N° C.17.0095.N
SECUREX ARBEIDSONGEVALLEN, caisse commune d'assurance,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,
contre
THE SHIPOWNERS' MUTUAL PROTECTION AND INDEMNITY ASSOCIATION, société de droit étranger,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2016 par la cour d'appel de Gand.
Le 19 mars 2018, l'avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Geert Jocqué a fait rapport.
L'avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Aux termes de l'article 106, alinéa 1er, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, le droit applicable à l'obligation en vertu des articles 98 à 105 détermine si la personne lésée a le droit d'agir directement contre l'assureur du responsable. Le second alinéa de cet article dispose que si le droit applicable en vertu de l'alinéa 1er ne connaît pas ce droit, celui-ci peut néanmoins être exercé s'il est reconnu par le droit applicable au contrat d'assurance.
L'article 99 du Code de droit international privé détermine le droit applicable à l'obligation dérivant d'un fait dommageable.
En vertu de son article 127, § 1er, alinéa 1er, le Code de droit international privé détermine le droit applicable aux actes et aux faits juridiques qui sont survenus après son entrée en vigueur. L'alinéa 2 dispose que ledit code détermine également le droit applicable aux effets produits après son entrée en vigueur par un acte ou un fait juridique survenu avant son entrée en vigueur, à l'exception des effets produits par un acte ou un fait visé aux articles 98, 99, 104 et 105.
2. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en vertu de son article 127, § 1er, alinéa 2, in fine, le Code de droit international privé ne détermine pas le droit applicable à la question si une personne victime d'un dommage résultant d'un fait dommageable commis avant son entrée en vigueur dispose, après son entrée en vigueur, d'une action directe contre l'assureur du responsable.
Le moyen qui, en cette branche, repose sur un autre soutènement, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
3. En vertu de l'article 3, alinéa 1er, du Code civil, tel qu'il était applicable avant son abrogation par l'article 139, 1°, du Code de droit international privé, dans la mesure où elles portent une règle de droit international privé, les lois de police d'un État s'appliquent aux faits commis sur le territoire de cet État, quelle que soit la nationalité des personnes concernées.
4. Les lois qui déterminent les éléments constitutifs du fait donnant lieu à la responsabilité civile, délictuelle ou quasi délictuelle, ainsi que les modalités et l'étendue de l'indemnisation, sont des lois de police au sens de l'article 3, alinéa 1er, du Code civil.
5. Les lois instituant une action directe déterminent le mode d'indemnisation auquel la victime du dommage a droit. Il s'ensuit que ces lois sont également des lois de police au sens de l'article 3, alinéa 1er, du Code civil.
6. En considérant que la demanderesse ne dispose pas d'une action directe selon le droit anglais et que les dispositions de droit belge sur la base desquelles elle pourrait introduire une action directe n'étaient pas encore entrées en vigueur au moment de l'accident, alors qu'elle a précédemment constaté que le sinistre s'est produit en Belgique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision que la demande de la demanderesse est non fondée.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Beatrijs Deconinck, les conseillers Koen Mestdagh, Geert Jocqué et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du trois mai deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sabine Geubel et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,