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23/04/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0568.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 avril 2018, C.17.0568.F


N° C.17.0568.F
BEOBANK, société anonyme, dont le siège social est établi à Ixelles, boulevard Général Jacques, 263 G,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,

contre

BUREAU DE SERVICES FINANCIERS, D'ASSURANCES ET D'ADMINISTRATION, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Ans, rue des Français, 235,
défenderesse en cassation,
représentée par Ma

ître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenu...

N° C.17.0568.F
BEOBANK, société anonyme, dont le siège social est établi à Ixelles, boulevard Général Jacques, 263 G,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,

contre

BUREAU DE SERVICES FINANCIERS, D'ASSURANCES ET D'ADMINISTRATION, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Ans, rue des Français, 235,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 juin 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 20 mars 2018, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat général Jean Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Sur le premier rameau :

En vertu de l'article 19, alinéa 1er, de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, applicable en l'espèce, chacune des parties peut, sous réserve de tous dommages-intérêts, résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme, en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations.
Est considérée comme constituant un manquement grave, toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent.
Pourvu qu'il ne méconnaisse pas la notion légale de manquement grave, le juge apprécie souverainement la gravité de la faute et son incidence sur la possibilité de poursuivre la relation professionnelle.
Il peut, à la condition de ne pas modifier les critères que la loi donne de cette notion, avoir égard à tous éléments de nature à fonder son appréciation.
S'agissant du non-respect des procédures d'octroi des crédits, après avoir relevé la différence existant entre les neuf avances consenties et qu'elles ont toutes été accordées en 2008 et 2009, le contrat d'agence n'ayant été résilié que par lettre du 6 juillet 2010, l'arrêt considère qu' « il n'est pas soutenu que ces prêts ont été octroyés au moyen de fonds de la banque ou à son détriment », que « les avances n'ont en outre pas procuré à [la défenderesse] d'enrichissement personnel ou, à tout le moins pour ce qui concerne le prêt consenti à monsieur M. M., ne procédaient pas de la volonté de s'enrichir », qu' « il doit également être insisté sur le caractère ponctuel et peu habituel des opérations relevées, de même que sur les motivations de [la défenderesse] (et son gérant) », que, « si ces prêts ont impliqué une violation par [la défenderesse] de ses obligations, cette violation ne constituait pas, subjectivement, un manquement grave rendant immédiatement et définitivement impossible la poursuite des relations entre les parties » et qu' « un rappel des règles et une mise au point stricte avec [la défenderesse], fût-ce accompagnés de mesures de contrôle renforcées durant un temps déterminé, auraient pu permettre la continuation des relations entre les parties dans un climat de confiance ».
Il considère, en outre, sans être critiqué, que « l'ancienneté des relations entre les parties et les bons résultats commerciaux de l'agence (ainsi que le reconnaît [la demanderesse] et en témoignent les multiples messages de félicitation adressés à [la défenderesse]) commandaient une solution moins radicale au regard de la nécessaire confiance qui a dû s'installer entre les parties au fil des années » et que « les trois exemples d'‘incidents' antérieurs évoqués par [la demanderesse] ne sont pas de nature à modifier cette appréciation », le premier semblant « n'avoir connu aucune suite », le deuxième ayant « fait l'objet d'un rappel à l'ordre en 2008 » et étant « sans rapport avec l'exécution du contrat », et le troisième s'étant « réglé par un rappel des procédures applicables ».
Sur la base de ces considérations, qui excluent que les faits reprochés à la défenderesse procèdent d'une intention frauduleuse, l'arrêt a pu légalement décider que le non-respect des procédures d'octroi des crédits ne constituait pas un manquement grave justifiant la rupture sans préavis du contrat entre les parties.
Le moyen, en ce rameau de cette branche, ne peut être accueilli.

Sur le second rameau :

Les motifs reproduits dans la réponse au premier rameau de cette branche du moyen constituent un fondement distinct et suffisant de la décision de l'arrêt que le non-respect des procédures d'octroi des crédits ne constituait pas un manquement grave justifiant la rupture sans préavis du contrat entre les parties.
Dirigé contre des considérations surabondantes, le moyen, qui, en ce rameau de cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est, comme le soutient la défenderesse, dénué d'intérêt, partant, irrecevable.

Quant à la deuxième branche :

Sur le second rameau :

En vertu de l'article 35, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, est considérée comme constituant un motif grave autorisant la résiliation sans préavis du contrat de travail, toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l'employeur et le travailleur.
Dès lors que le contrat de travail entre l'agent et son travailleur et le contrat entre cet agent et son commettant sont des contrats distincts, la circonstance que les faits reprochés à l'agent aient été commis par un de ses travailleurs et aient entraîné le licenciement pour motif grave de ce travailleur n'implique pas nécessairement que ces faits soient constitutifs d'un manquement grave justifiant la rupture sans préavis du contrat d'agence.
Ainsi qu'il a été dit dans la réponse au premier rameau de la première branche du moyen, l'arrêt considère, sans être critiqué, que l'ancienneté des relations entre les parties et les bons résultats commerciaux de l'agence commandaient une solution moins radicale au regard de la nécessaire confiance qui a dû s'installer entre les parties au fil des années et que les trois exemples d'incidents antérieurs évoqués par la demanderesse ne sont pas de nature à modifier cette appréciation.
Partant, l'arrêt, qui a égard « à la longévité moindre de la relation de confiance nouée entre [la défenderesse et son travailleur] (7 ans pour [ce travailleur] contre une relation de 25 ans [entre la demanderesse et la défenderesse]) et le souhait légitime de [la défenderesse] de voir son autorité respectée au sein de l'agence », a pu légalement considérer que « la circonstance que [la défenderesse] a décidé de licencier [ce travailleur] pour motif grave n'implique pas que les faits qui ont justifié ce licenciement constituaient nécessairement un manquement grave de [la défenderesse] ».
Le moyen, en ce rameau de cette branche, ne peut être accueilli.

Sur le premier rameau :

S'agissant du non-respect des procédures relatives aux « apporteurs d'affaires », l'arrêt considère que cette pratique « n'était pas davantage de nature à justifier une rupture immédiate des relations », qu' « il résulte d'ailleurs du document établi par [la demanderesse] au sujet des normes de crédit que le non-respect notamment de l'interdiction de recourir à un intermédiaire de crédit est sanctionné par la suppression des pouvoirs conférés à l'agent en matière de crédit » et que « l'existence d'une sanction propre est l'indicateur que le manquement à cette interdiction n'était pas considéré comme particulièrement grave ».
Sur la base de ces motifs, ainsi que de ceux reproduits en réponse au second rameau de cette branche du moyen, l'arrêt a pu légalement décider que le non-respect des procédures relatives aux « apporteurs d'affaires » ne constituait pas un manquement grave justifiant la rupture sans préavis du contrat entre les parties.
Le moyen, en ce rameau de cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Pour les motifs reproduits dans la réponse au second rameau de la deuxième branche du moyen, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent quatre-vingt-huit euros quarante-cinq centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt-trois avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body S. Geubel M. Lemal
M. Delange D. Batselé Chr. Storck


Requête

REQUÊTE EN CASSATION

POUR : La S.A. BEOBANK (anciennement CITIBANK BELGIUM) dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, boulevard Général Jacques 263g, inscrite à la banque carrefour des entreprises sous le numéro 0401.517.147.

Demanderesse en cassation,

Assistée et représentée par Me Paul LEFEBVRE, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise 480/9, où il est fait élection de domicile ;

CONTRE : La S.P.R.L. BUREAU DE SERVICES FINANCIERS, D'ASSURANCES ET D'ADMINISTRATION, dont le siège social est établi à 4430 Ans, rue des Français 235, inscrite à la banque carrefour des entreprises sous le numéro 0427.983.596.

Ayant élu domicile en l'étude de l'huissier établi à 1170 Watermael-Boitsfort, Dries 7 ;

Défenderesse en cassation,


* * *

A Monsieur le Premier Président, à Mesdames et Messieurs les Présidents et Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,


Messieurs,
Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre les parties par la 9ème chambre civile de la cour d'appel de Bruxelles à l'audience du 22 juin 2017 (n° R.G. 2012/AR/1304).

FAITS ET ANTÉCÉDENTS DE LA PROCÉDURE

1. La défenderesse est une société constituée en 1985 en vue de l'exploitation d'une nouvelle agence bancaire et en assurances située à Ans-Alleur. Son fondateur fut désigné comme gérant statutaire de cette société.

2. Le 24 octobre 1985, la défenderesse signa une « Convention de mandat » (ci-après « la Convention ») avec la demanderesse (auparavant la S.A. FAMIBANQUE puis CITIBANK) en vertu de laquelle la première société fut désignée comme agent-délégué de la seconde.

3. Le 16 novembre 1994, les parties conclurent un avenant à la Convention afin de mettre celle-ci en conformité avec la Circulaire de la Commission bancaire et financière n° B93/5 du 21 octobre 1993. En vertu de l'article 3 de cet avenant, la défenderesse devait s'abstenir de toute autre activité professionnelle sauf autorisation écrite de la demanderesse. Par ailleurs, l'article 9 de l'avenant prévoyait que la défenderesse serait responsable envers la demanderesse des faits et actes commis par ses employés.

Les parties collaborèrent pendant vingt années sur cette base.

4. En avril 2010, le fondateur et gérant de la défenderesse se rendit en Afrique et se fit remplacer, pendant son absence, par une de ses employées. La demanderesse en fut avisée.

5. A l'occasion d'un de ses contrôles réguliers effectué au mois de juin 2010, la demanderesse détecta des transactions suspectes au départ de l'un des comptes de la défenderesse et entreprit, dès lors, un examen plus approfondi des comptes. Trois types d'irrégularités furent ainsi constatées :

- Non-respect des procédures d'octroi de crédits en octroyant des prêts, au départ des comptes professionnels de la défenderesse ou privés de son gérant, sous forme d'avances liquides à des clients de la demanderesse (dont certains qui s'étaient vus refuser un prêt par la demanderesse) ;
- Non-respect des procédures relatives aux apporteurs d'affaires en ayant collaboré avec deux (sous) intermédiaires sans l'autorisation préalable de la demanderesse ;

- Non-respect des procédures relatives aux ouvertures de comptes provisoires pour les clients ne disposant pas d'un compte ouvert auprès de la demanderesse.

6. Le 29 juin 2010, une réunion fut organisée au siège de la demanderesse à l'occasion de laquelle diverses explications furent demandées au gérant de la défenderesse. La plupart des manquements ne furent pas contestés.

Des explications complémentaires furent demandées ultérieurement à l'employée ayant représenté le gérant durant son absence. Celle-ci reconnut les manquements mis à sa charge.

7. Le 5 juillet 2010, la défenderesse licencia l'employée en question pour motif grave.

8. Par courrier recommandé du 6 juillet 2010, la demanderesse notifia à la défenderesse la résolution de la Convention pour manquement grave conformément à l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale. La résolution eut lieu avec effet immédiat, sans préavis ni indemnité.

9. Par courrier recommandé du 12 juillet 2010, la demanderesse communiqua à la défenderesse les manquements graves ayant justifiés la rupture du contrat. Il s'agissait des irrégularités susmentionnées au point 5.

10. Par courrier du 2 septembre 2010, le conseil de la défenderesse contesta la gravité des manquements invoqués et mit la demanderesse en demeure de payer la somme de 727.684,16 euro au titre d'indemnité compensatoire de préavis, indemnité d'éviction et indemnité complémentaire.

11. Par courrier recommandé du 17 septembre 2010, la SA METLIFE - partenaire de la défenderesse pour la délivrance de produits d'assurance, et notamment d'assurances solde restant dû - informa la défenderesse du fait que la rupture des relations contractuelles avec la demanderesse n'aurait aucun impact sur leur collaboration.

La défenderesse répondit que la poursuite de la collaboration serait artificielle compte tenu du lien entre les activités d'intermédiation bancaire et en assurances.

12. Le 7 octobre 2010, la défenderesse cita la demanderesse devant le tribunal de commerce de Bruxelles. Elle sollicita la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 727.684,16 euro au titre d'indemnité compensatoire de préavis, indemnité d'éviction et indemnité complémentaire (à majorer des intérêts).

De son côté, la demanderesse conclut au non-fondement de la demande et postula à titre reconventionnel la condamnation de la défenderesse au paiement d'une commission indûment payée de 117,64 euro , ainsi qu'à effectuer les démarches en vue de retirer la mention de la demanderesse comme mandant de la défenderesse sur un site internet.

13. Par jugement du 23 février 2012, le tribunal de commerce de Bruxelles débouta la défenderesse de ses demandes en décidant que « les fautes graves reprochées à la [défenderesse] étaient bien avérées » et que « c'est dès lors à bon droit que la [demanderesse] a résilié pour manquement grave le contrat d'agence conclu entre parties » de sorte qu'« aucune indemnité n'est due à la [défenderesse] ».

Les demandes reconventionnelles de la demanderesse furent également rejetées.

14. Par requête déposée au greffe le 8 mai 2012, la défenderesse interjeta appel contre cette décision.

15. Par arrêt du 22 juin 2017, la cour d'appel de Bruxelles déclara l'appel recevable et partiellement fondé. Réformant le jugement entrepris, elle condamna la demanderesse au paiement d'une indemnité compensatoire de préavis égale à 170.140,26 euro , d'une indemnité d'éviction égale à 226.947,16 euro et d'une indemnité complémentaire égale à 89.122,23 euro , à chaque fois augmentées des intérêts.

Elle condamna également la demanderesse aux dépens des deux instances.

Contre cet arrêt la demanderesse estime pouvoir faire valoir les moyens suivants :


MOYEN UNIQUE

Dispositions légales violées

- L'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale (avant son abrogation par la Loi du 2 avril 2014 portant insertion du livre X "Contrats d'agence commerciale, contrats de coopération commerciale et concessions de vente" dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre X, dans le livre Ier du Code de droit économique) (ci-après « Loi du 13 avril 1995 »);

- les articles 10, § 3, 12, § 1, 1° et 21, § 1 de la Loi du 22 mars 2006 relative à l'intermédiation en services bancaires et en services d'investissement et à la distribution d'instruments financiers (ci-après « Loi du 22 mars 2006 ») ;

- les articles 3, § 1er, 5° (avant son abrogation par la Loi du 13 juin 2010 modifiant la Loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation), 63, § 3 (avant sa modification par la Loi du 13 juin 2010 modifiant la Loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation) et 101, § 1, 18° (tel que modifié par la Loi du 24 mars 2003 modifiant la Loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation) de la Loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation (ci-après « Loi du 12 juin 1991 ») ;

- les articles 6 et 1146 à 1151 du Code civil ;

- principe général du droit en vertu duquel la partie à un contrat qui fait appel à un agent d'exécution ou à un sous-traitant pour l'accomplissement de ses obligations contractuelles répond des fautes de ce dernier ;

- la théorie de la représentation ou du remplacement.

Décision attaquée

L'arrêt attaqué constate dans son exposé des faits ce qui suit :

« 2. Le 1er avril 2010, M. J. part en Afrique pour un séjour d'agrément, ce dont il informe M. B., son sales manager. En son absence, il se fait remplacer par une employée, Mme B., qu'il contacte une fois par semaine pour se tenir au courant de la gestion de l'agence. Son retour, initialement prévu le 19 avril 2010, est retardé en raison d'un accident dont il est victime.

Au mois de juin, [la demanderesse] constate des irrégularités commises par l'agence qui la conduisent à effectuer des vérifications complémentaires. De son côté, [la défenderesse] (M. J.) expose avoir appris de Mme B. qu'elle avait introduit auprès de [la demanderesse] des demandes de crédit qui n'avaient pas été faites en sa présence, mais par l'intermédiaire d'un tiers, M. D.. (...)


Le 5 juillet 2010, [la défenderesse] licencie Mme B. pour motif grave. Le courrier de rupture, signé par Mme B. sous la mention « je reconnais les faits qui me sont reprochés », précise que « l'employée atteste l'authenticité et la présence des clients en agence dans 6 dossiers crédit signés chez un courtier à Verviers » » (arrêt attaqué, p. 4, 7-8).

L'arrêt attaqué décide, ensuite, que la défenderesse n'a pas commis de manquement grave de nature à justifier la résolution immédiate du contrat d'agence commerciale par la demanderesse, sur base des motifs suivants :

« A. Quant à l'existence d'un manquement grave

4. [La demanderesse] a rompu le contrat d'agence sur le champ, pour motif grave.

L'article 19 de la loi du 13 avril 1995 (actuellement article X.17 du Code de droit économique), dont l'application n'est pas contestée, prévoit que « Chacune des parties peut, sous réserve de tous dommages-intérêts, résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque des circonstances exceptionnelles rendent définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent ou en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations. (...). Peuvent seuls être invoqués pour justifier la résiliation sans préavis ou avant l'expiration du terme, les circonstances exceptionnelles ou manquements graves notifiés par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée à la poste, expédiée dans les sept jours ouvrables qui suivent la résiliation ».

[La défenderesse] ne fait plus valoir en appel que la rupture aurait été tardive. Elle conteste en revanche toujours la gravite des manquements qui lui sont reproches.

La notion de « manquement grave» contenue dans la loi de 1995 est identique à la notion de « motif grave» contenue dans la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail (...). Ce manquement est tel que la poursuite des relations contractuelles est rendue immédiatement et définitivement impossible en ce qu'il rompt le lien de confiance qui doit nécessairement présider à une relation professionnelle.

5. Les manquements graves invoqués par [la demanderesse] pour justifier la rupture immédiate du contrat d'agence consistent en l'occurrence en un non-respect (i) des procédures d'octroi des crédits (prêts octroyés à la clientèle de [la demanderesse] à titre privé), (ii) des procédures relatives aux apporteurs d'affaires et (iii) des procédures relatives aux comptes « Level Playing Field Individual Account (LPF) ». La réalité de certains de ces motifs et la gravite de l'ensemble des manquements sont contestés par [la défenderesse].

1. Non-respect des procédures d'octroi des crédits: prêts octroyés à la clientèle de [la demanderesse] à titre privé

6. Dans le courrier du 12 juillet 2010, [la demanderesse] fait grief à [la défenderesse] d'avoir octroyé, à titre privé, des prêts sous la forme d'avances en liquide à neuf clients qui s'étaient, pour certains, vus préalablement refuser un prêt par la banque. Ces prêts impliquent selon elle la violation de l'article 5 du contrat d'agent (obligation d'utiliser exclusivement les documents fournis par la banque et d'opérer toutes transactions financières avec la clientèle et avec la banque exclusivement à travers le compte professionnel), et des règles en matière de prévention du blanchiment et de l'utilisation des comptes individuels (procédure LPF Individual Account).


Dans ses conclusions, [la demanderesse] se fonde également sur la loi sur le crédit à la consommation qui met à charge de l'intermédiaire de crédit et du préteur des obligations précontractuelles et contractuelles d'information et de contrôle, et sur l'interdiction pour un agent d'exercer une autre activité professionnelle sans avoir obtenu l'accord de la banque.

[La défenderesse] justifie ces prêts par sa volonté de venir en aide à des amis ou des clients en difficultés temporaires dans des circonstances qu'elle détaille dans ses conclusions (p.14 à 18). Selon [la défenderesse], les prêts consentis par M. J. l'ont été afin :
- de permettre le paiement de montants imprévus (une « surprime » d'assurance solde restant dû) - Mme J. et Mme C.;
- d'éviter le non-paiement d'une échéance ponctuelle d'un crédit - Mme H. ;
- de financer des frais de rapatriement et de soins - M. M. ;
- de financer des frais d'études - M. M.

Quant aux prêts consentis par [la défenderesse], ils l'ont été afin:
- de participer à un investissement à risque au Congo - M. D.;
- d'aider des personnes qui se trouvaient en très graves difficultés financières -
MM. C. et P.;
- d'aider un ami de M. J. - M. G.

Ces explications ne sont pas contestées par [la demanderesse].

7. [La défenderesse] soutient que les cinq opérations réalisées par M. J. l'ont été dans sa sphère privée et ne peuvent pour ce motif être critiquées. Elle invoque pour le surplus la bonne foi, les opérations effectuées par M. J. l'ayant été au départ d'un compte personnel ouvert à son nom auprès de [la demanderesse] qui était régulièrement contrôlé et celles au départ du compte ouvert au nom de [la défenderesse] ayant donné lieu à l'inscription de créances sur tiers dans les comptes annuels examinés chaque année par [la demanderesse]. Elle fait également valoir que toutes ces avances ont été réalisées à titre gratuit, à l'exception de celle consentie à M. M. qui a insisté pour rembourser M. J. avec des intérêts.

Si M. J. était libre de consentir des prêts à des amis, il devait s'en abstenir dès lors que leurs bénéficiaires étaient également clients de la banque et qu'il était gérant de [la défenderesse]. La limite entre les liens d'amitié et professionnels est du reste très tenue dans certains cas; il en va ainsi des prêts consentis par M. J. pour assurer le paiement d'une « surprime » d'une assurance solde restant dû ou d'une mensualité d'un prêt hypothécaire. Cette latitude n'est en tout état de cause pas de mise en ce qui concerne [la défenderesse] qui n'agissait par définition que dans une sphère professionnelle.

8. Quelles que fussent les motivations ayant présidé à l'octroi de ces prêts, il doit être constaté qu'ils ont été accordés au mépris de plusieurs obligations incombant à [la défenderesse].

La violation de l'article 5.4 de la convention d'agent en vertu de laquelle l'agent s'engage à opérer exclusivement à travers un compte à vue ouvert auprès de la banque toutes transactions financières avec la clientèle et la banque est établie pour les avances consenties par M. J. Il ne peut à cet égard être soutenu par [la défenderesse] qu'elle n'a pas manqué à cette obligation, l'utilisation des comptes de son gérant ne pouvant lui permettre de contourner ses propres obligations. S'agissant des avances consenties au départ du compte de [la défenderesse], le dossier ne permet en revanche pas de vérifier qu'elles ont été effectuées au départ d'un autre compte que le compte visé par la convention d'agent.


La violation de l'interdiction d'exercer une autre activité est également établie, [la défenderesse] n'étant pas autorisée à se livrer à une activité de crédit en dehors des crédit « Beobank » (voir à cet égard l'avenant qui se réfère à une circulaire de la Commission bancaire et financière n°B93/5 du 21 octobre 1993, laquelle proscrit l'interposition de personnes pour contourner la règle). Sa gravité doit cependant être tempérée dans la mesure où il est constant que [la défenderesse] n'a pas consenti de prêts pour un autre établissement, concurrent.

C'est à juste titre en revanche que [la défenderesse] conteste l'application de la 1oi sur le crédit à la consommation au motif qu'en son article 3, § 1er, 5° (tel qu'en vigueur au moment des faits), elle exclut de son champ d'application « les contrats de crédit octroyés à titre occasionnel et sans but de lucre ». Les prêts litigieux sont des opérations isolées et le versement par un seul de ses bénéficiaires d'intérêts n'implique pas dans le chef de [la défenderesse] la poursuite d'un but lucratif. (...)

2. Non-respect des procédures relatives aux « apporteurs d'affaires »

9. [La demanderesse] reproche à [la défenderesse] d'avoir collaboré avec deux apporteurs d'affaires (M. Y. - courtier d'assurances - et M. D. (C.) - courtier en assurances et crédits) pour huit dossiers et d'avoir, dans six de ces dossiers ainsi apportés, admis que les contrats de crédit soient signés en dehors de sa présence.

L'article 63 § 3, alinéa 2 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, tel qu'applicable au moment des faits ayant donné lieu au litige, interdisait « toute intermédiation pour un contrat de crédit à l'aide d'un sous-agent ou en qualité de sous-agent » sauf si l'intermédiaire était agréé ou enregistré. Cette interdiction était rappelée dans les normes de crédit de [la demanderesse] (« il est interdit de travailler avec des intermédiaires de crédit apporteurs de crédit non agrées par la Banque ») mais aussi dans un document signé pour accord par M. J. en décembre 2009 (« Il est interdit de travailler avec un courtier-apporteur de crédit non agréé par la banque »).

[La défenderesse] conteste que l'apport d'affaires par M. Y. était interdit à défaut pour ce dernier d'être lui-même un intermédiaire de crédits. [La demanderesse] soutient le contraire, s'appuyant sur un commentaire de la disposition précitée par le SPF Economie qui vise également « le recours à des tiers qui apporteraient à l'intermédiaire un courant d'affaires régulier (par exemple un vendeur de biens mobiliers qui n'assurerait pas lui-même l'intermédiation en crédit) ». Cette discussion est en l'espèce dénuée d'intérêt dès lors que des contrats ont également été apportés par M. D. (courtier en crédits agissant sous la dénomination de « C. ») et qu'il n'est pas contesté qu'il était bien un intermédiaire de crédits. C'est du reste l'intervention de M. D. qui est surtout critiquée par [la demanderesse] dans la mesure où certains des contrats apportés ont été signés hors de la présence de l'agent (ce qui n'est pas le cas des contrats apportés par M. Y.). (...)

[La défenderesse] soutient en vain ne pas avoir été avisée de la qualité de M. D. dès lors que sa préposée, qui a traité avec M. D., ne l'ignorait pas. En effet, [la défenderesse] a fait le choix de s'adjoindre une préposée à qui [elle] a confié le soin de remplacer son gérant durant l'absence de ce dernier.

3.Non respect des procédures relatives aux comptes « Level Playing Field Individual Account (LPF) »

10. [La demanderesse] reproche à [la défenderesse] le non-respect des procédures d'ouverture de comptes provisoires pour les clients ne disposant pas d'un compte ouvert auprès de la Banque (LPF Individual Account), comptes qui ne peuvent en principe être utilisés qu'à titre exceptionnel et moyennant le respect de procédures prédéfinies.
Le gérant de [la défenderesse] n'a pas été interpellé sur cette pratique lors de son audition du 29 juin 2010. Elle concerne, selon l'aveu de Mme B. fait à [la défenderesse], quatre dossiers.

Cette pratique, qui est en effet contraire aux instructions de la banque, est à mettre en lien avec l'apport de contrats de crédits par M. D.. Les demandeurs de crédits apportés par M. D. n'étant pas client de la banque, Mme B. a dû ouvrir un compte provisoire pour abriter ces opérations. Contrairement aux instructions de [la demanderesse], Mme B. a artificiellement maintenu des comptes ouverts au-delà d'un jour, en y versant un montant minime (quelques centimes d'euros), afin d'éviter leur clôture automatique et de s'épargner des formalités administratives liées au réencodage des données des emprunteurs.

[La demanderesse] n'apporte pas la preuve que cette pratique aurait été généralisée à d'autres dossiers en invoquant le courriel qu'elle a adressé à Mme B. le 5 juillet 2010 (cf. exposé des faits). II n'apparait en outre pas que Mme B. a réceptionné ce courriel et qu'elle a été en mesure d'y réagir.

4. Conclusion sur l'existence de manquements graves

11. La violation par [la défenderesse] de certaines obligations n'emporte pas pour autant la démonstration de manquements graves justifiant une rupture immédiate du contrat.

S'agissant de la première pratique, il convient de souligner la différence existant entre les neuf avances consenties. Celles consenties par M. J. aux clients J., M., H., C. et M. sont peu importantes à l'exception de la dernière (respectivement de 159,26 euro , 150,00 euro , 828,93 euro , 497,46 euro et 3.803,78 euro ). Les avances consenties à MM. C., P. sont plus importantes (deux fois
3.000,00 euro ) tandis que celle accordée à M. G. atteint 21.000,00 euro . A l'exception de l'avance consentie à M. M. qui est la moins élevée (en mars 2010) elles ont toutes été accordées en 2008 et 2009. II n'est pas soutenu que ces prêts ont été octroyés au moyen de fonds de la banque ou à son détriment. Les avances n'ont en outre pas procuré à [la défenderesse] d'enrichissement personnel ou, à tout le moins pour ce qui concerne le prêt consenti à M. M., ne procédaient pas de la volonté de s'enrichir.

II doit également être insisté sur le caractère ponctuel et peu habituel des opérations relevées, de même que sur les motivations de [la défenderesse] (et son gérant). Si ces prêts ont impliqué une violation par [la défenderesse] de ses obligations, cette violation ne constituait pas, subjectivement, un manquement grave rendant immédiatement et définitivement impossible la poursuite des relations entre parties. Un rappel des règles et une mise au point stricte avec [la défenderesse], fût-ce accompagnées de mesures de contrôle renforcées durant un temps déterminé, auraient pu permettre la continuation des relations entre parties dans un climat de confiance.

La seconde pratique reprochée n'était pas davantage de nature à justifier une rupture immédiate des relations. II résulte d'ailleurs du document établi par [la demanderesse] au sujet des normes de crédit que le non-respect notamment de l'interdiction de recourir à un intermédiaire de crédit est sanctionné par la suppression des pouvoirs conférés à l'agent en matière de crédit. L'existence d'une sanction propre est l'indicateur que le manquement à cette interdiction n'était pas considéré comme particulièrement grave. La circonstance que [la défenderesse] a décidé de licencier Mme B. pour motif grave n'implique pas que les faits qui ont justifié ce licenciement constituaient nécessairement un manquement grave dans le chef de [la défenderesse], notamment eu égard à la longévité moindre de la relation de confiance nouée entre parties (7 ans pour Mme B., contre une relation de 25 ans avec [la défenderesse]) et le souhait légitime de [la défenderesse] de voir son autorité respectée au sein de l'agence.
Il en va de même pour la dernière pratique, étant donné son caractère ponctuel et en l'occurrence non dommageable » (arrêt attaqué, pp. 9-15).

Griefs

1. L'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 énonce que « chacune des parties peut, sous réserve de tous dommages-intérêts, résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque des circonstances exceptionnelles rendent définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent ou en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations ».

Le manquement grave est un manquement qui rend définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent. Il doit être question d'une rupture définitive de confiance.

2. Deux conditions doivent être réunies pour que la résolution immédiate du contrat d'agence commerciale soit justifiée.

La première condition est objective : il faut être en présence d'un manquement qui soit fautif.

La seconde condition est subjective : ce manquement doit être suffisamment grave pour justifier la résolution.

Première branche - « Non-respect des procédures d'octroi des crédits »

Premier rameau

3. En vertu de l'article 10, § 3 de la Loi du 22 mars 2006, la convention écrite entre l'agent en services bancaires et d'investissements et son mandant « dispose expressément que l'agent ne peut assurer une intermédiation en services bancaires et en services d'investissement qu'au nom et que pour le compte du mandant, elle détermine les activités autres que l'intermédiation en services bancaires et en services d'investissement qui peuvent être cumulées avec le mandat d'agent en services bancaires et en services d'investissement et/ou fixe la procédure à suivre pour obtenir l'autorisation de cumuler du mandant, sans préjudice des dispositions de l'article 12 ».

Il suit de cette disposition que l'agent bancaire n'est autorisé à exercer son activité d'intermédiation bancaire qu'au nom et pour le compte du mandant. Il ne peut exercer d'autres activités sans autorisation préalable du mandant.
Cette transparence des activités exercées par l'agent vis-à-vis du mandant est primordiale. Le mandant doit pouvoir contrôler les activités de son agent car, en tant que prêteur, c'est le mandant qui répond vis-à-vis du client consommateur des fautes commises par l'agent.

L'article 10, § 4, alinéa 1, de la Loi du 22 mars 2006 précise, en effet, que « l'agent en services bancaires et en services d'investissement agit, en ce qui concerne son activité d'intermédiation en services bancaires et en services d'investissement, sous la responsabilité entière et inconditionnelle de son mandant » et que « celui-ci contrôle le respect par l'agent en services bancaires et en services d'investissement des dispositions de la présente loi et des arrêtés et règlements pris en vue de l'exécution de celle-ci ».

4. L'article 12, § 1 de la Loi du 22 mars 2006 énumère une série d'activités incompatibles avec l'activité d'intermédiation en services bancaires et d'investissement, parmi lesquelles l'exploitation d'une entreprise réglementée (1°) et donc l'activité de crédit.

Cette règle d'incompatibilité ne saurait être contournée par l'interposition d'une personne physique ou morale car l'article 12 prévoit expressément que l'activité d'intermédiation en services bancaires et d'investissement « ne peut, ni directement ni indirectement » être combinée avec les activités qualifiées d'incompatibles.

5. L'interdiction légale exprimée par les articles susmentionnés de la Loi du 22 mars 2006 est, partant, absolue et, de surcroît, sanctionnée pénalement. Ceci souligne l'importance que consacre le législateur à cette prohibition et son caractère d'ordre public, comme toute disposition destinée à protéger l'épargne publique.

L'article 21, § 1er, dernier tiret de la Loi du 22 mars 2006 indique, en effet, que « sans préjudice de l'application de peines plus sévères prévues par le Code pénal, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de 200 à 2 000 euros ou d'une de ces peines seulement, celui qui, dans une intention frauduleuse : (...) ne respecte pas les dispositions de l'article 10, §§ 1er, 2 et 3, et des articles 11, 12, 14 et 15 ».

L'alinéa 2 de ce même article ajoute que « les personnes condamnées pour une des infractions précitées peuvent se voir infliger la fermeture définitive ou provisoire d'une partie ou de l'ensemble des locaux affectés à l'exercice de l'activité d'intermédiaire en services bancaires et en services d'investissement » et que « si les infractions précitées sont dues à la négligence, elles sont punies d'une amende de 100 à 250 euros ».

6. La réglementation susmentionnée trouve son origine dans la Circulaire B/93/5 du 21 octobre 1993 adoptée par la Commission bancaire et financière qui avait pour objectif de définir « dans une optique de protection de l'épargne publique et de contrôle prudentiel le cadre dans lequel les établissements de crédit peuvent avoir recours à des agents délégués et les contrôles à exercer sur ce type de réseau ».

L'article 2.1 de la Circulaire organisait l'obligation d'exclusivité des agents délégués.

L'article 2.2 de la Circulaire identifiait les incompatibilités et cumuls de fonction interdits aux agents. Le point 3 de cette disposition énonce, ainsi, qu'« un établissement de crédit peut admettre l'exercice par ses agents délégués d'autres activités professionnelles que celles pour lesquelles il les a mandatés, pour autant que ces activités soient clairement dissociées et que des garanties suffisantes existent pour délimiter les risques résultant de cette situation », qu'« en aucune manière, le public ne doit avoir l'impression que ces autres activités sont exercées pour le compte de l'établissement de crédit (...) » et que « les agents délégués devront respecter les règles en matière d'incompatibilités aussi bien directement qu'indirectement et ne peuvent contourner ce principe par interposition de personnes physiques ou morales ».

Si la Circulaire n'avait pas force de loi, elle témoigne de l'importance pour une bonne surveillance du secteur financier et une protection efficace des épargnants de la réglementation des activités exercées par l'agent bancaire. Les obligations qu'elle contient ont été transposées dans la Loi du 22 mars 2006.

7. L'arrêt attaqué constate que la demanderesse « fait grief à [la défenderesse] d'avoir octroyé, à titre privé, des prêts sous la forme d'avances en liquide à neuf clients qui s'étaient, pour certains, vus préalablement refuser un prêt par la banque » et que la demanderesse invoque à cet égard « l'interdiction pour un agent d'exercer une autre activité professionnelle sans avoir obtenu l'accord de la banque » (arrêt attaqué, p. 10).

Après avoir constaté la réalité des prêts litigieux et les motifs invoqués par la défenderesse, l'arrêt attaqué estime que, « quelles que fussent les motivations ayant présidé à l'octroi de ces prêts, il doit être constaté qu'ils ont été accordés au mépris de plusieurs obligations incombant à [la défenderesse] » et que « la violation de l'interdiction d'exercer une autre activité est (...) établie, [la défenderesse] n'étant pas autorisée à se livrer à une activité de crédit en dehors des crédits « Beobank » (voir à cet égard l'avenant qui se réfère à une circulaire de la Commission bancaire et financière n°B93/5 du 21 octobre 1993, laquelle proscrit l'interposition de personnes pour contourner la règle) » (arrêt attaqué, pp. 10-11).
Ce faisant, la cour d'appel constate l'existence d'un manquement dans le chef de la défenderesse dans la mesure où elle a exercé une activité de crédit en-dehors de celle pour la demanderesse, en violation des règles établies par la Circulaire B/93/5.

L'arrêt attaqué décide, ensuite, que « sa gravité doit cependant être tempérée dans la mesure où il est constant que [la défenderesse] n'a pas consenti de prêts pour un autre établissement, concurrent », que « la violation par [la défenderesse] de certaines obligations n'emporte pas pour autant la démonstration de manquements graves justifiant une rupture immédiate du contrat », que « s'agissant de la première pratique, il convient de souligner la différence existant entre les neuf avances consenties », que « celles consenties par M. J. aux clients J., M., H., C. et M. sont peu importantes à l'exception de la dernière » , que « les avances consenties à MM. C., P. sont plus importantes (...) tandis que celle accordée à M. G. atteint 21.000,00 euro », qu'« à l'exception de l'avance consentie à M. M. qui est la moins élevée (en mars 2010) elles ont toutes été accordées en 2008 et 2009 », qu'« il n'est pas soutenu que ces prêts ont été octroyés au moyen de fonds de la banque ou à son détriment » et que « les avances n'ont en outre pas procuré à [la défenderesse] d'enrichissement personnel ou, à tout le moins pour ce qui concerne le prêt consenti à M. M., ne procédaient pas de la volonté de s'enrichir » (arrêt attaqué, pp. 11-12 et 14).

Il ajoute encore qu'« il doit également être insisté sur le caractère ponctuel et peu habituel des opérations relevées, de même que sur les motivations de [la défenderesse] (et son gérant) », que « si ces prêts ont impliqué une violation par [la défenderesse] de ses obligations, cette violation ne constituait pas, subjectivement, un manquement grave rendant immédiatement et définitivement impossible la poursuite des relations entre parties » et qu'« un rappel des règles et une mise au point stricte avec [la défenderesse], fût-ce accompagnées de mesures de contrôle renforcées durant un temps déterminé, auraient pu permettre la continuation des relations entre parties dans un climat de confiance » (arrêt attaqué, p. 14).

8. En constatant l'existence d'un manquement dans le chef de la défenderesse consistant en « la violation de l'interdiction d'exercer une autre activité (...), [la défenderesse] n'étant pas autorisée à se livrer à une activité de crédit en dehors des crédits « Beobank » » mais en décidant, ensuite, que ce manquement ne revête pas une gravité suffisante de nature à justifier la résolution immédiate sur pied de l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995, alors qu'il est constitutif d'une violation des articles 10, § 3 et 12, § 1, 1° de la Loi du 22 mars 2006 qui est pénalement sanctionnée par l'article 21, § 1er, dernier tiret, de cette même Loi, l'arrêt attaqué méconnait la notion légale de manquement « grave » et viole, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 et, pour autant que de besoin, les articles 10, § 3, 12, § 1, 1° et 21, § 1er, dernier tiret de la Loi du 22 mars 2006.

En décidant que le manquement susmentionné dans le chef de la défenderesse ne revêt pas une gravité suffisante alors qu'il est constitutif d'une violation des articles 10, § 3 et 12, § 1, 1° de la Loi du 22 mars 2006 pénalement sanctionnée par l'article 21, § 1er, dernier tiret, de cette même Loi et faisant, par conséquent, partie de l'ordre public, l'arrêt attaqué méconnait le concept d'ordre public en privant ces dispositions légales de leur portée d'ordre public et viole, partant, lesdites dispositions légales ainsi que l'article 6 du Code civil.

Second rameau

9. La Loi du 12 juin 1991 est, en vertu de son article 2, alinéa 1, applicable « aux contrats de crédit conclus avec un consommateur ayant sa résidence habituelle en Belgique à condition que : 1° le prêteur exerce son activité professionnelle en Belgique, ou 2° par tout moyen, dirige cette activité vers la Belgique ou vers plusieurs pays, dont la Belgique, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité ».

10. L'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 prévoit que « sont exclus de l'application de la présente loi : (...) les contrats de crédits octroyés à titre occasionnel et sans but de lucre ».

Le caractère occasionnel et l'absence de but de lucre sont des conditions cumulatives : il suffit que l'une des deux conditions ne soit pas remplie pour que l'activité reste soumise à la Loi du 12 juin 1991.

En ce qui concerne la seconde condition, l'on entend par crédits effectués sans but de lucre, les conventions à tempérament incluant un chargement nul ou manifestement symbolique et pour autant que le vendeur ou prêteur ne soit pas un agent économique agissant comme professionnel. De telles conventions, en raison de leur nature, se rencontrent le plus souvent dans le cadre familial, et échappent de ce fait à tout contrôle et à toute surveillance.

Le but de lucre ne doit pas nécessairement découler directement du contrat de crédit lui-même. Il peut être indirect.


11. La cour d'appel constate que la demanderesse reproche à la défenderesse d'avoir octroyé des crédits en se fondant « sur la loi sur le crédit à la consommation qui met à charge de l'intermédiaire de crédit et du préteur des obligations précontractuelles et contractuelles d'information et de contrôle » mais que la défenderesse « justifie ces prêts par sa volonté de venir en aide à des amis ou des clients en difficultés temporaires dans des circonstances qu'elle détaille dans ses conclusions » (arrêt attaqué, p. 10).

Elle ajoute que « les prêts consentis par M. J. l'ont été afin : - de permettre le paiement de montants imprévus (une « surprime » d'assurance solde restant dû) - Mme J. et Mme C.; - d'éviter le non-paiement d'une échéance ponctuelle d'un crédit - Mme H. ; - de financer des frais de rapatriement et de soins - M. M. ; - de financer des frais d'études - M. M. » et que « quant aux prêts consentis par [la défenderesse], ils l'ont été afin: - de participer à un investissement à risque au Congo - M. D.; - d'aider des personnes qui se trouvaient en très graves difficultés financières - MM. C. et P.; - d'aider un ami de M. J. - M. G. » (arrêt attaqué, p. 10).

Ce faisant, la cour d'appel constate que les prêts ont été consentis à des clients de la défenderesse et que certains d'entre eux sont justifiés par la volonté d'aider ces clients en difficultés passagères, afin d'éviter notamment la dénonciation de crédits ou le non-paiement de primes d'assurance. S'agissant de clients de la défenderesse, il s'agissait de crédits ou d'assurances contractés par le biais de la défenderesse.

Après avoir constaté que la défenderesse invoque le caractère privé et à titre gratuit des cinq opérations réalisées par son gérant « à l'exception de celle consentie à M. M. qui a insisté pour rembourser M. J. avec des intérêts », la cour d'appel décide que « si M. J. était libre de consentir des prêts à des amis, il devait s'en abstenir dès lors que leurs bénéficiaires étaient également clients de la banque et qu'il était gérant de [la défenderesse] », que « la limite entre les liens d'amitié et professionnels est du reste très tenue dans certains cas », qu'« il en va ainsi des prêts consentis par M. J. pour assurer le paiement d'une « surprime » d'une assurance solde restant dû ou d'une mensualité d'un prêt hypothécaire » et que « cette latitude n'est en tout état de cause pas de mise en ce qui concerne [la défenderesse] qui n'agissait par définition que dans une sphère professionnelle » (arrêt attaqué, p. 11).

La cour d'appel souligne, ainsi, encore une fois que les crédits consentis par le gérant de la défenderesse l'ont été à des clients de la défenderesse (et de la demanderesse) et qu'ils étaient notamment destinés à garantir la bonne exécution d'un contrat d'assurance et d'un contrat de prêt hypothécaire contractés par le biais de la défenderesse. La cour d'appel souligne aussi que les crédits consentis par la défenderesse s'inscrivent, quant à eux, nécessairement dans la sphère professionnelle.
L'arrêt attaqué décide, ensuite, que « la violation de l'interdiction d'exercer une autre activité est également établie, [la défenderesse] n'étant pas autorisée à se livrer à une activité de crédit en dehors des crédit « Beobank » » mais que « c'est à juste titre en revanche que [la défenderesse] conteste l'application de la 1oi sur le crédit à la consommation au motif qu'en son article 3, § 1er, 5° (...), elle exclut de son champ d'application « les contrats de crédit octroyés à titre occasionnel et sans but de lucre » » et que « les prêts litigieux sont des opérations isolées et le versement par un seul de ses bénéficiaires d'intérêts n'implique pas dans le chef de [la défenderesse] la poursuite d'un but lucratif » (arrêt attaqué, pp. 11-12).

12. En constatant que la défenderesse et son gérant se sont livrés à des activités de crédit mais en décidant, ensuite, que ces activités n'étaient pas soumises à « la 1oi sur le crédit à la consommation » au motif que « les prêts litigieux sont des opérations isolées et le versement par un seul de ses bénéficiaires d'intérêts n'implique pas dans le chef de [la défenderesse] la poursuite d'un but lucratif », alors que l'existence d'un seul prêt contracté avec intérêt et donc but de lucre suffit pour considérer que la condition d'absence de but de lucre visée à l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 n'est pas remplie, de sorte que l'exclusion visée à cet article ne peut être appliquée puisque les conditions qu'il établit sont cumulatives, et que l'activité reste ainsi soumise à la Loi susmentionnée, l'arrêt attaqué viole l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 en faisant application de l'exclusion qu'il prévoit mais aussi l'article 2, alinéa 1, de cette Loi en ne l'appliquant pas.

En constatant que les crédits consentis par la défenderesse et son gérant l'ont été à des clients de la défenderesse et que certains d'entre eux sont justifiés par la volonté d'éviter la dénonciation de crédits ou le non-paiement de primes d'assurance ou mensualités d'emprunts mais en décidant, ensuite, que cette activité de crédit n'était pas soumise à « la 1oi sur le crédit à la consommation » au motif que « les prêts litigieux sont des opérations isolées et le versement par un seul de ses bénéficiaires d'intérêts n'implique pas dans le chef de [la défenderesse] la poursuite d'un but lucratif », alors que la condition d'absence de but de lucre visée à l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 exclut tout but de lucre direct ou indirect dans le chef du prêteur et alors que l'octroi de crédits en vue de permettre la bonne exécution d'un contrat conclu par l'intermédiaire du prêteur lui-même n'est pas désintéressé et revête nécessairement un but de lucre indirect, l'arrêt attaqué viole l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 en faisant application de l'exclusion qu'il prévoit mais aussi l'article 2, alinéa 1, de cette Loi en ne l'appliquant pas.


En constatant que les crédits consentis par la défenderesse l'ont été à des clients de celle-ci, que certains d'entre eux sont justifiés par la volonté d'éviter la dénonciation de crédits ou le non-paiement de primes d'assurance ou mensualités d'emprunts et que la défenderesse « n'agissait par définition que dans une sphère professionnelle » mais en décidant, ensuite, que cette activité de crédit n'était pas soumise à « la 1oi sur le crédit à la consommation » au motif que « les prêts litigieux sont des opérations isolées et le versement par un seul de ses bénéficiaires d'intérêts n'implique pas dans le chef de [la défenderesse] la poursuite d'un but lucratif », alors que la condition d'absence de but de lucre visée à l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 a pour objectif d'exclure des crédits effectués avec chargement nul ou manifestement symbolique, tel que ceux contractés dans la sphère familiale, pour autant que le prêteur ne soit pas un agent économique agissant comme professionnel, ce qui est nécessairement le cas d'un agent bancaire dont l'activité est précisément de consentir des crédits à la consommation au nom et pour le compte d'un prêteur, l'arrêt attaqué viole, encore une fois, l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 en faisant application de l'exclusion qu'il prévoit mais aussi l'article 2, alinéa 1, de cette Loi en ne l'appliquant pas.

Deuxième branche - « Non-respect des procédures relatives aux « apporteurs d'affaires » »

13. Conformément à l'article 63, § 3, alinéa 2, de la Loi du 12 juin 1991, « l'intermédiaire de crédit ne peut intervenir que pour des contrats de crédits conclus avec des prêteurs agréés » et « toute intermédiation pour un contrat de crédit à l'aide d'un sous-agent ou en qualité de sous-agent est interdite, sauf si l'intermédiaire de crédit est lui-même un prêteur agréé ou enregistré ».

Il découle de cette disposition qu'un agent bancaire ne peut faire appel aux services d'un sous-agent que dans la mesure où il est lui-même un prêteur agréé ou enregistré.

14. L'interdiction légale exprimée par l'article susmentionné de la Loi du 12 juin 1991 est, partant, absolue lorsque l'intermédiaire de crédit n'a pas la qualité de prêteur agréé ou enregistré et elle est, de surcroît, sanctionnée pénalement. Ceci souligne l'importance que consacre le législateur à cette prohibition et son caractère d'ordre public, comme toute disposition destinée à protéger l'épargne publique.

L'article 101, § 1, 18° de la Loi du 12 juin 1991 prévoit, en effet, qu'« est puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 26 à 100 000 euros ou d'une de ces peines seulement : (...) celui qui contrevient aux dispositions de l'article 63, § 3 » de cette même Loi.

15. Après avoir constaté que la demanderesse reproche à la défenderesse d'avoir collaboré avec deux apporteurs d'affaire, l'un courtier en assurances, l'autre en assurances et crédits, la cour d'appel rappelle la portée de l'article 63, § 3, alinéa 2, de la Loi du 12 juin 1991 et constate que « des contrats ont (...) été apportés par M. D. (courtier en crédits agissant sous la dénomination de « C. ») et qu'il n'est pas contesté qu'il était bien un intermédiaire de crédits » et que « certains des contrats apportés ont été signés hors de la présence de l'agent » (arrêt attaqué, pp. 12-13).

L'arrêt attaqué ajoute, toutefois, que « la violation par [la défenderesse] de certaines obligations n'emporte pas pour autant la démonstration de manquements graves justifiant une rupture immédiate du contrat », que le manquement susmentionné « n'était pas (...) de nature à justifier une rupture immédiate des relations », qu'« il résulte d'ailleurs du document établi par [la demanderesse] au sujet des normes de crédit que le non-respect notamment de l'interdiction de recourir à un intermédiaire de crédit est sanctionné par la suppression des pouvoirs conférés à l'agent en matière de crédit » et que « l'existence d'une sanction propre est l'indicateur que le manquement à cette interdiction n'était pas considéré comme particulièrement grave » (arrêt attaqué, pp. 9-15).

Ce faisant, la cour d'appel retient l'existence d'un manquement dans le chef de la défenderesse mais considère que celui-ci n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution immédiate du contrat d'agence sur pied de l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995.

16. En constatant que la défenderesse a commis un manquement dès lors que « des contrats ont (...) été apportés par M. D. (courtier en crédits agissant sous la dénomination de « C. ») et qu'il n'est pas contesté qu'il était bien un intermédiaire de crédits » mais en décidant, ensuite, que ce manquement ne revête pas une gravité suffisante de nature à justifier la résolution immédiate sur pied de l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995, alors qu'il est constitutif d'une violation de l'article 63, § 3, alinéa 2, de la Loi du 12 juin 1991 pénalement sanctionnée par l'article 101, § 1, 18° de cette même Loi, l'arrêt attaqué méconnait la notion légale de manquement « grave » et viole, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 et, pour autant que de besoin, les articles 63, § 3, alinéa 2, et 101, § 1, 18° de la Loi du 12 juin 1991.


En décidant que le manquement susmentionné dans le chef de la défenderesse ne revêt pas une gravité suffisante alors qu'il est constitutif d'une violation de l'article 63, § 3, alinéa 2, de la Loi du 12 juin 1991 pénalement sanctionnée par l'article 101, § 1, 18° de cette même Loi et faisant, par conséquent, partie de l'ordre public, l'arrêt attaqué méconnait le concept d'ordre public en privant ces dispositions légales de leur portée d'ordre public et viole, partant, lesdites dispositions légales ainsi que l'article 6 du Code civil.

Second rameau

17. Les règles relatives à la responsabilité contractuelle sont énoncées aux articles 1146 à 1151 du Code civil et ont vocation à s'appliquer en cas d'inexécution fautive, par une partie à un contrat, de ses obligations qui a causé un dommage à son cocontractant.

En vertu de ces dispositions légales mais également du principe général du droit visé au moyen, lorsqu'une personne, qu'un contractant s'est substituée pour exécuter une obligation contractuelle, commet une faute dans l'exécution de cette obligation, le contractant est lui-même contractuellement responsable du dommage causé par cette faute au cocontractant.

Ce principe est, notamment, consacré par les articles 1245, 1735, 1797, 1953 et 1994 du Code civil qui, eux-mêmes, consacrent la théorie de la représentation ou du remplacement en vertu de laquelle la faute commise par l'agent d'exécution ou le préposé, qui s'est substitué au contractant pour exécuter une obligation contractuelle mise à sa charge, doit être considérée comme la faute de ce contractant.

18. L'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 permet à une partie de résoudre le contrat d'agence commerciale sans préavis ou avant l'expiration du terme en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations.

Ce manquement grave est celui qui rend définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre celles-ci en raison d'une rupture du lien de confiance.

Il résulte expressément des travaux préparatoires de la Loi du 13 avril 1995 que cette disposition légale a été inspirée de l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail qui stipule, notamment, que « chacune des parties peut résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme pour un motif grave laissé à l'appréciation du juge et sans préjudice de tous dommages-intérêts s'il y a lieu » et qu'« est considérée comme constituant un motif grave, toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l'employeur et le travailleur ».
Le législateur a, ainsi, clairement indiqué que la notion de « manquement grave » en droit d'agence commerciale est basée mutatis mutandis sur celle de « manquement grave » en droit du travail et qu'elle revête, partant, une portée identique.

19. L'arrêt attaqué constate que « le 1er avril 2010, M. J. part en Afrique pour un séjour d'agrément », qu'« en son absence, il se fait remplacer par une employée, Mme B., qu'il contacte une fois par semaine pour se tenir au courant de la gestion de l'agence », que « le 5 juillet 2010, [la défenderesse] licencie Mme B. pour motif grave » suite à des irrégularités commises durant l'absence de son gérant et que « le courrier de rupture, signé par Mme B. » sous la mention « je reconnais les faits qui me sont reprochés », précise que « l'employée atteste l'authenticité et la présence des clients en agence dans 6 dossiers crédit signés chez un courtier à Verviers » » (arrêt attaqué, pp. 4, 7-8).

L'arrêt attaqué indique, ensuite, que « la notion de « manquement grave » contenue dans la loi de 1995 est identique à la notion de « motif grave» contenue dans la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail » (arrêt attaqué, p. 9).

Il constate l'existence d'un manquement dans le chef de la défenderesse eu égard à la violation des dispositions légales mentionnées au premier rameau de la présente branche et précise que « [la défenderesse] soutient en vain ne pas avoir été avisée de la qualité de M. D. dès lors que sa préposée, qui a traité avec M. D., ne l'ignorait pas » et qu'« en effet, [la défenderesse] a fait le choix de s'adjoindre une préposée à qui [elle] a confié le soin de remplacer son gérant durant l'absence de ce dernier » (arrêt attaqué, pp. 12-13).

L'arrêt attaqué constate, ainsi, l'existence d'un manquement dans le chef de la défenderesse mais rejette la défense de cette dernière consistant à se cacher derrière les faits commis par sa préposée.

L'arrêt attaqué ajoute, toutefois, que ledit manquement ne constitue pas un manquement grave au sens de la Loi du 13 avril 1995 car « la circonstance que [la défenderesse] a décidé de licencier Mme B. pour motif grave n'implique pas que les faits qui ont justifié ce licenciement constituaient nécessairement un manquement grave dans le chef de [la défenderesse], notamment eu égard à la longévité moindre de la relation de confiance nouée entre parties (7 ans pour Mme B., contre une relation de 25 ans avec [la défenderesse]) et le souhait légitime de [la défenderesse] de voir son autorité respectée au sein de l'agence » (arrêt attaqué, p. 15).


20. En constatant, d'une part, que la défenderesse a commis un manquement consistant en la violation des dispositions légales relatives aux apporteurs d'affaire et qu'elle ne peut invoquer la faute de sa préposée pour se décharger de sa responsabilité contractuelle mais en considérant, d'autre part, que ledit manquement ne revêt pas une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat d'agence sur pied de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995, alors que ce même manquement a pourtant justifié la résolution pour manquement grave du contrat de travail de la préposée sur pied de l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978 et alors que la notion de manquement grave est interprétée de manière identique dans les deux législations susmentionnées, l'arrêt attaqué méconnait la notion légale de manquement « grave » et viole, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995.

En constatant l'existence d'un manquement grave dans le chef de la préposée de la défenderesse dont cette dernière est contractuellement responsable vis-à-vis de la demanderesse mais en décidant, néanmoins, que ledit manquement ne revêt pas une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat d'agence sur pied de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995 de sorte à exonérer in fine la défenderesse de toute responsabilité contractuelle, alors qu'un manquement grave commis par un préposé est imputable au commettant, l'arrêt attaqué viole les articles 1146 à 1151 du Code civil, ainsi que le principe général du droit en vertu duquel la partie à un contrat qui fait appel à un agent d'exécution ou à un sous-traitant pour l'accomplissement de ses obligations contractuelles répond des fautes de ce dernier (et pour autant que de besoin la théorie de la représentation ou du remplacement).

Troisième branche - « Non-respect des procédures d'ouverture de comptes provisoires »

21. En vertu des articles 1146 à 1151 du Code civil et du principe général du droit visé au moyen, lorsqu'une personne qu'un contractant s'est substituée pour exécuter une obligation contractuelle commet une faute dans l'exécution de cette obligation, le contractant est lui-même contractuellement responsable du dommage causé par cette faute au cocontractant.

Ce principe est, notamment, consacré par les articles 1245, 1735, 1797, 1953 et 1994 du Code civil. Il a également été consacré par la théorie de la représentation ou du remplacement.

La faute commise par l'agent d'exécution ou le préposé doit, ainsi, être considérée comme la faute du contractant qui s'est substitué à celui-ci pour exécuter une obligation contractuelle mise à sa charge.

22. La notion de « manquement grave » reprise à l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995 est basée mutatis mutandis sur celle de « manquement grave » prévue à l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

23. L'arrêt attaqué constate que « le 1er avril 2010, M. J. part en Afrique pour un séjour d'agrément », qu'« en son absence, il se fait remplacer par une employée, Mme B., qu'il contacte une fois par semaine pour se tenir au courant de la gestion de l'agence », que « le 5 juillet 2010, [la défenderesse] licencie Mme B. pour motif grave » suite à des irrégularités commises durant l'absence de son gérant et que « le courrier de rupture, signé par Mme B. » sous la mention « je reconnais les faits qui me sont reprochés », précise que « l'employée atteste l'authenticité et la présence des clients en agence dans 6 dossiers crédit signés chez un courtier à Verviers » » (arrêt attaqué, pp. 4, 7-8).

L'arrêt attaqué indique, ensuite, que « la notion de « manquement grave » contenue dans la loi de 1995 est identique à la notion de « motif grave» contenue dans la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail » (arrêt attaqué, p. 9).

Examinant le troisième manquement grave invoqué par la demanderesse relatif au non-respect des procédures internes d'ouverture de comptes provisoires, l'arrêt attaqué constate que celui-ci « concerne, selon l'aveu de Mme B. fait à [la défenderesse], quatre dossiers », que « cette pratique, qui est en effet contraire aux instructions de la banque, est à mettre en lien avec l'apport de contrats de crédits par M. D. », que « les demandeurs de crédits apportés par M. D. n'étant pas client de la banque, Mme B. a dû ouvrir un compte provisoire pour abriter ces opérations » et que « contrairement aux instructions de [la demanderesse], Mme B. a artificiellement maintenu des comptes ouverts au-delà d'un jour, en y versant un montant minime (quelques centimes d'euros), afin d'éviter leur clôture automatique et de s'épargner des formalités administratives liées au réencodage des données des emprunteurs » (arrêt attaqué, pp. 13-14).

La cour d'appel décide, néanmoins, que ce manquement ne revêt pas une gravité suffisante au sens de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995 pour justifier la résolution du contrat d'agence par la demanderesse et se réfère, pour se faire, à la motivation retenue quant au deuxième manquement : « Il en va de même pour la dernière pratique, étant donné son caractère ponctuel et en l'occurrence non dommageable » (arrêt attaqué, p. 15). Elle avait estimé que le licenciement de la préposée pour motif grave sur pied de l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail n'impliquait pas l'existence d'un manquement grave dans le chef de la défenderesse au sens de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995.

24. En constatant, d'une part, que la préposée de la défenderesse a agi en violation des instructions de la demanderesse et de la défenderesse en ce qui concerne l'ouverture de comptes provisoires mais en considérant, d'autre part, que ledit manquement ne revêt pas une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat d'agence sur pied de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995, alors que ce même manquement a pourtant justifié la résolution pour manquement grave du contrat de travail de la préposée sur pied de l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978 et alors que la notion de manquement grave est interprétée de manière identique dans les deux législations susmentionnées, l'arrêt attaqué méconnait la notion légale de manquement « grave » et viole, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995.

En constatant l'existence d'un manquement grave dans le chef de la préposée de la défenderesse dont cette dernière est contractuellement responsable vis-à-vis de la demanderesse mais en décidant, néanmoins, que ledit manquement ne revêt pas une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat d'agence sur pied de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995 de sorte à exonérer in fine la défenderesse de toute responsabilité contractuelle, alors qu'un manquement grave commis par un préposé est imputable au commettant, l'arrêt attaqué viole les articles 1146 à 1151 du Code civil, ainsi que le principe général du droit en vertu duquel la partie à un contrat qui fait appel à un agent d'exécution ou à un sous-traitant pour l'accomplissement de ses obligations contractuelles répond des fautes de ce dernier (et pour autant que de besoin la théorie de la représentation ou du remplacement).

Développements

Le moyen unique reproche à l'arrêt attaqué de ne pas avoir retenu l'existence de certains manquements graves dans le chef de la défenderesse invoqués par la demanderesse à l'appui de sa résolution immédiate du contrat d'agence commerciale.

Le moyen est divisé en trois branches, chacune des branches étant relative à une catégorie de manquements.

1. L'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 permet à chacune des parties au contrat d'agence commerciale de résoudre ce contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations.

2. La notion de manquement grave est traditionnellement interprétée comme « la faute qui exclut toute possibilité de poursuivre la collaboration entre les parties que requiert l'exécution du contrat » .

Cette définition est largement adoptée en matière de distribution au sens large .

Les travaux préparatoires de la Loi du 13 avril 1995 se réfèrent, d'ailleurs, à « un manquement qui rend définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent et laissée à l'appréciation du juge » .

L'influence de la doctrine et de la jurisprudence en matière de droit du travail est également importante .

Les travaux préparatoires confirment, ainsi, que « cette définition s'inspire de la notion de motif grave inscrite dans la loi relative aux contrats de travail », que « pour pouvoir licencier quelqu'un immédiatement, il faut, d'après la philosophie de cette loi, que la confiance soit affectée à un point tel qu'une poursuite de la collaboration est définitivement impossible » et qu'« il est question dans ce cas d'une « rupture définitive de confiance » » .

Ils précisent même que « mutatis mutandis il y a une analogie avec la loi relative aux contrats de travail » et que cette disposition est « basée sur la notion de « licenciement pour motif grave » reprise de la loi relative aux contrats de travail »

3. Pour que la résolution immédiate du contrat d'agence commerciale soit justifiée, il faut être en présence d'un manquement qui soit fautif et suffisamment grave pour justifier la résolution. Les travaux préparatoires indiquent, en effet, très clairement que la notion de « manquement grave » regroupe « le terme subjectif « grave » et le terme objectif « manquement » » et que « concrètement, il faudra apprécier (...) si les éléments subjectifs et objectifs sont présents » .


4. En l'espèce, la première catégorie de manquements graves invoqués par la demanderesse concernait le non-respect des procédures d'octroi de crédits. Elle reprochait à la défenderesse d'avoir accordé à neuf de ses clients des prêts privés sous forme d'avances en liquide (parfois à des clients qui s'étaient vus refusés un prêt par la demanderesse) en violation - notamment - de :

- la Loi du 22 mars 2006 relative à l'intermédiation en services bancaires et en services d'investissement et à la distribution d'instruments financiers et la Circulaire B/93/5 du 21 octobre 1993 de la CBFA qui interdisent à l'agent d'exercer une autre activité professionnelle sans en avertir préalablement son mandant ;

- la Loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation qui soumet l'activité de prêteur à l'obtention d'un agrément dont la défenderesse n'était pas titulaire .

5. La décision de l'arrêt attaqué quant à cette première catégorie de manquements graves fait l'objet de la première branche. Elle est divisée en deux rameaux.

5.1. Le premier rameau se rapporte à la violation de la Loi du 22 mars 2006 qui consacre la Circulaire B/93/5.

5.1.1. L'article 10, § 3 de la Loi du 22 mars 2006 prévoit que l'agent bancaire n'est autorisé à exercer son activité d'intermédiation bancaire qu'au nom et pour le compte du mandant et qu'il ne peut exercer d'autres activités sans autorisation préalable du mandant.

L'article 2.1 de la Circulaire B/93/5 prévoyait aussi l'obligation d'exclusivité des agents délégués.

L'exclusivité et la transparence des activités exercées par l'agent vis-à-vis de son mandant est primordiale dans la mesure où l'article 10, § 4, alinéa 1 de la Loi du 22 mars 2006 prévoit que l'activité d'intermédiation est exercée sous la « responsabilité entière et inconditionnelle » du mandant qui « contrôle le respect par l'agent en services bancaires et en services d'investissement des dispositions de la présente loi et des arrêtés et règlements pris en vue de l'exécution de celle-ci ».


5.1.2. L'article 12, § 1 de la Loi du 22 mars 2006 énumère une série d'activités incompatibles avec l'activité d'intermédiation en services bancaires et d'investissement, dont l'exploitation d'une entreprise réglementée (1°).

L'article 2.2 de la Circulaire B/93/5 identifiait aussi les incompatibilités et cumuls de fonction interdits aux agents.

5.1.3. La violation des dispositions légales susmentionnées constitue une infraction pénale sanctionnée par une peine d'amende et/ou d'emprisonnement prévue(s) à l'article 21, § 1er, dernier tiret de la Loi du 22 mars 2006.

5.1.4. L'arrêt attaqué constate l'existence d'un manquement dans le chef de la défenderesse dans la mesure où elle a exercé une activité de crédit en-dehors de celle pour la demanderesse, en violation des règles établies par la Circulaire B/93/5, consacrées par la Loi du 22 mars 2006. Il estime néanmoins que ce manquement n'était pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat d'agence sur pied de l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995.

5.1.5. En constatant l'existence d'un manquement consistant en la violation des articles 10, § 3 et 12, § 1, 1° de la Loi du 22 mars 2006 mais en déniant toute gravité à un tel manquement alors qu'il constitue une infraction pénale sanctionnée par l'article 21, § 1er, dernier tiret, de cette même Loi, l'arrêt attaqué méconnait la notion légale de manquement « grave ». Il viole, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 et, pour autant que de besoin, les articles 10, § 3, 12, § 1, 1° et 21, § 1er, dernier tiret, de la Loi du 22 mars 2006.

En privant les dispositions légales susmentionnées de leur portée d'ordre public, il viole ces dispositions légales mais également le concept d'ordre public tel que consacré à l'article 6 du Code civil.

5.2. Le second rameau porte sur la violation de la Loi du 12 juin 1991.

5.2.1. En principe, la Loi du 12 juin 1991 est applicable aux contrats de crédit conclus entre un consommateur et un prêteur exerçant une activité de crédit à titre professionnel (article 2). Néanmoins, les contrats de crédit octroyés « à titre occasionnel et sans but de lucre » échapperont au champ d'application de la Loi du 12 juin 1991 (article 3).

5.2.2. Selon les travaux préparatoires, le caractère occasionnel et l'absence de but de lucre sont des conditions cumulatives, ce que le terme « et » confirme . Ceci contraste d'ailleurs avec l'ancien article 2, 2° de la Loi du 9 juillet 1957 où ces conditions étaient alternatives, ce qui avait donné lieu à beaucoup d'abus auxquels le législateur a souhaité mettre fin .

En conséquence, il suffit que l'une des deux conditions ne soit pas remplie pour que l'activité reste soumise à la Loi du 12 juin 1991.

5.2.3. En ce qui concerne la seconde condition, il est précisé dans les travaux préparatoires qu'« on entend par crédits effectués sans but de lucre, les conventions à tempérament incluant un chargement nul ou manifestement symbolique et pour autant que le vendeur ou prêteur ne soit pas un agent économique agissant comme professionnel » et que « de telles conventions, en raison de leur nature, se rencontrent le plus souvent dans le cadre familial, et échappent de ce fait à tout contrôle et à toute surveillance » .

Cette interprétation de l'exclusion légale est également confirmée par D. BLOMMAERT et F. NICHELS : « volgens zowel de memorie van toelichting als de minister zijn enkel die overeenkomsten bedoeld met een kostenpercentage van 0% of met een kostenpercentage van symbolische aard, en die gesloten worden in de familiekring of voor zover de uitlener geen economisch subject is die als professioneel optreedt" .

Ces auteurs précisent que le but de lucre ne doit pas nécessairement découler directement du contrat de crédit lui-même et citent, à titre d'exemple, le cas d'une vente assortie d'un crédit dont le coût ne dépasse pas le prix de la vente : le but de lucre dans le chef du vendeur se situe dans la conclusion de la vente. Ainsi, "het door de handelaar verstrekte gratis krediet is volgens de minister geen voldoende reden om dergelijke overeenkomsten aan het toepassingsgebied van de wet te onttrekken" .
Le but de lucre peut, ainsi, être indirect.

5.2.4. En l'espèce, la demanderesse faisait valoir que la défenderesse et son gérant avaient octroyé des crédits en violation de la Loi du 12 juin 1991 dès lors qu'ils ne disposaient pas de l'agrément pour ce faire. De son côté, la défenderesse ne contestait pas la réalité des crédits octroyés - ce que l'arrêt attaqué constate également - mais invoquait le caractère occasionnel et non lucratif de ceux-ci pour échapper à l'application de la Loi.

Si l'on identifie les différents prêts, tels que repris dans l'arrêt examiné et énumérés dans les conclusions de BSFAA, l'on constate ceci :

i. Madame J. : prêt consenti par le gérant à un client titulaire d'un crédit auprès de la demanderesse pour permettre le paiement imprévu d'une surprime d'assurance solde restant dû contractée par le biais de l'agence;

ii. Madame C. : prêt consenti par le gérant à un client titulaire d'un crédit auprès de la demanderesse pour permettre le paiement imprévu d'une surprime d'assurance solde restant dû contractée par le biais de l'agence;

iii. Madame H. : prêt consenti par le gérant à un ami pour éviter le non-paiement d'une échéance de crédit obtenu par la défenderesse ;

iv. Monsieur M. : prêt consenti par le gérant à un ami, avec intérêts, pour des frais de rapatriement et soins de santé ;

v. Monsieur M. : prêt consenti par le gérant à un ami pour financer des frais d'études ;

vi. Monsieur D. : prêt consenti par la défenderesse à un ami du gérant pour participer à un investissement à risque au Congo ;

vii. Monsieur C. : prêt consenti par la défenderesse pour aider un client en difficultés financières et lui permettre de payer son échéance de crédit auprès de la demanderesse ;

viii. Monsieur P. : prêt consenti par la défenderesse pour aider un client en difficultés financières et lui permettre de payer son échéance de crédit auprès de la demanderesse ;

ix. Monsieur G. : prêt consenti par la défenderesse pour aider un ami du gérant, compte tenu de leurs liens étroits.

A l'exception des cas (iv) (v) et (ix), l'octroi des crédits n'était pas désintéressé, quand bien même il n'y aurait pas de pourcentage (sauf pour un crédit) eu égard aux liens étroits qu'ils avaient avec l'activité professionnelle de la défenderesse.

Or, il résulte clairement des travaux préparatoires qu'un avantage indirect suffit pour que la condition de but de lucre soit rencontrée.

En outre, ces crédits - sauf les cas (iv) et (v) - s'inscrivent dans un cadre professionnel.

5.2.5. L'arrêt attaqué constate que les prêts ont été consentis à des clients de la défenderesse et que certains d'entre eux sont justifiés par la volonté d'aider des clients en difficultés passagères, afin d'éviter notamment la dénonciation de crédits ou le non-paiement de primes d'assurance et ainsi garantir la bonne exécution de contrats souscrits par le biais de la défenderesse. Il souligne aussi que les crédits consentis par la défenderesse s'inscrivent, quant à eux, nécessairement dans la sphère professionnelle.

La cour d'appel décide, néanmoins, que ces prêts échappent au champ d'application de la Loi du 12 juin 1991 dans la mesure où il s'agit d'« opérations isolées » et où « le versement par un seul de ses bénéficiaires d'intérêts n'implique pas dans le chef de [la défenderesse] la poursuite d'un but lucratif » (arrêt attaqué, pp. 11-12).

5.2.6. En décidant que les prêts litigieux échappent au champ d'application de la Loi du 12 juin 1991 alors que l'existence d'un seul prêt contracté avec intérêt et donc but de lucre suffit pour considérer que la condition d'absence de but de lucre visée à l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 n'est pas remplie, de sorte que l'exclusion visée à cet article ne peut être appliquée puisque les conditions qu'il établit sont cumulatives, et que l'activité reste ainsi soumise à la Loi susmentionnée, l'arrêt attaqué viole l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 en faisant application de l'exclusion qu'il prévoit mais aussi l'article 2, alinéa 1, de cette Loi en ne l'appliquant pas.

En constatant que les crédits consentis par la défenderesse et son gérant l'ont été à des clients de la défenderesse et que certains d'entre eux sont justifiés par la volonté d'éviter la dénonciation de crédits ou le non-paiement de primes d'assurance ou mensualités d'emprunts mais en décidant, ensuite, que cette activité de crédit n'était pas soumise à la Loi du 12 juin 1991, alors que la condition d'absence de but de lucre visée à l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 exclut tout but de lucre direct ou indirect dans le chef du prêteur et alors que l'octroi de crédits en vue de permettre la bonne exécution d'un contrat conclu par l'intermédiaire du prêteur lui-même n'est pas désintéressé et revête nécessairement un but de lucre indirect, l'arrêt attaqué viole l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 en faisant application de l'exclusion qu'il prévoit mais aussi l'article 2, alinéa 1, de cette Loi en ne l'appliquant pas.

En constatant que les crédits consentis par la défenderesse l'ont été à des clients de celle-ci, que certains d'entre eux sont justifiés par la volonté d'éviter la dénonciation de crédits ou le non-paiement de primes d'assurance ou mensualités d'emprunts et que la défenderesse agissait par définition dans une sphère professionnelle mais en décidant, ensuite, que cette activité de crédit n'était pas soumise à la Loi du 12 juin 1991, alors que la condition d'absence de but de lucre visée à l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 a pour objectif d'exclure des crédits effectués avec chargement nul ou manifestement symbolique, tel que ceux contractés dans la sphère familiale, pour autant que le prêteur ne soit pas un agent économique agissant comme professionnel, ce qui est nécessairement le cas d'un agent bancaire dont l'activité est précisément de consentir des crédits à la consommation au nom et pour le compte d'un prêteur, l'arrêt attaqué viole, encore une fois, l'article 3, § 1er, 5° de la Loi du 12 juin 1991 en faisant application de l'exclusion qu'il prévoit mais aussi l'article 2, alinéa 1, de cette Loi en ne l'appliquant pas.

6. La deuxième catégorie de manquements graves invoqués par la demanderesse concernait le recours, par la défenderesse, à deux apporteurs d'affaires sans autorisation préalable de la demanderesse et en violation de la Loi du 12 juin 1991.

Ce point fait l'objet de la deuxième branche qui est, elle-même, divisée en deux rameaux.

6.1. Le premier rameau se rapporte à la violation de la Loi du 12 juin 1991.

6.1.1. L'article 63, § 3, alinéa 2, de la Loi du 12 juin 1991 interdit à l'agent bancaire d'avoir recours aux services d'un sous-agent sauf s'il est lui-même un prêteur agréé ou enregistré.

L'agent bancaire qui ne respecterait pas cette disposition légale commettrait une infraction passible des sanctions pénales visées à l'article 101, § 1, 18° de la Loi du 12 juin 1991.


6.1.2. En l'espèce, la cour d'appel constate l'existence d'une violation de l'article 63, § 3, alinéa 2, de la Loi du 12 juin 1991 et retient l'existence d'un manquement dans le chef de la défenderesse. Elle considère, toutefois, que celui-ci n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution immédiate du contrat d'agence sur pied de l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995.

6.1.3. En constatant que la défenderesse a commis un manquement dès lors qu'elle a fait appel à un apporteur d'affaires mais en décidant, ensuite, que ce manquement ne revête pas une gravité suffisante de nature à justifier la résolution immédiate sur pied de l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995, alors qu'il est constitutif d'une violation de l'article 63, § 3, alinéa 2, de la Loi du 12 juin 1991 pénalement sanctionnée par l'article 101, § 1, 18° de cette même Loi, l'arrêt attaqué méconnait la notion légale de manquement « grave » et viole, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 et, pour autant que de besoin, les articles 63, § 3, alinéa 2, et 101, § 1, 18° de la Loi du 12 juin 1991.

6.1.4. En privant les dispositions légales susmentionnées de leur portée d'ordre public, il viole ces dispositions légales mais également le concept d'ordre public tel que consacré à l'article 6 du Code civil.

6.2. Le second rameau est relatif à la violation des règles en matière de responsabilité contractuelle.

6.2.1. Il est admis que « le cocontractant est responsable de l'inexécution de l'obligation contractuelle - sauf cause d'exonération - même lorsque cette inexécution est la conséquence du comportement d'un agent d'exécution auquel le contractant a eu recours » .

Votre Cour considère, ainsi, de manière constante qu'un contractant qui s'est fait de plein gré substituer par un tierce personne est responsable contractuellement des fautes commises par cette personne vis-à-vis de son cocontractant .

Ce principe vise les fautes commises par les auxiliaires ou agents d'exécution, en ce compris les personnes sous contrat de travail au sens de la Loi du 3 juillet 1978 .

Il trouve son fondement dans les articles 1146 à 1151 du Code civil ou, selon certains, dans la théorie de la représentation ou du remplacement qui implique que « l'auxiliaire peut être matériellement ou économiquement assimilé avec son commettant, de sorte que sa position juridique correspond à celle du commettant » et que « lorsque l'auxiliaire commet une faute dans l'accomplissement de sa mission (...) le commettant sera personnellement tenu responsable pour cette faute, vis-à-vis de son cocontractant » .

Votre Cour a déjà été interrogée quant à l'existence d'un principe général du droit en vertu duquel la partie à un contrat qui fait appel à un agent d'exécution ou à un sous-traitant pour l'accomplissement de ses obligations contractuelles répond des fautes de ce dernier .

Ce principe est, notamment, consacré par les articles 1245, 1735, 1797, 1953 et 1994 du Code civil .

6.2.2. Comme indiqué aux points 1 et 2 ci-avant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995 permet à une partie de résoudre le contrat d'agence commerciale sans préavis ou avant l'expiration du terme en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations.

Il résulte expressément des travaux préparatoires de la Loi du 13 avril 1995 que cette disposition légale a été inspirée de l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978. Le législateur a clairement indiqué que la notion de « manquement grave » en droit d'agence commerciale est basée mutatis mutandis sur celle de « manquement grave » en droit du travail et qu'elle revêt, partant, une portée identique .

6.2.3. Eu égard aux principes susmentionnés, le second rameau de la deuxième branche reproche à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que le manquement dans le chef de la défenderesse (consistant en la violation des dispositions légales relatives aux apporteurs d'affaire visées au premier rameau) ne revêtait pas une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat d'agence sur pied de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995 alors que ce même manquement a justifié la résolution pour manquement grave du contrat de travail de la préposée sur pied de l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978. La notion de manquement grave étant interprétée de manière identique dans les deux législations susmentionnées, l'arrêt attaqué ne pouvait constater l'existence de l'un mais exclure l'autre sans méconnaitre la notion légale de manquement « grave » et violer, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995.

En décidant ainsi, l'arrêt attaqué exonère in fine la défenderesse de toute responsabilité contractuelle pour les fautes commises par sa préposée et viole, partant, les articles 1146 à 1151 du Code civil, ainsi que le principe général du droit visé au moyen (et pour autant que de besoin la théorie de la représentation ou du remplacement) qui imputent les manquements d'un préposé à son commettant dans le cadre de sa relation contractuelle vis-à-vis du cocontractant.

7. La troisième catégorie de manquements invoqués par la demanderesse concernait le non-respect des procédures internes relatives à l'ouverture de comptes temporaires.

Ce point fait l'objet de la troisième branche, qui est fondée sur les mêmes principes que ceux exposés au point 6.2 ci-avant (second rameau de la deuxième branche).

En effet, il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, d'une part, constaté que la préposée de la défenderesse a agi en violation des instructions de la demanderesse et de la défenderesse mais, d'autre part, considéré que ledit manquement ne revêtait pas une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat d'agence sur pied de l'article 19 de la Loi du 13 avril 1995, alors que ce même manquement a justifié la résolution pour manquement grave du contrat de travail de la préposée sur pied de l'article 35 de la Loi du 3 juillet 1978. Dans la mesure où la notion de manquement grave est interprétée de manière identique dans les deux législations susmentionnées, l'arrêt attaqué ne pouvait constater l'existence de l'un mais exclure l'autre sans méconnaitre la notion légale de manquement « grave » et violer, partant, l'article 19, alinéa 1er, de la Loi du 13 avril 1995.

En décidant ainsi, l'arrêt attaqué exonère in fine la défenderesse de toute responsabilité contractuelle pour les fautes commises par sa préposée et viole, partant, les articles 1146 à 1151 du Code civil, ainsi que le principe général du droit visé au moyen (et pour autant que de besoin la théorie de la représentation ou du remplacement) qui imputent les manquements d'un préposé à son commettant dans le cadre de sa relation contractuelle vis-à-vis du cocontractant.


PAR CES CONSIDÉRATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigné conclut, qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, de casser et annuler l'arrêt attaqué, ordonner que mention en soit faite en marge de la décision annulée, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel et statuer comme de droit sur les dépens de la présente instance.

Bruxelles, le 5 octobre 2017

Pour la demanderesse
Son conseil,

Paul LEFEBVRE

Annexes :

1. Copie de l'exploit de signification de l'arrêt attaqué avec élection de domicile de la défenderesse;

2. L'original de l'exploit d'huissier constatant sa signification à la défenderesse sera joint à l'original du présent pourvoi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0568.F
Date de la décision : 23/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-23;c.17.0568.f ?

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