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02/05/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0133.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mai 2018, P.18.0133.F


N° P.18.0133.F
I. et II. M.R.,
ayant pour conseil Maître Thibault Maudoux, avocat au barreau de Namur,
III. P. L., J., J., M., F.,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Barthélemy et Marie-Eve Materne, avocats au barreau de Dinant,
prévenus,
demandeurs en cassation,

les pourvois contre

1. D.J.,
2. D. A.,

3. W. F.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus le 22 septembre 2016 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en acc

usation, et le 4 janvier 2018, par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le second demandeur in...

N° P.18.0133.F
I. et II. M.R.,
ayant pour conseil Maître Thibault Maudoux, avocat au barreau de Namur,
III. P. L., J., J., M., F.,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Barthélemy et Marie-Eve Materne, avocats au barreau de Dinant,
prévenus,
demandeurs en cassation,

les pourvois contre

1. D.J.,
2. D. A.,

3. W. F.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus le 22 septembre 2016 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation, et le 4 janvier 2018, par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le second demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi de R. M., formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation, statuant sur le renvoi du demandeur devant le tribunal correctionnel :

Le demandeur se désiste de son pourvoi.

B. Sur le pourvoi de R. M., formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge du demandeur :

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées par les défendeurs contre le demandeur :

Il n'apparaît pas des pièces de la procédure que le demandeur ait fait signifier son pourvoi aux parties contre lesquelles il est dirigé.

Le pourvoi est irrecevable.

C. Sur le pourvoi de L. P. :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation, statuant sur le renvoi du demandeur devant le tribunal correctionnel :

Sur le premier moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Le moyen soutient qu'en renvoyant le demandeur devant le tribunal correctionnel du chef de meurtre pour faciliter le vol, la chambre des mises en accusation a violé les articles 10, 11, 12, 13 et 150 de la Constitution. En raison de l'annulation par l'arrêt du 21 décembre 2017 de la Cour constitutionnelle des articles 6 et 121 de la loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, ledit crime ne pouvait en effet pas être correctionnalisé après admission de circonstances atténuantes. Le demandeur aurait également subi une discrimination en étant privé du bénéfice d'un débat devant la cour d'assises et de la garantie qu'offre la présence du jury populaire.

Si, par arrêt n° 148/2017 du 21 décembre 2017, la Cour constitutionnelle a notamment annulé les articles précités de la loi du 5 février 2016, elle en a maintenu les effets à l'égard des décisions rendues sur la base de ces dispositions avant la date de publication dudit arrêt au Moniteur belge. Cette décision y a été publiée le 12 janvier 2018.
Par arrêt interprétatif n° 28/2018 du 9 mars 2018, la Cour constitutionnelle a décidé que
- le maintien des effets des articles précités et annulés de la loi du 5 février 2016 « porte sur les ‘décisions rendues sur la base de ces dispositions avant la date de publication [de l']arrêt au Moniteur belge', y compris donc les décisions, prises par les juridictions d'instruction ou par le ministère public sur la base des dispositions annulées, de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel, avec admission de circonstances atténuantes » (B.5), et que
- « ce maintien des effets a pour conséquence que les tribunaux correctionnels qui ont été saisis avant le 12 janvier 2018 en vertu de telles décisions prises sur la base des dispositions annulées restent compétents à partir de cette date pour statuer dans ces mêmes causes. Il en va de même pour les juridictions qui doivent statuer en degré d'appel ou en cassation dans ces mêmes affaires. La distinction que les parties requérantes dans l'affaire n° 6497 établissent, en ce qui concerne le maintien des effets, entre, d'une part, la saisine des tribunaux correctionnels et, d'autre part, la compétence de ces juridictions saisies, ne peut donc être admise. » (B.6.1).

Bien qu'annulées, les dispositions légales autorisant la correctionnalisation du crime imputé au demandeur devaient s'appliquer au moment où la chambre des mises en accusation a statué puisque la Cour constitutionnelle en a maintenu les effets pour les affaires pendantes ou qui n'ont pas déjà fait l'objet d'une décision définitive, ce qui est le cas en l'espèce.

Par ailleurs, l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont le moyen soutient également la violation par les juges d'appel, n'oblige pas l'Etat national à déférer le jugement des crimes à une cour d'assises.

Le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle, statuant sur l'action publique exercée à charge du demandeur :

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 1138, 4°, du Code judiciaire.

Le demandeur fait valoir que la cour d'appel n'a pas pu, sans se contredire, écarter la déclaration qu'il a faite en état d'arrestation devant le juge d'instruction, sans l'assistance d'un avocat, et prendre en considération celle qu'il a faite pendant la détention préventive lors d'une confrontation ultérieure après avoir eu accès à un avocat, alors que, selon le moyen, en application de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle, un avocat devait être présent lors de ladite confrontation.

La contradiction alléguée par le moyen n'oppose donc pas deux motifs ou deux dispositifs de la même décision.

Le vice de contradiction n'est reproché à l'arrêt qu'en tant qu'il contient un motif que le demandeur dit inconciliable avec la loi.

Pareil grief ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation au titre des dispositions invoquées.

Le moyen manque en droit.
Quant à la seconde branche :

Pris de la violation de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle, le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir pris en considération la déclaration faite par le demandeur, sans l'assistance d'un avocat, lors d'une confrontation postérieure à la délivrance du mandat d'arrêt.

En vertu de l'article 24bis/1, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, à compter de la signification du mandat d'arrêt, le suspect qui se trouve en détention préventive a le droit de se concerter confidentiellement avec son avocat conformément à l'article 20, § 1er, et de se faire assister par un avocat pendant les auditions qui sont effectuées.

L'article 47bis, § 6, 9), du Code d'instruction criminelle prévoit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le fondement de déclarations qu'elle a faites notamment en violation des articles 2bis, 15bis, 20, § 1er, et 24bis/1 de la loi du 20 juillet 1990 en ce qui concerne la concertation confidentielle préalable ou l'assistance d'un avocat au cours de l'audition.

L'arrêt constate d'abord que, privé de liberté, le demandeur a été entendu par le juge d'instruction le 9 mars 2005 au sujet des faits reprochés, sans l'assistance d'un avocat, audition comportant des aveux partiels impliquant une jeune femme. La cour d'appel a écarté cette audition et il n'est pas allégué que l'arrêt se soit fondé sur elle.

L'arrêt relève ensuite qu'après la délivrance du mandat d'arrêt, le demandeur a eu l'occasion, avant la confrontation du 14 mars 2005, de consulter un avocat. Après avoir considéré que, lors de cette confrontation, il était revenu sur ses aveux qu'il avait justifiés par un acte de vengeance, et avait déclaré : « Je vous dis maintenant que M. n'était pas avec nous lors de l'agression chez J.D. », les juges d'appel ont énoncé : « Comment peut-il en effet affirmer que la jeune femme n'était pas présente sur les lieux si ce n'est parce qu'il y était ? ».

Il n'apparaît pas des pièces de la procédure que, devant la cour d'appel, le demandeur ait invoqué l'absence d'un avocat lors de la confrontation du 14 mars 2005, ni au titre de la violation de l'article 47bis, § 6, 9), du Code d'instruction criminelle ni en raison de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Dès lors qu'ils avaient constaté qu'il avait pu se concerter avec un avocat avant cette confrontation, les juges d'appel ont légalement justifié le motif critiqué par le demandeur.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen reproche à l'arrêt de ne pas déclarer les poursuites irrecevables en raison du dépassement du délai raisonnable. Le demandeur soutient que, s'il avait été poursuivi devant la cour d'assises, les moyens déduits de la déperdition des preuves auraient conduit à déclarer l'action publique irrecevable en raison du principe de l'oralité des débats.

L'arrêt considère
- que l'irrecevabilité des poursuites ne sanctionne le caractère déraisonnable de la durée de la procédure que si cette longueur excessive a entraîné une déperdition des preuves ou rendu impossible l'exercice normal des droits de la défense ;
- qu'il n'est pas exact que le dossier d'instruction a été constitué en vue d'un renvoi devant la cour d'assises ;
- que le demandeur n'a formulé aucune demande d'audition de témoins devant le tribunal ou la cour d'appel ;
- que l'affirmation relative au caractère déterminant de certains témoins décédés est faite sans justification ;

- que le dossier contient des éléments compensateurs à trouver dans les auditions et confrontations réalisées au cours de l'instruction préparatoire, dans la possibilité que les prévenus ont eu de contredire ou de faire vérifier les témoignages avancés contre eux, et dans les devoirs d'instruction réalisés à charge et à décharge.

Les juges d'appel en ont déduit qu'ainsi, le demandeur n'a pas été privé du droit à un procès équitable, de sorte que le délai écoulé ne pourrait avoir d'autre conséquence qu'au niveau de la sanction éventuelle.

Par ces considérations, l'arrêt justifie légalement sa décision.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

3. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt qui, rendu par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle, sur les actions civiles exercées par J. D. et A. D. contre le demandeur, statue sur

a. le principe de la responsabilité :

Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.

b. l'étendue des dommages :

Par confirmation du jugement entrepris, l'arrêt alloue une indemnité provisionnelle aux défendeurs et réserve à statuer quant au surplus des demandes.

Pareilles décisions ne sont pas définitives au sens de l'article 420, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle et sont étrangères aux cas visés par le second alinéa de cet article.

Le pourvoi est irrecevable.

4. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt qui, rendu par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle, statue sur l'action civile exercée par F. W. contre le demandeur :

Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Décrète le désistement du pourvoi de R.M., dirigé contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2016 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne R. M. aux frais de ses pourvois et L.P. aux frais du sien.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de trois cent quarante et un euros soixante et un centimes dont I), II) sur les pourvois de R.M. : deux cent dix euros nonante-cinq centimes dus et III) sur le pourvoi de L. P. : cent trente euros soixante-six centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du deux mai deux mille dix-huit par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir B. Dejemeppe J. de Codt


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.18.0133.F
Date de la décision : 02/05/2018
Type d'affaire : arrêt

Analyses

Compétence ; ressort


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-05-02;p.18.0133.f ?

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