N° P.18.0232.F
B.F.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège, et Cécile Dascotte, avocat au barreau de Mons.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 février 2018 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir deux moyens dans un mémoire déposé au greffe.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du mémoire :
La Cour ne peut avoir égard au mémoire reçu au greffe le mardi 17 avril 2018, soit en dehors du délai de deux mois prévu par l'article 429, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, la déclaration de pourvoi ayant été faite le 16 février 2018.
Le mémoire est irrecevable.
Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 204 du Code d'instruction criminelle et de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Pour rejeter la force majeure invoquée par le demandeur et le déclarer déchu de son recours au motif qu'il n'a pas déposé de requête d'appel dans le délai prescrit par l'article 204, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, les juges d'appel ont constaté qu'il avait reçu de l'administration pénitentiaire le formulaire de griefs visé à l'alinéa 3 de cette disposition, conformément à l'article 1er de la loi du 25 juillet 1893 relative aux déclarations d'appel des personnes détenues ou internées. Après avoir relevé que le demandeur n'avait pas été assisté d'un avocat pendant le temps de la procédure qui a précédé l'expiration du délai d'appel, ils ont notamment estimé que ne pouvait relever de la force majeure la circonstance que l'intéressé n'aurait pas reçu d'informations au sujet de la portée de cette requête, pareil devoir de l'informer n'étant pas prévu par la loi, et ce, peu importe que le formulaire lui ait seulement été remis après sa déclaration d'appel.
En application de l'article 204 du Code d'instruction criminelle, à peine de déchéance de l'appel, le prévenu est tenu, dans le délai prévu pour former ce recours, d'indiquer dans une requête les griefs élevés contre le jugement entrepris. Conformément à l'article 204, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle, un formulaire dont le modèle est déterminé par le Roi peut être utilisé à cette fin.
Lorsqu'il n'apparaît d'aucune des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que l'obligation de déposer ce formulaire de griefs ou cette requête dans le délai de trente jours pour former l'appel, a été portée à la connaissance du prévenu détenu, qui n'était pas assisté par un avocat et qui a manifesté son intention d'interjeter appel, le juge d'appel ne peut le déclarer déchu de ce recours en application de l'article 204 précité, à peine de le priver du droit d'accès à un tribunal.
Écartant la force majeure alléguée par le demandeur, sans avoir égard à pareilles circonstances qu'il avait invoquées, l'arrêt viole l'article 204 du Code d'instruction criminelle et l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'interprétation que la Cour européenne lui a donnée.
Il s'ensuit qu'en décidant que le demandeur est déchu de son appel, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué dessus par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du trente mai deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe