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26/04/2018 | BELGIQUE | N°C.15.0258.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 avril 2018, C.15.0258.N


N° C.15.0258.N
AUTORITÉ BELGE DE LA CONCURRENCE, service autonome doté de la personnalité juridique,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre
1. TUI TRAVEL BELGIUM, s.a.,
2. JETAIR, s.a.,
3. JETAIRCENTER, s.a.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
4. BCD TRAVEL BELGIUM, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
5. BELGIAN TRAVEL ORGANISATION, association professionnelle,
6. CWT BELGIUM, s.p.r.l.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation
7. GLOBAL BUSINESS TRAVEL, s.p.r.l.,
Me Caroline De

Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est di...

N° C.15.0258.N
AUTORITÉ BELGE DE LA CONCURRENCE, service autonome doté de la personnalité juridique,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre
1. TUI TRAVEL BELGIUM, s.a.,
2. JETAIR, s.a.,
3. JETAIRCENTER, s.a.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
4. BCD TRAVEL BELGIUM, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
5. BELGIAN TRAVEL ORGANISATION, association professionnelle,
6. CWT BELGIUM, s.p.r.l.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation
7. GLOBAL BUSINESS TRAVEL, s.p.r.l.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 février 2015 par la cour d'appel de Bruxelles.
L'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions écrites le 19 février 2018.
Le président de section Alain Smetryns a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

1. En vertu de l'article 773, alinéa 3, du Code judiciaire, le juge statue sur pièces sur la requête tendant à la réouverture des débats en raison de la découverte, au cours du délibéré, d'une pièce ou d'un fait nouveau et capital.
Ni l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense n'exigent que le juge qui estime devoir rejeter pareille requête en informe préalablement le demandeur afin de lui permettre d'exposer ses moyens de défense quant aux motifs sur la base desquels le juge pense devoir rejeter la requête.
2. L'arrêt constate que, le 29 décembre 2014, la demanderesse a introduit une requête tendant à la réouverture des débats afin de lui permettre de communiquer ses observations sur une nouvelle pièce qu'elle considère comme capitale, à savoir l'arrêt rendu le 10 décembre 2014 par la Cour constitutionnelle rejetant un recours en annulation contre l'article IV.79, § 1er, alinéa 2, du Code de droit économique.
Il considère ensuite que :
- l'arrêt précité ne comporte pas d'évolution interprétative par rapport à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui était déjà connue au moment où la cause a été prise en délibéré ;
- le considérant (point B.8.2) de l'arrêt n° 179/2014 du 10 décembre 2014 de la Cour constitutionnelle est conforme à ce que la Cour constitutionnelle a déjà considéré dans son arrêt n° 197/2011 du 22 décembre 2011 (point B.11), en particulier sur la question du contrôle juridictionnel sur la régularité de la prise de certaines mesures d'instruction et sur la possibilité d'offrir une réparation appropriée de tout effet préjudiciable lorsqu'une irrégularité est constatée.
3. En considérant par ces motifs que l'arrêt invoqué ne constitue pas un fait nouveau et pertinent justifiant la réouverture des débats, sans permettre à la demanderesse de se défendre quant à l'influence de cet arrêt sur la présente procédure, l'arrêt ne viole pas la disposition conventionnelle précitée et ne méconnaît pas le principe général du droit susmentionné.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

4. L'article 15 de la Constitution dispose que le domicile est inviolable. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.
L'article 8.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Aux termes de l'article 8.2 de ladite convention, il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
5. Il ne ressort pas de l'article 15 précité de la Constitution et de ses travaux préparatoires que la protection que cette disposition offre ne s'étend pas au-delà de la protection de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le moyen, qui, en cette branche, se fonde sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Sur le troisième moyen :

12. L'article 15 de la Constitution dispose que le domicile est inviolable. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.
L'article 8.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Aux termes de l'alinéa 2 de cette disposition, il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
13. L'article IV.79, § 1er, alinéa 2, du Code de droit économique dispose que les décisions de l'Auditorat au sujet de l'utilisation dans une instruction des données obtenues dans le cadre d'une perquisition visée à l'article IV.41, § 3, alinéa 4, peuvent aussi faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Bruxelles après la communication des griefs visée dans l'article IV.42, § 4 et l'article IV.59, alinéa 1er, et pour autant que ces données aient été invoquées effectivement pour soutenir les griefs.
14. Dans son arrêt n° 179/2014 du 10 décembre 2014, la Cour constitutionnelle a rejeté un recours en annulation des articles 11 et 13 de la loi du 3 avril 2013 portant insertion des dispositions réglant des matières visées à l'article 77 de la Constitution, dans le livre IV "Protection de la concurrence" et le livre V "La concurrence et les évolutions de prix" du Code de droit économique, qui ont inséré l'article IV.79 dans le Code de droit économique.
Dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a, confirmant son arrêt n°197/211 du 22 décembre 2011 (considérant B.11), considéré que les droits garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne impliquent, en ce qui concerne les perquisitions, que les intéressés puissent obtenir, dans un délai raisonnable, un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la mesure ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur la base de cette décision. Cette procédure de contrôle doit permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, si elle a déjà eu lieu, de fournir aux intéressés une réparation appropriée.
La Cour constitutionnelle a considéré dans cet arrêt qu'il appartient à la cour d'appel de veiller à ce qu'aucune donnée obtenue illégalement ne puisse être utilisée, directement ou indirectement, à l'appui des griefs (considérant B.8.2.).
15. Aux termes de l'article 9, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle portant rejet des recours en annulation sont obligatoires pour les juridictions en ce qui concerne les questions de droit tranchées par ces arrêts.
16. L'arrêt attaqué a considéré que :
- les défenderesses ont introduit les présentes actions en application de l'article IV.79, § 1er, alinéa 2, du Code de droit économique contre le courrier électronique de l'Auditeur général du 9 octobre 2013 confirmant que la composition du dossier d'instruction est restée inchangée ;
- ces actions portent essentiellement sur la question de savoir si, au cours de la procédure administrative devant le Collège de la concurrence, les entreprises concernées doivent se laisser opposer des éléments de preuve obtenus à la suite de la violation d'un droit fondamental subjectif et, partant, par nature, illégaux ;
- la norme constitutionnelle violée tend à assurer l'inviolabilité du domicile ;
- si l'on avait pu maintenir le respect de cette inviolabilité conformément à la norme constitutionnelle, les éléments de fait à charge n'auraient pu être recueillis ;
- l'irrégularité concerne ainsi la liberté même qui est protégée par la norme violée ;
- cette violation a un effet irréversible : les perquisitions sont achevées ; elles ne peuvent être effacées ni davantage recommencées ;
- si, au moment des perquisitions, une procédure judiciaire avait pu être engagée contre les décisions du Corps des rapporteurs afin de demander l'application de l'article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, il aurait été possible d'empêcher l'utilisation des données issues de ces perquisitions ;
- toutes les données recueillies inconstitutionnellement ont toutefois entre-temps été incorporées dans la communication des griefs.
17. Par ces motifs, l'arrêt considère souverainement qu'une réparation appropriée annulant tout effet préjudiciable ne peut être allouée qu'en écartant du dossier d'instruction les données recueillies lors et sur la base des perquisitions. En veillant ainsi à ce qu'aucune donnée obtenue illégalement ne puisse être utilisée, directement ou indirectement, à l'appui des griefs, l'arrêt justifie légalement sa décision, sans enfreindre les dispositions légales invoquées.
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Alain Smetryns, président, les conseillers Koen Mestdagh, Geert Jocqué, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt-six avril deux mille dix-huit par le président de section Alain Smetryns, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Martine Regout et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0258.N
Date de la décision : 26/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-26;c.15.0258.n ?

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