N° P.17.0559.F
V. H., M., L., C., prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître François Collette, avocat au barreau de Mons, dont le cabinet est établi à Mons, rue Notre Dame Débonnaire 16, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 avril 2017 par la cour d'appel de Mons, chambre pénale sociale.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur l'ensemble du premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 181 du Code pénal social et 149 de la Constitution, et de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs à la présomption d'innocence et au respect des droits de la défense.
Il reproche à l'arrêt de déclarer établie la prévention I d'infraction à l'article 181 du Code pénal social, en considérant qu'« au regard des éléments constitutifs des infractions reprochées, il n'est pas requis, comme l'allègue la [demanderesse], que la preuve soit rapportée que cette dernière ait eu ‘la volonté de frauder' ou ait agi ‘en connaissance de cause' ou sciemment pour qu'[elles] soient susceptibles de lui être imputé[e]s » et sans examiner la défense de la demanderesse qui soutenait devant les juges d'appel que la tardiveté des déclarations immédiates de l'emploi était due à une erreur commise par le secrétariat social dans la mention du « numéro de firme ».
Selon le moyen, l'arrêt méconnaît le principe selon lequel toute infraction à la loi pénale, même strictement réglementaire, requiert un élément moral, de sorte que l'infraction n'est pas imputable au prévenu lorsqu'il invoque avec vraisemblance une cause de justification ou de non-imputabilité.
L'article 181, alinéa 1er, du Code pénal social, tel qu'en vigueur au moment des faits, actuellement l'article 181, § 1er, alinéa 1er, 1°, de ce code, punit d'une sanction de niveau 4 l'employeur, son préposé ou son mandataire qui, en contravention à l'arrêté royal du 5 novembre 2002 instaurant une déclaration immédiate de l'emploi, en application de l'article 38 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, n'a pas communiqué les données imposées par l'arrêté royal précité du 5 novembre 2002 par voie électronique à l'institution chargée de la perception des cotisations de sécurité sociale dans les formes et suivant les modalités prescrites, au plus tard au moment où le travailleur entame ses prestations et au plus tard le premier jour ouvrable qui suit la fin de l'emploi déclaré.
L'infraction visée à cette disposition est une infraction dont l'élément moral, la faute que la loi punit, se déduit du non-respect par le prévenu du prescrit légal, découlant de l'adoption du comportement matériel prohibé ou de l'omission de celui que la loi impose sans que ce prévenu puisse invoquer une cause de justification ou de non-imputabilité.
La preuve de cet élément peut être déduite du seul constat que l'employeur, son préposé ou son mandataire n'a pas communiqué les données imposées par la réglementation dans les formes, les modalités et les délais prescrits, sauf si cette personne rend suffisamment plausible que cette omission est justifiée ou ne lui est pas imputable.
Après avoir énoncé que « le conseil de la [demanderesse] allègue que le secrétariat social aurait pu se tromper quant au ‘numéro de firme' sous lequel les déclarations Dimona devaient être effectuées et soutient que chacun des travailleurs visé à l'ordre de citer (soit 17 dûment identifiés) disposait, au jour de son entrée en service, d'une déclaration Dimona en bonne et due forme », l'arrêt considère que « cette assertion est totalement démentie par les données objectives qui ressortent du tableau récapitulatif des Dimona ‘In et Out' dressé par l'inspection sociale pour chacun des 17 travailleurs concernés (pièce déposée au dossier de la procédure d'appel par le ministère public) » et que « la vérification des données reprises sous les deux numéros de la société anonyme B., ainsi que le contrôle des dates d'encodage des Dimona litigieuses permettent d'établir que les Dimona ‘In' des 17 travailleurs concernés n'ont jamais été introduites à temps ».
Il ressort de ces énonciations que la cour d'appel a considéré, au terme d'une appréciation en fait contraire aux allégations de la demanderesse, que les déclarations Dimona d'entrée en service des travailleurs concernés avaient toujours été introduites tardivement, y compris lorsqu'elles l'ont été sous le numéro au sujet duquel le secrétariat social aurait pu se tromper.
Par ces considérations, les juges d'appel, d'une part, ont constaté la matérialité de l'infraction reprochée à la demanderesse et, d'autre part, ont rencontré, en la rejetant, sa défense soutenant que cette infraction ne lui était pas imputable.
Ainsi, l'arrêt motive régulièrement et justifie légalement sa décision de dire établis les faits visés à la prévention I.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 3 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, 195 du Code d'instruction criminelle et 149 de la Constitution.
Le moyen soutient qu'il est contradictoire, d'une part, de considérer que la demanderesse a démissionné de son poste de représentante permanente de la société N. auprès de la société B. et, d'autre part, de refuser de lui accorder la suspension du prononcé de la condamnation au motif qu'une telle mesure apparaît comme insuffisante pour lui faire prendre conscience de son devoir, en qualité d'employeur, de respecter scrupuleusement ses obligations sociales.
Il ne ressort pas de cette considération que, pour refuser la suspension, les juges d'appel ont uniquement pris en compte la fonction de mandataire de société que la demanderesse occupait avant le prononcé de la condamnation, à l'exclusion de la possibilité qu'elle exerce à nouveau une telle fonction à l'avenir.
A cet égard, aucune disposition légale n'interdit au juge, lorsqu'il fait le choix d'une peine parmi celles que la loi lui permet de prononcer, ou lorsqu'il décide d'accorder ou de refuser une mesure de mise à l'épreuve, de prendre en compte, parmi les éléments de fait propres à la cause et à la personnalité du prévenu, la possibilité que celui-ci exerce à nouveau l'activité ou la fonction qu'il exerçait dans le passé et à laquelle, au moment du prononcé de la condamnation, il avait mis fin.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt-quatre euros vingt et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq avril deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe