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29/05/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0762.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 mai 2018, P.17.0762.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0762.N
I. M. P.,
Me Jorgen Van Laer, avocat au barreau d'Anvers,
II. A. A.,
Me Hugo Vandenberghe, avocat au barreau de Bruxelles,
III. S. P.,
Me Abdel Belkhouribchia, avocat au barreau du Limbourg,
IV. S. U.,
Me Robin Vanhoyland, avocat au barreau du Limbourg,
V. 1. ARINGO, société anonyme,
2. KONTAKT M sro, société de droit slovaque,
Me Pieter Helsen, avocat au barreau du Limbourg,
VI. N. B.,
Me Lur Arnou, avocat au barreau de Bruges,
VII. I. G.,
Me Zvonimir Adam Miskovic,

avocat au barreau du Limbourg,


VIII. 1. M. S.,
2. S. N.,
Me Hans Van Bavel, avocat au barreau de Br...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0762.N
I. M. P.,
Me Jorgen Van Laer, avocat au barreau d'Anvers,
II. A. A.,
Me Hugo Vandenberghe, avocat au barreau de Bruxelles,
III. S. P.,
Me Abdel Belkhouribchia, avocat au barreau du Limbourg,
IV. S. U.,
Me Robin Vanhoyland, avocat au barreau du Limbourg,
V. 1. ARINGO, société anonyme,
2. KONTAKT M sro, société de droit slovaque,
Me Pieter Helsen, avocat au barreau du Limbourg,
VI. N. B.,
Me Lur Arnou, avocat au barreau de Bruges,
VII. I. G.,
Me Zvonimir Adam Miskovic, avocat au barreau du Limbourg,

VIII. 1. M. S.,
2. S. N.,
Me Hans Van Bavel, avocat au barreau de Bruxelles,
IX. M. A.,
Me Philippe Daeninck, avocat au barreau du Limbourg,
prévenus,
demandeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 15 juin 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie conforme.
Le demandeur II invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur III invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur IV invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Les demanderesses V invoquent cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur VI invoque quinze moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, et six moyens dans un mémoire complémentaire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur VII invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Les demandeurs VIII invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie conforme.
Le demandeur IX invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen du demandeur I :
(...)
Quant à la deuxième branche :

4. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : l'arrêt rejette la défense du demandeur selon laquelle l'origine des poursuites engagées à son encontre est nébuleuse, qu'aucune période d'incrimination n'est clairement précisée pour les différents transports et que les actes qui lui sont concrètement reprochés en tant que coauteur ne sont pas davantage indiqués ; l'acte de saisine et la citation doivent permettre au prévenu de préparer sa défense ; l'objet des poursuites engagées contre le demandeur n'est apparu clairement qu'à l'audience.

5. L'article 6, § 3, point a, de la Convention garantit le droit pour toute personne poursuivie du chef d'une infraction d'être informée dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre elle.

6. En matière correctionnelle ou de police, l'ordonnance de renvoi rendue par une juridiction d'instruction ou la citation à comparaître devant la juridiction de jugement saisit les juridictions de jugement non de la qualification et du libellé y figurant, mais des faits tels qu'ils ressortent des pièces de l'instruction ou de l'information judiciaire et qui fondent l'ordonnance de renvoi ou la citation. Le juge peut prendre en considération des éléments du dossier répressif qui ont été soumis à la contradiction des parties afin de déterminer les faits visés par une prévention qui ont fait l'objet d'une saisine et si ces faits ont été décrits de manière suffisamment claire pour que le prévenu sache contre quoi se défendre.

Il n'est pas requis que le libellé de la prévention figurant dans l'ordonnance de renvoi ou dans la citation fasse mention d'une quelconque circonstance de fait révélant que le prévenu a participé aux préventions qui lui sont reprochées.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

7. Par adoption des motifs du jugement entrepris, l'arrêt considère que le libellé des faits visés aux préventions figurant dans l'ordonnance de renvoi et les pièces du dossier répressif indiquent clairement, à l'égard de chaque prévenu, les faits dont il est précisément question et que, par ailleurs, il n'est pas requis, dans le cadre d'une participation punissable, d'énumérer tous les actes sous-jacents devant révéler cette participation. Ainsi, l'arrêt justifie légalement la décision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

8. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 28bis, § 2, du Code d'instruction criminelle : l'arrêt considère qu'il n'est pas question d'une enquête proactive, alors que l'enquête a été ouverte sur la base d'une requête non datée d'un magistrat fédéral adressée à la police judiciaire en vue de faire établir un rapport des informations actuelles et historiques relatives à la famille A. de M., sans autre précision ni indication ; il n'était pas question d'une suspicion raisonnable de quelque infraction que ce soit ; les informations ayant justifié l'ouverture de l'instruction judiciaire doivent pouvoir être vérifiées par les prévenus ; le seuil d'ouverture d'une instruction pénale n'avait pas été atteint.

9. L'article 28bis, § 2, du Code d'instruction criminelle dispose : « L'information s'étend à l'enquête proactive. Celle-ci, dans le but de permettre la poursuite d'auteurs d'infractions, consiste en la recherche, la collecte, l'enregistrement et le traitement de données et d'informations sur la base d'une suspicion raisonnable que des faits punissables vont être commis ou ont été commis mais ne sont pas encore connus, et qui sont ou seraient commis dans le cadre d'une organisation criminelle, telle que définie par la loi, ou constituent ou constitueraient un crime ou un délit tel que visé à l'article 90ter, §§ 2, 3 et 4. Pour entamer une enquête proactive, l'autorisation écrite et préalable du procureur du Roi, de l'auditeur du travail, [ou du procureur fédéral], dans le cadre de leur compétence respective, est requise, sans préjudice du respect des dispositions légales spécifiques réglant les méthodes particulières de recherche et autres méthodes. »

10. Cette disposition ne s'oppose pas à la possibilité de réaliser une étude préliminaire afin de vérifier s'il est question d'une suspicion raisonnable que des faits punissables vont être commis ou ont été commis mais ne sont pas encore connus. Dans le cadre de cette étude préliminaire, les services de police peuvent utiliser, entre autres, les informations dont ils disposent déjà sur la base de dossiers antérieurs ou qui leur sont parvenues sans y avoir contribué activement. Ces actes, dont l'ampleur et la portée sont limitées, ne relèvent pas de l'enquête proactive.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

11. Les éléments issus d'une telle étude préliminaire et la manière dont ils ont été obtenus ne doivent pas être mentionnés dans un procès-verbal. Seules les informations pertinentes par rapport à l'infraction dont il est dressé procès-verbal doivent être mentionnées. Ce n'est pas le cas des informations qui ne se rapportent pas à cette infraction.

Le ministère public et les fonctionnaires de police sont censés agir loyalement en la matière. Il appartient aux parties de rendre admissible le fait que le ministère public et la police n'aient pas consigné ou fait consigner dans un procès-verbal des informations qu'elles estiment pertinentes à leur égard, en violation de leurs droits de défense. Le juge se prononce souverainement sur ce point.

12. L'arrêt (p. ...) considère que :
- aucune irrégularité ne peut être admise en ce qui concerne la requête du procureur fédéral adressée à la police judiciaire en vue de faire « établir un rapport des informations existantes (actuelles et historiques) concernant la famille A. de M. » ;
- il s'agit tout au plus d'une étude préliminaire autorisée et non d'une « enquête pré-proactive » interdite ;
- aucune disposition légale ne s'oppose à ce qu'un minimum d'éléments soient recueillis pour justifier l'ouverture d'une enquête proactive, et la collecte d'informations s'inscrit dans le cadre légal et la mission légale du ministère public que définit l'article 22 du Code d'instruction criminelle ;
- l'absence de date sur l'apostille du procureur fédéral est sans incidence à cet égard et la connexité entre l'apostille et son exécution dans le rapport de la police judiciaire ne laisse subsister aucun doute sur sa régularité ;
- les droits de la défense et le droit à un procès équitable ne s'opposent pas à ce qu'il ne soit pas précisé comment ont été obtenues les informations prises en considération au seul titre de renseignements afin d'orienter une enquête proactive ou réactive dans une direction déterminée et de réunir ensuite des preuves de manière autonome, dans la mesure où, tel qu'en l'espèce, il n'est pas rendu plausible que leur obtention ait été entachée d'irrégularité ;
- rien ne révèle le caractère arbitraire de la demande d'étude préliminaire, dès lors qu'il était indiqué dans les notes écrites du ministère public déposées à l'audience que les personnes concernées figuraient, sur des forums policiers européens, en tête de liste des personnes impliquées dans le trafic de cocaïne et de substances psychotropes et qu'il n'y a pas lieu d'en douter.

Par ces motifs, l'arrêt justifie légalement la décision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la quatrième branche :

13. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : l'arrêt considère que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme citée par le demandeur n'évoque la provocation que dans les situations où il est rendu plausible qu'à la suite d'une intervention de la police ou d'un tiers, des faits ont effectivement été commis et que le prévenu a été poursuivi de leur chef, alors que ces arrêts indiquent qu'il appartient au ministère public de prouver l'absence de provocation, à condition que les accusations de la défense ne soient pas totalement invraisemblables, et qu'à défaut d'une telle preuve, les autorités judiciaires doivent entreprendre les démarches nécessaires à la manifestation de la vérité ; il s'avère que des courriers électroniques impliquant le prétendu infiltrant civil n'ont pas été versés au dossier, mais réservés au dossier confidentiel sans que le demandeur ait pu en prendre connaissance, en violation du principe selon lequel le ministère public doit faire preuve d'ouverture si la défense démontre que la provocation n'est pas totalement dénuée de crédibilité ; la chambre des mises en accusation a omis de faire verser des éléments du dossier confidentiel au dossier répressif ordinaire ; l'utilisation d'un dossier confidentiel constitue, en l'espèce, une violation du droit du demandeur à la contradiction.

14. L'arrêt (p. ...) considère qu'il n'a pas été démontré ni rendu admissible de quelque manière que ce soit qu'il serait question de provocation.

Dans la mesure où il est déduit de la prémisse que l'arrêt statue autrement, le moyen, en cette branche, se fonde sur une lecture erronée de l'arrêt et, par conséquent, manque en fait.

15. L'article 30, alinéa 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale précise qu'il est question de provocation lorsque, dans le chef de l'auteur, l'intention délictueuse est directement née ou est renforcée, ou est confirmée alors que l'auteur voulait y mettre fin, par l'intervention d'un fonctionnaire de police ou d'un tiers agissant à la demande expresse de ce fonctionnaire.

Il n'est pas question de provocation lorsque l'intention de commettre une infraction est née indépendamment de toute intervention du fonctionnaire de police ou d'un tiers agissant à la demande expresse de ce fonctionnaire, ce dernier s'étant borné à créer l'occasion de commettre librement un fait punissable dans des circonstances telles qu'il peut en constater la perpétration tout en laissant l'opportunité à l'auteur de renoncer librement à son entreprise délictueuse.

16. Le juge apprécie souverainement si l'intervention du fonctionnaire de police ou du tiers agissant à la demande de ce fonctionnaire est à l'origine de l'intention délictueuse de l'auteur ou l'a encouragée, ou n'était que l'occasion de commettre librement un fait punissable dans des circonstances où l'auteur avait toujours la liberté de renoncer à cette entreprise.

17. L'arrêt (p. ...) constate souverainement que :
- l'indicateur a rencontré un des prévenus initiaux et le demandeur VI à diverses occasions au cours desquelles il a recueilli activement des informations ;
- il existe des indices selon lesquels « Z. » était un fonctionnaire de police infiltré ;
- l'indicateur a dressé un profil de « Z. » ;
- le demandeur VI a signalé vouloir rencontrer « Z. » ;
- l'indicateur a introduit le demandeur VI auprès de « Z. » ;
- l'indicateur a eu des contacts avec la police dans le cadre de la transmission d'informations et a fait rapport de l'introduction de « Z. » ;
- la police a précisé à l'indicateur qu'après cette introduction, il devait réduire son rôle au strict minimum et maintenir des contacts ordinaires avec les suspects ;
- il n'est pas établi que des irrégularités ont été commises dans le cadre du recours à des indicateurs, ni que l'indicateur a prêté directement et activement son concours à la recherche d'auteurs d'infraction ou a appliqué des techniques policières.

Sur la base de ces constatations, l'arrêt considère que :
- les pièces du dossier répressif ne révèlent pas que les juges d'instruction, le ministère public ou les services de police ont traité l'intervention de l'indicateur et celle de « Z. » de manière déloyale, illégale ou en violation des droits garantis aux articles 6 et 8 de la Convention et les prévenus ne rendent pas davantage cette allégation à tout le moins plausible ;
- il n'a pas été rendu admissible qu'il puisse même encore être question de provocation ;
- les informations obtenues par le recours à des indicateurs n'ont pas été ou ne sont pas utilisées à titre de preuve des faits mis à charge, les prévenus ne sont même pas poursuivis du chef des faits sur lesquels l'indicateur a fourni des informations, et les services de police et le ministère public n'ont pas agi de manière déloyale ;
- il ressort des déclarations faites par l'indicateur devant le juge d'instruction qu'il ne peut être question de provocation, entre autres parce que rien n'indique que cette opération a conduit, d'une manière ou d'une autre, à un transport de drogues ou à la commission du moindre fait concret (jugement entrepris, p. ...).

Ainsi, l'arrêt justifie légalement la décision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

18. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, critique cette appréciation souveraine, requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans compétence ou n'est pas dirigé contre l'arrêt.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la cinquième branche :

19. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er et 6, § 3, point d, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : l'arrêt considère qu'il n'est ni utile ni nécessaire d'entendre à l'audience certaines personnes en qualité de témoins ; l'absence de recours contre le jugement interlocutoire rendu sur l'audition de ces personnes n'implique pas que l'article 6, § 3, point d, de la Convention ne puisse s'appliquer dans la suite de la procédure ; l'audition de ces personnes est nécessaire pour apprécier la loyauté des services de police et du juge d'instruction dès lors qu'il est admissible, sur la base de l'échange de courriers électroniques auquel il est fait référence, qu'un indicateur ait posé des actes de provocation ; le droit d'entendre des témoins ne se limite pas aux témoins à charge, mais concerne aussi les personnes qui ont contribué à mettre en mouvement l'action publique ; s'il est démontré que la provocation n'est pas invraisemblable, les informations confidentielles fournies par les indicateurs doivent pouvoir être soumises à la contradiction ; le demandeur VI devait être entendu puisque les écoutes de ses conversations constituent des éléments essentiels de preuve contre le demandeur ; le simple fait que le demandeur VI soit un coprévenu ne peut empêcher son audition ; l'on ne peut escompter de la part du demandeur qu'il prenne spontanément à l'audience des initiatives en vue de faire entendre un coprévenu.

20. Dans la mesure où il suppose que la provocation n'est pas invraisemblable, le moyen, en cette branche, est déduit de l'illégalité vainement invoquée à ce moyen, en sa quatrième branche, et est, par conséquent, irrecevable.

21. Dans la mesure où il critique l'appréciation souveraine des faits ou requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir, le moyen, en cette branche, est également irrecevable.

22. Le seul fait qu'un prévenu allègue que l'instruction pénale comporte des irrégularités qu'il entend vérifier n'implique pas que le juge soit tenu, à l'audience, d'entendre en qualité de témoins les personnes que le prévenu désigne comme celles susceptibles de fournir de plus amples informations à ce sujet, lorsque le juge est à même de déduire d'autres éléments soumis à contradiction que les irrégularités alléguées n'ont pas été commises, qu'elles ne doivent pas entraîner l'exclusion d'éléments de preuve ou qu'elles sont dénuées d'intérêt pour l'examen ultérieur de la cause.

23. Le juge ne doit pas ordonner d'enquête, à effet d'entendre un coprévenu qui comparaît à la même audience que le prévenu à l'égard duquel ce coprévenu a fait des déclarations incriminantes. En effet, le prévenu peut, à l'audience, demander au juge d'être confronté au coprévenu et poser toutes questions ou formuler toutes remarques dans le but de renverser les déclarations incriminantes, les faire adapter ou clarifier.

24. Dans la mesure où il procède d'autres prémisses juridiques, le moyen, en cette branche, manque en droit.

25. Par adoption des motifs du jugement entrepris et par ses motifs propres, l'arrêt considère que :
- la jurisprudence, abondamment citée, de la Cour européenne des droits de l'homme insiste sur le droit à la confrontation, qu'elle juge essentiel dans la mesure où les personnes concernées peuvent apporter leur témoignage ou exercer une certaine influence dans le cadre de l'appréciation de la culpabilité ou de l'innocence des prévenus, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- l'appréciation de la culpabilité des prévenus du chef des faits mis à leur charge ne s'appuie sur aucun résultat d'enquête, constatation ou information en lien avec l'intervention de « B.S. » ou de « Z. » ;
- il n'est même pas question d'« exclusion de » ou d'« absence de prise en compte de » ces résultats d'enquête, dès lors qu'ils ne comportent aucun élément utile susceptible d'influencer l'appréciation de la culpabilité ou de l'innocence des prévenus du chef des faits mis à leur charge ;
- ces personnes ne sont pas impliquées dans les faits pour lesquels le demandeur est poursuivi et n'ont jamais fait de déclarations à ce sujet ;
- dans la mesure où leurs interventions ont produit « des informations de source anonyme », elles ne sont pas utilisées à titre d'éléments de preuve, voire en tant que preuve corroborante.

26. L'arrêt (p. ...) considère également que :
- aucun recours n'a été exercé contre le jugement interlocutoire au sujet de l'audition de témoins et, depuis ce jugement, aucun fait nouveau ne s'est produit et aucun élément n'a été fourni qui justifieraient la convocation de témoins ;
- il n'est pas rendu admissible qu'il soit question de provocation ou d'infiltration civile ;
- l'audition des témoins n'est pas nécessaire en vue de la manifestation de la vérité ;
- le demandeur a eu la possibilité de poser des questions au demandeur VI lorsque la parole lui a été donnée à l'audience.

Ainsi, l'arrêt décide légalement que les personnes dont le demandeur fait mention ne doivent pas être entendues en qualité de témoins à l'audience parce que la déclaration de culpabilité du demandeur ne repose pas sur des déclarations faites par ces personnes et qu'il n'existe, par ailleurs, aucune autre raison imposant leur audition.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)
Sur le deuxième moyen du demandeur II :

Quant à la première branche :

61. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 de la Constitution, 90ter, § 1er, alinéa 2, et 90octies du Code d'instruction criminelle : l'arrêt omet de qualifier en droit la nature du lieu où a été effectuée l'écoute directe et d'en déduire les conséquences juridiques adéquates ; une chambre en centre de rééducation et une chambre d'hôpital sont un domicile au sens des articles 8, § 1er, de la Convention et 15 de la Constitution ; l'ingérence dans le droit au domicile doit être subordonnée à une autorisation judiciaire et à un mandat fondé sur une motivation pertinente et acceptable en droit ; n'ayant, à quelque moment que ce soit, envisagé l'hypothèse d'un mandat autorisant l'écoute directe dans un domicile ou n'ayant pas du tout conscience du fait qu'un tel mandat fût nécessaire, le juge d'instruction n'a pas inscrit sa mesure dans une démarche juridique adéquate, en fonction des occupants concernés des chambres de soins ; les décisions ne sont pas fondées sur une motivation pertinente et acceptable en droit.

62. Il résulte de l'article 90ter, § 1er, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle que la mesure d'instruction visée en l'espèce peut être ordonnée à l'égard de personnes soupçonnées d'infractions bien précises, à l'égard de moyens de communication ou de systèmes informatiques régulièrement utilisés par un suspect, à l'égard des lieux que cette personne est présumée fréquenter et à l'égard de la personne présumée être en communication régulière avec un suspect. Les lieux désignés peuvent également être un domicile. Les conditions d'application sont identiques dans tous ces cas.

L'article 90octies du Code d'instruction criminelle prescrit des conditions complémentaires si la mesure d'instruction porte sur les locaux utilisés à des fins professionnelles, la résidence, les moyens de communication ou les systèmes informatiques d'un avocat ou d'un médecin.

L'article 90ter du Code d'instruction criminelle est une norme accessible aux personnes concernées, énoncée de manière précise. Il s'agit d'une norme qui, en vertu de l'article 8, § 2, de la Convention, autorise l'ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée.

63. Quand bien même les lieux désignés dans le moyen, en cette branche, auraient dû être considérés comme le domicile d'une personne autre qu'un médecin ou un avocat, cette circonstance n'aurait eu aucune incidence sur les possibilités d'application de cette mesure d'instruction ou sur la motivation qu'il convenait de lui donner.

Le moyen qui, en cette branche, ne peut entraîner la cassation est irrecevable, à défaut d'intérêt.

Quant à la deuxième branche :

64. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 90sexies et 90octies du Code d'instruction criminelle : l'arrêt considère qu'en indiquant que les mesures d'exécution nécessaires devaient être prises pour ne pas écouter les conversations d'ordre médical, les juges d'instruction ont ajouté une condition que la loi ne prévoit pas, de sorte que l'inobservation de cette condition ne peut en entraîner la nullité ; ce faisant, l'arrêt ne tient pas compte du fait que le demandeur a soutenu que la condition de légalité inscrite à l'article 8, § 2, de la Convention n'a pas été observée et fait une application incorrecte des articles 90sexies et 90octies du Code d'instruction criminelle ; l'article 90octies, § 2, dudit code requiert que la mesure soit préalablement notifiée à l'ordre provincial des médecins ; c'est également le cas lorsque l'article 90sexies dudit code s'applique, dès lors que cette disposition renvoie à l'article 90octies dudit code ; l'article 90sexies du Code d'instruction criminelle est contraire à l'article 8 de la Convention, lu en ce sens que cette mesure d'instruction permet d'écouter des conversations qui relèvent du secret médical avant de déterminer ce qui relève ou non du secret médical ; le non-respect des mesures de protection garanties par l'article 90octies du Code d'instruction criminelle ne saurait se justifier par l'affirmation que le secret médical ne s'oppose pas a priori aux écoutes sans que les garanties préventives soient respectées, puisque lesdites garanties sont liées de manière intrinsèque et substantielle à ce secret ; une telle argumentation ignore le fait que l'existence de règles claires et détaillées s'impose en l'espèce pour garantir le respect de la protection de la vie privée et que les exceptions à ce droit doivent faire l'objet d'une interprétation restrictive.

65. L'article 8 de la Convention protège le droit à la vie privée. Les conversations qui relèvent du secret médical méritent une protection accrue dans ce cadre. Conformément à l'article 8, § 2, de la Convention, l'ingérence d'une autorité publique dans ce droit n'est autorisée que si elle est prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre public et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

66. En droit belge, ce sont les articles 90sexies, § 3, et 90octies du Code d'instruction criminelle qui donnent forme à la protection particulière dont jouissent les conversations relevant du secret professionnel. Cette ingérence poursuit des objectifs légitimes, ainsi qu'il est mentionné à l'article 8, § 2, de la Convention, entre autres la sécurité nationale, la défense de l'ordre public et la prévention d'infractions. Cet acte d'instruction dépend de la décision d'un juge d'instruction et ne peut porter sur les locaux utilisés à des fins professionnelles, la résidence, les moyens de communication ou les systèmes informatiques d'un avocat ou d'un médecin que si celui-ci est lui-même soupçonné d'avoir commis une des infractions figurant sur une liste limitative d'infractions graves ou d'y avoir participé, ou si des faits précis font présumer que des tiers soupçonnés d'avoir commis une de ces infractions utilisent ses locaux, résidence, moyens de communication ou systèmes informatiques. Exclure ces lieux ou moyens de communication de la mesure d'instruction empêcherait d'atteindre les objectifs légitimes. Par ailleurs, les propos relevant du secret professionnel ont été retirés du procès-verbal, ce qui en empêche la divulgation. Les personnes qui sont néanmoins nécessairement amenées à prendre connaissance de ces éléments dans le cadre de la mesure ou de l'établissement du procès-verbal sont également liées par le secret professionnel, dont la violation est punie par l'article 458 du Code pénal. Les conditions de nécessité et de proportionnalité sont ainsi remplies.

Dans la mesure où il suppose que les articles 90sexies, § 3, et 90octies du Code d'instruction criminelle violent l'article 8, § 2, de la Convention en permettant l'écoute de la communication interceptée avant qu'il soit procédé à la sélection des propos qui relèvent du secret médical, le moyen, en cette branche, manque en droit.

67. L'arrêt reconnaît que les modalités prévues à l'article 90octies du Code d'instruction criminelle n'ont pas été observées et considère ensuite que cette violation ne nécessite pas d'exclure la preuve obtenue de cette manière. Ce motif autonome fonde la décision.

Dans la mesure où il ne critique pas ce motif, le moyen, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation et est, par conséquent, irrecevable.

Quant à la troisième branche :

68. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15, 149 de la Constitution, 32 et 90octies du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense, à l'égalité des armes et à la charge de la preuve en matière répressive : l'arrêt refuse d'appliquer la sanction de nullité aux éléments de preuve obtenus en violation de l'article 90octies du Code d'instruction criminelle, alors qu'il convient de déduire de cette disposition, et du lien établi avec l'incrimination de violation du secret professionnel, que son respect est prescrit à peine de nullité et relève, en outre, de l'ordre public ; l'arrêt aurait dû, à tout le moins, apprécier la mesure dans laquelle l'infraction a porté atteinte au cœur de l'organisation de la vie privée avant de prononcer une sanction ; les juges d'appel ont omis d'examiner les faits desquels les juges d'instruction ont pu déduire que les tiers qu'ils surveillaient utilisaient les locaux, et donc de répondre aux conclusions d'appel du demandeur ; il ressort de l'inobservation de l'article 90octies du Code d'instruction criminelle que ces garanties ont été intentionnellement méconnues ; cette méconnaissance doit, à tout le moins, être assimilée, au niveau de ses conséquences, à une intention dès lors que, selon l'autorisation, les juges d'instruction se sont fondés sur l'hypothèse que les conversations à intercepter pouvaient être des conversations d'ordre médical mais n'ont pas appliqué l'article 90octies du Code d'instruction criminelle ; il est contraire à la loyauté procédurale requise de réduire artificiellement la discussion à la question de savoir si les conversations entre médecins pouvaient être interceptées et sous quelles conditions cette mise sur écoute pouvait s'opérer en général ; les juges d'appel devaient décider que les mesures d'instruction imposées ne répondaient en aucune façon aux conditions légales et devaient donc être considérées comme inexistantes ; les juges d'instruction n'ayant jamais envisagé l'hypothèse d'imposer les mesures de surveillance électronique dans un domicile, il ne peut être maintenu que les obligations légales de subsidiarité et de proportionnalité ont été respectées.

69. L'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que la nullité d'un élément de preuve obtenu irrégulièrement n'est décidée que si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité ou l'irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.

En vertu de cette disposition, les irrégularités par lesquelles aucune condition de forme prescrite à peine de nullité n'est enfreinte et qui ne satisfont pas davantage aux autres conditions qui y sont énoncées, n'entraînent pas la nullité ni l'écartement des débats. Cette règle s'applique également aux irrégularités qui impliquent la violation d'une disposition d'ordre public.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

70. L'arrêt (p. ...) considère que les conversations reproduites dans les procès-verbaux ne fournissent aucune information sur la relation thérapeutique entre le médecin et son patient, comme notamment la médication prescrite ou la thérapie à suivre, les conclusions du médecin traitant ou les discussions avec ce dernier.

Dans la mesure où il présume que l'arrêt omet d'apprécier la mesure dans laquelle l'infraction a porté atteinte au cœur de l'organisation de la vie privée avant de statuer sur la sanction à appliquer à l'irrégularité, le moyen, en cette branche, manque en fait.

71. Par adoption des motifs du jugement entrepris (p. ...) et par ses motifs propres (p. ...), l'arrêt considère que les conditions prévues à l'article 90octies du Code d'instruction criminelle n'ont pas été respectées et que, bien qu'ils soient apparemment partis du principe que la chambre d'hôpital et la chambre en centre de rééducation ne sont pas des locaux utilisés par un médecin à des fins professionnelles, les juges d'instruction mentionnent dans leurs ordonnances les faits précis permettant de supposer que des tiers, soupçonnés d'avoir commis une des infractions visées à l'article 90ter du Code d'instruction criminelle, se servaient des locaux concernés. Par ces motifs, les juges d'appel ont rejeté la défense énoncée au moyen, en cette branche, et y ont répondu.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque également en fait.

72. Dans la mesure où il allègue que la violation de l'article 90octies du Code d'instruction criminelle était intentionnelle ou témoigne d'une négligence qui doit y être assimilée, le moyen, en cette branche, requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est, partant, irrecevable.

73. Dans la mesure où il se base sur la qualification de la mesure d'instruction comme si celle-ci avait été exécutée dans un domicile, le moyen, en cette branche, est déduit de l'illégalité vainement invoquée au moyen, en sa première branche, et est également irrecevable.

Sur le troisième moyen du demandeur II :

Quant à la première branche :

74. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, 7, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 10, 11, 149 de la Constitution et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense, à l'égalité des armes et à la charge de la preuve en matière répressive : l'arrêt applique, à tort, les critères définis à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ; ces critères sont inadéquats et sans pertinence pour fixer la sanction en cas de violation de droits fondamentaux ; l'arrêt ne répond pas à la défense du demandeur sur ce point.

75. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que la constatation qu'une mesure d'instruction précise enfreint l'article 8 de la Convention n'implique pas nécessairement que la preuve obtenue grâce à cette mesure d'instruction ne puisse plus être utilisée dans le cadre de l'appréciation de la culpabilité du prévenu. Cette violation constatée, il convient de vérifier si l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable, en examinant la procédure dans son ensemble. À cet égard, il y a lieu d'être attentif, notamment, aux circonstances dans lesquelles la preuve a été obtenue et à la possible atteinte portée à la fiabilité de la preuve.

Dans la mesure où il suppose que les critères prévus à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ne sont ni adéquats ni pertinents, le moyen, en cette branche, manque en droit.

76. L'arrêt considère que (p. ...) :
- contrairement à l'allégation des conclusions, le premier juge a fait application, à bon droit, de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ;
- la preuve obtenue en violation d'une disposition légale n'entraîne pas nécessairement une méconnaissance du droit à un procès équitable ;
- le fait que la disposition légale violée vise la protection de la vie privée ne fait pas obstacle à ce qui précède, ni davantage le fait que l'irrégularité impliquerait la violation d'un droit garanti par la Constitution ou par une convention ;
- le droit à un procès équitable pris dans son ensemble n'a, quoi qu'il en soit, pas été méconnu.

Par ces motifs, les juges d'appel ont rejeté la défense évoquée au moyen, en cette branche, et y ont répondu.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

77. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 10, 11, 13, 149 de la Constitution et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale : l'arrêt applique, à tort, les critères définis à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ; l'article 8 de la Convention impose aux autorités l'obligation légale positive de préserver le maintien des biens juridiques protégés par cet article ; la méconnaissance des règles juridiques garantissant le respect des droits fondamentaux octroyés au justiciable est incompatible avec cette obligation, à moins qu'une disposition formelle en prescrive expressément la nullité ; il existe une inégalité fondamentale des armes entre les parties, en ce que les actes de poursuite font l'objet d'une appréciation différente de celle de la manière dont les droits de la défense sont garantis, puisque, pour l'exercice des droits de la défense, il n'existe pas de règle comparable à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale permettant de corriger des lacunes ; hormis les cas où le [respect] d'une règle est prescrit à peine de nullité, les juges d'instruction ont la faculté de décider souverainement d'appliquer ou non la loi, soustrayant ainsi la personne concernée à son juge naturel ; une loi ne peut disposer que les conditions substantielles limitant un droit fondamental ne doivent pas être remplies et que cela n'a aucune incidence sur l'application de ce droit ; l'arrêt ne répond pas à la défense du demandeur sur ce point.

78. Aucune disposition conventionnelle ou constitutionnelle n'exige que le législateur sanctionne systématiquement, par une nullité applicable de plein droit, la violation d'une disposition légale impliquant la protection du respect de la vie privée sans qu'il soit donné au juge d'apprécier l'incidence de cette infraction sur le droit à un procès équitable dans son ensemble.

79. L'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que la nullité d'un élément de preuve obtenu irrégulièrement est décidée non seulement si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité, mais également lorsque l'irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable. Ainsi, dans les cas où il n'a pas prévu la sanction de nullité, le législateur laisse au juge le soin de décider, sur la base des autres critères légaux, s'il convient ou non de prononcer la nullité de la preuve obtenue irrégulièrement et de garantir de la sorte la protection juridique des parties au procès.

80. L'obtention de preuves en matière pénale ne saurait être comparée au mode d'exercice des droits de la défense. L'absence d'une disposition comparable à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale quant à l'exercice des droits de la défense ne saurait donc entraîner la méconnaissance du principe général du droit relatif à l'égalité des armes.

81. Dans la mesure où il procède d'autres prémisses juridiques, le moyen, en cette branche, manque en droit.

82. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est déduit de l'illégalité vainement invoquée à ce moyen, en sa première branche, et est irrecevable.

Quant à la troisième branche :

83. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 7, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 3 du Code judiciaire : l'arrêt ne tient pas compte de l'effet dans le temps de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ; censée constituer une mesure d'amnistie générale à l'égard de l'intervention des parties poursuivantes dans une procédure pénale, cette disposition porte ainsi atteinte au minimum de protection juridique matérielle dont bénéficie fondamentalement le justiciable dans la procédure pénale ; il faut considérer une mesure aussi radicale comme une intervention résultant en une loi pénale plus sévère au sens de l'article 2 du Code pénal ; cette règle juridique ne saurait être considérée comme une législation purement formelle, dès lors que les conditions fixées à l'article 8, § 2, de la Convention doivent être respectées en cas d'atteinte au bien juridique protégé ; les ordonnances du juge d'instruction sont antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ; la question des garanties légales que le juge d'instruction est précisément tenu de respecter doit être examinée en fonction des règles matérielles applicables au moment de la décision ; il est interdit de lever la nullité d'actes qui, selon les règles applicables, étaient nuls au moment où ils ont été exécutés ; l'arrêt omet de répondre à la défense du demandeur sur ce point ; à tout le moins, il méconnaît la foi due aux conclusions du demandeur.

84. Les prescriptions relatives à l'admissibilité d'éléments de preuve obtenus irrégulièrement ne font pas partie de celles qui qualifient l'infraction et fixent la peine, ainsi qu'il est visé à l'article 7 de la Convention et à l'article 15, § 1er, du Pacte. Il s'agit de règles relatives à la procédure pénale.

85. Conformément aux articles 2 et 3 du Code judiciaire, l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale est applicable aux procès en cours. Il s'applique dès lors immédiatement à toutes les infractions commises avant son entrée en vigueur, le 22 novembre 2013, et n'ayant pas encore fait l'objet d'un jugement définitif ou n'étant pas encore atteintes par la prescription. Le fait que l'élément de preuve auquel l'article 32 s'applique soit lié au respect de la vie privée n'y fait pas obstacle.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

86. En considérant que l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale s'applique aux poursuites qui, comme en l'espèce, n'ont pas encore fait l'objet d'un jugement définitif, l'arrêt rejette la défense du demandeur et y répond.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

87. Par les motifs reproduits au moyen, en cette branche, l'arrêt n'interprète pas les conclusions d'appel du demandeur et ne peut donc en méconnaître la force probante.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque également en fait.

Quant à la quatrième branche :

88. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 8, 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 1319, 1320 et 1322 du Code civil : l'arrêt fait, à tort, application de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ; les exceptions à l'article 8, § 1er, de la Convention doivent faire l'objet d'une interprétation limitative circonscrite à la définition légale de l'exception autorisée ; considérer néanmoins l'intervention publique, contraire à cette interprétation, comme une violation légitime du droit au respect de la vie privée et familiale et ne permettre qu'un contrôle a posteriori en fonction du droit à un procès équitable porte atteinte aux garanties attachées aux libertés et droits fondamentaux ; ne pas sanctionner, dans la procédure pénale, les ingérences commises dans les droits fondamentaux, lorsqu'elles ne sont pas justifiées au titre de l'article 6, § 1er, de la Convention, équivaut à supprimer ces garanties en tant que telles ; il ne saurait se déduire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que la violation de l'article 8 de la Convention ne peut être invoquée dans la procédure pénale suivie devant le juge national et qu'une telle violation demeure indemne de conséquences juridiques dans cette procédure pénale ; cela revient à priver le citoyen de tout moyen d'action en cas de violation des droits fondamentaux garantis par la Convention ; le demandeur a soutenu à cet égard que les mesures d'écoute devaient être considérées comme inexistantes puisque ne satisfaisant pas aux garanties légales ; l'arrêt ne répond pas à la défense soulevée par le demandeur sur ce point ; à tout le moins, il méconnaît la foi due aux conclusions du demandeur.

89. L'arrêt (p. ...) reconnaît que les mesures d'écoute constituent une ingérence dans la vie privée de personnes dès lors que les conditions légales n'ont pas été respectées.

Dans la mesure où il suppose que l'arrêt considère l'ingérence légitime, le moyen, en cette branche, prend appui sur une lecture erronée de l'arrêt et, manque, par conséquent, en fait.

90. Ainsi qu'il ressort de la réponse apportée au moyen, en sa deuxième branche, il ne résulte pas de l'application de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale que les parties au procès ne bénéficient d'aucune protection juridique contre l'usage d'une preuve obtenue de manière irrégulière.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

91. La violation, par une mesure d'instruction, d'un droit fondamental garanti par la Convention peut effectivement être soulevée dans le cadre de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Le fait que la violation constatée d'un droit fondamental par une mesure d'instruction ne conduise pas nécessairement à l'exclusion de la preuve n'emporte pas la méconnaissance du droit fondamental en question ni du droit à un recours effectif, dès lors que la victime d'une telle violation dispose d'autres voies de recours, telles qu'une action en réparation fondée sur l'article 1382 du Code civil.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque également en droit.
92. L'arrêt considère que le jugement entrepris, contrairement à ce qui est allégué dans les conclusions, n'applique pas à tort l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale pour apprécier les conséquences du non-respect des modalités prévues à l'article 90octies, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle. Par ces motifs, il rejette la défense du demandeur et y répond.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

93. Par les motifs reproduits au moyen, en cette branche, l'arrêt n'interprète pas les conclusions d'appel du demandeur et ne peut donc méconnaître la foi qui leur est due.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque également en fait.

Quant à la cinquième branche :

94. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle : l'arrêt omet de poser les questions préjudicielles soulevées par le demandeur, sans la moindre motivation ; les juges d'appel devaient annuler les ordonnances du juge d'instruction et, par conséquent, écarter du dossier tous les procès-verbaux et éléments de preuve qui en résultent.

Le moyen, en cette branche, demande à la Cour de poser à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :
 « Compte tenu des critères qu'il énonce quant à la sanction d'une preuve irrégulière, l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale viole-t-il les articles 13, 15 et 22 de la Constitution dans la mesure où, selon cette disposition, le non-respect des règles de procédure entraîne la nullité uniquement :
o lorsque le législateur a expressément imposé une sanction de nullité ;
o lorsque l'irrégularité de la preuve entache la fiabilité de la preuve ;
o lorsque son usage est contraire au droit à un procès équitable au sens de l'article 6, § 1er, de la Convention ?
 L'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'aune, notamment, des articles 8 et 13 de la Convention, 13, 15, 22 et 159 de la Constitution, en ce qu'il impose de fonder, dans une procédure pénale, l'appréciation de la régularité de la preuve sur des critères qui ont pour effet de ne pas garantir les droits fondamentaux directement protégés, tels que ceux énoncés aux articles 8 et 13 de la Convention, de la même manière qu'ils le sont en dehors de la procédure pénale et, en outre, en ne faisant pas de la gravité de l'atteinte à ces droits fondamentaux un critère distinctif pour la sanction à appliquer ? À défaut de nullité formelle, aucune protection juridique n'est donc accordée, en cas d'atteinte à des droits fondamentaux, au moment où elle est manifestement nécessaire, à savoir dans une procédure pénale proprement dite, alors qu'en cas de violation des articles 8 et 13 de la Convention en dehors d'un contexte pénal, une sanction adaptée et adéquate reste possible sans devoir avoir égard à l'article 6, § 1er, de la Convention et conformément à l'article 159 de la Constitution, sachant que cette interprétation entraîne, de surcroît, l'impossibilité pour le justiciable concerné d'invoquer l'article 13 de la Convention pour lui ouvrir une voie de recours effective afin de faire sanctionner réellement le non-respect des garanties attachées à la protection des droits fondamentaux dans la position procédurale existante. Et que les garanties consacrées aux articles 8, § 2 et 6, de la Convention disparaissent au moment où elles s'avèrent le plus nécessaire, à savoir dans la procédure pénale (disproportion) ? »

95. Selon l'article 26, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la juridiction dont la décision est susceptible de pourvoi en cassation n'est pas tenue de poser une question préjudicielle lorsqu'elle estime que la réponse à cette question n'est pas indispensable pour rendre sa décision.

96. L'arrêt considère que les irrégularités impliquant la prétendue violation d'un droit conventionnel ou constitutionnel ne constituent pas nécessairement une méconnaissance du droit à un procès équitable et que, partant, il n'y a pas lieu de poser la moindre question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. Par ces motifs, les juges d'appel ont indiqué qu'ils estimaient que la réponse à la question préjudicielle n'était pas indispensable pour rendre leur décision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
.
97. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne. »
L'article 15 de la Constitution dispose : « Le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. »
L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit. »

Il ne résulte pas de ces dispositions qu'il y a lieu de frapper de nullité la preuve obtenue par toute mesure d'instruction exécutée au mépris de ces dispositions.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

98. La récolte d'éléments de preuve en violation d'un des droits fondamentaux consacrés au titre II de la Constitution fait l'objet d'une décision prise par un juge impartial et indépendant et n'est pas un acte réglementaire ou administratif.

La personne à l'égard de laquelle une telle mesure d'instruction a été ordonnée se trouve dans une situation juridique non comparable à celle de la personne faisant l'objet d'un acte administratif.

99. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu'il n'y a pas davantage lieu de poser les questions préjudicielles.
(...)
Sur le quatrième moyen du demandeur IV :

Quant à la première branche :

141. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 458 du Code pénal, 90ter, 90sexies et 90octies du Code d'instruction criminelle : l'arrêt considère, à tort, qu'il n'y a pas lieu d'exclure les conversations interceptées dans un centre de rééducation ou dans un hôpital comme étant des éléments de preuve obtenus irrégulièrement ; procéder à des écoutes en milieu hospitalier, sans en informer le représentant provincial de l'ordre des médecins, constitue une violation du secret professionnel ; une telle preuve doit être exclue.

142. L'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que la nullité d'un élément de preuve obtenu irrégulièrement n'est décidée que si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité ou l'irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.

En vertu de cette disposition, les irrégularités par lesquelles aucune condition formelle prescrite à peine de nullité n'est enfreinte et qui ne satisfont pas davantage aux autres conditions qui y sont énoncées, ne sont pas déclarées nulles ni écartées des débats.

Le moyen qui, en cette branche, procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.

Quant à la deuxième branche :

143. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 90octies du Code d'instruction criminelle : l'arrêt considère, à tort, qu'il n'y a pas lieu d'exclure les conversations interceptées dans un centre de rééducation ou dans un hôpital comme étant des éléments de preuve obtenus irrégulièrement ; l'arrêt ne motive pas sa décision puisqu'il s'appuie sur l'hypothèse erronée qu'il n'est pas interdit d'écouter des conversations qui relèvent du secret médical, mais bien de les transcrire dans un procès-verbal ; il ressort de l'article 90octies du Code d'instruction criminelle que la mesure ne peut être exécutée sans en informer le représentant de l'ordre provincial des médecins ; bien qu'aucune sanction de nullité ne soit prescrite pour la violation de cette disposition, il s'agit pourtant d'une violation de l'article 8 de la Convention et, par voie de conséquence, de l'article 6 de la Convention.

144. En réalité, le moyen, en cette branche, n'invoque pas un vice de motivation, mais une illégalité.

Dans la mesure où il invoque la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen, en cette branche, manque en droit.

145. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que la constatation qu'une mesure d'instruction précise enfreint l'article 8 de la Convention n'implique pas nécessairement que l'usage de la preuve obtenue par cette mesure d'instruction constitue une violation du droit à un procès équitable.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
(...)

Sur le deuxième moyen des demanderesses V :

154. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 2 et 6, § 3, point a, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance de la présomption d'innocence : l'arrêt ne peut motiver la déclaration de culpabilité des demanderesses et le taux de la peine infligée à la demanderesse V.2 en renvoyant à leur participation à des activités de l'organisation criminelle qui ont contribué à ce que cette dernière soit en mesure d'exécuter des opérations de blanchiment par l'intermédiaire de l'hôtel Kontakt Welness appartenant à la demanderesse V.2, dès lors que ni les demanderesses, ni d'autres prévenus n'ont été poursuivis pour des opérations de blanchiment effectuées par le biais de cet hôtel et que cet élément ne ressort pas davantage de quelque autre poursuite ou condamnation que ce soit ; les demanderesses n'ont jamais été informées de l'accusation de blanchiment.

155. L'arrêt (...) ne considère pas qu'il s'agit des opérations de blanchiment qualifiées infraction et poursuivies sous la prévention B.2.

Il ne ressort pas davantage des motifs énoncés au moyen que l'arrêt déclare les demanderesses coupables de blanchiment.

Dans la mesure où il procède d'une lecture erronée de l'arrêt, le moyen manque en fait.

156. L'article 6, § 2, et § 3, point a, de la Convention et la présomption d'innocence ne s'opposent pas à ce que le juge tienne compte, pour fixer le taux de la peine, de tous les faits soumis à contradiction qui se rapportent à la personnalité de l'auteur et aux actes qu'il a posés, pourvu qu'il ne statue pas sur leur caractère infractionnel.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Sur le troisième moyen des demanderesses V :

157. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 47, 149 de la Constitution, 2 et 43quater, § 4, du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance du principe de légalité et de sécurité juridique : l'arrêt ordonne la confiscation des actions de la demanderesse V.2 sur la base de l'article 43quater, § 4, du Code pénal, alors que cette disposition est insuffisamment précise pour justifier la confiscation, dès lors que la loi ne précise pas la portée de la notion du « patrimoine dont dispose l'organisation criminelle ».

Le moyen demande que soit posée à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « L'article 43quater, § 4, du Code pénal enfreint-il le principe de légalité, le principe de sécurité juridique ou l'article 14 de la Constitution, en ce qu'il ne précise pas à suffisance la portée de la notion du « patrimoine dont dispose une organisation criminelle ? »

158. Dans la mesure où il ne précise pas comment et en quoi l'arrêt viole l'article 149 de la Constitution, le moyen est imprécis et, partant, irrecevable.

159. L'article 43quater, § 4, du Code pénal dispose : « Le patrimoine dont dispose une organisation criminelle doit être confisqué, sous réserve des droits de tiers de bonne foi. »

160. Le principe de légalité en matière pénale est un droit fondamental garanti de manière totalement ou partiellement analogue par les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution, 7, § 1er, de la Convention et 15, § 1er, du Pacte. Conformément à l'article 26, § 4, alinéa 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour Constitutionnelle, la Cour peut examiner si les dispositions pénales contestées ne violent manifestement pas les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution.

161. La légalité d'une disposition pénale requiert qu'elle soit suffisamment accessible et, lue en tant que telle ou en combinaison avec d'autres dispositions, qu'elle décrive de manière suffisamment précise le comportement qualifié de punissable et la peine, de sorte que sa portée soit raisonnablement prévisible.

La condition de la prévisibilité raisonnable est remplie lorsqu'il est permis à la personne à laquelle la disposition pénale est applicable de connaître, sur la base de cette disposition, les agissements et omissions pouvant entraîner sa responsabilité pénale et la portée de la peine qui peut lui être infligée. À cet égard, il convient de tenir compte, entre autres, de l'interprétation que fait la jurisprudence de la disposition pénale à l'aune des objectifs poursuivis par le législateur ainsi que de la genèse légale.

162. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 43quater, § 4, du Code pénal que cette disposition est une application particulière de l'article 42, alinéa 1er, du Code pénal, qui prévoit la confiscation obligatoire de l'instrument de l'infraction. Par l'article 43quater, § 4, du Code pénal, le législateur a entendu réserver spécifiquement cette notion aux fonds ou autres actifs qui apparaissent clairement être destinés à servir aux activités d'une organisation criminelle. Contrairement à certaines autres formes de confiscation, la loi ne prévoit pas de plus amples restrictions concernant, par exemple, la propriété ou l'origine des biens, mais indique toutefois qu'il ne peut être porté atteinte aux droits de tiers de bonne foi. Ainsi, cette confiscation porte sur tout bien dont dispose l'organisation criminelle pour exercer ses activités, sans préjudice des droits de tiers de bonne foi.

163. Il résulte de ce qui précède que la disposition légale précitée est, à l'évidence, suffisamment précise pour tous ceux auxquels elle s'applique et qu'elle ne viole manifestement pas les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution, 7, § 1er, de la Convention et 15, § 1er, du Pacte.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

164. Conformément à l'article 26, § 4, alinéa 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle.

Sur le quatrième moyen des demanderesses V :

165. Le moyen est pris de la violation de l'article 43quater, § 4, du Code pénal : l'arrêt condamne, à tort, la demanderesse V.1 à la confiscation des actions de la demanderesse V.2 sur la base de l'article 43quater, § 4, du Code pénal : selon le préambule de son § 1er, cet article porte sur les avantages patrimoniaux tirés d'une infraction, les biens et valeurs qui leur ont été substitués et les revenus provenant des avantages investis ; par conséquent, sur la base de l'article 43quater du Code pénal, seuls de tels biens peuvent faire l'objet d'une confiscation ; le fait que la confiscation du patrimoine dont dispose l'organisation criminelle figure dans cette disposition démontre qu'elle constitue une modalité de la confiscation d'avantages patrimoniaux.

166. L'emplacement ou l'intitulé d'une disposition légale n'a pas de valeur normative en tant que telle. Le simple fait que les autres paragraphes de cette disposition concernent la confiscation d'avantages patrimoniaux n'implique pas que la confiscation ordonnée sur la base du paragraphe 4 y soit également limitée.

167. Il ne peut être déduit ni du texte de l'article 43quater, § 4, du Code pénal, ni des travaux préparatoires et des objectifs poursuivis par le législateur, tels qu'exposés au troisième moyen des demanderesses V, que la confiscation du patrimoine dont dispose une organisation criminelle se limite aux avantages patrimoniaux.

Le moyen, qui est déduit d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
(...)

Sur le troisième moyen du mémoire complémentaire du demandeur VI :

261. Le moyen est pris de la violation des articles 5, 6, 8, 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 149 de la Constitution : l'arrêt ne répond pas à la défense du demandeur en ce qui concerne la recevabilité du réquisitoire du ministère public et l'illégalité des résultats de l'instruction ; le demandeur soutenait que le ministère public n'avait manifestement pas fourni les éléments corrects à l'appui de son réquisitoire et que, compte tenu des éléments fournis, l'instruction n'aurait raisonnablement pas dû atteindre le seuil de suspicion et qu'en l'espèce, il y avait lieu de noter un manquement grave à l'obligation de soin dans la délimitation du champ de l'instruction ; il est difficile de cerner une enquête proactive portant sur quelque chose d'aussi vague qu'une « famille » et cette lacune ouvre la voie à l'arbitraire ; les juges d'appel ont soustrait l'historique de la suspicion, l'origine de la preuve et l'intégrité du dossier au droit de contrôle de la défense ; les juges d'appel ont estimé, à tort, que des informations dites « douces » peuvent justifier l'ouverture d'une enquête tant qu'elles ne sont pas utilisées à titre de preuve et que le fait d'être désigné comme « personne potentiellement impliquée » auprès de cette famille peut être constitutif d'une suspicion ; des affaires jugées qui se sont soldées par un acquittement ou par un non-lieu, l'implication répréhensible n'ayant pu être établie, ne sauraient aboutir à une nouvelle suspicion ; l'indicateur était chargé de prendre des dispositions pour ouvrir une toute nouvelle route de transport ; nier cet élément constitue une méconnaissance de la présomption d'innocence et du droit de vérifier le fondement de la preuve et le statut de suspect ; compte tenu des courriers électroniques, textos et déclarations de l'indicateur concernant le caractère faux du dossier, de son investissement de longue haleine dans ce rôle, de ses déclarations sur son implication réelle et du rôle de G. et des siens dans ce contexte, la nécessité pour la défense d'entendre l'indicateur au sujet de son implication devait sembler suffisamment admissible aux juges d'appel ; quoi qu'il en soit, il n'était question, à l'égard du demandeur, que d'informations douces non incriminantes, si ce n'est erronées, de sorte qu'il ne pouvait être associé à quelque prétendu transport de stupéfiants que ce soit et que ces éléments ne sauraient raisonnablement justifier les infractions à l'article 8 de la Convention qui sont invoquées.

262. Le jugement entrepris (p. ...), dont les juges d'appel ont adopté et approuvé les motifs (p. ...), considère que :
- une enquête proactive ne peut être ouverte que sur la base d'une présomption raisonnable que des faits punissables vont être commis ou ont été commis mais ne sont pas encore connus ;
- cette présomption ne requiert pas d'informations concrètes au sujet d'une infraction déterminable dans le temps et dans l'espace, mais peut s'appuyer sur des informations dont les services de recherche disposent déjà, comme des informations en provenance de services de recherche ou de renseignement étrangers ;
- la demande du procureur fédéral de rédiger un rapport implique seulement de réunir les informations déjà connues sans réellement mener d'enquête ;
- la demande du procureur fédéral n'était pas arbitraire et qu'il ressort des notes du ministère public que la famille A. figurait, sur des forums policiers européens, en tête de liste des personnes impliquées dans le trafic de cocaïne et de substances psychotropes ;
- il n'est pas arbitraire que le parquet fédéral, compte tenu des informations recueillies sur des forums policiers et de l'expérience acquise dans des enquêtes pénales antérieures, demande à la police de rassembler tous les éléments connus sur certaines personnes dans le cadre d'une étude préliminaire ;
- il ressort du rapport de la police que divers membres de cette famille ou de son cercle de connaissances avaient déjà été condamnés ou jugés coupables d'infractions à la législation sur les stupéfiants ou le blanchiment et avaient été cités, dans le cadre d'enquêtes pénales ou d'informations policières, comme des acteurs importants du trafic de stupéfiants et de substances psychotropes.

Par ces motifs, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision selon laquelle l'ouverture de l'enquête n'était pas arbitraire.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

263. L'origine de l'enquête ressort des motifs énoncés.

Dans la mesure où il est déduit de la prémisse que l'enquête est exclusivement basée sur des affaires criminelles jugées ou sur des affaires qui se sont soldées par un non-lieu, l'implication criminelle n'ayant pu être établie, le moyen repose sur une lecture erronée de l'arrêt et manque, par conséquent, en fait.

264. L'instruction vise à vérifier si un fait punissable a été commis et, le cas échéant, à recueillir des preuves de ce fait punissable. Rien ne s'oppose à ce que cette enquête se base notamment sur des « informations douces », telles que des informations policières, pour autant qu'elles n'aient pas été obtenues de manière irrégulière.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

265. L'arrêt (p. ...) considère également que la demande d'instruction judiciaire est tout à fait régulière et que les droits de la défense et le droit à un procès équitable ne s'opposent pas à ce que ne soit pas précisée la manière dont ont été obtenues les informations, qui sont prises en considération au seul titre de renseignements afin d'orienter l'enquête proactive ou réactive dans une certaine direction et de rassembler ensuite des preuves de manière autonome, pour autant, tel qu'en l'espèce, qu'il n'est pas rendu admissible que leur obtention est entachée d'irrégularité.

En outre, l'arrêt considère qu'au moment de l'émission de l'apostille autorisant l'enquête proactive, le seuil d'ouverture de cette enquête avait été atteint, puisqu'il existait une simple présomption raisonnable que des faits punissables allaient être commis ou avaient été commis mais n'étaient pas encore connus, plus précisément des infractions à la législation sur les stupéfiants en réunion ou dans le cadre d'une organisation criminelle, et qu'à la date de la demande d'instruction judiciaire, le plafond d'ouverture de l'enquête proactive avait été atteint dès lors que les informations disponibles étaient devenues à ce point concrètes que les faits en venaient à constituer des infractions déterminables dans le temps et dans l'espace, à savoir une organisation criminelle gravitant autour de membres de la famille A., qui se livreraient au trafic de stupéfiants et de substances psychotropes en réunion dont les revenus feraient l'objet d'un blanchiment. L'arrêt considère enfin que le juge d'instruction est saisi in rem des faits énoncés et ce, à l'égard de quelque auteur ou coauteur que ce soit.

Par ces motifs, l'arrêt répond à la défense développée dans le moyen sans qu'il soit nécessaire de répondre en particulier aux arguments qui y sont énoncés, qui ne servent qu'à soutenir cette défense sans constituer eux-mêmes une défense autonome.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

266. Dans la mesure où il allègue que les juges d'appel n'auraient pas dû décider que la nécessité de s'interroger sur le rôle de l'indicateur n'était pas rendue admissible, le moyen requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est irrecevable.

Sur le quatrième moyen du mémoire complémentaire du demandeur VI :

267. Le moyen est pris de la violation des articles 5, 6, 8, 17 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 149 de la Constitution : l'arrêt ne peut considérer qu'il n'est pas question de manque de loyauté, d'illégalité ou de méconnaissance des droits garantis aux articles 6 et 8 de la Convention ; les juges d'appel ont refusé d'autoriser une enquête en se fondant sur de vastes spéculations et une interprétation extrême de l'ensemble des éléments factuels sous-jacents ; il convient de constater que l'indicateur, et peut-être « Z. » en personne, ont déterminé la cible et suggéré la voie criminelle à emprunter et que l'équipe d'enquête avait manifestement des difficultés à maîtriser l'indicateur ; estimant également qu'il n'existait aucune collaboration entre l'indicateur et « Z. » parce que ce dernier n'aurait joué qu'un petit rôle, alors que même un rôle limité implique une collaboration, les juges d'appel se sont donc livrés à une interprétation qui ne repose pas sur des éléments d'enquête ; la prétendue nécessité, selon les juges d'appel, de faire introduire un infiltrant par l'indicateur, qui est lui-même un criminel, a précisément été suscitée par le recours à cet indicateur qui a fourni des informations fausses et trompeuses sur le demandeur ; les juges d'appel ont considéré que l'indicateur pouvait rechercher activement des informations mais n'ont pas tenu compte du fait qu'il s'agissait en l'occurrence de propositions formulées par l'indicateur lui-même, qui portaient sur la mise en place d'une « nouvelle ligne » ; le demandeur n'a jamais eu la possibilité d'interroger l'intéressé sur tous ces points ; les juges d'appel ne pouvaient considérer qu'aucune illégalité n'a été commise par le recours à l'indicateur, dès lors qu'il ressort de la genèse légale qu'une personne ayant des antécédents criminels ne peut servir d'indicateur ; en l'espèce, l'indicateur a un lourd passé criminel, il était fiché et en fuite et avait tout intérêt à ce que l'enquête se poursuive ; il n'appert pas du dossier que « Z. » était policier ; en admettant une telle chose, les juges d'appel se sont écartés du dossier répressif ; les juges d'appel ont constaté qu'en réalité, G. a eu un triple rôle dans l'établissement de la suspicion ; en outre, ses fonctions de gestionnaire des indicateurs et fonctionnaire de contact, de dirigeant tactique ainsi que son grade lui conféraient la responsabilité finale de l'enquête dans son ensemble ; les juges d'appel ont tenté de minimiser cette confusion de fonctions contraire tant à l'article 15.5 de l'arrêté royal du 6 janvier 2011 fixant les règles de fonctionnement des gestionnaires nationaux et locaux des indicateurs et des fonctionnaires de contact, qu'aux règles légales ; les juges d'appel ont décidé, de façon incompréhensible et donc sans motivation suffisante, qu'il n'a pas été porté atteinte à la fiabilité de la preuve ou au droit à un procès équitable, bien qu'il soit établi qu'il y a eu violation de la réglementation ; pareille constatation constitue un abus de droit au sens de l'article 17 de la Convention ; les juges d'appel ne pouvaient affirmer à cet égard que la police fédérale de Hasselt n'était pas en mesure de se charger de l'enquête puisqu'il s'agit objectivement d'une assez grande ville comportant un dispositif policier relativement important ; les juges d'appel ne pouvaient s'estimer suffisamment informés quant au recours à l'indicateur et à « Z. » dès lors qu'ils ne disposaient ni de tous les éléments quant à la question de savoir si Hasselt n'avait d'autre option que de désigner un seul verbalisateur pour superviser tous les parcours d'infiltration et de choisir ce criminel latitant et non un fonctionnaire de police spécialement formé à une telle mission, ni de toutes les communications relatives à ces personnes et à leur rôle ; les juges d'appel ont spéculé sur le recours à l'indicateur et à « Z. » et ont ensuite présenté le fruit de leurs spéculations comme des faits établis ; les juges d'appel ont considéré que l'intention existait déjà dans le chef du demandeur et qu'il aurait pu, pour ainsi dire, se retirer en renvoyant à cet égard au rôle joué par « Z. », en ignorant en revanche que le dossier répressif ne justifiait aucunement l'ensemble de cette phase d'approche et ne mentionnait pas davantage les efforts de persuasion déployés auprès du demandeur ; les juges d'appel ont estimé que les discussions qui ont eu lieu par la suite entre l'indicateur et le frère du demandeur montrent qu'il avait déjà été fait appel à eux et, ce faisant, ils n'ont pas tenu compte du fait qu'il ne s'agissait que d'une interprétation du tribunal qui ne s'appuyait sur aucun résultat d'enquête objectivable, mais induite précisément par cette version incorrecte de la phase d'approche basée sur les divagations de l'indicateur ; à cet égard, il est impossible d'évaluer dans quelle mesure les interlocuteurs de l'indicateur ont pu conserver leur libre arbitre face aux efforts de persuasion déployés à leur égard, sans parler de l'absence de rapport sur cette phase d'approche dans le dossier ; les juges d'appel ne pouvaient pas rejeter la défense du demandeur arguant du recours illégal à l'indicateur dans ce dossier et à l'exploitation des informations fournies par celui-ci, en se fondant sur leur propre interprétation de la voie que l'on a fait emprunter à l'indicateur et à « Z. », qui n'est pas étayée par le dossier.

268. Dans la mesure où il requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

269. Dans la mesure où il allègue que le demandeur n'a pas pu entendre l'indicateur, « Z. » ni les fonctionnaires de police concernés, le moyen a la même portée que le premier moyen, en sa cinquième branche, du demandeur I et que le troisième moyen contenu dans le premier mémoire du demandeur et il y a lieu de le rejeter par les mêmes motifs.

270. Une prétendue violation des règles régissant le recours aux indicateurs n'implique pas en soi une atteinte à la fiabilité de la preuve ou au droit à un procès équitable.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

271. Le jugement entrepris (p. ...), dont les juges d'appel ont approuvé et adopté les motifs (p. ...), considère que :
- le dossier ne comporte aucun procès-verbal indiquant que le commissaire G. aurait posé des actes d'enquête classiques et qu'il n'apparaît donc pas qu'il soit enquêteur ;
- le commissaire G. est le corédacteur d'un très grand nombre de procès-verbaux, mais que ceux-ci portent sur sa fonction d'officier BTS ou sur sa fonction de gestionnaire local adjoint des indicateurs ;
- il ne s'est pas toujours borné à simplement rendre compte des résultats obtenus par les activités d'observation ou le recours à des indicateurs, mais a parfois aussi suggéré des pistes à approfondir ou fait référence à des résultats d'autres enquêtes. Dans la mesure où cela impliquerait la violation de l'article 15.5 de l'arrêté royal du 6 janvier 2011, ce n'est pas un motif d'exclusion de la preuve.

Par ces motifs, l'arrêt est régulièrement motivé et légalement justifié sans faire d'une disposition de la Convention une interprétation impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à mettre à néant les droits et libertés reconnus dans la Convention ou à créer des limitations de ces droits et libertés, qui vont au-delà de celles prévues à ladite Convention.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(...)
Sur le premier moyen du demandeur VII :

Quant à la première branche :

282. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 154 du Code d'instruction criminelle et 62 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière : l'arrêt, qui adopte les motifs du jugement entrepris, présente une motivation contradictoire en considérant, d'une part, que les heures mentionnées par la police de la route sont une erreur matérielle et, d'autre part, que rien ne fait apparaître que le procès-verbal se rapportant à l'infraction de roulage comporterait des informations erronées ; la valeur probante légale spéciale d'un procès-verbal s'applique également aux constatations matérielles relatives à l'heure de l'infraction routière ; la décision selon laquelle il s'agirait d'une erreur matérielle n'est pas régulièrement motivée dès lors que l'arrêt ne motive en aucune manière les considérations sur la base desquelles il n'est pas tenu d'admettre la foi due au procès-verbal ; l'arrêt méconnaît la foi due aux procès-verbaux en considérant qu'il peut être clairement déduit des éléments du dossier répressif que les heures mentionnées par la police de la route sont erronées et que les indications des équipes d'observation sont correctes ; les différentes heures, telles qu'elles sont consignées dans les procès-verbaux, entachent la fiabilité de l'administration de la preuve.

283. L'article 62, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 prévoit que les agents de l'autorité désignés par le Roi pour surveiller l'application de la loi et des arrêtés pris en exécution de celle-ci constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Cette disposition ne s'applique pas à la preuve de faits qui ne sont pas poursuivis en tant qu'infraction de roulage telle que visée dans la loi du 16 mars 1968 et ses arrêtés d'exécution.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

284. Le jugement entrepris (p. ...), dont les motifs sont approuvés et adoptés par les juges d'appel, motive la décision selon laquelle il est question d'une erreur matérielle en se fondant sur les constatations suivantes :
- il peut être clairement déduit des éléments du dossier répressif que les heures mentionnées par la police de la route sont une erreur matérielle et que les indications des équipes d'observation sont correctes ;
- les déclarations du demandeur le confirment ;
- les heures indiquées par les équipes d'observation forment un ensemble logique et sont expressément confirmées par les écoutes téléphoniques effectuées au moment des constatations ;
- il est très irréaliste qu'un semi-remorque puisse parcourir la distance en question dans les délais consignés dans le procès-verbal établi par la police de la route ;
- les indications des équipes d'observation concordent également avec les autres heures mentionnées par la police de la route, à savoir le moment où le parquet et la police judiciaire fédérale ont été contactés ;
- le document produit par le demandeur n'est pas convaincant, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il s'agit de la reproduction authentique des données électroniques relatives au trajet parcouru par le camion, qui ont été enregistrées par un appareil de contrôle digital ;
- la preuve a ainsi été apportée qu'il s'agit d'une erreur matérielle qui n'affecte pas la valeur probante des autres mentions portées aux procès-verbaux.

Par ces motifs, l'arrêt ne méconnaît pas la foi due aux procès-verbaux mais considère légalement qu'il s'agit d'une erreur matérielle concernant les heures constatées par la police de la route.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

285. Le seul fait que le procès-verbal comporte une erreur matérielle ne porte pas atteinte à la fiabilité de l'administration de la preuve.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut davantage être accueilli.

286. La constatation qu'un procès-verbal comporte une erreur matérielle n'implique pas que les autres informations qu'il contient sont erronées. La contradiction alléguée n'existe pas.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
(...)
Sur le deuxième moyen du demandeur VII :

293. Le moyen est pris de la violation de l'article 519, § 1er, 2°, du Code judiciaire : l'arrêt ne peut, sans méconnaître l'authenticité de l'acte établi par l'huissier de justice, ignorer la constatation de ce dernier que la distance séparant les numéros de maison 1576 et 1584 s'élève à 142 mètres, en se contentant de renvoyer aux données d'enquête complémentaires sans les mentionner ni les décrire et en considérant par ailleurs qu'une différence de quelques dizaines de mètres est possible ; il ressort en outre des données de l'application Google Maps (année 2013), ainsi qu'il est constaté dans le procès-verbal établi par l'huissier de justice, qu'aucun pin ne se trouve à la limite parcellaire ; l'arrêt, qui ne renverse pas les constatations de l'huissier de justice et qui n'y oppose pas de réponse, est entaché d'un défaut de motivation.

294. Le juge ne doit pas répondre à un procès-verbal de constatations mais uniquement à une défense formulée dans des conclusions.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

295. L'arrêt se réfère non seulement aux données d'enquête complémentaires après l'interception du transport, mais également aux aveux du demandeur.

Dans la mesure où il procède d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

296. En vertu de l'article 519, § 1er, 2°, du Code judiciaire, tel que modifié par la loi du 7 janvier 2014 modifiant le statut des huissiers de justice, l'huissier de justice peut, à la requête d'un particulier, effectuer, concernant des faits purement matériels, des constatations exclusives de tout avis sur les causes et les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter et ces constatations sont authentiques en ce qui concerne les faits et données matériels que l'huissier de justice peut constater par perception sensorielle.

Cette disposition ne déroge pas à la règle de l'appréciation souveraine des preuves par le juge pénal. Selon cette règle, il n'existe pas de hiérarchie légale entre les différentes preuves qui ont été régulièrement produites devant le juge pénal et que les parties ont pu contredire, sauf en ce qui concerne les infractions pour lesquelles la loi prescrit un mode spécial de preuve. Ainsi, les constatations d'un huissier de justice, visées en l'espèce, n'ont valeur que de renseignement soumis à l'appréciation souveraine du juge pénal.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque également en droit.

297. S'agissant de la distance séparant les numéros de maison mentionnés dans le moyen et la présence de pins sur la limite parcellaire, le jugement entrepris (p. ...), dont les motifs sont approuvés et adoptés par les juges d'appel (p. ...), constate que des différences de quelques dizaines de mètres sont possibles dans la détermination du signal GPS en fonction des satellites disponibles, que la topographie des lieux a pu subir des modifications dans l'intervalle de temps écoulé entre les faits et les constatations effectuées par l'huissier de justice et qu'il ressort du procès-verbal de constatations dressé par l'huissier de justice qu'au moment considéré, une haie de pins raccourcis était plantée au niveau de la délimitation du numéro 1584 de la Nijverheidslaan, devant le hangar aménagé. Par ces motifs, les juges d'appel n'ont pas méconnu les constatations effectuées par l'huissier de justice.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(...)
Le contrôle d'office pour le surplus

298. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il ordonne la confiscation à l''encontre des demandeurs VI et VIII ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne les demandeurs VI et VIII à quatre cinquièmes des frais de leur pourvoi et réserve le surplus, pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Condamne les autres demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Alain Bloch, Peter Hoet, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0762.N
Date de la décision : 29/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-05-29;p.17.0762.n ?

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