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09/05/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1114.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, Deuxième chambre, 09 mai 2018, P.17.1114.F


A. J.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège, et Pierre Monville, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 octobre 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
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Le moyen est pris de la violation des articles 182 et 187 du Code d'instruc...

A. J.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège, et Pierre Monville, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 octobre 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 182 et 187 du Code d'instruction criminelle, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir dit l'opposition de la demanderesse non avenue en déduisant sa renonciation à participer à l'audience d'une négligence qui résulte du fait, d'une part, de ne pas s'être renseignée sur la date de la remise qu'elle avait sollicitée et, d'autre part, de n'avoir pas organisé sa comparution ou, à tout le moins, sa représentation devant la cour d'appel.

L'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle dispose :
« L'opposition sera déclarée non avenue si l'opposant, lorsqu'il comparaît en personne ou par un avocat et qu'il est établi qu'il a eu connaissance de la citation dans la procédure dans laquelle il a fait défaut, ne fait pas état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime justifiant son défaut lors de la procédure attaquée, la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées restant soumise à l'appréciation souveraine du juge. »

Les travaux préparatoires de cette disposition indiquent que le législateur a voulu combattre les abus de la procédure d'opposition, en limitant la possibilité de faire opposition à un jugement rendu par défaut, sans porter atteinte au droit des parties d'être entendues personnellement, droit qui relève du droit à un procès équitable, et aux exigences émises en la matière par la Cour européenne des droits de l'homme.

L'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, exige qu'un prévenu condamné par défaut ait la possibilité qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation, à moins qu'il soit établi qu'il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre ou qu'il a eu l'intention de se soustraire à la justice.

Il résulte de ce qui précède que la notion d'« excuse légitime » visée à l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle doit être interprétée en ce sens qu'elle couvre les cas où l'opposant qui a eu connaissance de la citation n'invoque pas la force majeure mais un motif faisant apparaître que son absence n'emportait aucune renonciation à son droit de comparaître et de se défendre, ou aucune volonté de se soustraire à la justice.

La seule circonstance que l'absence de l'opposant résulte de sa propre négligence n'exclut pas l'existence d'une excuse légitime au sens de la disposition précitée.

Le juge apprécie souverainement les éléments invoqués à l'appui de l'excuse légitime, la Cour vérifiant toutefois s'il n'a pas déduit de ses constatations des conséquences qui seraient sans lien avec elles ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

L'arrêt constate que la citation à comparaître devant la cour d'appel a été signifiée à la demanderesse en personne. Il relève que par courrier du 19 février 2017, celle-ci a sollicité un report de l'audience du 28 février en raison d'une intervention chirurgicale qu'elle venait de subir et de son souhait de changer de conseil. Il précise que deux certificats médicaux étaient joints au courrier, l'un indiquant une incapacité de travail du 15 janvier 2017 au 26 février 2017, l'autre attestant la prolongation de l'incapacité jusqu'au 30 avril 2017 et que, parallèlement, le conseil de la demanderesse a informé la cour d'appel qu'il avait mis fin à la défense des intérêts de celle-ci. L'arrêt énonce ensuite qu'à l'audience d'introduction, la cause a été remise au 9 mars 2017, date à laquelle elle a été prise en délibéré à la suite des réquisitions du ministère public et de la plaidoirie de la partie civile, en l'absence de la demanderesse et de son conseil.

Pour décider que l'état de santé de la demanderesse ne constitue pas une cause d'excuse légitime, l'arrêt considère qu'elle a commis une négligence dès lors que, d'une part, il lui appartenait de se renseigner sur l'état de la procédure et que, d'autre part, le délai accordé par la cour avait été suffisant pour lui permettre d'organiser sa comparution ou, à tout le moins, sa représentation à l'audience dès lors qu'une incapacité de travail n'est pas un obstacle à l'utilisation des nombreux moyens de communication actuels.

Par ces considérations, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Il n'y a pas lieu d'examiner le surplus du mémoire qui ne saurait entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du présent dispositif.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège, autrement composée.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf mai deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

T. Fenaux
F. Lugentz
T. Konsek
E. de Formanoir
F. Roggen
B. Dejemeppe


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.17.1114.F
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Opposition


Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2018
Fonds documentaire ?: Juridat
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-05-09;p.17.1114.f ?
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