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23/04/2018 | BELGIQUE | N°S.16.0055.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 avril 2018, S.16.0055.F


N° S.16.0055.F
J.M. D.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

GÉNÉRALE DES CARRIÈRES ET DES MINES, société de droit congolais, dont le siège est établi à Lubumbashi (République démocratique du Congo), boulevard Kamanyola, 419, ayant un bureau à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 30/32,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour

de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est f...

N° S.16.0055.F
J.M. D.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

GÉNÉRALE DES CARRIÈRES ET DES MINES, société de droit congolais, dont le siège est établi à Lubumbashi (République démocratique du Congo), boulevard Kamanyola, 419, ayant un bureau à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 30/32,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 avril 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.
L'avocat général Jean-Marie Genicot a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Lorsqu'il applique la loi étrangère, le juge du fond doit en déterminer la portée en tenant compte de l'interprétation qu'elle reçoit dans le pays dont elle émane.
La Cour vérifie la conformité de la décision du juge du fond à cette interprétation.
Aux termes de l'article 152, alinéa 1er, a), du Code du travail congolais, les actions qui naissent du contrat de travail se prescrivent par trois ans après le fait qui a donné naissance à l'action, à l'exception des actions en paiement du salaire, qui se prescrivent par un an à compter de la date à laquelle le salaire est dû.
Par les motifs que le moyen vise et critique, l'arrêt, qui fait état des controverses auxquelles l'interprétation de cette disposition légale donne lieu au Congo, décide de se rallier à l'interprétation suivant laquelle la prescription qu'elle institue est libératoire en se référant à l'évolution législative qui s'est produite en la matière, à d'autres dispositions du droit congolais relatives à la prescription, à la raison d'être des présomptions de paiement, à la volonté du législateur et à un grand nombre d'opinions de doctrine et de décisions de jurisprudence, dont il examine de manière approfondie le contenu, la portée et la pertinence.
Il ne ressort pas de l'examen des éléments d'interprétation sur lesquels s'appuie le moyen que l'arrêt donne de l'article 152, alinéa 1er, a), précité une interprétation qui, en l'état partagé de la jurisprudence congolaise, ne pourrait manifestement pas être tenue pour conforme à l'interprétation que cette disposition reçoit au Congo.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

L'arrêt ne se limite pas à considérer que la prescription n'a pas été interrompue et que la défenderesse n'a pas renoncé à la prescription, mais il répond, sous le titre « Suspension [...] de la prescription ? », au moyen déduit par le demandeur de cette suspension en énonçant que les parties n'ont pas convenu de report des dates d'exigibilité, « qui aurait entraîné une suspension de la prise de cours de la prescription ».
Le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

L'arrêt décide que la demande de résiliation du contrat de travail formulée par le demandeur constitue une démission, après avoir analysé les pièces relatives à la rupture du contrat et considéré que toute autre interprétation des documents échangés serait inconciliable avec leurs termes, avoir écarté l'hypothèse de la violence morale imputée par le demandeur à la défenderesse et avoir eu égard au comportement du demandeur après la résiliation du contrat de travail. Il en déduit que, « la démission [étant] un mode de rupture explicite du contrat de travail », « il n'y a pas à rechercher un éventuel congé tacite » et donc « à examiner la question de l'existence de la théorie de la faute équipollente à rupture » en droit congolais.
Par ces énonciations, l'arrêt ne refuse pas d'examiner si, au regard du droit congolais, une demande de résiliation du contrat de travail fondée par le travailleur sur un retard de paiement de la rémunération qualifié d'insupportable peut être imputée à l'employeur en dépit de la formulation adoptée, mais il impute la rupture du contrat de travail au demandeur.
Il répond ainsi aux conclusions du demandeur qui l'invitaient à rechercher, sans s'arrêter aux apparences et à sa démission, la partie qui avait effectivement voulu ou provoqué la fin des relations contractuelles.
Le moyen, en ses deux branches, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille quatre cent vingt-quatre euros soixante-quatre centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt-trois avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body S. Geubel M. Lemal
M. Delange D. Batselé Chr. Storck


Requête

1er feuillet

00160281

REQUÊTE EN CASSATION

POUR :
Monsieur J.M. D.,
demandeur en cassation,
assisté et représenté par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149 (Bte 20), où il est fait élection de domicile.

CONTRE : La S.A.R.L. GÉNÉRALES DES CARRIÈRES ET DES MINES, société de droit congolais, en abrégé la GECAMINES, dont le siège social est à Lubumbashi, boulevard Kamanyola, 419 (Congo), inscrite au registre du commerce de Lubumbashi sous le numéro 453, inscrite par ailleurs à la B.C.E. sous le n° 0426.831.870 et ayant un bureau à 1170 Bruxelles, boulevard du Souverain, 30/32, ayant élu domicile en l'étude de Me Thierry Dumont, huissier de justice suppléant remplaçant Me Michel André, huissier de justice, dont l'étude est établie à 6280-Gerpinnes, allée des Noisetiers, 21,
défenderesse en cassation.
* *
*
À Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs,
Mesdames,

Le demandeur en cassation a l'honneur de déférer à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre parties le 6 avril 2016 par la cour du travail de Bruxelles, quatrième chambre (R.G. : 2014/AB/22).

2ème feuillet
1. Les faits de la cause et les antécédents de la procédure sont résumés aux pages 4 à 8 de l'arrêt entrepris.

Il suffit de rappeler les éléments suivants.
2. Le demandeur a travaillé au sein de la Gecamines - ici la défenderesse - jusque fin 2001, au Congo exclusivement, en qualité d'ingénieur civil dans les liens d'un contrat de travail avec expatriation signé entre parties le 14 avril 1978.

Suite aux troubles politiques et économiques survenus au Congo dans le courant des années '90, la défenderesse connut des problèmes de trésorerie, entraînant des retards et défauts de paiement au détriment de ses employés.
3. De 1994 à 1999, le demandeur adressa plusieurs courriers recommandés à la défenderesse pour se plaindre de l'importance toujours croissante des sommes dues et de l'aggravation des retards de paiements.

Par une première citation signifiée le 22 mai 2000 (R.G. 00/22755/A), le demandeur réclama, devant le tribunal du travail de Bruxelles, la condamnation de la défenderesse à payer les rémunérations qui lui demeuraient dues pour la période d'avril 1999 à avril 2000, des gratifications pour les années 1998 et 1999, un supplément de primes annuelles de retraite de 1992 (solde) ainsi que de 1993 à 1999, une indemnité de mobilier et des arriérés de rémunération dus en francs congolais.
Par un jugement provisionnel du 6 juillet 2000, le tribunal du travail condamna la défenderesse à payer les rémunérations d'avril 1999 à avril 2000 ainsi que les primes annuelles de retraite de 1992 à 1997.
Par conclusions du 24 avril 2001, le demandeur, tout en renonçant à certaines demandes, introduisit d'autres réclamations. En principal, il sollicitait la condamnation provisionnelle de la défenderesse à payer des rémunérations de mai 2000 à janvier 2001 et un supplément aux primes annuelles de retraite de 1998 à 2000.
Par un deuxième jugement provisionnel du 27 novembre 2001, le tribunal de travail condamna la défenderesse à payer les postes réclamés par conclusions du 24 avril 2001.

3ème feuillet
Entre-temps, par courrier du 18 septembre 2001, le demandeur s'adressait au président du comité de gestion de la défenderesse pour constater que le retard de paiement avait atteint un niveau insupportable et former une « demande de résiliation de contrat amiable ». Le demandeur fut libéré de toute prestation le 30 novembre 2001 au soir.
Par une citation du 6 avril 2011 (R.G. : 11/4772/A), devant le même tribunal, le demandeur compléta à nouveau ses demandes en sollicitant le paiement des arriérés de rémunérations de février à novembre 2001, des gratifications du 2e semestre 1998 au 2e semestre 2001, des primes annuelles de retraite pour les années 2000 et 2001, d'une indemnité compensatoire congé sur service, des arriérés en francs congolais ainsi que des montants consécutifs à la rupture du contrat de travail, à savoir une indemnité compensatoire congé sur service, une indemnité compensatoire de préavis et des dommages et intérêts complémentaires.
Par un troisième jugement provisionnel du 18 avril 2012 rendu dans la cause 11/4772/A, le tribunal du travail octroya au demandeur les gratifications 1999 et 2000.
Les jugements provisionnels visaient à permettre au demandeur d'obtenir l'incontestablement dû.
4. Joignant par ailleurs les causes 00/22755/A et 11/4772/A, le tribunal trancha définitivement le litige par un jugement du 7 octobre 2013, déboutant en grande partie le demandeur de ses prétentions non encore accordées.

Furent ainsi déclarées prescrites les demandes de paiement des rémunérations de février à novembre 2001, des gratifications semestrielles pour les premier et second semestres 1998 et 2001 ainsi que de la prime annuelle de retraite pour la même année, de l'indemnité compensatoire de congé sur services et des arriérés de rémunérations en francs congolais.
Les demandes relatives à la prime annuelle 2000, l'indemnité de rupture et aux dommages et intérêts furent par ailleurs déclarées non fondées.
5. Le demandeur interjeta appel de cette dernière décision et par l'arrêt attaqué du 6 avril 2016, la cour du travail de Bruxelles confirma largement le jugement a quo.

4ème feuillet
En substance, se fondant sur le droit congolais applicable à la relation contractuelle, cet arrêt juge la plupart des demandes du demandeur prescrites en application de l'article 152, alinéa 1, a) du Code du travail de la République démocratique du Congo constituant l'annexe à l'ordonnance-loi congolaise n° 67/310 du 9 août 1967 portant Code du travail, et impute la rupture du contrat de travail au demandeur.
L'arrêt confirme ainsi le jugement susdit en toutes ses dispositions, sous réserve de ses décisions quant à la prime annuelle de retraite de l'année 2000, à la suspension des intérêts et aux dépens de première instance, qui furent révisées en faveur du demandeur.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales violées
- Article 152, spécialement alinéa 1, a) du Code du travail de la République démocratique du Congo constituant l'annexe à l'ordonnance-loi congolaise n° 67/310 du 9 août 1967 portant Code du travail, tel qu'en vigueur avant son abrogation par la loi congolaise n° 015/2002 du 16 octobre 2002 (ci-après : le CTC) ;
- Articles 3 (tel qu'il était en vigueur avant son abrogation par la loi du 1er octobre 2004), 6 et 1134 du Code civil belge ;
- Article 33 du titre I du chapitre III, du décret congolais du 30 juillet 1888 traitant des contrats ou obligations conventionnelles (ci-après : le décret congolais) ;
- Articles 2 et 3 de la loi belge du 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du Protocole et de deux Déclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1980 (ci-après : la loi belge du 14 juillet 1987) ;
- Article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (ci-après : la Convention de Rome), approuvée par la loi susdite du 14 juillet 1987 ;
- Articles 15 et 98 de la loi belge du 16 juillet 2004 portant Code de droit international privé (ci-après : le Codip) ;
- Principe général du droit de l'autonomie de la volonté en droit international privé belge tel que consacré notamment par les articles 6 et 1134 du Code civil belge et après l'entrée en vigueur de ceux-ci par les articles 3 de la Convention de Rome et 98 du Codip.

5ème feuillet
Décision et motifs critiqués
L'arrêt attaqué décide que la prescription découlant de l'article 152, alinéa 1, a) CTC est strictement libératoire et ne repose pas sur une présomption de payement (p. 27 de l'arrêt attaqué). Par confirmation du jugement a quo, il dit prescrites les demandes de paiement des rémunérations de février à novembre 2001, des gratifications semestrielles pour les premier et second semestres 1998 et 2001 ainsi que de la prime annuelle de retraite pour la même année, de l'indemnité compensatoire de congé sur services et des arriérés de rémunérations en francs congolais.
L'arrêt fonde sa décision sur les motifs repris aux pages 10 in fine à 27 de l'arrêt, tenus ici pour entièrement reproduits et qui peuvent être résumés comme suit.
Après avoir rappelé les termes de l'article 152 du CTC, souligné que la jurisprudence belge majoritaire considère que celui-ci établit une prescription libératoire (pp. 10 et 11) et rappelé la différence entre les prescriptions strictement libératoires et celles fondées sur une présomption de payement en droit belge (pp. 11 in fine et 12), l'arrêt retrace l'historique des textes congolais applicables à la prescription des sommes dues en vertu d'un contrat de travail (pp. 12 in fine à 13).
Il analyse ensuite les décisions belges ayant abordé la question de la nature de la prescription de l'article 152 du CTC (pp. 14 à 20).
Il se livre enfin à l'examen de la jurisprudence et de la doctrine congolaises invoquées par les parties.
L'arrêt souligne à cet égard tout d'abord que l'arrêt de la cour d'appel de Kinshasa/Matete du 23 décembre 2004 ne relève qu'incidemment par référence à la doctrine de Luwenyema Lule, que la prescription de l'article 152 repose sur une présomption de paiement. Il estime à cet égard que « la doctrine de Luwenyema Lule, à laquelle se réfère [cet arrêt] est ambigüe puisqu'il écrit : ‘les courtes prescriptions (article 652 et suivants du Code civil Zaïrois, Livre III) étant fondées sur la présomption de paiement. C'est donc dans cette dernière catégorie que nous rangeons la prescription des actions naissant du contrat de travail. Il s'agit d'une prescription extinctive résultant du non-exercice par le travailleur de ses droits pendant un certain délai (trois ans ou un an). En raison de la brièveté du délai, cette prescription est fondée sur une présomption de paiement' (Précis de droit travail Zaïrois, 1985, p. 253)» (pp. 20-21).

6ème feuillet
L'arrêt relève ensuite que l'arrêt de la cour d'appel de Kinshasa/Gombe du 12 juillet 2005 admet certes que les courtes prescriptions sont fondées sur une présomption de payement, mais qu'outre le fait que cet arrêt se réfère à la doctrine de Luwenyema Lule, qui en plus d'être ambigüe est ancienne et dépassée, n'interprète pas expressément l'article 152 (p. 22).
Il relève encore que l'arrêt de la cour d'appel de Lubumbashi du 31 décembre 1986 ne justifie le fait que l'article 152 serait fondé sur une présomption de paiement que par une jurisprudence ancienne sur laquelle la cour d'Elisabethville était revenue en 1949 (pp. 22-23).
Il souligne pour le reste que si l'arrêt de la cour de Kinshasa/Gombe du 8 juin 2009 fait référence à l'idée de présomption de paiement, il ne cite pas expressément l'article 152 (p. 23).
Il ajoute que l'arrêt de la cour d'appel de Kinshasa du 20 mars 1997 est étranger à la question - ce que le demandeur ne contestait au demeurant pas − (pp. 23-24).
Abordant la jurisprudence produite par la défenderesse, l'arrêt considère « [a]u contraire, la jurisprudence produite par GECAMINES, fait explicitement application de l'article 152, alinéa 1er, a) CTC de 1967 et elle se prononce clairement en faveur du caractère libératoire de la prescription :
Cour d'appel de Lubumbashi, 1er février 1983 : ‘Quant aux chefs de demande relatifs aux retenues des salaires, primes de caisse et indemnités de risque spéciaux, la Cour constate qu'il y a prescription, l'action ayant été introduite après un an, délai normal de prescription prévu à l'article 152, a) de Code du Travail.' ;
Cour d'appel de Lumumbashi, 4 février 1986 : ‘En tout état de cause, s'agissant d'un élément de salaire, cette indemnité (note de la Cour : il s'agissait d'indemnité relative à la vie chère) aurait dû faire l'objet d'une réclamation dans le délai d'un an comme prescrit par l'article 152 du Code du Travail. Il s'ensuit dès lors que l'action en revendication de ces arriérés est d'ores et déjà prescrite. Il en est de même de la majoration de 20% sur la rémunération nette.' ;
Cour d'appel de Kinshasa, 28 novembre 1986 : ‘Ainsi, la gratification était devenue un droit acquis. Mais la Cour estime que la gratification étant assimilée au salaire, les actions en paiement de ce droit se prescrivent par un an à compter de la date à laquelle ce droit est dû. Dans le cas d'espèce, Monsieur P. ne pouvait plus la réclamer par sa lettre du 25/04/1983 car le délai

7ème feuillet
d'un an prescrit à l'article 152 du Code du travail est largement dépassé. Cette demande est irrecevable car prescrite.' ;
Cour d'appel de Kinshasa/Gombé du 16 août 2001 : ‘Quant aux arriérés de salaire, (...), la Cour estime que seul l'équivalent en FC de 140 $US proposé par [la défenderesse] est raisonnable. Pour ce qui est du nombre de mois, [le demandeur] le rabat à 5 mois (...) sur 18 mois réclamés par [la défenderesse] en lui opposant la prescription des salaires d'autres mois sur la base de l'article 152 point a) du code du travail. La Cour observe qu'en appliquant la disposition précitée, le salaire de plusieurs mois est déjà prescrit et que [le demandeur] reste redevable du salaire de cinq mois qu'il paiera de 140$US par mois.' ;
Cour d'appel de Kinshasa/Gombé du 13 septembre 2001 : ‘Dans le cas d'espèce, la réclamation de ces avantages ayant été formulée plus d'un an après la date à laquelle le salaire était dû, la Cour ne peut retenir celle de la cessation des prestations de service considérée à tort par [le demandeur] comme étant le dies a quo du délai de prescription et constate que cette demande est prescrite.'
À tort [le demandeur] soutient que ces arrêts devraient être écartés au motif que la problématique de la nature (libératoire ou fondée sur une présomption de paiement) de la prescription d'un an de l'article 152, alinéa 1er, a) CTC n'avait pas été soulevée par les parties et n'aurait donc pas été tranchée par le juge. En effet, il s'agit bien, dans la plupart des cas, d'espèces dans lesquelles le juge congolais a appliqué la prescription d'un an à des demandes de salaires qui étaient dus et que l'employeur reconnaissait ne pas avoir payés.
Ces décisions sont donc pertinentes pour apprécier la manière dont le juge congolais interprète la prescription organisée par la disposition légale litigieuse » (pp. 24-25).
L'arrêt poursuit en relevant au sujet de la doctrine et de la volonté du législateur congolais de s'aligner sur les autres droits africains :
« Quant à la doctrine à laquelle [le demandeur] (et l'arrêt du 29 septembre 2011) se réfère, elle est plus ancienne et moins cohérente que celle citée par GECAMINES, à savoir :
Lukoo Musabao Ruffin, dans son ouvrage paru en 2006 : (« La jurisprudence congolaise en droit du travail et de la sécurité sociale », RDC, édit. On s'en sortira, Kin − RDC 2005, p. 17), se réfère à l'enseignement de la Cour d'appel de Lubumbashi du 25 juin 2003 : ‘Les annales sont un complément de salaire

8ème feuillet
payable chaque année, à ce titre elles ne peuvent être dissociées du salaire, elles devaient, en conséquence, être réclamées dès qu'elles étaient dues. Si le demandeur a été mis à la retraite le 30/06/1993, les annales qui lui sont dues sont celles qui datent depuis son engagement jusqu'à l'année 1992. Le demandeur a l'obligation de réclamer le paiement de ses annales toutes les fois qu'elles lui étaient dues en dépit du lien contractuel toujours à jour. À défaut de l'avoir fait, ses actions en réclamation ont été prescrites une après une année chacune, la dernière, celle de 1992 l'ayant également été en 1993.' ;
Katuala Kaba Kashala, dans son ouvrage paru en 2005 : (‘Le nouveau Code du travail congolais annoté' -5ème édition mise à jour mars 2005), cite comme pertinent pour l'application de l'article 317 CTC (disposition analogue à celle de l'article 152 CTC de 1967) un arrêt de la Cour d'appel de Kinshasa du 22 novembre 1966, R.J.C., 1967, no 1, p. 51), suivant lequel un employé est forclos de toute action en exécution du contrat de travail (..), lorsqu'une année s'est écoulée depuis la cessation du contrat, ‘bien qu'il s'agisse d'une courte prescription, celle-ci ne repose pas sur une présomption de paiement et elle peut être invoquée par le débiteur qui reconnaît n'avoir pas payé' ;
Note sous Cour d'appel de Kinshasa/Gombé du 27 mars 1997 (Recueil Kazi paru en 2000, p. 185) : ‘Aux termes de l'article 152 du Code du travail, les actions en payement de salaire se prescrivent par un an à compter de la date à laquelle le salaire est dû (...). Dans l'espèce sous examen, la Cour a condamné l'employeur à payer au travailleur son salaire impayé depuis le 16 août 1974 suivant sa dernière fiche de paie, ceci conformément à l'article 78 du Code du travail qui dit que ‘‘le salaire reste dû pour le temps a été mis dans l'impossibilité de travailler par le fait de l'employeur''. Il y a lieu de noter que l'article 78 du Code du travail s'applique pour autant que l'action en payement de salaire ne soit pas déjà prescrite conformément aux articles 152 et 201 du Code du travail. Dans l'espèce jugée, la Cour a reçu la demande de payement de salaire demeurant impayé depuis l'année 1974, alors qu'elle devait être vraisemblablement prescrite. Au lieu de soulever le moyen tiré de la prescription de l'action, l'appelante aurait donc mieux fait de soulever l'exception de la prescription de l'action en payement de salaire, qui elle, se prescrit par un an à dater du jour où le salaire est dû, même si le contrat entre parties est encore en vigueur.'
C'est par erreur que, dans l'arrêt M. du 23 septembre 2008, notre Cour avait cru trouver dans l'arrêt de la Cour d'appel de Kinshasa du 27 mars 1997, commenté ci-dessus, une ‘application implicite du principe de la présomption de paiement'.

9ème feuillet
Un nouvel examen de cet arrêt fait apparaître que, si la Cour d'appel de Kinshasa écarte la prescription générale de trois ans, ce n'est pas parce qu'elle considère que cette prescription est fondée sur une présomption de paiement, mais parce qu'elle décide que cette prescription court à dater de la cessation du contrat de travail qui, en l'espèce jugée par la Cour, n'avait jamais été notifiée. » (pp. 25 in fine à 27).
Il en conclut que « la prescription visée à l'article 152, alinéa 1er, a) CTC est une prescription [strictement] libératoire ».
Griefs
1. Lorsque le juge applique, comme en l'espèce, le droit étranger désigné par la convention des parties en vertu du principe général du droit de l'autonomie de la volonté en droit international privé consacré notamment par les articles 6 et 1134 du Code civil belge, il doit en rechercher le contenu et en respecter l'interprétation reçue dans l'État dont il émane (article 15 du Codip et principe général du droit de l'autonomie de la volonté en droit international privé belge visé au moyen tel qu'il était applicable avant l'entrée en vigueur de la Convention de Rome et du Codip en combinaison des articles 3, 6 et 1134 du Code civil belge et 33 du décret congolais et, pour autant que de besoin, des articles 2 et 3 de la loi belge du 14 juillet 1987, 3 de la Convention de Rome, approuvée par la loi susdite du 14 juillet 1987 et 98 du Codip).

Dans cette recherche du contenu du droit étranger, le juge de fond doit tenir compte de l'interprétation que ce droit reçoit par les autorités étrangères de l'État dont question, en tenant compte en particulier de l'application qu'en font les cours et tribunaux de cet État.
2. L'article 152, spécialement alinéa 1, a), dans sa version applicable au litige, dispose que :

« Les actions naissant du contrat de travail se prescrivent par trois ans après le fait qui a donné naissance à l'action, à l'exception : a) des actions en paiement du salaire qui se prescrivent par un an à compter de la date à laquelle le salaire est dû ».
En vertu de la jurisprudence unanime et de la doctrine congolaises (très largement majoritaire), cette prescription est fondée sur une présomption de paiement, de sorte que la défenderesse, qui ne contestait pas ne pas avoir payé les sommes en litiges, ne pouvait pas s'en prévaloir avec succès. Une telle

10ème feuillet
reconnaissance empêchait en effet la présomption de jouer, écartait la prescription d'un an et la remplaçait par le délai de droit commun de trente ans.
Les décisions congolaises que l'arrêt cite en sens contraire se limitent à constater la prescription sans examiner sa nature en sorte qu'aucune conclusion ne peut en être déduite. Il en va de même de la doctrine du Luko Musabao Ruffin. Katuala Kaba Kashala se limite dans « Le nouveau code du travail congolais annoté » à citer en note (2) sous l'article 317 du nouveau Code du travail congolais du 16 octobre 2002 (correspondant à l'article 152), un arrêt de la cour d'appel de Kinshasa du 22 novembre 1966 (antérieur au CTC de 1967) sans émettre la moindre opinion.
L'arrêt considère néanmoins de façon « certaine que la prescription visée à l'article 152, alinéa 1, a) CTC est une prescription libératoire » (p. 28 de l'arrêt attaqué) pour débouter le demandeur de la plupart de ses demandes de paiement.
En adoptant une interprétation non reçue de ladite disposition, l'arrêt attaqué viole l'article 152, spécialement alinéa 1, a) CTC, et les autres dispositions visées au moyen.
Développements
1. Appliquant la loi étrangère, le juge du fond doit en déterminer la portée en tenant compte de l'interprétation qu'elle reçoit dans l'État dont elle émane. Sur cette application, Votre Cour exerce un contrôle de conformité sur la décision du juge de fond (voy. notamm. Cass. (aud. plén.), 4 novembre 2010, Pas., 2010, n° 653, Cass., 18 mars 2013, Pas., 2013, n° 192 ; Cass., 28 mars 2013, Pas., 2013, n° 216).

2. Certes dans son arrêt du 29 septembre 2011, sur lequel Votre Cour s'est prononcée par son arrêt du 18 mars 2013 (Pas., 2013, no 192), la cour d'appel de Bruxelles a considéré que deux courants jurisprudentiels et doctrinaux existaient au Congo au sujet de la portée de la prescription de l'article 152 du Code du travail congolais et avait considéré que celui-ci était fondé sur une présomption de payement parce que ce fondement était plus convaincant.

Il s'avère toutefois qu'il n'existe qu'une interprétation possible de la portée de cette disposition légale congolaise.

11ème feuillet
L'ensemble de la doctrine et de la jurisprudence qui ont examiné la question se prononcent en effet en faveur de la présomption de paiement. Une décision récente de la cour d'appel de Kinshasa/Gombe du 16 mai 2014 confirme encore cette solution (Farde A, pièce 9) dont on peut penser qu'elle avait déjà été implicitement consacrée par un arrêt de la Cour suprême du 5 juin 1998, qui précise que l'article 152, alinéa 2 CTC ne prévoit pas de durée maximum de l'interruption de la prescription, ce qui paraît faire référence à une interversion de la prescription caractéristique des prescriptions fondées sur une présomption de paiement (Farde A, pièce 10).
3. En effet, aucune décision congolaise, qui dénierait le caractère de prescription fondée sur un paiement présumé de l'article 152, alinéa 1, spécialement a), ou qui se prononcerait en faveur de la nature libératoire de cette disposition, ne peut être épinglée.

In casu, pour interpréter ladite disposition, l'arrêt attaqué se fonde (notamment) sur des décisions congolaises produites par la défenderesse, qui, comme le faisait valoir le demandeur dans ses conclusions additionnelles et de synthèse (pp. 51 à 59 des conclusions additionnelles et de synthèse du demandeur), se contentent de déclarer les demandes prescrites sans se prononcer sur la nature de la prescription (Lubumbashi, 1er février 1983 ; Lubumbashi, 4 février 1986 ; Kinshasa, 28 novembre 1986 ; Kinshasa-Gombe, 16 août 2001 et Kinshasa-Gombe, 13 septembre 2001) (Farde A, pièces A1 à A5).
L'arrêt refuse, en revanche, de prendre en compte dans son travail d'interprétation, des décisions congolaises qui se prononcent expressément en faveur de la thèse défendue par le demandeur, à savoir que la prescription est fondée sur une présomption de paiement (Lubumbashi, 31 décembre 1986 ; Kinshasa-Matete, 23 décembre 2004 ; Kinshasa-Gombe, 12 juillet 2005) (Farde A, pièces A6 à A8).
4. L'arrêt se fonde également sur de la doctrine congolaise qui, si elle n'est pas une « autorité étrangère » fixant la portée du contenu et l'interprétation d'une législation étatique, peut fournir en droit belge comme en droit congolais, une indication de telles portée et interprétation.

L'arrêt considère, en ce qui concerne la doctrine sur laquelle s'appuie le demandeur qu' « elle est plus ancienne et moins cohérente que celle citée par GECAMINES » sans procéder à une analyse des articles et commentaires invoqués par le demandeur.

12ème feuillet
Pourtant, d'une part, la doctrine congolaise, lorsqu'elle se pose la question de la nature des courtes prescriptions, en particulier de celle contenue en l'article 152 CTC, spécialement alinéa 1, a), considère de façon (quasi-)unanime qu'elle est fondée sur une présomption de paiement (Mbaya Kumabuenga, « Le problème de la prescription en droit moderne et traditionnel : droit écrit et droit coutumier », Revue juridique du Zaïre, numéro spécial, 50ème anniversaire, Vol. 50, 1974, pp. 248-249 ; Luwenyema Lule, Précis de droit zaïrois, Ed. Lule, Kinshasa, 1985, pp. 252-254 ; Mukadi Bonyi, Droit du travail, CRDS, Bruxelles, 2008, p. 672) (Farde B, pièces B1 à B3).
Aucun auteur ne se prononce en sens contraire. Tout au plus peut-on relever que Katuala Kaba Kashala, dans son ouvrage sur le nouveau code du travail congolais annoté de 2005, fait référence à un arrêt de la cour d'appel de Kinshasa du 22 novembre 1966 se prononçant en ce sens que la prescription ne repose pas sur une présomption de paiement (voy. Katuala Kaba Kashala, Le nouveau Code du travail congolais annoté, Ed. Batena Ntambua, Kinshasa, 2005, p. 234) (Farde B, pièce B4). Cette référence n'est néanmoins pas pertinente dans la mesure où elle ne concerne pas le Code du travail de 1967. Or, sous les instruments qui ont précédé le code de 1967, la prescription, qui courrait à compter de la cessation du contrat de travail, était alors considérée comme strictement libératoire, à l'instar du droit belge (article 34 du décret congolais du 31 octobre 1931 ; article 48 du décret du 25 juin 1949 ; article 101 du Code du travail de 1965).
5. L'exposé des motifs du CTC exprime par ailleurs clairement que l'intention du législateur congolais était notamment de s'inspirer et de tenir compte « des Codes du travail en vigueur dans de nombreux pays d'Afrique francophone, surtout en vue de permettre, le moment venu, l'harmonisation des législations sociales souhaitées par les organisations habilitées africaines » (conclusions additionnelles et de synthèse du demandeur, pp. 39 et s.).

Or les codes sociaux d'Afrique francophone tant antérieurs que postérieurs à 1967 disposent généralement que le travailleur auquel la prescription est opposée peut déférer le serment à l'employeur sur la question de savoir si le salaire réclamé a été payé et, si le serment n'est pas prêté, ou s'il est reconnu même implicitement que les sommes n'ont pas été payées, que l'action se prescrit en vertu d'un délai plus long que celui qui fonde la courte prescription. La jurisprudence des cours suprêmes africaine considère également que les courtes prescriptions sont basées sur une présomption de paiement (voy. sur tous ces points en particulier la loi mauritanienne du 23 janvier 1963 portant Code du travail, spécialement articles 101 à 103 ; la loi voltaïque du 7 juillet 1962 portant

13ème feuillet
Code du travail, spécialement articles 110 à 112 ; les lois sénégalaises du 15 juin 1961 portant Code du travail, spécialement articles 125 à 127 et du 1er décembre 1997, spécialement articles 126 à 128 ; les lois congolaises (Brazzaville) du 25 juin 1964 portant Code du travail et du 15 mars 1975, spécialement articles 99 ainsi que l'arrêt de la Cour suprême du Congo-Brazzaville du 20 mai 1983 ; la loi camerounaise du 14 août 1992 portant Code du travail, spécialement article 74, ainsi que l'arrêt de la Cour suprême du Cameroun du 7 octobre 1982 ; la loi malgache du 11 décembre 2003 portant Code du travail, spécialement article 72, ainsi que l'arrêt de la Cour suprême de Madagascar du 8 juillet 1980 ; la loi ivoirienne du 12 janvier 1995 portant Code du travail, spécialement article 33.5, ainsi qu'un arrêt de la cour d'appel d'Abidjan du 10 janvier 1986 ; la loi djiboutienne du 26 janvier 2006 portant Code du travail, spécialement articles 156 à 158 ; la loi burkinabé du 13 mai 2008 portant Code du travail, articles 210 à 212 ; la loi béninoise du 27 janvier 1998 portant Code du travail, articles 232 à 234) (Farde C, pièces C1 à C10). Dans ces dispositions ou dans l'interprétation de la prescription salariale qui prévaut dans les États concernés, la prescription est soit intervertie soit plus longue en cas de reconnaissance de l'impayé. L'interprétation de l'article 152, alinéa 1er, a CTC qui prévaut au Congo et qui est défendue par le moyen, est donc en ligne avec ces différentes lois africaines et s'inscrit ainsi parfaitement dans le souci d'harmonisation voulue par le législateur congolais.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Disposition légale violée
- Article 149 de la Constitution.

Décision et motifs critiqués
Par confirmation du jugement a quo, sous un point III.4 (« suspension - interruption de la prescription ? » (pp. 30-32), l'arrêt attaqué dit prescrites les demandes du demandeur relatives aux fiches de paiement, aux gratifications et aux primes annuelles de retraite (p. 32).
L'arrêt fonde cette décision sur les motifs qu'il indique (pp. 30-34) tenus ici pour intégralement reproduits.
Ayant égard au moyen pris de la renonciation à la prescription du demandeur, l'arrêt considère que « ni pris isolément, ni pris dans leur ensemble, les écrits et autres éléments invoqués par l'appelante ne permettent de constater que [la

14ème feuillet
défenderesse] aurait renoncé de manière certaine à se prévaloir de la prescription acquise à l'égard de l'appelant concernant les arriérés de rémunération » (p. 34 de l'arrêt attaqué), pour les motifs visés aux pp. 32 à 33 de l'arrêt, devant ici être considérés comme intégralement reproduits.
En particulier, sous le point relatif à la suspension et à l'interruption de la prescription, l'arrêt considère :
« [Le demandeur] soutient que [la défenderesse], en ne mettant pas fin au contrat de travail comme elle l'aurait dû et en renouvelant, à chaque date d'exigibilité d'un élément de la rémunération non payée, sa volonté de continuer à faire travailler l'agent, a supprimé ou, à tout le moins reporté l'exigibilité de la créance du travailleur et, partant à la date de prise de cours de la prescription, quelles que soient, par ailleurs la nature et la durée de cette prescription.
Cet argument se fonde sur le principe de bonne foi des conventions.
Il concerne les fiches de paie, les gratifications et les PAR.
[Le demandeur] estime :
- qu'il doit être admis que la volonté de reporter l'exigibilité a été renouvelée tacitement par [la défenderesse] à chaque fin de terme d'exigibilité (un mois pour les fiches de paie, six mois pour les gratifications et un an pour les PAR) ;
- que la poursuite des prestations par [le demandeur], à chaque fin de terme constitue l'expression du renouvellement d'un accord − révocable - sur le report de l'exigibilité, résultant des actes de [la défenderesse].
III.4.2.
Les éléments du dossier ne permettent pas de constater que les parties auraient convenu de modifier les dates d'exigibilité des fiches de salaire, gratifications et PAR.
Le principe d'exécution de bonne foi des conventions ne permet pas de considérer que la poursuite de l'exécution du contrat de travail par le travailleur, malgré les retards et les défauts de paiement de l'employeur, entraîne une modification conventionnelle quant aux dates d'exigibilité des divers éléments de la rémunération.

15ème feuillet
C'est, dès lors à bon droit que les premiers juges ont décidé qu' ‘il ressort clairement de toutes les pièces de la procédure et des courriers adressés par [le demandeur] à [la défenderesse], que [le demandeur] n'a jamais admis un report quelconque de la date d'exigibilité d'aucun élément de la rémunération. Ainsi, il réclame les intérêts sur salaire sensu stricto à la date d'exigibilité mensuelle de chaque salaire, sur gratifications au 30 juin et 31 décembre de chaque année. [le demandeur] ne peut donc raisonnablement soutenir que [la défenderesse] lui aurait fait accepter un report de la date d'exigibilité des éléments de la rémunération, report qui aurait entraîné une suspension de la prise de cours de la prescription'.
III.4.3.
Une prescription libératoire présente un caractère absolu qui permet de l'opposer en tout état de cause, même en cas de reconnaissance de non-paiement.
Seuls les quatre modes d'interruption limitativement énumérés à l'article 152, alinéa 2, CTC permettent d'interrompre la prescription, soit, pour rappel : la citation en justice, l'arrêté de compte intervenu entres les parties mentionnant le solde dû au travailleur et demeuré impayé, la réclamation formulée par le travailleur auprès de l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception et la réclamation formulée par le travailleur devant l'Inspecteur du Travail.
Le paiement par [la défenderesse] d'une partie de la rémunération ne constitue pas un acte interruptif de la prescription pour la partie de la rémunération qui demeure impayée » (pp. 30-31 de l'arrêt).
Griefs
1. Dans ses conclusions additionnelles et de synthèse, le demandeur faisait valoir que l'exécution de bonne foi des conventions impliquait que l'intention des parties au contrat de travail soit interprétée en tenant compte du comportement de chacun des protagonistes (p. 75 desdites conclusions).

Ainsi, concernant les fiches de paie de 2001, les gratifications de 1998 et 2001 et la prime annuelle de retraite de 2001, quelles que soient la nature et la durée de la prescription, le demandeur soutenait que la volonté renouvelée de défenderesse, à chaque date d'exigibilité d'un élément de la « rémunération » non payée, de continuer à faire travailler l'agent au lieu de résilier le contrat de travail, avait retardé ou supprimé l'exigibilité de la créance, et l'effet propre de cette exigibilité, à savoir la prise de cours du délai de prescription (voy. pp. 75-77 des conclusions additionnelles et de synthèse). Il considérait que les échanges

16ème feuillet
écrits entre les parties confirmaient cette analyse (pp. 77-79 desdites conclusions du demandeur) et que la défenderesse avait renoncé à la prescription (p. 83, 2e alinéa).
2. Plus subsidiairement, le demandeur faisait toutefois par ailleurs valoir, que « s'il était considéré que les reports visés (plus spécialement, l'échelonnement des paiements) ci-dessus n'ont pas retardé la date de prise de cours de la prescription », qu'« il devrait, néanmoins être considéré qu'ils ont eu pour effet de suspendre la prescription » (p. 83 des conclusions additionnelles et de synthèse du demandeur).

Le demandeur soutenait notamment que le sursis de paiement qu'il avait accordé à la défenderesse avait suspendu la prescription (p. 83 desdites conclusions du demandeur). Le demandeur faisait en outre valoir qu'« en tous les cas, en opérant des versements échelonnés, parfois séparés de plus d'un an, GECAMINES a nécessairement suspendu le cours de la prescription d'un an et même, de la prescription de trois ans, si c'est celle-ci qui doit s'appliquer » (p. 83 desdites conclusions).
L'arrêt qui se limite à considérer que la prescription n'avait pas été interrompue et que la défenderesse n'avait pas renoncé à la prescription, ne répond pas au moyen subsidiaire du demandeur tiré de la suspension de la prescription et dès lors n'est pas régulièrement motivé. Partant, il viole de ce chef l'article 149 de la Constitution.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales violées
- Articles 3 (tel qu'il était en vigueur avant son abrogation par la loi du 1er octobre 2004), 6 et 1134 du Code civil belge ;
- Article 33 du titre I du chapitre III, du décret congolais du 30 juillet 1888 traitant des contrats ou obligations conventionnelles (ci-après : le décret congolais) ;
- Article 59 du Code du travail de la République démocratique du Congo constituant l'annexe à l'ordonnance-loi congolaise n° 67/310 du 9 août 1967 portant Code du travail, tel qu'en vigueur avant son abrogation par la loi congolaise n° 015/2002 du 16 octobre 2002 (ci-après : le CTC) ;
- Articles 2 et 3 de la loi belge du 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du

17ème feuillet
Protocole et de deux Déclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1980 (ci-après : la loi belge du 14 juillet 1987) ;
- Article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (ci-après : la Convention de Rome), approuvée par la loi susdite du 14 juillet 1987 ;
- Articles 15 et 98 de la loi belge du 16 juillet 2004 portant Code de droit international privé (ci-après : le Codip) ;
- Principe général du droit de l'autonomie de la volonté en droit international privé belge tel que consacré notamment par les articles 1134 du Code civil belge et, après l'entrée en vigueur de ceux-ci par l'article 3 de la Convention de Rome et 98 du Codip ;
- Article 149 de la Constitution.

Décision et motifs critiqués
Par confirmation du jugement a quo, l'arrêt décide que le demandeur n'a pas droit à une indemnité de préavis ni à des dommages et intérêts dans la mesure où il a lui-même démissionné (p. 45 de l'arrêt).
Cette décision de l'arrêt se fonde sur les motifs repris sub B. (« Quant à la rupture du contrat de travail ») (pp. 40 à 45 de l'arrêt), tenus ici pour intégralement reproduits. En particulier, l'arrêt se fonde sur les motifs suivants :
« Contrairement à ce que soutient [le demandeur], la Cour est d'avis que le Tribunal du travail n'avait pas à examiner la question de l'existence de la théorie de la faute équipollente à rupture dès lors qu'il considérait que [le demandeur] avait démissionné.
En effet, la démission est un mode de rupture explicite du contrat de travail, et dès lors, il n'y a pas à rechercher un éventuel congé tacite.
Il est vrai que [le demandeur] n'a pas utilisé le terme ‘démission' dans sa lettre du 18 septembre 2001.
Aussi, la Cour est-elle amenée à examiner si les pièces relatives à la rupture s'interprètent ou non comme une démission de l'agent en l'espèce ?
Ce n'est qu'en cas de réponse négative à cette question que la Cour devra analyser les arrêts et jugements ainsi que la doctrine produits par [le demandeur] pour décider si la théorie de la faute équipollente à rupture existe en droit

18ème feuillet
congolais et si elle s'applique en l'espèce compte tenu des circonstances propres à la cause.
III.11.5.
Avec les premiers juges, la Cour du travail constate que la lettre du 18 septembre 2001 a été comprise par [la défenderesse] comme notifiant la démission d[u demandeur] et que ce dernier a avalisé cette interprétation en renvoyant, à deux reprises, le double du courrier de [la défenderesse] du 1er novembre 2001 signé ‘pour réception et accord', sans aucune réserve.
L'intitulé de la lettre : ‘DEMANDE DE RÉSILIATION DE CONTRAT A L'AMIABLE' et la motivation exprimée : ‘Le retard de paiement des salaires ayant atteint un niveau insupportable, je me vois contraint de solliciter une résiliation à l'amiable du contrat me liant à [la défenderesse]', ne permettent pas de substituer ce qui apparaît clairement comme une démission par un constat de rupture pour faute équipollente à rupture ou par un constat de rupture pour faute lourde.
En demandant la résiliation à l'amiable du contrat de travail, [le demandeur] a pris l'initiative de la rupture :
- il n'a pas constaté un comportement équipollent à rupture dans le chef de [la défenderesse] ;
- il n'a pas rompu le contrat pour faute lourde commise par [la défenderesse] comme il aurait pu le faire sur la base des articles 58 et 59 du CTC.
D'ailleurs [le demandeur] avait conscience du fait qu'en prenant l'initiative de la rupture, il devait respecter un préavis de résiliation (voy. les termes de sa lettre du 18 septembre 2001 reproduite plus haut). L'article 50, alinéa 2, du CTC dispose, en effet, que le travailleur qui résilie le contrat doit donner à l'employeur un préavis dont la durée est égale à la moitié de celui qu'aurait dû remettre l'employeur s'il avait pris l'initiative de la résiliation.
Il a demandé à en être partiellement dispensé ‘compte-tenu du non-paiement des salaires'. Toutefois, ‘dans le souci de ne pas mettre la Société devant le fait accompli', il a proposé de poursuivre son service à [la défenderesse] jusqu'au 30 novembre 2001.
Par sa lettre du 1er novembre 2001, [la défenderesse] a accepté la rupture ainsi que les modalités de celle-ci telles que proposées par [le demandeur]. Ce dernier a renvoyé cette lettre signée pour réception et accord.

19ème feuillet
La thèse actuellement soutenue par [le demandeur] (constat de faute équipollente à rupture) est inconciliable avec les termes de sa lettre du 18 septembre 2001 et de la réponse de [la défenderesse] du 1er novembre 2001.
C'est dès lors à bon droit que le jugement dont appel a décidé que toute autre interprétation des documents échangés entre les parties reviendrait à violer la foi due aux actes.
Même à considérer que l'échange de courriers constitue une convention, la Cour n'aperçoit pas où se situe la violence morale alléguée par [le demandeur]. Il n'apparaît pas que les retards de paiement avaient été décidés pour pousser l'agent à prendre l'initiative de la rupture. D'autre part, le dossier ne comporte aucun élément accréditant la thèse selon laquelle [la défenderesse] aurait pu faire capoter l'engagement.
III.11.6.
La Cour a également égard aux éléments suivants :
1. Au moment où [le demandeur] a envoyé sa lettre de résiliation du 18 septembre 2001, il avait déjà obtenu, suite à la citation du 22 mai 2000 et au jugement provisionnel du 6 juillet 2000, paiement d'une partie des sommes qui lui étaient dues. Un deuxième jugement provisionnel est intervenu le 27 novembre 2001 ;
2. Ce n'est que plus d'un an après la résiliation du contrat de travail, que le conseil d[u demandeur] a invoqué pour la première fois que son client avait conservé le droit à une indemnité de rupture et à des dommages et intérêts du chef d'une rupture irrégulière du contrat de travail (lettre recommandée de Maître U. du 22 janvier 2003, dossier d[u demandeur], dossier individuel, sous farde VII, pièce 2).
Auparavant, Maître U.I avait, par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2002, mis [la défenderesse] en demeure de payer des arriérés de fiches de paie, des gratifications et des PAR dus à son client, sans invoquer la rupture du contrat de travail aux torts de la société et en émettant tout au plus ‘les plus expresses et générales réserves quant aux droits généralement quelconques de son client, et plus spécialement quant au compte final' ...' (lettre recommandée de Maître U. du 22 février 2003, dossier d[u demandeur] sous farde VII, pièce 1) ;

20ème feuillet
3. [Le demandeur] lui-même avait réclamé par lettre du 2 janvier 2003 son décompte final sans indiquer s'il considérait avoir droit à une indemnité de rupture (dossier individuel d[u demandeur], sous farde VI, pièce 4) ;
4. Dans sa lettre précitée du 22 janvier 2003, Maître U. s'exprime comme suit à propos de la rupture :
‘Dès lors que, comme vous le savez, c'est sous la contrainte morale que mon client a dû recourir à un accord avec votre société pour mettre fin formellement à ses prestations auprès de votre société, alors que l'inexécution circonstanciée de vos obligations principales constituait une faute équipollente à rupture, il a évidemment conservé le droit de se prévaloir de ses droits à une indemnité de rupture et aux dommages-intérêts, qui lui reviennent du chef d'une fin des relations contractuelles qui vous est imputable'.
Ce texte a ensuite été reproduit dans chacune des lettres de sommation que le conseil de l'appelant a adressées à [la défenderesse] par courrier recommandé avec accusé de réception.
Le conseil de [la défenderesse] y a réagi par courrier officiel du 23 décembre 2009 dans les termes suivants :
‘Ma cliente m'a remis copie de la lettre de démission de votre client du 18 septembre 2001 ainsi que la lettre du 1er novembre 2001 que l'agent a signée pour réception et accord le 7 novembre 2001.
Rien ne permet de déduire de l'échange de ces correspondances que votre client aurait démissionné sous la contrainte morale exercée par [la défenderesse], bien au contraire'.
5. [Le demandeur] a attendu le 6 avril 2011 pour réclamer en justice le paiement d'une indemnité de préavis et de dommages et intérêts sur la base de l'article 49 du CTC ».
Griefs
Première branche
1. Dans ses conclusions additionnelles et de synthèse, le demandeur, faisait valoir que :

21ème feuillet
« On verra, à l'occasion de l'examen des décisions congolaises (titre 4) que de façon au moins implicite, dans certains cas, c'est de façon générale qu'un mécanisme de sanction du comportement d'une partie au contrat est mise en oeuvre par la constatation d'un rupture fautive dans le chef de cette partie, sans que celle-ci ait notifié sa volonté de résiliation et sans que ce comportement ait fait l'objet de la part du cocontractant d'une résiliation pour faute lourde.
Cet examen de la jurisprudence congolaise conduira, d'ailleurs, à constater que les contours stricts de la faute équipollente à rupture, tels qu'ils sont définis par jurisprudence et la doctrine belges, sont largement dépassées dans la jurisprudence congolaise, lorsque celle-ci sanctionne les comportements d'une partie, sur l'art. 33 du Code civil congolais (art. 1134 du Code civil belge), même si des Juges congolais ne mentionnent pas expressément cet article du Code civil.
A cet égard, d'ailleurs, plusieurs décisions congolaises concordent avec la jurisprudence et la doctrine francaises pour développer un concept d'imputabilité de la rupture (voir titre 5.1., pp. 129 à 133).
On verra que la doctrine congolaise et la doctrine française s'accordent pour reconnaître au Juge le droit de rechercher, avec réalisme et sans s'arrêter aux apparences, la partie au contrat de travail qui a effectivement voulu ou provoqué la fin des relations contractuelles » (p. 100 desdites conclusions).
Le demandeur poursuivait en relevant que :
« le Juge congolais, sans employer la terminologie belge ‘faute équipollente à rupture', passant outre à une éventuelle initiative de rupture prise par la victime, décide qu'un comportement fautif, le plus souvent de l'employeur, génère une rupture abusive ou fautive dans son chef ce qui est une façon spécifique (par rapport au droit belge) de donner effet à une faute équipollente à rupture » (conclusions additionnelles et de synthèse du demandeur, p. 109).
Le demandeur précisait également que « pour pouvoir mieux apprécier les faits de la présente cause, il faut avoir un égard particulier pour les décisions qui font apparaître que la rupture fautive est imputée à l'employeur, alors même que le travailleur a donné sa démission (dans des termes qui ne permettent pas une assimilation à une résiliation pour faute lourde) ou a signé une convention de fin de contrat, dont il remet ensuite en cause la validité » (conclusions additionnelles et de synthèse du demandeur, p. 129).

22ème feuillet
Le demandeur, qui relevait par ailleurs avoir motivé sa démission par le caractère insupportable des retards de paiement dans son courrier de demande de résiliation amiable (p. 137) et qui soutenait, au surplus, que les défauts de paiement constituaient une faute lourde au sens de l'article 59 du CTC (p. 145), reprochait au jugement de première instance de n'avoir accordé « aucune attention aux décisions judiciaires et aux considérations doctrinales qui, précisément, en présence d'une démission du travailleur (comme le Premier Juge affirme être le cas de l'initiative du concluant) impute la responsabilité de la rupture à l'employeur, compte tenu de la situation contractuelle réelle, à savoir, des manquements contractuels de cet employeur, qui ont forcé le travailleur à cesser d'effectuer des prestations non rémunérées » (conclusions additionnelles et de synthèse du demandeur, p. 93).
Ce faisant le demandeur faisait donc valoir qu'une démission volontaire qui ne fait pas référence expressément à un manquement grave de l'employeur, n'empêche pas, en droit congolais, l'employé de se prévaloir du fait que cette démission et la rupture du contrat de travail qui s'ensuit est en réalité imputable à l'employeur.
2. L'arrêt attaqué, qui se borne à considérer que « contrairement à ce que soutient l'appelant, la Cour est d'avis que le Tribunal du travail n'avait pas à examiner la question de l'existence de la théorie de la faute équipollente à rupture dès lors qu'il considérait que Monsieur D. avait démissionné. En effet, la démission est un mode de rupture explicite du contrat de travail et, dès lors, il n'y a pas à rechercher un éventuel congé tacite » (p. 42), laisse sans réponse ce moyen qui ne contestait pas que la démission fût une cause de rupture du contrat de travail mais faisait valoir que cette démission n'excluait pas en droit congolais que le travailleur impute par la suite la rupture du contrat de travail à l'employeur.
Il n'est donc pas régulièrement motivé et viole de ce chef l'article 149 de la Constitution.
Seconde branche
3. En vertu du principe général du droit de l'autonomie de la volonté en droit international privé belge tel qu'il était applicable tant avant qu'après l'entrée en vigueur de la Convention de Rome, et des articles 6 et 1134 du Code civil qui le consacrent, le juge doit appliquer aux contrats conclus présentant un élément d'extranéité tel qu'en l'espèce le contrat de travail litigieux, la loi que les parties ont entendu désigner, en l'espèce, le droit congolais. Ce faisant, le juge doit donner à la loi étrangère l'interprétation qu'elle a dans le pays

23ème feuillet
d'origine (article 15 du Codip et, pour autant que de besoin, 3, 6, 1134 du Code civil belge et principe général du droit visé au moyen).
Il résulte de l'article 33 du décret congolais que le juge doit vérifier en cas de démission d'un employé, justifiée par des défauts de paiement de ses rémunérations si la rupture du contrat n'est pas imputable à l'employeur. Cette vérification s'impose d'autant plus lorsque la démission procède d'une faute lourde de l'employeur au sens de l'article 59 du CTC, ce qui peut être le cas d'un défaut de paiement de la rémunération.
Saisi d'un moyen faisant valoir qu'il découlait de l'article 33 du décret congolais ainsi que du CTC, que le juge congolais peut imputer la responsabilité de la rupture d'un contrat de travail à l'employeur même s'il y a été mis fin par le travailleur sans se prévaloir expressément d'une faute lourde ou d'un motif grave (pp. 93, 100, 109 et 129) et qu'en l'espèce, le demandeur qui avait mis fin au contrat en raison du niveau insupportable des retards de paiement dont il avait été victime (conclusions additionnelles et de synthèse du demandeur, p. 137), ces défauts de paiement constituant une faute lourde au sens de l'article 59 du CTC (p. 145), les juges d'appel ne pouvaient légalement écarter ce moyen au motif que le demandeur avait démissionné - ce qui est un mode de rupture du contrat en droit congolais - et qu'il n'y a dès lors pas lieu « à rechercher un éventuel congé tacite ».
Ce faisant, en effet, les juges d'appel, qui refusent d'examiner si, au regard du droit congolais, une demande de résiliation du travailleur fondée sur un retard de paiement qualifiée d'insupportable peut, en dépit de la formulation, être imputée à l'employeur :
1°) violent le principe général du droit visé au moyen ainsi que les articles 3, 6 et 1134 du Code civil qui le consacrent ainsi que l'article 33 du décret congolais et pour autant que de besoin les articles 2 et 3 de la loi belge du 14 juillet 1987 et 3 de la Convention de Rome, combinés avec les articles 15 et 98 du Codip ;
2°) ne justifient pas légalement leur décision (violation des articles 33 du décret congolais, 59 du CTC et des autres dispositions visées au moyen à l'exception de l'article 149 de la Constitution),
3°) à tout le moins, ne motivent pas régulièrement leur décision, violant de ce chef l'article 149 de la Constitution, à défaut d'indiquer dans leur arrêt les constatations permettant à Votre Cour d'exercer son contrôle de légalité et de conformité au regard du principe général du droit visé au moyen, des articles 6 et

24ème feuillet
1134 du Code civil qui le consacrent ainsi que des articles 33 du décret congolais, 59 du CTC, 15 du Codip et, pour autant que de besoin, des articles 2 et 3 de la loi belge du 14 juillet 1987 et 3 de la Convention de Rome, combinés avec l'article 98 du Codip.
PAR CES CONSIDÉRATIONS,
l'avocat à la Cour de cassation soussigné, le demandeur en cassation, conclut, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de l'arrêt cassé, renvoyer la cause devant une autre cour du travail et statuer sur les dépens comme de droit.
Bruxelles, le 19 juillet 2016

Pour le demandeur en cassation,
son conseil,

Paul Alain Foriers

Pièces jointes :
1. Déclaration pro fisco en exécution de l'article 2691 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe.
2. Copie de l'exploit de signification de l'arrêt attaqué comportant élection de domicile en l'étude de l'huissier instrumentant.
3. Il sera également joint à la présente requête en cassation, lors de son dépôt au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification au défendeur en cassation.

25ème feuillet

4. Inventaire de pièces jointes pour la facilité de la Cour de cassation en libre copie :

Farde A : Jurisprudence congolaise

1. Lubumbashi, 1er février 1983 ;
2. Lubumbashi, 4 février 1986 ;
3. Kinshasa, 28 novembre 1986 ;
4. Kinshasa-Gombe, 16 août 2001 ;
5. Kinshasa-Gombe, 13 septembre 2001 ;
6. Lubumbashi, 31 décembre 1986 ;
7. Kinshasa-Matete, 23 décembre 2004 ;
8. Kinshasa-Gombe, 12 juillet 2005 ;
9. Kinshasa/Gombe du 16 mai 2014 ;
10. Cour suprême du Congo du 5 juin 1998.

Farde B : Doctrine congolaise

1. Mbaya Kumabuenga, « Le problème de la prescription en droit moderne et traditionnel : droit écrit et droit coutumier », Revue juridique du Zaïre, numéro spécial, 50ème anniversaire, Vol. 50, 1974, pp. 248-249 ;
2. Luwenyema Lule, Précis de droit zaïrois, Ed. Lule, Kinshasa, 1985, pp. 252-254 ;
3. Mukadi Bonyi, Droit du travail, CRDS, Bruxelles, 2008, p. 672 ;
4. Katuala Kaba Kashala, Le nouveau Code du travail congolais annoté, Ed. Batena Ntambua, Kinshasa, 2005, p. 234.

Farde C : Législations africaines francophones et décisions
1. Loi mauritanienne du 23 janvier 1963 portant Code du travail, spécialement articles 101 à 103 ;
2. Loi voltaïque du 7 juillet 1962 portant Code du travail, spécialement articles 110 à 112 ;
3. Lois sénégalaises du 15 juin 1961 portant Code du travail, spécialement articles 125 à 127 et du 1er décembre 1997, spécialement articles 126 à 128 ;
4. Lois congolaises (Brazzaville) du 25 juin 1964 portant Code du travail et du 15 mars 1975, spécialement articles 99 ainsi que l'arrêt de la Cour suprême du Congo-Brazzaville du 20 mai 1983 ;

26ème feuillet
5. Loi camerounaise du 14 août 1992 portant Code du travail, spécialement article 74, ainsi que l'arrêt de la Cour suprême du Cameroun du 7 octobre 1982 ;
6. Loi malgache du 11 décembre 2003 portant Code du travail, spécialement article 72, ainsi que l'arrêt de la Cour suprême de Madagascar du 8 juillet 1980 ;
7. La loi ivoirienne du 12 janvier 1995 portant Code du travail, spécialement article 33.5, ainsi qu'un arrêt de la cour d'appel d'Abidjan du 10 janvier 1986 ;
8. Loi djiboutienne du 26 janvier 2006 portant Code du travail, spécialement articles 156 à 158 ;
9. Loi burkinabé du 13 mai 2008 portant Code du travail, articles 210 à 212 ;
10. La loi béninoise du 27 janvier 1998 portant Code du travail, articles 232 à 234.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.16.0055.F
Date de la décision : 23/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-23;s.16.0055.f ?

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