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26/04/2018 | BELGIQUE | N°C.16.0192.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 avril 2018, C.16.0192.N


N° C.16.0192.N
BANQUE DE LUXEMBOURG, société de droit luxembourgeois,
Me Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. A. C.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
2. A. D. L.



I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 31 décembre 2015 par le tribunal de première instance de Flandre orientale, section de Termonde, statuant en dernier ressort.
Le 9 mars 2018, l'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions au greffe.
Le président de sectio

n Alain Smetryns a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a été entendu en ses conclusions....

N° C.16.0192.N
BANQUE DE LUXEMBOURG, société de droit luxembourgeois,
Me Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. A. C.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
2. A. D. L.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 31 décembre 2015 par le tribunal de première instance de Flandre orientale, section de Termonde, statuant en dernier ressort.
Le 9 mars 2018, l'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Alain Smetryns a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

1. L'article 1er, alinéa 1er, du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale dispose que ledit règlement est applicable en matière civile ou commerciale, lorsqu'une juridiction d'un État membre, conformément aux dispositions de sa législation, demande a) à la juridiction compétente d'un autre État membre de procéder à un acte d'instruction ; ou b) de pouvoir procéder directement à un acte d'instruction dans un autre État membre.

2. Dans son arrêt du 6 septembre 2012 Lippens, C-170/11, la Cour de justice de l'Union européenne observe que « le champ d'application matériel du règlement n° 1206/2001, tel que défini par [l'article 1er, alinéa 1er], et tel qu'il résulte du système de ce règlement, est limité aux deux moyens d'obtention des preuves, à savoir, d'une part, l'exécution d'un acte d'instruction par la juridiction requise conformément aux articles 10 à 16 dudit règlement à la suite d'une demande de la juridiction requérante d'un autre État membre et, d'autre part, l'exécution directe d'un tel acte par la juridiction requérante dans un autre État membre, dont les modalités sont déterminées par l'article 17 du même règlement ; en revanche, le règlement n° 1206/2001 ne contient aucune disposition régissant ou excluant la possibilité, pour la juridiction d'un État membre, de citer une partie résidant dans un autre État membre à comparaître et à témoigner directement devant elle ; il s'ensuit que le règlement n° 1206/2001 n'est applicable, en principe, que dans l'hypothèse où la juridiction d'un État membre décide de procéder à l'obtention des preuves selon l'un des deux moyens prévus par ce règlement, cas dans lequel elle est tenue de suivre les procédures afférentes à ces moyens » (points 26-28).
La Cour de justice considère qu'« il résulte de ce qui précède que la juridiction compétente d'un État membre a la faculté de citer devant elle, en tant que témoin, une partie résidant dans un autre État membre et de l'entendre conformément au droit de l'État membre dont ladite juridiction relève. En outre, cette dernière juridiction demeure libre de tirer de la non-comparution, sans justification légitime, d'une partie en tant que témoin les conséquences éventuelles prévues par le droit de l'État membre dont elle relève, pourvu qu'elles soient appliquées dans le respect du droit de l'Union » (points 37-38).
La Cour de justice considère ensuite que « les dispositions du règlement n° 1206/2001, notamment l'article 1er, paragraphe 1er, de celui-ci, doivent être interprétées en ce sens que la juridiction compétente d'un État membre qui souhaite entendre, en tant que témoin, une partie résidant dans un autre État membre a la faculté, afin de procéder à une telle audition, de citer cette partie à comparaître devant elle et de l'entendre conformément au droit de l'État membre dont cette juridiction relève » (point 39).
3. Il résulte manifestement de cet arrêt qu'une juridiction d'un État membre peut condamner une partie ou un tiers résidant dans un autre État membre à lui produire des pièces conformément au droit national de cette juridiction.
4. Le moyen, qui, en cette branche, suppose qu'une juridiction d'un État membre ne peut condamner un tiers résidant dans un autre État membre à lui produire des pièces conformément au droit national de cette juridiction, mais est tenue de suivre les procédures du règlement n° 1206/2001, manque en droit.
5. Il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle de la demanderesse à la Cour de justice de l'Union européenne.

Quant à la deuxième branche :

6. Il résulte manifestement de l'arrêt précité de la Cour de justice que, lorsqu'une juridiction d'un État membre condamne une partie ou un tiers résidant dans un autre État membre à lui produire des pièces conformément au droit national de cette juridiction, la juridiction peut attacher à la non-production irrégulière des pièces les conséquences prévues par son droit national, moyennant le respect du droit de l'Union.
7. Le moyen, qui, en cette branche, suppose qu'une juridiction d'un État membre ne peut condamner un tiers résidant dans un autre État membre à lui produire des pièces conformément au droit national de cette juridiction, mais est tenue de suivre les procédures du règlement n° 1206/200, lorsque la juridiction attache une astreinte, prévue dans son droit national, à la non-production irrégulière, manque en droit.
8. Il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle de la demanderesse à la Cour de justice de l'Union européenne.

Quant aux troisième et quatrième branches :

(...)

Sur le second moyen :

Quant aux première, deuxième et troisième branches :

12. Lorsqu'il applique une loi étrangère, le juge du fond est tenu de déterminer la portée de cette loi en tenant compte de l'interprétation qui lui est donnée dans son pays d'origine.
La Cour vérifie si la décision du juge du fond est conforme à son interprétation.
13. Le juge considère dans la décision attaquée, en se référant à la jurisprudence et à la doctrine luxembourgeoises, que :
- le banquier est aujourd'hui tenu d'accorder une suite favorable aux demandes qui lui sont adressées par le juge civil ou le juge pénal, qu'elles concernent la production de pièces ou un témoignage en justice ;
- les articles 41 de la loi luxembourgeoise du 5 avril 1993 relative au secteur financier et 458 du Code pénal luxembourgeois ne s'opposent pas à un témoignage en justice et que, si l'on se réfère à la position des autorités luxembourgeoises dans l'affaire C-153/00, la notion d'« autorité judiciaire » englobe aussi bien les autorités judiciaires luxembourgeoises que celles des autres États membres ;
- ainsi que cela ressort d'un jugement du tribunal d'arrondissement de Luxembourg du 8 juin 2000, l'article 41 de la loi luxembourgeoise du 5 avril 1993 relative au secteur financier est lié à la cause de justification de l'article 70 du Code pénal luxembourgeois, qui prévoit qu'il n'y a pas d'infraction lorsque le fait est ordonné par la loi ou commandé par l'autorité légitime ;
- l'article 40 de la loi luxembourgeoise du 5 avril 1993 relative au secteur financier oblige les banques à fournir une réponse et une coopération aussi complètes que possible à toute demande légale que les autorités chargées de l'application des lois leur adressent dans l'exercice de leurs pouvoirs ;
- le secret bancaire doit céder devant la sauvegarde du droit d'une partie légalement reconnu ou judiciairement établi ;
- il est à cet égard requis que la production forcée d'une pièce ou d'une information soit indispensable à l'établissement de la vérité et que le demandeur ne dispose d'aucun autre moyen pour obtenir la pièce ou l'information.
14. Il ne ressort pas de l'examen des éléments invoqués par le moyen, en ces branches, à l'appui des interprétations proposées, que, dans la décision attaquée, le juge confère aux dispositions précitées une interprétation qui, étant donné la controverse existant à cet égard, n'est manifestement pas conforme à l'interprétation donnée à ces dispositions au Luxembourg.
Le moyen, en ces branches, ne peut être accueilli.

Sur la quatrième branche :
(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Alain Smetryns, président, les conseillers Koen Mestdagh, Geert Jocqué, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt-six avril deux mille dix-huit par le président de section Alain Smetryns, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Martine Regout et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0192.N
Date de la décision : 26/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-26;c.16.0192.n ?

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