N° P.18.0333.F
LE PROCUREUR DU ROI DE MONS,
demandeur en règlement de juges,
en cause de
B. B.,
condamné, détenu.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par une requête annexée au présent arrêt, en copie certifiée conforme, le demandeur sollicite de régler de juges ensuite d'un jugement rendu le 21 février 2018 par le juge de l'application des peines du tribunal de première instance francophone de Bruxelles et d'un jugement rendu le 7 mars 2018 par le juge de l'application des peines du tribunal de première instance du Hainaut, division Mons.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 13 avril 2018.
A l'audience du 25 avril 2018, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Par jugement du 21 février 2018, le juge de l'application des peines du tribunal de première instance francophone de Bruxelles a décidé qu'il était incompétent pour connaître de la demande de libération provisoire pour raison médicale de B. B. dès lors que celui-ci séjourne à la prison de Leuze-en-Hainaut. Il a justifié cette décision par le motif qu'une première demande de libération provisoire pour raison médicale, introduite devant lui alors que l'intéressé était détenu à la prison d'Andenne, a été rejetée par un jugement du 29 mars 2017, vidant sa saisine.
Il apparaît des pièces de la procédure que, par jugement du 29 mars 2017, le juge de l'application des peines du tribunal de première instance francophone de Bruxelles avait déclaré non fondée la demande de libération provisoire pour raison médicale introduite par l'intéressé alors qu'il était détenu à la prison d'Andenne.
Par jugement du 7 mars 2018, le juge de l'application des peines du tribunal de première instance du Hainaut, division Mons, s'est, à son tour, déclaré incompétent pour connaître de la demande du condamné, au motif qu'il n'était pas le premier saisi, l'article 635 du Code judiciaire devant être interprété en ce sens que la première saisine attributive de compétence concerne tant le tribunal que le juge de l'application des peines.
Aucun recours ne peut actuellement être exercé contre les jugements du 21 février 2018 et du 7 mars 2018, et la contrariété entre ces décisions engendre un conflit de juridiction qui entrave le cours de la justice, de sorte qu'il y a lieu à régler de juges.
Aux termes de l'article 635, alinéa 1er, du Code judiciaire, les tribunaux de l'application des peines sont compétents pour les condamnés à une ou plusieurs peines privatives de liberté détenus dans les établissements pénitentiaires situés dans le ressort de la cour d'appel où ils sont établis, sauf les exceptions prévues par le Roi. Ils restent compétents pour toute décision jusqu'au moment où la libération devient définitive.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 17 mai 2006 instaurant des tribunaux de l'application des peines que la seconde phrase de cette disposition a été introduite en vue de permettre au tribunal qui a prononcé une décision de continuer à suivre le condamné jusqu'à sa libération définitive.
L'article 635, alinéa 2, dispose : « Toutefois, si pour un condamné, le juge ou le tribunal de l'application des peines estime, à titre exceptionnel, qu'il est indiqué de transférer la compétence à un autre juge ou tribunal de l'application des peines, il prend une décision motivée sur avis conforme de ce juge ou tribunal de l'application des peines rendu dans les quinze jours ».
Il se déduit de la lecture combinée des alinéas 1er et 2 de la disposition précitée que tant le juge que le tribunal de l'application des peines demeurent compétents après avoir déjà statué sur une modalité d'exécution de la peine, conformément à leur compétence territoriale au moment de la première saisine.
L'article 2 de l'arrêté royal du 29 janvier 2007 déterminant la compétence territoriale des tribunaux de l'application des peines prévoit que les chambres francophones du tribunal de l'application des peines du ressort de la cour d'appel de Bruxelles sont compétentes pour les condamnés détenus dans l'établissement pénitentiaire situé à Andenne.
Dès lors que le juge de l'application des peines du tribunal de première instance francophone de Bruxelles a déjà statué sur une demande de libération provisoire pour raison médicale du condamné, sa demande actuelle relève de la compétence de ce même juge.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Réglant de juges,
Annule le jugement rendu le 21 février 2018 par le juge de l'application des peines du tribunal de première instance francophone de Bruxelles ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement annulé ;
Renvoie la cause au tribunal de l'application des peines de Bruxelles, autrement composé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq avril deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe