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11/05/2018 | BELGIQUE | N°F.16.0126.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mai 2018, F.16.0126.F


N° F.16.0126.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre

J.-P. B.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.


I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2...

N° F.16.0126.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre

J.-P. B.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 avril 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le 25 avril 2018, le premier avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le premier avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 208 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe prévoit que les droits d'enregistrement régulièrement perçus ne peuvent être restitués, quels que soient les événements ultérieurs, sauf les cas prévus par le titre Ier de ce code.
En vertu de l'article 209, 1°, b), du même code, les droits perçus sont sujets à restitution à défaut par les parties d'avoir mentionné dans l'acte que les conditions auxquelles est subordonnée une réduction de droits sont réunies, à moins que la loi n'ait fait de l'existence de cette mention une condition formelle du bénéfice de la faveur fiscale.
Suivant l'article 131ter, § 1er, dudit code, applicable à l'espèce, par dérogation à l'article 131, pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, de la part en pleine propriété du donateur dans un immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation qui est situé dans la Région wallonne et dans lequel le donateur a sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de la donation, il est perçu un droit proportionnel sur l'émolument brut de chacun des donataires qui en demandent l'application, abstraction faite, le cas échéant, de la valeur de la partie professionnelle dudit immeuble soumise au taux réduit de l'article 140bis du code, d'après un tarif préférentiel par tranches.
Il ne suit pas de ces dispositions qu'une demande d'application du tarif préférentiel de l'article 131ter, § 1er, formulée après la présentation de l'acte de donation à la formalité de l'enregistrement constitue une cause de restitution.
L'arrêt constate, par référence à l'exposé des faits du premier juge, que l'acte de donation « a été enregistré le 5 janvier 2010 », que, « pour le calcul des droits d'enregistrement, le notaire a appliqué le taux réduit prévu par l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement en cas de donation de la résidence principale du donateur » et, par des motifs propres, d'une part, que « l'acte de donation immobilière a été établi sans solliciter l'application de l'article 131ter [de ce code] et que les droits ont été perçus avec application du tarif ordinaire prévu à l'article 131 », d'autre part, que, « dès que le notaire [...] eut constaté cette omission, il adressa à l'administration de l'enregistrement une demande de restitution des droits perçus en trop [...] dans les termes suivants : ‘par la présente, le donateur déclare qu'il avait sa résidence dans ledit immeuble depuis plus de cinq ans à la date de la donation, dès lors les donataires sollicitent l'application de l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement' ».

Il considère que l'article 131ter n'indique ni la forme que la demande d'application du taux réduit doit revêtir ni le moment auquel elle devrait être formulée et que l'article 209, 1°, du même code, qui « vise à remédier aux erreurs et omissions qui peuvent être commises lors de l'établissement des actes », ne doit pas être « privé d'une partie importante de sa substance ».
Sur la base de ces énonciations, d'où il ne ressort pas que la demande d'application du taux réduit eût existé lors de l'enregistrement de l'acte, l'arrêt n'a pu, sans violer l'article 209, 1°, b), du Code des droits d'enregistrement, décider que le demandeur doit restituer au défendeur le droit de donation jusqu'à concurrence de la différence entre le taux ordinaire et le taux réduit.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du onze mai deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Delange D. Batselé Chr. Storck

Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR: L'ETAT BELGE, Service Public Fédéral Finances, représenté par le Ministre des Finances, dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles, rue de la Loi, 12,

assisté et représenté par Maître Geoffroy de FOESTRAETS, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est sis à 1000 Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,

demandeur en cassation

CONTRE: Monsieur J.-P. B.,

défendeur en cassation

* * *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

* * *

Messieurs, Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt prononcé contradictoirement le 26 avril 2016 par la vingt-deuxième chambre civile de la cour d'appel de Liège (Numéro du rôle: 2015/RG/336).
FAITS DE LA CAUSE ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE

Le litige porte sur une restitution des droits d'enregistrement, sollicitée par le défendeur en application de l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement.

Par acte dressé le 30 décembre 2009 par le notaire C., le défendeur fait donation à ses deux fils de la moitié en pleine propriété d'un bien «situé à ... ».

Suivant l'acte, ce bien comprend plusieurs immeubles:

«1) une maison d'habitation sise, rue ... n° ..., cadastrée (...) section ... n° ... pour une superficie de 6 à 90 centiares;

2) un ensemble de pâtures sis à ...:
a)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 29 ares 30 centiares;
b)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 34 ares 70 centiares;
C)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 36 ares 90 centiares;
D)- A ... cadastré (...) section ... n° ... pour 25 ares 64 centiares;
E)- A ... cadastré (...) section ... n° ... et partie n° ... pour 31 ares 13 centiares;
F)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 29 ares 25 centiares;

D'après l'acte, certaines de ces pâtures sont situées en zone agricole, d'autres en zone d'habitat à caractère rural, d'autre encore ne sont même pas «raccordables à l'égout».

Quant à la maison d'habitation, l'acte ne contient pas la déclaration du donateur qu'il a sa résidence dans cet immeuble depuis plus de cinq ans à la date de la donation, pas plus qu'une demande des deux donataires d'appliquer le taux réduit de droits d'enregistrement prévu par l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement au bénéfice des donataires qui le demandent.

Pour la perception des droits d'enregistrement, les parties déclarent estimer la valeur du bien donné pour la totalité en pleine propriété à 210.000 EUR, soit 105.000 EUR pour la moitié en pleine propriété de tous les immeubles prédécrits.

L'acte est enregistré le 5 janvier 2010 et le notaire applique le taux réduit prévu par l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement en cas de donation de la résidence principale du donateur.

Le receveur de l'enregistrement perçoit cependant les droits sur la base du tarif normal prévu par l'article 131 au motif que l'application de l'article 131ter n'a pas été sollicitée.

Une somme de 4.600 EUR a en conséquence été versée au bureau de recettes de l'enregistrement de ...

Deux mois plus tard, le 9 mars 2010, le notaire sollicite la restitution d'une partie de ces droits d'enregistrement en se prévalant pour la première fois du taux réduit prévu par l'article 131ter précité. Cette restitution est refusée par une décision du 2 avril 2010 du directeur de l'enregistrement.

Sur recours du défendeur, le tribunal de première instance du Luxembourg, division d'Arlon, par un jugement du 8 octobre 2014, dit la demande en restitution fondée en son principe. Il ordonne une réouverture des débats afin de permettre au défendeur de présenter le calcul justifiant la somme sollicitée.

Par un second jugement, du 14 janvier 2015, ce même tribunal ordonne la restitution au défendeur des droits d'enregistrement trop perçus à concurrence de 3.350 EUR en principal.

Sur appel du demandeur, la vingt-deuxième chambre civile de la cour d'appel de Liège confirme les jugements déférés dans toutes leurs dispositions.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Les dispositions légales violées

- Les articles 131 et 131ter, ainsi que 208 et 209, 1° de l'arrêté royal n° 64 du 30 novembre 1939 contenant le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe (confirmé par la loi du 16 juin 1947), après sa modification par les décrets de la Région wallonne des 15 décembre 2005 et 30 avril 2009 mais avant sa modification par le décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015.

La décision attaquée

L'arrêt attaqué qui, par confirmation des deux jugements déférés dans toutes leurs dispositions ordonne la restitution au défendeur des droits d'enregistrement trop perçus à concurrence de 3.350 EUR en principal, à majorer des intérêts moratoires.

Les motifs de la décision attaquée

(p. 4)
« La cour ne peut que partager l'avis du premier juge qui a rappelé les principes de droit applicables en la matière et en a fait une juste application au vu de la situation de fait exposée par les parties;

« L'article 131ter du Code des droits d'enregistrement dispose, en son paragraphe 1er, que ‘Par dérogation à l'article 131, pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, de la part de la pleine propriété du donateur dans un immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation et qui est situé dans la Région wallonne et dans lequel le donateur a sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de la donation, il est perçu un droit proportionnel sur l'émolument brut de chacun des donataires qui en demandent l'application, abstraction faite, le cas échéant, de la valeur de la partie professionnelle dudit immeuble soumise au taux réduit de l'article 140bis, d'après le tarif indiqué dans le tableau ci-après' (c'est la cour qui souligne);

« En l'espèce, l'acte de donation immobilière a été établi sans solliciter l'application de l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement et les droits ont été perçus avec application du tarif ordinaire prévu à l'article 131 du Code des droits d'enregistrement;

« Dès que le notaire C. eut constaté cette omission, il adressa à l'administration de l'enregistrement une demande de restitution des droits perçus en trop;

« L'administration de l'enregistrement a toutefois refusé, au motif que la demande expresse de l'application du taux réduit dans l'acte de donation serait, selon elle, une condition formelle faisant obstacle à la restitution;

« L'objet du litige consiste donc à déterminer si la formule reprise dans l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement applicable en Région wallonne (‘qui en demandent l'application') constitue une condition de forme substantielle à laquelle l'obtention du droit réduit est subordonnée;

« (...)

(p. 5)

« ... en présence d'un texte qui n'est pas clair, l'adage ‘in dubio contra fiscum' implique que le texte doit être interprété dans le sens le plus favorable au contribuable;

« Par conséquent, l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement applicable en Région wallonne doit être compris en ce sens que les termes ‘en demandent l'application' ne constituent pas une condition formelle faisant obstacle à toute restitution;

« (...)

« Comme le relève le jugement entrepris du 8 octobre 2014 dont appel, ‘il y a lieu de constater par ailleurs que si l'article 131ter, § 1er, du Code fait bien référence à une demande, il n'indique ni la forme que celle-ci devrait revêtir ni le moment auquel elle devrait être formulée' (cf. 3e feuillet du jugement);

« Or, une telle demande a bien été formulée par le notaire C., lorsqu'il a déposé une requête en restitution des droits d'enregistrement, dans les termes suivants (cf. pièce 2 du dossier de l'intimé):
‘Par la présente, le donateur déclare qu'il avait sa résidence dans ledit immeuble depuis plus de cinq ans à la date de la donation, dès lors les donataires sollicitent l'application de l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement';

« Les termes employés dans le Code des droits d'enregistrement applicable en Région wallonne sont trop vagues pour en conclure que le législateur aurait entendu ériger cette demande en condition formelle à laquelle serait subordonnée l'application du tarif préférentiel;

(p. 6)

« Enfin, il importe d'observer que l'article 209, 1° du Code des droits d'enregistrement vise à remédier aux erreurs et omissions qui peuvent être commises lors de l'établissement des actes;

« Si l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement applicable en Région wallonne devait être interprété dans le sens erronément retenu par l'administration, l'article 209, 1° dudit Code se trouverait privé d'une partie importante de sa substance» (arrêt, pp. 4 à 6).

Les griefs

Pour les donations entre vifs de biens immeubles, l'article 131 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe prévoit la perception d'un droit proportionnel sur l'émolument brut de chacun des donataires d'après un tarif indiqué dans les tableaux figurant sous cet article.

Pour ce qui concerne la Région wallonne, le décret du 15 décembre 2005 a intégré un article 131ter qui dispose que «Par dérogation à l'article 131, pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, de la part en pleine propriété du donateur dans un immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation et qui est situé dans la Région wallonne et dans lequel le donateur a sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de la donation, il est perçu un droit proportionnel sur l'émolument brut de chacun des donataires qui en demandent l'application d'après le tarif indiqué dans le tableau ci-après (...)».

En l'espèce, il n'est pas contestable que les droits proportionnels ont été perçus au taux plein à défaut pour les donataires d'avoir demandé l'application du taux réduit avant l'enregistrement.

En vertu de l'article 209, 1° du Code visé en tête du moyen «sont sujets à restitution: 1° les droits perçus à défaut par les parties d'avoir mentionné dans l'acte ou la déclaration: (...) b) que les conditions auxquelles est subordonnée une (...) réduction de droit sont réunies, à moins que la loi n'ait fait de l'existence de cette mention une condition formelle du bénéfice de la faveur fiscale».

En l'espèce, après avoir constaté que «l'acte de donation immobilière a été établi sans solliciter l'application de l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement et les droits ont été perçus avec application du tarif ordinaire prévu à l'article 131», la cour d'appel décide que «l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement applicable en Région Wallonne doit être compris en ce sens que les termes 'en demandent l'application' ne constituent pas une condition formelle faisant obstacle à toute restitution».

Pour les juges d'appel, si cet article «fait bien référence à une demande, il n'indique ni la forme que celle-ci devrait revêtir ni le moment auquel elle devrait être formulée», «Les termes employés dans le Code des droits d'enregistrement applicables en Région Wallonne sont trop vagues pour en conclure que le législateur aurait entendu ériger cette demande en condition formelle à laquelle serait subordonnée l'application du tarif préférentiel».

Pour la cour d'appel de Liège, les donataires ont ainsi pu valablement solliciter l'application de l'article 131ter précité dans leur requête en restitution des droits d'enregistrement.

L'adage « in dubio contra fiscum » ne constitue qu'une règle subsidiaire d'interprétation et le demandeur demandeur croit pouvoir soutenir ici qu'en indiquant précisément que le donataire doit demander l'application du taux réduit, le législateur a voulu faire de cette mention une condition formelle du bénéfice de la faveur fiscale. Or c'est l'acte de donation qui est présenté à l'enregistrement (art. 19 du Code des droits d'enregistrement) et c'est l'examen de cet acte par le receveur qui permet de déterminer le taux du droit d'enregistrement applicable lors de l'enregistrement. C'est par conséquent dans l'acte de donation que la mention, prévue par le législateur comme condition formelle du bénéfice de la faveur fiscale, doit se trouver.

La condition de demande du tarif de faveur de l'article 131ter est formelle car comme tout tarif de faveur, il déroge au tarif de base. En tant que dérogation au tarif de base, l'Administration doit, dès l'analyse de l'acte, pouvoir déterminer si les conditions légales sont remplies. Sans la demande dans l'acte, l'Administration commettrait une faute en accordant le tarif de faveur. C'est donc à bon droit que l'Administration a appliqué le tarif plein. Comme il n'est pas prévu que les actes à enregistrer soient réanalysés une fois que l'enregistrement (et donc l'application du tarif) a eu lieu, hors les causes légales de restitution, il ressort du rapprochement des articles 131ter et 209,1° du Code précité que la condition d'octroi du tarif de faveur est subordonnée à une demande dans l'acte même et non dans une requête subséquente en restitution.

La simple mention dans l'acte, que les conditions de la réduction sont réunies ne suffit pas, il faut impérativement que le donataire demande l'application de ce taux réduit et c'est dans l'acte que pareille demande doit être formulée puisque c'est cet acte qui sera présenté à l'enregistrement par le notaire et que c'est sur la base de celui-ci que les droits d'enregistrement sont calculés et que le bénéfice de la faveur fiscale peut, le cas échéant (c'est-à-dire si elle a été sollicitée dans l'acte) être obtenu.

Et en l'espèce, les donataires n'ont pas demandé l'application du taux réduit dans l'acte et ceci alors que dans cet acte le donateur indiquait son domicile comme étant au n° ... de la rue ... à ... (l'un des immeubles faisant l'objet de la donation) et qu'il déclarait expressément que «conformément à l'article 170bis du Code des droits d'enregistrement (...) il est domicilié depuis plus de cinq ans en région wallonne».

Avant la présentation de l'acte à la formalité de l'enregistrement, les donataires n'ont donc pas formulé l'indispensable demande pour bénéficier des droits réduits alors qu'en vertu de l'article 131ter, pareille demande est une condition formelle du bénéfice de la faveur fiscale à accorder « le cas échéant » lors de l'enregistrement de l'acte.

La circulaire 2/2006 publiée sur fisconet énonce « l'application du tarif préférentiel doit être demandée par le donataire sous peine d'exclusion du bénéfice du régime ».

D'autre part, il n'est pas contesté que les droits ont en l'espèce été régulièrement «perçus» au taux plein. La restitution est fondée sur «un événement ultérieur», étant la déclaration du Notaire C. effectuée après l'enregistrement de l'acte au taux plein.

L'article 208 du même Code dispose que «les droits régulièrement perçus ne peuvent être restitués, quels que soient les événements ultérieurs, sauf les cas prévus par le présent titre». Ceci indique que l'article 209 doit être interprété de manière restrictive dans la mesure où il constitue une exception au principe d'absence de restitution lorsque les droits ont été régulièrement perçus.

Si l'article 131ter n'avait pas subordonné l'obtention du taux réduit à une demande expresse des donataires, mais au simple constat de la réunion objective des conditions relatives à la résidence principale du donateur, une omission quant à ces conditions objectives aurait pu être réparée en application de l'article 209 puisque les droits n'auraient pas alors été « régulièrement perçus » compte tenu de ces éléments objectifs. Mais, dans le cas d'espèce, le droit à réduction n'est pas « automatique » et les droits ont été régulièrement perçus sur la base de l'acte qui ne contient aucune « omission » mais reflète un choix des donataires. C'est en effet par une nouvelle manifestation de volonté des donataires, non exprimée initialement (et non par la réparation d'une simple « omission ») que ces donataires ont formulé la demande de taux réduit. Cette formulation deux mois après l'enregistrement de l'acte de donation constitue un « événement ultérieur » et à ce titre tient en échec la demande de restitution des droits régulièrement perçus sur la base des demandes y formulées par les donataires au moment où ils devaient exercer leur choix et bénéficier ainsi (« le cas échéant ») du bénéfice de la faveur fiscale.


Il en résulte qu'en accordant la restitution des droits sollicitée par le défendeur alors qu'il constate que les donataires n'avaient pas demandé dans l'acte présenté à la formalité de l'enregistrement l'application du taux réduit alors que pareille demande est une condition formelle du bénéfice de la faveur fiscale, l'arrêt attaqué a violé toutes les dispositions visées en tête du moyen.

Développements

On n'aperçoit pas pourquoi «Si l'article 131ter du Code des droits d'enregistrement en Région wallonne devait être interprété dans le sens erronément retenu par l'administration, l'article 209, 1° du Code se trouverait privé d'une partie importante de sa substance» (arrêt attaqué, p. 6).

La substance de cette disposition légale n'est pas d'autoriser la réparation de toutes les omissions lors de l'établissement d'un acte. Au contraire elle exclut toute restitution des droits perçus lorsque l'omission porte sur l'existence d'une mention que la loi a érigée en condition formelle du bénéfice de la faveur fiscale.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Les dispositions légales violées

- Les articles 131 et 131ter, ainsi que 208 et 209, 1° de l'arrêté royal n° 64 du 30 novembre 1939 contenant le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe (confirmé par la loi du 16 juin 1947), après sa modification par les décrets de la Région wallonne des 15 décembre 2005 et 30 avril 2009 mais avant sa modification par le décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015;

- les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

La décision attaquée

L'arrêt attaqué qui, par confirmation des deux jugements déférés dans toutes leurs dispositions ordonne la restitution au défendeur des droits d'enregistrement trop perçus à concurrence de 3.350 EUR en principal, à majorer des intérêts moratoires.

Les motifs de la décision attaquée

(p. 3)
« 1- Les faits et l'objet du litige

« Sur ces points, la cour se réfère à l'exposé du premier juge tel qu'il figure aux jugements déférés sous l'intitulé ‘Faits et antécédents';

« (...)

(p. 6)

« S'agissant du montant de la restitution, et à l'instar du premier juge, la cour constate que l'objet de la donation doit être destiné en tout ou en partie à l'habitation pour pouvoir bénéficier du taux réduit et que l'article 131ter ne distingue pas selon qu'il s'agit de constructions ou d'un terrain » (arrêt, pp. 3 et 6).

Les griefs

Pour les donations entre vifs de biens immeubles, l'article 131 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe prévoit la perception d'un droit proportionnel sur l'émolument brut de chacun des donataires d'après un tarif indiqué dans les tableaux figurant sous cet article.

Pour ce qui concerne la Région wallonne, le décret du 15 décembre 2005 a intégré un article 131ter qui dispose que «Par dérogation à l'article 131, pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, de la part en pleine propriété du donateur dans un immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation et qui est situé dans la Région wallonne et dans lequel le donateur a sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de la donation, il est perçu un droit proportionnel sur l'émolument brut de chacun des donataires qui en demandent l'application d'après le tarif indiqué dans le tableau ci-après (...)».

Il ressort de ces dispositions légales, que le taux réduit n'est applicable qu'à la valeur de l'immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation dans lequel le donateur a sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de la donation.

En l'espèce, l'acte de donation porte sur une maison d'habitation et un ensemble de pâtures, tous ces immeubles étant situés sur des parcelles cadastrales différentes et parfaitement identifiées.

Aux termes de l'article 131ter précité, ce qui doit être « destiné en tout ou en partie à l'habitation » est « l'immeuble » et non « l'objet de la donation ».

Première branche

Pour ce qui concerne les faits de la cause, la cour d'appel se réfère « à l'exposé du premier juge tel qu'il figure aux jugements déférés sous l'intitulé ‘Faits et antécédents' » (arrêt attaqué, p. 3).

Les deux jugements entrepris exposent que le défendeur a, par l'acte notarié du 30 décembre 2009, « fait donation de la moitié en pleine propriété d'un immeuble situé à ..., rue ..., ... à ses deux fils » et que cet immeuble « a été estimé pro fisco en pleine propriété à 210.000 EUR soit 105.000 EUR pour la moitié en pleine propriété » (première page de ces deux jugements déférés - soulignement ajouté).

Il ressort au contraire de cet acte notarié que la donation ne concernait pas uniquement cet immeuble décrit comme : « 1) une maison d'habitation sise, rue ... n° ..., cadastrée (...) section ... n° ... pour une superficie de 6 à 90 centiares » ;

Mais aussi d'autres immeubles :

« 2) un ensemble de pâtures sis à ... :
a)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 29 ares 30 centiares ;
b)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 34 ares 70 centiares ;
C)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 36 ares 90 centiares ;
D)- A ... cadastré (...) section ... n° ... pour 25 ares 64 centiares ;
E)- A ... cadastré (...) section ... n° ... et partie n° ... pour 31 ares 13 centiares ;
F)- Au lieu-dit ... cadastré (...) section ... n° ... pour 29 ares 25 centiares ; »

Il en résulte qu'en considérant que l'objet de la donation ne portait que sur un immeuble alors qu'il portait sur un ensemble d'immeubles, dont plusieurs pâtures, l'arrêt attaqué viole la foi due à cet acte notarié (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Deuxième branche

Manque en droit l'affirmation de l'arrêt attaqué que c'est l'objet de la donation qui doit être destiné en tout ou en partie à l'habitation pour pouvoir bénéficier du taux réduit.

Selon l'article 131ter précité, c'est au contraire l'immeuble donné qui doit avoir cette destination.

Quant à la délimitation précise de l'immeuble pouvant être donné avec l'application du taux réduit, ce point a été examiné en Commission du Budget du Parlement wallon et il a été clairement expliqué que la limite était « la parcelle cadastrale » (Doc. Parl., session 2005-2006, CRAC, n° 62, p. 19). La notion légale d' « immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation dans lequel le donateur a sa résidence principale » se limite donc à la parcelle cadastrale comprenant l'immeuble d'habitation (même partielle) où le donateur à sa résidence principale mais non les autres parcelles cadastrales de son patrimoine immobilier qui seraient comprises dans le même acte de donation.

En l'espèce, la donation n'a pas eu pour objet un unique immeuble d'habitation mais aussi d'autres immeubles, et plus précisément un ensemble de six pâtures correspondant à d'autres parcelles cadastrales que la maison destinée à l'habitation du défendeur.

Comme le demandeur le soutenait, il y avait dès lors lieu en tout état de cause, s'agissant du montant de la restitution sollicitée « de ventiler la valeur des biens donnés entre la valeur de l'habitat et la valeur des terrains » (conclusions d'appel du demandeur, page 4).

Il en résulte qu'en décidant, « s'agissant du montant de la restitution », que le taux réduit à l'article 131ter précité celui-ci doit être calculé sur « l'objet de la donation » et non sur le seul « immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation », et en ordonnant la restitution au défendeur d'un montant de 3.350 EUR sur cette base, l'arrêt attaqué viole toutes les dispositions visées au moyen, sauf les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

La circonstance que « l'article 131ter ne distingue pas selon qu'il s'agit de constructions ou d'un terrain » ne permet pas de justifier légalement la décision attaquée. En l'espèce, n'était ici contestée que la partie de la réduction de droits sollicitée par le défendeur qui était relative à d'autres immeubles que celui destiné à la résidence principale du défendeur.

Le fait que les parties à l'acte n'aient donné qu'une seule estimation « pro fisco » pour l'ensemble des biens donnés ne fait pas pour autant de cet ensemble un seul immeuble pour l'application du taux réduit.

Troisième branche

Le § 2 de l'article 131ter visé en tête du moyen précise que «Pour l'application de cette disposition, la preuve du fait que le donateur avait sa résidence principale dans l'immeuble considéré résultera, sauf preuve du contraire, d'un extrait du registre de la population ou du registre des étrangers. Le bénéfice du tarif réduit est maintenu même lorsque le donateur n'a pu conserver sa résidence principale dans l'immeuble considéré pour cause de force majeure ou de raison impérieuse de nature médicale, familiale, professionnelle ou sociale (...)».

Il ressort tant de l'acte notarié du 30 décembre 2009 que de l'arrêt attaqué lui-même que le défendeur était domicilié dans l'immeuble sis « rue ... n°... à ... » et que cet immeuble ne constituait qu'une partie de l'objet de la donation, laquelle portait également sur d'autres immeubles.

Il n'a jamais été soutenu que le défendeur avait sa résidence principale dans ces autres immeubles, ce qui eût d'ailleurs été impossible, s'agissant de « pâtures ».

Il en résulte qu'en accordant la restitution des droits d'enregistrements relativement à des immeubles dans lesquels il n'est pas établi que le défendeur avait sa résidence principale, l'arrêt attaqué à violé toutes les dispositions visées en tête du moyen, sauf les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Développements

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur soutenait que, dans la mesure où l'acte de donation répertoriait clairement le bien immobilier faisant l'objet de la donation comme «une maison d'habitation et un ensemble de pâtures. Le fait que les parties à l'acte n'aient donné qu'une seule estimation pour l'ensemble des biens donnés n'en fait pas pour autant un seul bien. Il y a lieu de ventiler la valeur des biens donnés entre la valeur de l'habitat et la valeur des terrains» (page 4).

Dans son jugement entrepris du 14 janvier 2015, le premier juge notait bien que «cette demande est motivée par le fait qu'il lui paraît évident que l'avantage accordé par l'article 131ter ne peut s'appliquer qu'aux parcelles bâties, et non aux parcelles non bâties» (p. 4 - soulignement ajouté).

La cour d'appel répond que «l'objet de la donation doit être destiné en tout ou en partie à l'habitation pour pouvoir bénéficier du taux réduit et que l'article 131ter ne distingue pas selon qu'il s'agit de construction ou d'un terrain » (p. 6).

Cette réponse est étrangère au grief invoqué, lequel ne critiquait pas une absence de ventilation des droits entre les parties bâties et non bâties de l'immeuble d'habitation donné, mais l'application du taux réduit sur les autres immeubles donnés dans le même acte, qui n'étaient pas des immeubles d'habitation mais des « pâtures ».

A suivre l'interprétation de la cour d'appel, un contribuable pourrait faire donation de tout son patrimoine immobilier au taux réduit, au simple motif que l'objet de la donation comprendrait notamment l'immeuble qui lui sert de résidence principale.

La ratio legis de l'article 131ter est de faciliter la donation de la résidence principale mais non celle de tout le reste du patrimoine immobilier d'un contribuable.

A CES CAUSES,

L'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour le demandeur, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser et annuler l'arrêt attaqué, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel et statuer comme de droit sur les dépens de l'instance de cassation.

Annexe:

1./ copie certifiée conforme de l'acte notarié de donation du 30 décembre 2009 visé dans les deux jugements entrepris et dans l'acte attaqué et produit devant la cour.

Bruxelles, le 5 octobre 2016

Geoffroy de FOESTRAETS


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : F.16.0126.F
Date de la décision : 11/05/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Droit d'enregistrement


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-05-11;f.16.0126.f ?

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