité de la demande originaire.

10.

(...)

S'il est vrai que l'action en annulation visée à l'article 259 § 2 du Code des sociétés appartient, en règle, à la société et non à un associé, soit en l'espèce à (la défen-deresse), celle-ci fait cependant valoir que la vente litigieuse pourrait avoir été conclue en fraude de ses droits (action paulienne) dès lors qu'il résulte du rapport provisoire de l'expert L., chargé par le tribunal de commerce de Mons d'es-timer la valeur des parts sociales qui lui appartenaient, qu'en tenant compte de la vente litigieuse, la différence de valeur et donc le préjudice subi par la société s'élève à 44.226,70 euro , dont 40 % au préjudice de (la défenderesse), soit 17.690,68 euro .

Le tribunal de commerce n'a pas encore statué en suite du dépôt du rapport d'ex-pertise.

Dans la mesure où (la défenderesse) soutenait, dans sa demande originaire, en se basant sur l'avis provisoire de l'expert judiciaire, que la (demanderesse) et M. V. ont pu agir de concert en vue de la priver au maximum de ses droits et de lui causer un préjudice propre, distinct de celui de la société, elle jus-tifie ainsi à suffisance de la recevabilité de son action, sur le double fondement de l'action paulienne et de l'article 259 § 2 du Code des sociétés.

Il s'ensuit que la demande originaire est recevable. »

Grief

Aux termes de l'article 17 du Code judiciaire l'action ne peut être ad-mise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former. L'article 18 du Code judiciaire dispose que l'intérêt doit être né et actuel.

L'intérêt dont font état les articles précités est un intérêt personnel et concret.

La qualité dont fait état l'article 17 du Code judiciaire suppose que le demandeur se prévaut d'un droit subjectif qui lui est propre.

La demande devra être déclarée irrecevable lorsque le demandeur se prévaut du droit d'autrui ou si l'intérêt qu'il invoque ne lui est pas personnel.

En l'occurrence, il apparaît des constatations de l'arrêt entrepris que la défenderesse, demanderesse originaire, poursuivait l'annulation de la vente de l'unité 2 de l'immeuble litigieux par la demanderesse à monsieur V., qui fit l'objet de l'acte authentique reçu le 17 février 2011 par le notaire M. de résidence à ..., ce en application de l'article 259, § 2, du Code des sociétés.

Aux termes de l'article 259, § 2, du Code des sociétés la société peut agir en nullité des décisions prises ou des opérations accomplies en violation des règles prévues audit article, à savoir celles relatives au conflit d'intérêts entre le gérant et la société.

Il ressort des termes de cet article que cette action est réservée à la société, à l'exclusion de ses actionnaires ou de toute autre personne.

Partant, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement en l'arrêt entre-pris que la demande originaire était recevable au motif que « (la défenderesse) jus-tifie ainsi à suffisance de la recevabilité de son action, sur le double fondement de l'action paulienne et de l'article 259 § 2 du Code des sociétés », dans la mesure où celle-ci se prévalait d'un droit subjectif, réservé à la société (violation des articles 17 et 18 du Code judiciaire et 259, § 2, du Code des sociétés).

DEVELOPPEMENTS

Selon la jurisprudence de Votre Cour la partie au procès qui prétend être titulaire d'un droit subjectif dispose, même si ce droit est contesté, de l'intérêt requis pour que son action puisse être déclarée recevable; la vérification de l'exis-tence et de l'étendue du droit subjectif que cette partie invoque, ne concerne pas la recevabilité, mais le bien-fondé de l'action (Cass. 28 septembre 2007, Pas. 2007, n° 441 ; Cass. 4 février 2011, Pas. 2011, n° 103; Cass. 23 février 2012, Pas. 2012, n° 130).

Cela ne vaut toutefois que pour autant qu'il invoque un droit subjec-tif propre (voir Cass. 25 octobre 1985, Pas. 1986, I, 219, et Arr.Cass. 1985-86, 249, concl. Proc. gén. Krings; Cass. 31 mai 1990, Pas. 1990, I, 1115).

L'intérêt allégué doit en effet être personnel ou propre (Cass. 19 sep-tembre 1996, Pas. 1996, I, n° 319; G. de Leval e.a., Droit judiciaire, Tome 2, Manuel de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2015, 83).

Ces conditions ne sont pas présentes lorsque le demandeur se prévaut d'un droit qui fait partie du patrimoine de la société dont il est un associé. Un as-socié ne peut en son propre nom exercer les droits qui se trouvent dans le patri-moine de la personne morale, dont les actions en responsabilité. Ces droits n'ap-partiennent qu'à la personne morale (cf. Cass. 19 septembre 1996, Pas. 1996, I, n° 319; Cass. 4 février 2008, Pas. 2008, n° 80 ; Cass. 4 avril 2014, Pas. 2014, n° 268).

Ainsi, le droit d'indemnisation du dommage, causé par la faute d'un tiers, consistant en la diminution de la valeur de l'actif de la société, d'où résulte indirectement une diminution de la valeur de la participation de l'associé dans le capital social de la société, est un droit personnel de la société. L'action en respon-sabilité fait partie de l'actif de la société. Si l'action est exercée avec succès, alors la valeur du patrimoine de la société et, partant, de la participation dans la société accroîtra à nouveau. Ce droit d'action appartient exclusivement à la société. L'as-socié ne dispose pas de droit autonome pour ce dommage porté au patrimoine de la société (Cass. 23 février 2012, Pas. 2012, n° 131).

Il s'ensuit que l'action tendant à réparer un dommage causé au pa-trimoine de la société et indirectement à l'associé devra être déclarée irrecevable lorsqu'elle est exercée par l'associé (voir D. Willermain, « L'absence de préjudice réparable des actionnaires en cas d'atteinte au patrimoine social », RDCB 2013, 877, n° 4).

En l'occurrence, la défenderesse poursuivait l'annulation de l'acte de vente, conclu entre la société et monsieur V., en application de l'arti-cle 259, § 2, du Code des sociétés, et ce en raison du non-respect des formalités prescrites dans l'hypothèse d'un conflit d'intérêts.

De la sorte elle se prévalait toutefois d'un droit propre à la société. En effet, l'article 259, § 2, du Code des sociétés dispose explicitement que la société peut agir en nullité des décisions prises ou des opérations accomplies en violation des règles prévues audit article, à savoir celles relatives au conflit d'intérêts entre le gérant et la société.

Ce droit appartient exclusivement à la société. Il s'agit par ailleurs d'une nullité relative, ce qui implique que la société peut renoncer à l'invoquer.

La cour d'appel n'a dès lors pas pu décider légalement que la deman-de originaire était recevable dans la mesure où la défenderesse se prévalait d'un droit subjectif, réservé à la société, consacré par l'article 259, § 2, du Code des sociétés.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

-article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994,
-articles 22, alinéa 1er, 30, 55, 190, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 mars 2012, 190, tel que modifié par la loi du 19 mars 2012, 232, 238, 239, 255, alinéa 1er, 257, 259 et 260 du Code des sociétés,
-articles 1108, 1167, 1234, 1304, 1382, 1383, 1582 et 1583 du Code civil,
-articles 780bis et 1017, tel que d'application avant sa modification par la loi du 25 décembre 2016, du Code judiciaire

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 11 septembre 2015 la Cour d'appel de Bruxel-les a déclaré l'appel de la demanderesse non fondé, a confirmé le jugement dont appel en ce qu'il a reçu la demande originaire de la défenderesse et statué sur les frais des citations introductives d'instance et sur l'indemnité de procédure, statu-ant à nouveau pour le surplus, compte tenu de la demande de la défenderesse mo-difiée en degré d'appel, a constaté que la demande originaire était devenue sans objet, a dit n'y avoir lieu d'allouer une indemnité de procédure en degré d'appel, a déclaré la demande nouvelle de la demanderesse, tendant à condamner la défen-deresse à lui payer une indemnité de 10.000 euro pour procédure téméraire et vexa-toire, outre les dépens des deux instances, recevable, mais non fondée, et lui a dé-laissé les frais de son appel, ce après notamment avoir considéré que :

« La recevabilité de la demande originaire.

10.

(...)

S'il est vrai que l'action en annulation visée à l'article 259 § 2 du Code des sociétés appartient, en règle, à la société et non à un associé, soit en l'espèce à (la défen-deresse), celle-ci fait cependant valoir que la vente litigieuse pourrait avoir été conclue en fraude de ses droits (action paulienne) dès lors qu'il résulte du rapport provisoire de l'expert L. chargé par le tribunal de commerce de Mons d'es-timer la valeur des parts sociales qui lui appartenaient, qu'en tenant compte de la vente litigieuse, la différence de valeur et donc le préjudice subi par la société s'élève à 44.226,70 euro , dont 40 % au préjudice de (la défenderesse), soit 17.690,68 euro .

Le tribunal de commerce n'a pas encore statué en suite du dépôt du rapport d'ex-pertise.

Dans la mesure où (la défenderesse) soutenait, dans sa demande originaire, en se basant sur l'avis provisoire de l'expert judiciaire, que la (demanderesse) et M. V. ont pu agir de concert en vue de la priver au maximum de ses droits et de lui causer un préjudice propre, distinct de celui de la société, elle jus-tifie ainsi à suffisance de la recevabilité de son action, sur le double fondement de l'action paulienne et de l'article 259 § 2 du Code des sociétés.

Il s'ensuit que la demande originaire est recevable.

Le fondement de la demande originaire.

11.
Il ressort des débats d'audience que les parties ne contestent pas qu'il n'y a plus lieu de faire droit à la demande originaire d'annulation de la vente de l'unité 2 de l'immeuble, dès lors que la (défenderesse) ne détient plus aucune part dans la (demanderesse), qui était propriétaire de l'unité 2 de l'immeuble. La demande est aujourd'hui devenue sans objet.

12.
Encore y a-t-il lieu de statuer sur la demande d'indemnité pour procédure témé-raire et vexatoire dirigée par la (demanderesse) à l'encontre de (la défenderesse), ainsi que sur les dépens.

13.
C'est à bon droit que (la défenderesse) invoque, comme devant le premier juge, la violation de l'article 260 du Code des sociétés qui dispose qu'en l'absence d'un collège de gestion, visé à l'article 259 § 1, le gérant qui a un intérêt patrimonial, opposé doit en référer aux associés, et la décision ne pourra être prise ou l'opéra-tion accomplie pour le compte de la société que par un mandataire ad hoc.

En l'espèce, la vente du garage et de divers locaux et caves de l'immeuble ne figu-rait pas à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 14 février 2011, alors que l'ac-te de vente a été reçu le 17 février 2011, trois jours après l'assemblée générale à la-quelle (la défenderesse) avait été convoquée.

En outre, aucun mandataire ad hoc n'a été désigné pour passer l'acte authentique et agir pour le compte de la société ; celle-ci était, lors de la vente, représentée par M. P., désigné comme deuxième gérant à cette même assemblée générale du 14 février 2011.
La décision de vendre a donc manifestement été prise avant cette date, eu égard à la date de passation de l'acte trois jours plus tard et la nécessité d'accomplir les formalités administratives préalables.

Il résulte des considérations et développements qui précèdent que c'est à juste titre que le premier juge a, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259 § 2 du Code des sociétés et accueilli la demande en annulation.

La demande d'indemnité de la (demanderesse) du chef de procédure téméraire et vexatoire est dès lors non fondée. »

Griefs

Première branche

En vertu de l'article 259, § 1er, du Code des sociétés « le membre d'un collège de gestion qui a, directement ou indirectement, un intérêt opposé de natu-re patrimoniale à une décision ou à une opération soumise au collège de gestion, est tenu de le communiquer aux autres gérants avant la délibération au collège de gestion. Sa déclaration, ainsi que les raisons justifiant l'intérêt opposé qui existe dans le chef du gérant concerné, doivent figurer dans le procès-verbal du collège de gestion qui devra prendre la décision. De plus, il doit, lorsque la société a nom-mé un ou plusieurs commissaires, les en informer. En vue de la publication dans le rapport de gestion visé à l'article 95 ou, à défaut d'un tel rapport, dans un docu-ment à déposer en même temps que les comptes annuels, le collège de gestion dé-crit, dans le procès-verbal, la nature de la décision ou de l'opération visée à l'alinéa 1er et une justification de la décision qui a été prise ainsi que les conséquences pa-trimoniales pour la société. Le rapport de gestion contient l'entièreté du procès-verbal visé ci-avant. Le rapport des commissaires, visé à l'article 143, doit compor-ter une description séparée des conséquences patrimoniales qui résultent pour la société des décisions du collège de gestion, qui comportaient un intérêt opposé au sens de l'alinéa 1 ».

L'article 260 du Code des sociétés dispose que « s'il n'y a pas de collè-ge de gestion et qu'un gérant se trouve placé dans l'opposition d'intérêts visée à l'article 259, § 1er, il en réfère aux associés et la décision ne pourra être prise ou l'opération ne pourra être effectuée pour le compte de la société que par un man-dataire ad hoc. »

Aux termes de l'article 259, § 2, du Code des sociétés la société peut agir en nullité des décisions prises ou des opérations accomplies en violation des règles prévues audit article, à savoir celles relatives au conflit d'intérêts entre le gérant et la société.

Il ressort clairement du texte de cet article que cette action est réser-vée à la société, à l'exclusion de ses actionnaires ou de toute autre personne.

La nullité, dont fait état l'article 259, § 2, du Code des sociétés, est, par ailleurs, une nullité relative.

Il s'ensuit que seule la société peut s'en prévaloir.

Si, en l'occurrence, la cour d'appel a d'abord admis que « l'action en annulation visée à l'article 259 § 2 du Code des sociétés appartient, en règle, à la société et non à un associé », tout en retenant dans le chef de la défenderesse la possibilité d'agir par voie d'action paulienne, il apparaît des constatations suivan-tes de l'arrêt entrepris que la cour d'appel a examiné exclusivement si les condi-tions d'application de la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259, § 2, du Code des sociétés, étaient réunies, et a conclu que « c'est à jus-te titre que le premier juge a, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259 § 2 du Code des sociétés et accueilli la demande en annulation ».

La cour d'appel a dès lors, nonobstant la réserve préalablement ex-primée, accueilli la demande en annulation, dont fait état l'article 259, § 2, du Co-de des sociétés.

Partant, l'arrêt entrepris, qui considère que « c'est à juste titre que le premier juge a, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259 § 2 du Code des sociétés et accueilli la demande en annulation », alors que ladite action est réservée à la société, à l'exclu-sion de ses actionnaires, et que celle-ci décide seule de s'en prévaloir, n'est pas lé-galement motivé (violation des articles 259, §§ 1er et 2, et plus particulièrement § 2, et 260 du Code des sociétés) et, partant, n'a pas pu décider légalement que la de-mande d'indemnité de la demanderesse du chef de procédure téméraire et vexa-toire est dès lors non fondée (violation des articles 780bis du Code judiciaire et 1382 et 1383 du Code civil) et que le premier juge avait décidé à bon droit de con-damner les défendeurs originaires, dont la demanderesse, aux dépens d'instance (violation de l'article 1017 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modi-fication par la loi du 25 décembre 2016).

Deuxième branche

La validité d'un acte se détermine au moment où celui-ci est accom-pli, ainsi qu'il ressort de manière générale de l'article 1108 du Code civil.

Aux termes de l'article 1582 du Code civil la vente est une conven-tion par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique, ou sous seing privé.

L'article 1583 du Code civil dispose qu'elle est parfaite entre les par-ties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Il s'ensuit que la convention de vente se conclut au moment de l'échange de consentements.

En l'occurrence, la défenderesse poursuivait l'annulation de la vente de l'unité 2 de l'immeuble, situé à ..., avenue ..., avenue entre la société et monsieur V. et ayant fait l'objet de l'acte authentique reçu le 17 février 2011 par le notaire M. de résidence à ...

Il s'ensuit que la validité de cet acte devait s'apprécier au jour de la passation de l'acte, à moins qu'il n'existait un compromis de vente antérieure, con-sacrant l'échange de consentements entre la société et son gérant, liant définiti-vement les parties, ce qui n'est nullement constaté par l'arrêt entrepris, la prépara-tion d'un acte n'équivalant pas à sa conclusion.

Il s'ensuit que la nécessité de recourir à la procédure, visée aux arti-cles 259 et 260 du Code des sociétés, devait d'apprécier au jour de la passation de l'acte authentique.

En vertu de l'article 259, § 1er, du Code des sociétés « le membre d'un collège de gestion qui a, directement ou indirectement, un intérêt opposé de natu-re patrimoniale à une décision ou à une opération soumise au collège de gestion, est tenu de le communiquer aux autres gérants avant la délibération au collège de gestion. Sa déclaration, ainsi que les raisons justifiant l'intérêt opposé qui existe dans le chef du gérant concerné, doivent figurer dans le procès-verbal du collège de gestion qui devra prendre la décision. De plus, il doit, lorsque la société a nom-mé un ou plusieurs commissaires, les en informer. En vue de la publication dans le rapport de gestion visé à l'article 95 ou, à défaut d'un tel rapport, dans un do-cument à déposer en même temps que les comptes annuels, le collège de gestion décrit, dans le procès-verbal, la nature de la décision ou de l'opération visée à l'ali-néa 1er et une justification de la décision qui a été prise ainsi que les conséquences patrimoniales pour la société. Le rapport de gestion contient l'entièreté du procès-verbal visé ci-avant. Le rapport des commissaires, visé à l'article 143, doit compor-ter une description séparée des conséquences patrimoniales qui résultent pour la société des décisions du collège de gestion, qui comportaient un intérêt opposé au sens de l'alinéa 1 ».

Cet article s'applique lorsqu'il existe un collège de gestion, hypothèse exclue par la cour d'appel.

L'article 260 du Code des sociétés dispose que « s'il n'y a pas de collè-ge de gestion et qu'un gérant se trouve placé dans l'opposition d'intérêts visée à l'article 259, § 1er, il en réfère aux associés et la décision ne pourra être prise ou l'opération ne pourra être effectuée pour le compte de la société que par un man-dataire ad hoc. »

L'article 260 du Code des sociétés ne trouve dès lors à s'appliquer que s'il n'y a qu'un seul gérant.

Aux termes de l'article 255, alinéa 1er, du Code des sociétés les socié-tés privées à responsabilité limitée sont gérées par une ou plusieurs personnes, ré-munérées ou non, associés ou non.

L'article 257 du Code des sociétés dispose que « chaque gérant peut accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à l'accomplissement de l'objet social de la société, sauf ceux que le présent code réserve à l'assemblée générale.
Les statuts peuvent apporter des restrictions aux pouvoirs des gérants. Ces restric-tions ne sont pas opposables aux tiers, même si elles sont publiées.
Chaque gérant représente la société à l'égard des tiers et en justice, soit en de-mandant, soit en défendant. Toutefois, les statuts peuvent stipuler que la société est représentée par un ou plusieurs gérants spécialement désignés ou par plu-sieurs gérants agissant conjointement. Cette clause n'est opposable aux tiers que si elle concerne le pouvoir général de représentation et si elle a été publiée confor-mément à l'article 74, 2° ».

Il ressort de ces dispositions qu'à moins de clauses dérogatoires dans les statuts, chaque gérant a des pouvoirs concurrents sans qu'ils ne forment un collège.

En l'occurrence, la cour d'appel constate qu'à l'assemblée générale du 14 février 2011 monsieur P. fut désigné comme gérant.

Elle constate également que l'acte de vente litigieux fut passé le 17 février 2011 par l'intermédiaire de ce gérant.

Il ressort ainsi de l'ensemble de ces constatations qu'au jour de la passation de l'acte monsieur V. n'était plus l'unique gérant de la société et qu'il s'est abstenu de représenter la société à l'acte.

Partant, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement en l'arrêt entre-pris que les conditions d'application de l'article 260 du Code des sociétés étaient réunies au jour où l'acte de vente a été passé, dès lors qu'il n'apparaît pas des con-statations de l'arrêt entrepris qu'au jour où l'opération de vente était conclue il n'y avait qu'un seul gérant, à savoir monsieur V. (violation des articles 1108, 1582 et 1583 du Code civil, 255, alinéa 1er, 257, 259, § 1er, et 260 du Code des sociétés) et n'a, partant, pas pu décider légalement que c'est à juste titre que le pre-mier juge avait, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse prévue à l'article 259, § 2, du Code des sociétés, et accueilli la demande en annulation (violation des articles 1108, 1582 et 1583 du Code civil, 255, alinéa 1er, 257, 259, § 2, et 260 du Code des sociétés), ni décider légalement que la demande d'indemnité de la demanderesse du chef de procédure téméraire et vexatoire est dès lors non fondée (violation des articles 780bis du Code judi-ciaire et 1382 et 1383 du Code civil) et que le premier juge avait décidé à bon droit de condamner les défendeurs originaires, dont la demanderesse, aux dépens d'in-stance (violation de l'article 1017 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modification par la loi du 25 décembre 2016).

Troisième branche

Aux termes de l'article 1167 du Code civil les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

Une telle action permet au créancier de parer à la volonté fraudu-leuse de son débiteur de se rendre insolvable ou d'aggraver son insolvabilité par un acte sincère et avec la complicité d'un tiers.

L'action paulienne est une mesure exécutoire, qui ne peut entraîner la nullité de l'acte attaqué au sens de l'article 259, § 2, du Code des sociétés.

Elle ne peut tendre qu'à l'inopposabilité de l'acte incriminé à l'égard du seul créancier poursuivant, et seulement à son égard, et lui permettra, le cas échéant, de saisir le bien qui en faisait l'objet pour le faire vendre et se payer par le produit de réalisation forcée, et/ou à des dommages et intérêts, et ce dans les limi-tes de sa créance.

Il n'y aura toutefois aucun retour réel du bien au patrimoine du débi-teur, la mesure profitant au seul créancier poursuivant.

L'action paulienne ne peut dès lors en aucun cas justifier l'accueil d'une demande en nullité sur fondement de l'article 259, § 2, du Code des sociétés, action réservée à la société et entraînant l'annulation complète de l'acte incriminé avec effet rétroactif, effet attaché à toute demande en annulation, ainsi qu'il se dé-duit des articles 1234 et 1304 du Code civil.

Partant, si l'arrêt entrepris devait être lu en ce sens que la décision de la cour d'appel que l'application de la sanction de la nullité de l'opération liti-gieuse, prévue à l'article 259, § 2, du Code des sociétés, et l'accueil de la demande en annulation par le premier juge se justifiaient sur fondement de l'article 1167 du Code civil et/ou que l'action paulienne peut entraîner une sanction analogue à celle prévue par l'article 259, § 2, du Code des sociétés, celui-ci n'est pas légale-ment motivé (violation des articles 1167, 1234 et 1304 du Code civil et 259, § 2, du Code des sociétés) et, partant, n'a pas pu décider légalement que la demande d'in-demnité de la demanderesse du chef de procédure téméraire et vexatoire est dès lors non fondée (violation des articles 780bis du Code judiciaire et 1382 et 1383 du Code civil) et que le premier juge avait décidé à bon droit de condamner les défen-deurs originaires, dont la demanderesse, aux dépens d'instance (violation de l'arti-cle 1017 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modification par la loi du 25 décembre 2016).

Quatrième branche

Aux termes de l'article 1167 du Code civil les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

Une telle action permet au créancier de parer à la volonté fraudu-leuse de son débiteur de se rendre insolvable ou d'aggraver son insolvabilité par un acte sincère et avec la complicité d'un tiers.

L'accueil de cette action suppose la réunion de quatre conditions, à savoir, l'existence d'une créance antérieure à l'acte incriminé, un préjudice subi par le créancier, la fraude du débiteur visant à créer ou à augmenter son insolvabi-lité et la complicité du tiers cocontractant du débiteur.

Première sous-branche

Le tiers qui intente une action paulienne doit disposer d'abord, à char-ge de son débiteur, d'une créance, laquelle est antérieure à l'acte préjudiciable.

Si cette créance ne doit pas nécessairement être certaine, liquide ou exigible au jour de l'acte incriminé, sa cause doit à tout le moins être antérieure à cet acte et être étrangère à l'acte incriminé.

Cette créance doit, par ailleurs, exister, indépendamment de l'acte in-criminé.

En effet, comme précisé ci-dessus, l'action paulienne vise un acte, par lequel le débiteur se rend insolvable ou aggrave son insolvabilité, et, partant, con-stitue une mesure exécutoire dans les mains du créancier poursuivant.

En l'occurrence, la défenderesse se prévalait de sa qualité d'actionnai-re de la demanderesse, faisant valoir que l'acte incriminé représentait une perte de valeur de sa participation dans la société de 17.690,68 euro .

L'action est, par définition, un titre, représentatif du montant apporté, qui confère à son détenteur un ensemble de droits, dont celui d'intervenir dans la gestion de l'entreprise, d'en retirer un revenu appelé dividende, de recevoir en cas de dissolution une quote-part du patrimoine social.

Aux termes de l'article 22, alinéa 1er, du Code des sociétés chaque as-socié est débiteur envers la société de tout ce qu'il a promis d'y apporter. L'article 30 dudit code précise que lorsque l'acte de société ne détermine point la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, la part de chacun est en proportion de sa mise dans le fonds de la société.

Aux termes de l'article 232 du Code des sociétés il peut exister dans les sociétés privées à responsabilité limitée des parts et des obligations. L'article 238 dudit code dispose que le capital se divise en parts égales, assorties ou non du droit de vote, avec ou sans mention de valeur. Les parts sont indivisibles.

L'article 239 du Code des sociétés dispose que, sans préjudice de ce qui est prévu pour les parts sans droit de vote, chaque part confère un droit égal dans la répartition des bénéfices et des produits de la liquidation.

Le montant de la créance de l'associé à l'égard de la société, qui ne deviendra exigible qu'au jour de la clôture de la liquidation de la société, dépendra des opérations de liquidation.

Aux termes de l'article 55 du Code des sociétés les règles concernant le partage des successions, la forme de ce partage, et les obligations qui en résul-tent entre les cohéritiers, s'appliquent aux liquidations entre associés des sociétés visées par le livre III « La société de droit commun, la société momentanée et la société interne » dudit code.

L'article 190 du Code des sociétés, tel que d'application avant sa mo-dification par la loi du 19 mars 2012, dispose en effet que :
« 1er. Les liquidateurs, sans préjudice des droits des créanciers privilégiés, paieront toutes les dettes, proportionnellement et sans distinction entre les dettes exigibles et les dettes non exigibles, sous déduction de l'escompte pour celles-ci.
Ils pourront cependant, sous leur garantie personnelle, payer d'abord les créances exigibles, si l'actif dépasse notablement le passif ou si les créances à terme ont une garantie suffisante et sauf le droit des créanciers de recourir aux tribunaux.
Avant la clôture de la liquidation, les liquidateurs soumettent le plan de réparti-tion de l'actif entre les différentes catégories de créanciers pour accord au tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel se trouve le siège de la société.
Le tribunal peut requérir du liquidateur tous renseignements utiles pour vérifier la validité du plan de répartition.
§ 2. Après le paiement ou la consignation des sommes nécessaires au paiement des dettes d'une société, les liquidateurs distribueront aux associés les sommes ou valeurs qui peuvent former des répartitions égales; ils leur remettront les biens qui auraient dû être conservés pour être partagés.
(...)».

Il dispose en sa version actuelle :
« §1er. Les liquidateurs, sans préjudice des droits des créanciers privilégiés, paie-ront toutes les dettes, proportionnellement et sans distinction entre les dettes exi-gibles et les dettes non exigibles, sous déduction de l'escompte pour celles-ci.
Ils pourront cependant, sous leur garantie personnelle, payer d'abord les créances exigibles, si l'actif dépasse notablement le passif ou si les créances à terme ont une garantie suffisante et sauf le droit des créanciers de recourir aux tribunaux.
Avant la clôture de la liquidation, les liquidateurs, un avocat, un notaire ou un ad-ministrateur ou un gérant de la société soumettent, par requête unilatérale confor-mément aux articles 1025 et suivants du Code judiciaire, le plan de répartition de l'actif entre les différentes catégories de créanciers pour accord au tribunal de l'arrondissement dans lequel se trouve le siège de la société au moment du dépôt de cette requête unilatérale. La requête précitée peut être signée par le ou les liquidateurs, par un avocat, par un notaire ou par un administrateur ou un gérant de la société.
Le tribunal peut requérir du liquidateur tous renseignements utiles pour vérifier la validité du plan de répartition.
§ 2. Après le paiement ou la consignation des sommes nécessaires au paiement des dettes d'une société, les liquidateurs distribueront aux associés les sommes ou valeurs qui peuvent former des répartitions égales; ils leur remettront les biens qui auraient dû être conservés pour être partagés.
(...) »

Il s'ensuit que, tant que la liquidation de la société n'est pas clôturée, l'associé n'a aucun droit acquis dans tel ou tel bien de l'actif de la société, le mon-tant de sa part dépendant de la consistance de l'actif et du passif de la société li-quidée à la date de sa dissolution.

Il s'ensuit également que l'actionnaire ne dispose à l'égard de la so-ciété d'aucune créance en raison de la perte de valeur de sa participation dans ladi-te société.

En l'occurrence, il apparaît des pièces de la procédure auxquelles Vo-tre Cour peut avoir égard ainsi que des constatations de l'arrêt entrepris que la dé-fenderesse se prévalait d'une perte de valeur de ses actions à concurrence de 17.690,68 euro en raison de la vente de l'immeuble par l'acte du 17 février 2011.

Des considérations qui précèdent il ressort toutefois que cette perte de valeur alléguée ne fait naître dans le chef de la société aucune dette à l'égard de l'associé.

Partant, si l'arrêt entrepris devait être lu en ce sens que la décision « que c'est à juste titre que le premier juge a, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259 § 2 du Code des sociétés et accueilli la demande en annulation », est justifiée sur fondement de l'article 1167 du Code civil, l'arrêt entrepris n'est pas légalement motivé, dès lors qu'il n'apparaît pas des constatations de l'arrêt entrepris que la défenderesse pou-vait se prévaloir à l'égard de la société d'une créance, antérieure à l'acte incriminé, en raison d'une prétendue diminution de valeur de sa participation dans la société (violation de l'articles 1167 du Code civil). A tout le moins, l'arrêt entrepris, omet-tant de préciser la nature de la créance, dont la défenderesse disposait à l'égard de la demanderesse, met ainsi Votre Cour dans l'impossibilité d'exercer son contrôle de la légalité et, partant, n'est pas légalement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994). A tout le moins, à supposer que les constatations de l'arrêt entrepris permettent à Votre Cour d'exercer son contrô-le de la légalité, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement, au moins implicite-ment, que la défenderesse disposait d'une telle créance à l'égard de la société, justi-fiant l'accueil de l'action paulienne, dès lors que la quote-part de l'actionnaire dans le patrimoine social n'est fixée qu'au jour de la liquidation (violation des articles 22, alinéa 1er, 30, 55, 190, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 mars 2012, 190, tel que modifié par la loi du 19 mars 2012, 232, 238 et 239 du Code des sociétés et 1167 du Code civil). Partant, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement que la demande d'indemnité de la demanderesse du chef de procédure téméraire et vexatoire est dès lors non fondée (violation des articles 780bis du Co-de judiciaire et 1382 et 1383 du Code civil) et que le premier juge avait décidé à bon droit de condamner les défendeurs originaires, dont la demanderesse, aux dé-pens d'instance (violation de l'article 1017 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modification par la loi du 25 décembre 2016).

Deuxième sous-branche

Le tiers qui intente une action paulienne doit démontrer que son dé-biteur a agi afin de créer ou d'augmenter son insolvabilité.

Autrement dit, l'acte illicite allégué doit être imputable au débiteur.

En l'occurrence, il apparaît des constatations de l'arrêt entrepris que la défenderesse poursuivait en sa qualité d'actionnaire de la société l'annulation d'un acte de vente, intervenu entre la société et son gérant, au motif que ce der-nier n'avait pas respecté les prescriptions des articles 259 et 260 du Code des socié-tés.

Les formalités, dont font état lesdits articles, dont le contenu est rap-pelé dans la première branche du moyen, sont imposées au gérant. C'est à ce dernier qu'il appartient, le cas échéant, d'informer les associés de l'existence d'un conflit d'intérêt. Il s'agit dès lors d'une obligation incombant personnellement au gérant, à l'exclusion de la société, qui ne peut être personnellement rendue res-ponsable de son non-respect par le gérant.

Il s'ensuit que la seule constatation que le gérant n'aurait pas respecté lesdites formalités ne pouvait en aucun cas justifier l'accueil de l'action paulienne, l'une des conditions essentielles de cette action, à savoir la fraude du débiteur vi-sant à créer ou à augmenter son insolvabilité, faisant défaut dans le chef du débi-teur allégué, à savoir la société.

Partant, si l'arrêt entrepris devait être lu en ce sens que la décision « que c'est à juste titre que le premier juge a, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259 § 2 du Code des sociétés et accueilli la demande en annulation », est justifiée sur fondement de l'article 1167 du Code civil, alors qu'il ressort des constatations de l'arrêt entrepris qu'au moins une condition essentielle de l'action paulienne faisait défaut, à savoir un acte frauduleux dans le chef de la société, l'arrêt entrepris n'est pas légalement motivé (violation des articles 1167 du Code civil et 259 et 260 du Codes des so-ciétés). Partant, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement que la demande d'in-demnité de la demanderesse du chef de procédure téméraire et vexatoire est dès lors non fondée (violation des articles 780bis du Code judiciaire et 1382 et 1383 du Code civil) et que le premier juge avait décidé à bon droit de condamner les défen-deurs originaires, dont la demanderesse, aux dépens d'instance (violation de l'arti-cle 1017 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modification par la loi du 25 décembre 2016).

Cinquième branche

Aux termes de l'article 1167 du Code civil les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

L'accueil de cette demande suppose que le créancier démontre avoir subi un dommage en raison de l'acte incriminé.

En l'occurrence, la demanderesse faisait valoir dans ses conclusions additionnelles aux pages 9 et suivantes que la défenderesse « restait en défaut de démontrer (...) qu'il ne s'agirait pas d'une opération habituelle conclue dans les conditions et sous les garanties normales du marché pour des opérations de même nature.

36. (La défenderesse) se contente, en effet, de procéder à des extrapolations, quant à la valeur de marché, fondée sur une opération de vente qu'elle a conclue seule - alors qu'elle n'était que copropriétaire indivisaire et qu'à ce titre une action en annulation est actuellement pendante - dans le cadre de la vente d'un autre gara-ge qui a été acquis à des conditions totalement hors marché dans la mesure où l'adjudicataire de ce bien espérait également pouvoir acquérir un appartement dans ce même immeuble (...). Les conditions douteuses dans lesquelles cette ven-te s'est déroulée ont été rappelées supra.

(La défenderesse) fait dès lors preuve d'une mauvaise foi plus que certaine lors-qu'elle prétend appliquer une règle de trois en partant du prix de vente de ce garage dont le prix obtenu est totalement disproportionné par rapport au marché et ne s'explique que par les manœuvres, dolosives, de (la défenderesse) elle-même et pour lesquelles, au demeurant, l'adjudicataire du garage s'est constitué partie civile entre les mains d'un juge d'instruction.

37. Les rapports d'expertise versés au débat démontrent, au contraire, que l'opé-ration critiquée par (la défenderesse) dans le cadre de la présente procédure s'est faite aux conditions de marché (...). Aucune contre-expertise n'est d'ailleurs pro-duite pas (la défenderesse), et pour cause.

Il est d'ailleurs piquant de constater que dans le cadre de l'expertise ordonnée par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Mons, siégeant comme en ré-féré, visant à valoriser les participations de (la défenderesse) dans la société LA CAYENNE, (la défenderesse) a déclaré à l'expert L. qu'il n'y avait pas lieu de recourir à un sapiteur immobilier et qu'il pouvait s'en tenir aux évalua-tions réalisées par l'expert R. le 28 février 2012, qui reprend pour l'unité 2 une valeur de 67.000 euro ... (...) c'est-à-dire le prix payé par Monsieur V., à la (demanderesse) ...

38. En revanche, c'est à tort que, se fondant sur ce rapport (qui est contesté par Monsieur V. (la défenderesse) prétend également que la dif-férence de valeur entre l'hypothèse de la valorisation des parts de LA CAYENNE avec l'unité 2 et sans l'unité 2 serait de 44.226,70 euro (= 1.068.135,97 - 1.023.909,27) et elle en déduit que son préjudice serait de 22.113,35 euro .

D'abord parce que ceci résulte d'une pure erreur de calcul dans le chef de l'Expert qui ne tient pas compte de tous les effets d'une annulation qui emporte, outre la réintégration du lot litigieux dans le patrimoine de la société (ce dont il tient compte en majorant le montant de 80.000 euro dans son hypothèse « hors caves » de 67.000 euro (et donc 147.000 euro au total) dans son hypothèse « avec cave »), le rem-boursement du prix payé (ce dont il ne tient pas compte).

(...)

39. L'expert omet donc bien que, dans la seconde hypothèse (annulation de la ven-te de l'unité 2), la société La Cayenne devra rembourser le prix de la vente annu-lée à Monsieur V., soit 67.000 euro et que ce montant viendra dès lors en déduction de l'actif net.

Dans cette seconde hypothèse, le calcul s'établira dès lors, et à tout le moins, comme suit (...) :
861.306,17 - 67.000 + 147.000 - 27.192,00 + 60.000,00 + 40.000,00 + 9.795,10 VE = 1.023.390,20 EUR

40. La société La Cayenne n'est dès lors nullement préjudiciée (ce que (la défend-eresse) a d'ailleurs implicitement mais nécessairement reconnu dans le cadre de cette expertise), que du contraire, puisque la valeur de l'entreprise, dans cette se-conde hypothèse, est inférieure à celle calculée sans annulation de la vente .... et ce pour des raisons d'impact fiscal, la vente litigieuse d'un lot de l'immeuble n'ayant pas épuisé la valeur résiduelle bilantaire de l'immeuble dans son ensemble et n'ayant donc pas généré de plus-value taxable ».

Il s'ensuit que la demanderesse contestait l'existence du dommage allégué, faisant valoir que la vente s'était faite aux conditions normales du marché et reprochant à l'expert d'avoir omis de tenir compte du prix à rembourser à l'acheteur en cas d'annulation de la vente.

Si, en l'occurrence, il est fait état dans l'arrêt entrepris d'un rapport d'expertise, la cour d'appel constate également que le tribunal de commerce qui a ordonné l'expertise, n'a pas encore fait droit sur la demande au fond. L'arrêt entre-pris ne constate pas davantage que l'acte de vente incriminé a effectivement causé un préjudice.

Partant, si l'arrêt entrepris devait être lu en ce sens que la décision « que c'est à juste titre que le premier juge a, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259 § 2 du Code des sociétés et accueilli la demande en annulation », est justifiée sur fondement de l'article 1167 du Code civil, alors qu'il n'est pas constaté que l'acte incriminé a ef-fectivement causé un préjudice à la défenderesse, l'arrêt entrepris n'est pas légale-ment motivé (violation de l'article 1167 du Code civil). A tout le moins l'arrêt en-trepris reste en défaut de répondre au moyen circonstancié précité, à savoir qu'au-cun préjudice n'était démontré, et, partant, n'est pas régulièrement motivé (viola-tion de l'article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994). Partant, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement que la demande d'indemnité de la de-manderesse du chef de procédure téméraire et vexatoire est dès lors non fondée (violation des articles 780bis du Code judiciaire et 1382 et 1383 du Code civil) et que le premier juge avait décidé à bon droit de condamner les défendeurs origi-naires, dont la demanderesse, aux dépens d'instance (violation de l'article 1017 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modification par la loi du 25 décem-bre 2016).

DEVELOPPEMENTS

1. Dans la première branche la demanderesse reproche à l'arrêt entre-pris d'avoir décidé que « c'est à juste titre que le premier juge a, au moment où il a statué, appliqué la sanction de la nullité de l'opération litigieuse, prévue à l'article 259 § 2 du Code des sociétés et accueilli la demande en annulation », alors que l'action dont il est question à l'article précité, est réservée à la société, à l'exclusion de ses actionnaires, ce qu'avait d'ailleurs reconnu d'abord la cour d'appel.

Il ressort en effet du texte que seule la société peut agir en nullité (Y. De Cordt (coord.), Société anonyme, Bruxelles, Bruylant, 2014, 383, n° 520 ; P. Baert, « Commentaar bij art. 259 W.Venn. », in Vennootschappen & Verenigingen. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Mali-nes, Kluwer, sept. 2009, 10 ; J. Malherbe, Y. De Cordt, Ph. Lambrecht et Ph. Malher-be, Droit des sociétés. Précis. Droit communautaire. Droit belge, Bruxelles, Bruy-lant, 2000, 614, n° 981 ; H. Laga, « Belangenconflicten, aantal bestuurders en schriftelijke besluitvorming in de N.V. in Jan Ronse Instituut KU Leuven, De nieuwe Vennootschapswetten van 7 et 13 april 1995, Kalmthout, Biblo, 1995, 203, n° 52 ; F. Parrein, « De belangenconflictprocedure : de toepassing op de manage-mentvennootschap en de nietigheidssanctie kritisch bekeken », TRV 2010, 558).

Il s'agit par ailleurs d'une nullité relative (Y. De Cordt, (coord.), Socié-té anonyme, Bruxelles, Bruylant, 2014, 383, n° 520 ; H. Braeckmans et R. Houben, Handboek Vennootschapsrecht, Anvers, Intersentia, 2012, 313, n° 571 ; Ph. Ernst, « Commentaar bij art. 523 W.Venn. (oud art. 60 Venn .W.)», in Vennootschappen & Verenigingen. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Malines, Kluwer, nov. 2000, 88, n° 103; H. Laga, o.c., 203, n° 52, et 204, n° 53). La société peut dès lors décider de ne pas l'invoquer.

Il s'ensuit qu'en aucun cas la défenderesse ne pouvait introduire l'action en nullité, dont question à l'article 259, § 2, du Code des sociétés.

2. La seconde branche reproche à l'arrêt entrepris d'avoir décidé que les formalités prescrites par l'article 260 du Code des sociétés avaient été violées, alors qu'il n'apparaît pas qu'au jour où l'opération de vente était conclue il n'y avait qu'un seul gérant, à savoir monsieur V., contrepartie à l'acte de vente.

Afin de déterminer si les formalités de l'article 260 du Code des socié-tés devaient être respectées, il importait de déterminer si au moment de l'acte incriminé l'acheteur était le seul gérant en fonction.

En effet, l'article 260 du Code des sociétés s'applique uniquement dans l'hypothèse où il n'y a qu'un seul gérant. Lorsqu'il y a plusieurs gérants, ceux-ci disposent de pouvoirs de gestion concurrents. Dans cette hypothèse il suffit que le gérant ayant un intérêt contradictoire s'abstient d'intervenir à l'acte (M. Coipel, Les sociétés privées à responsabilité limitée, Bruxelles, Larcier, 2008, 449, n° 281, et 463, n° 288).

Une vente se conclut lors de l'échange des consentements. Il importe dès lors de se situer à ce moment pour vérifier l'infraction à l'article 260 du Code des sociétés.

En l'occurrence, il apparaît qu'au moment de l'opération, soit la pas-sation de l'acte authentique le 17 février 2011, la société était représentée par un second gérant, désigné par l'assemblée générale du 14 février 2011. Il n'est pas constaté qu'avant cette date les parties à la vente avaient déjà échangé leurs consentements à la vente.

Partant, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement que l'article 260 du Code des sociétés avait été violé, de sorte que l'acte de vente devait être annulé.

3. La troisième branche envisage l'hypothèse que la cour d'appel a ac-cueilli l'action fondée sur l'article 1167 du Code civil.

Une telle action permet au créancier de parer à la volonté fraudu-leuse de son débiteur de se rendre insolvable ou d'aggraver son insolvabilité par un acte sincère et avec la complicité d'un tiers. L'action paulienne est une mesure exécutoire, qui ne peut entraîner la nullité de l'acte attaqué au sens de l'article 259, § 2, du Code des sociétés. Elle ne peut que tendre à l'inopposabilité de l'acte incriminé à l'égard du seul créancier poursuivant, et seulement à son égard, et lui permettra, le cas échéant, de saisir le bien qui en faisait l'objet pour le faire vendre et se payer par le produit de réalisation forcée, et/ou à des dommages et intérêts, et ce dans les limites de sa créance (S. Bar et C. Alter, Les effets du contrat, Water-loo, Kluwer, 2006, 152, n° 279 ; Cass. 25 octobre 2001, Pas. 2001, 1706).

Il s'ensuit que cette action ne pouvait nullement justifier l'annulation de la vente, serait-ce par référence à l'article 259, § 2, du Code des sociétés.

4. L'action paulienne suppose par ailleurs que le demandeur dispose d'une créance à l'égard de son débiteur qui est antérieure à l'acte incriminé.

En effet, quatre conditions doivent être réunies pour que l'action pau-lienne puisse être accueillie, à savoir :
- une créance antérieure à l'acte incriminé,
- un préjudice subi par le créancier,
- la fraude du débiteur visant à créer ou à augmenter son insolvabilité,
- la complicité du tiers cocontractant du débiteur (S. Bar et C. Alter, Les effets du contrat, Waterloo, Kluwer, 2006, 134, n° 241).

Il s'ensuit que le créancier doit notamment disposer d'une créance antérieure à l'acte préjudiciable à charge de son débiteur. Cette condition ne signi-fie toutefois pas que sa créance doive, au jour de l'acte litigieux, être certaine, exigible et liquide, mais bien que sa cause (son principe) doit être antérieure à cet acte (S. Bar et C. Alter, o.c., 135, n° 245).

La défenderesse devait dès lors démontrer être créancière de la socié-té, désignée comme sa débitrice, avant que l'acte incriminé, à savoir la vente de l'unité 2, n'ait été posé.

En l'occurrence, la défenderesse se prévalait de sa qualité d'action-naire.

L'action est, par définition, un titre, représentatif du montant apporté, qui confère à son détenteur un ensemble de droits, dont celui d'intervenir dans la gestion de l'entreprise, d'en retirer un revenu appelé dividende, de recevoir en cas de dissolution une quote-part du patrimoine social (G. Stevens, « La preuve d'un concept juridique polymorphe : la qualité d'associé », in O. Caprasse (dir.), Preuve et information dans la vie des sociétés, Bruxelles, Larcier, 2010, 154, n° 23).

L'associé n'a, toutefois, à l'égard de la société, aucun droit acquis à une part dans tel ou tel bien de la société, ni à une indemnité du chef de la dimi-nution de la valeur de sa participation (cf. Cass. 23 février 2012, Pas. 2012, n° 131).

Il s'ensuit que la défenderesse ne pouvait nullement se prétendre cré-ancière de la société, trouvant sa cause dans la constitution de l'actif.

A tout le moins, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement, au moins implicitement, qu'elle disposait d'une telle créance à l'égard de la société, qui justifiait l'accueil de l'action paulienne (première sous-branche).

Le tiers qui intente une action paulienne doit par ailleurs démontrer que son débiteur a agi afin de créer ou d'augmenter son insolvabilité. L'acte illicite allégué doit être imputable au débiteur, le tiers devant se rendre complice de cet acte. En l'occurrence, il apparaît des constatations de l'arrêt entrepris que la défen-deresse poursuivait en sa qualité d'actionnaire de la société l'annulation d'un acte de vente, intervenu entre la société et son gérant, au motif que ce dernier n'avait pas respecté les prescriptions des articles 259 et 260 du Code des sociétés.

Les formalités, dont font état lesdits articles, dont le contenu est rap-pelé dans la première branche du moyen, sont imposées au gérant. C'est à ce der-nier qu'il appartient, le cas échéant, d'informer les associés de l'existence d'un con-flit d'intérêt. Il s'agit dès lors d'une obligation incombant personnellement au gé-rant, à l'exclusion de la société, qui ne peut être personnellement rendue respon-sable de son non-respect par le gérant.

Il s'ensuit que la seule constatation que le gérant n'aurait pas respecté lesdites formalités ne pouvait en aucun cas justifier l'accueil de l'action paulienne, puisqu'une des conditions essentielles de cette action, à savoir la fraude du débi-teur, visant à créer ou à augmenter son insolvabilité, faisait défaut dans le chef du débiteur allégué, à savoir la demanderesse (deuxième sous-branche).

5. Enfin, il faut que l'acte cause un préjudice.

Or, en l'espèce, il n'apparaît nullement des constatations de l'arrêt en-trepris que cette condition était remplie.

A tout le moins l'arrêt reste en défaut de répondre quant à ce au mo-yen développé dans les conclusions.

PAR CES CONSIDERATIONS

L'avocat à la Cour de Cassation soussigné conclut pour la demande-resse qu'il Vous Plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt entrepris, renvoyer la cause et les parties à une autre cour d'appel ; dépens comme de droit.

Bruxelles, le 10 novembre 2017.

Patricia Vanlersberghe


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C.17.0642.F
Date de la décision : 01/06/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

SOCIETES ; SOCIETES COMMERCIALES ; Sociétés privées à responsabilité limitée


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-01;c.17.0642.f ?

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