Cour de cassation
Arrêt
N° P.17.0635.N
I. 1. W. P.,
(...)
10508. B. H.,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
Mes Filiep Deruyck et David Verreckt, avocats au barreau d'Anvers,
contre
1. KLYNVELD PEAT MARWICK GOERDELER - RÉVISEURS D'ENTREPRISES, société coopérative à responsabilité limitée,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
2. V.A. W.,
Mes Johan Verbist et Beatrix Vanlerberghe, avocats à la Cour de cassation,
prévenus,
défendeurs en cassation,
II. D. W.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Anja Baeyens, avocat au barreau de Termonde,
contre
V.A. W., mieux qualifié ci-dessus.
défendeur en cassation,
Mes Johan Verbist et Beatrix Vanlerberghe, avocats à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 23 mars 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs I invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie conforme.
Le demandeur II invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur les moyens des demandeurs I :
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 5, 774, 1138, 3°, du Code judiciaire, 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit en vertu duquel le juge est tenu, dans le respect des droits de la défense, de déterminer la norme juridique applicable à l'action introduite devant lui : l'arrêt conclut à l'irrecevabilité des actions civiles formées par les demandeurs, tant contre la défenderesse en son nom propre eu égard à son acquittement, que contre la défenderesse en sa qualité de partie civilement responsable pour le défendeur, dès lors qu'elle a été citée uniquement en tant que prévenue ; ce faisant, l'arrêt ne vérifie pas, à tort, si, sur la base de l'article 16 de la loi du 22 juillet 1953 créant un Institut des Réviseurs d'Entreprises et organisant la supervision publique de la profession de réviseur d'entreprises ou sur la base de l'article XV.73 du Code de droit économique, les fautes pénales déclarées établies dans le chef du défendeur n'entraînent pas une responsabilité directe de la défenderesse sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil et méconnaît ainsi l'obligation d'appliquer les règles juridiques correctes aux éléments de fait présentés.
2. En vertu des articles 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, le juge pénal ne peut déclarer fondée une action civile en réparation du dommage que s'il constate que le dommage découle d'un fait qualifié infraction du chef duquel le prévenu a été poursuivi et que le juge déclare établi.
Il s'ensuit que le juge pénal qui statue sur l'action civile n'est pas tenu de vérifier si un prévenu, acquitté de tous les faits mis à sa charge, a commis d'autres fautes ou imprudences en relation causale avec le dommage réclamé.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
3. Après avoir indiqué que la qualité dans laquelle une partie au procès a participé à la procédure pénale est déterminante pour l'introduction d'une action civile recevable à son encontre, l'arrêt considère que :
- la défenderesse n'a été citée par le procureur général qu'en tant que prévenue de sorte que les actions dirigées par les demandeurs contre la défenderesse en sa qualité de partie civilement responsable sont irrecevables ;
- la défenderesse a été acquittée de tous les faits mis à sa charge, y compris les faits mentionnés aux préventions F.III et F.IV ;
- eu égard à cette mise hors de cause, les juges d'appel étaient sans compétence pour connaître de l'action civile dirigée par les demandeurs contre la défenderesse en tant que prévenue.
Par ces motifs, les juges d'appel ont légalement décidé que les actions civiles formées par les demandeurs contre la défenderesse en son nom propre et en sa qualité de partie civilement responsable pour le défendeur sont irrecevables.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(...)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Geert Jocqué, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller François Stévenart Meeûs et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.