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20/04/2018 | BELGIQUE | N°F.17.0005.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2018, F.17.0005.F


N° F.17.0005.F
1. G. S. et
2. N. M.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domici

le.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 1...

N° F.17.0005.F
1. G. S. et
2. N. M.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 14 avril 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

L'article 15, § 3, de la convention entre le royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, dans sa version applicable au litige, prévoit, par dérogation aux paragraphes 1er et 2, et sous réserve d'autres dispositions de la convention, étrangères à l'espèce, que les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international sont considérées comme se rapportant à une activité exercée dans l'État contractant où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise et sont imposables dans cet État.
Il suit de cette disposition que le résident fiscal belge qui exerce un emploi salarié à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international est censé exercer cette activité au Grand-Duché de Luxembourg du seul fait que l'entreprise de transport au service de laquelle cet emploi est exercé y a son siège de direction effective.
L'arrêt, qui considère que, pour pouvoir bénéficier du régime d'exception de l'article 15, § 3, le demandeur doit prouver que l'entreprise qui l'emploie a son siège de direction effective au Grand-Duché de Luxembourg mais en outre « que son activité professionnelle de chauffeur de transports internationaux est exercée aussi partiellement au Luxembourg » et qui décide qu'à défaut de faire cette dernière preuve, le demandeur doit être taxé en Belgique sur ses rémunérations de chauffeur routier international, viole cette disposition.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du
fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liège, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal D. Batselé Chr. Storck


Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR: 1. S., G.,

2. M., N.,

demandeurs en cassation,

assistés et représentés par Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à 2000 Anvers, Amerikalei 187/302, où il est fait élection de domicile,

CONTRE: l'ETAT BELGE, SPF Finances, directeur régional des impôts directs, rue de Fragnée, 4000 Liège,

défendeur en cassation,

*
* *

A Messieurs les Premier Président et Président,

Mesdames et Messieurs les conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Mesdames, Messieurs,

Les demandeurs ont l'honneur de déférer à Votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre les parties en langue allemande le 14 avril 2016 par la cinquième chambre de la cour d'appel de Liège.


LES FAITS DE LA CAUSE ET ANTÉCÉDENTS DE LA PROCÉDURE

L'affaire soumise à votre appréciation porte sur l'impôt sur les revenus pour les exercices d'imposition 2010 et 2011.

Le demandeur, ayant son domicile en Belgique, travaille comme conducteur salarié de transport routier international pour le compte d'une entreprise de transports établie au Grand-Duché de Luxembourg, la ... En vertu de l'article 15, §3 de la Convention entre la Belgique et le Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions, les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international, sont considérées comme se rapportant à une activité exercée dans l'Etat contractant où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise et sont imposables dans cet Etat.

La cour d'appel constate que le demandeur a principalement livré des commandes pour deux entreprises belges, A.G. Krings-Maraite et Möbel Krings, qui avaient externalisé leurs services de transport vers le Luxembourg.

À la suite d'un contrôle le 31 août 2010 l'administration fiscale a décidé que le demandeur ne peut pas invoquer la dérogation de l'article 15, §3 CDI et que les revenus du demandeur sont imposables en Belgique.

Par avertissements-extrait de rôle des 20 juin 2012 et 7 juin 2012 les sommes de 15.006,78 euros (exercice d'imposition 2010) et de 12.991,13 euros (exercice d'imposition 2011) ont été recouvrés. La réclamation des demandeurs contre ladite cotisation a été rejetée par décision du 27 mars 2013.

2. Les demandeurs ont contesté cette décision par requête devant le tribunal de première instance d'Eupen.

Par jugement du 6 octobre 2014, le tribunal de première instance d'Eupen, a rejeté la demande des demandeurs.

3. Par requête du 17 décembre 2014, les demandeurs ont relevé appel de ce jugement.

Dans l'arrêt critiqué, l'appel est déclaré recevable, mais non fondé.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions légales violées

 L'article 15, § 3 de la Convention entre la Belgique et le Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et du Protocole final, signés à Luxembourg le 17 septembre 1970, et approuvés par la loi du 14 décembre 1972, tel que modifié par l'Avenant, signé le 11 décembre 2002 et approuvé par la loi du 17 décembre 2004, à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et le Protocole final y relatif, signés à Luxembourg, le 17 septembre 1970.

Décision attaquée

La cour d'appel déclare non fondée la demande des demandeurs et décide que les revenus du demandeur sont imposables en Belgique au taux normal de taxation, aux motifs suivants :

« Nach Prüfung der Akten der Parteien kommt der Gerichtshof zu dem Schluss, dass er sich der Meinung des Vordergerichts nur vorbehaltlos anschließen kann.
Gemäß Artikel 5 ESTGB sind die Einkünfte des Steuerpflichtigen zu versteuern, wenn dieser seinen Wohnsitz in Belgien hat.

Herr G. S., der seinen Wohnsitz in unserem Land hat, gibt zu Unrecht an, dass seine Einkünfte in Anwendung des Artikels 15, Absatz 3 DBA in Großherzogtum Luxemburg zu versteuern seien.

Er macht geltend, dass sein Arbeitsplatz in Luxemburg liege, weil sein Arbeitgeber seinen Sitz in diesem Land habe.

Insofern der Berufungskläger die Anwendung der Ausnahmeregelung des Artikels 15 Absatz 3 DBA beantragt, muss er alle Bedingungen für die Anwendung diese Ausnahmebestimmung nachweisen.

Es obliegt dem Steuerpflichtigen, der die Beweislast trägt und zugegeben hat, zumindest teilweise seine Berufstätigkeit in Belgien ausgeübt zu haben (Kabotagetransporte, s, die Aufstellung der Fahrten in Belgien, Unterlage 1 und 3 der Berufungskläger, s. auch den Brief vom 7, März 2013, Unterlage V/14 der Verwaltungsakte), die Ausnahmesituation, die dem Großherzogtum Luxemburg die Besteuerungshoheit zuweist, zu beweisen, damit die Ausnahmebestimmung des DBA zur Anwendung kommen kann.

Er muss somit den Ort der tatsächlichen Geschäftsleitung im Großherzogtum und die Ausübung seiner Berufstätigkeit als internationaler Transportfahrer auch teilweise in Luxemburg beweisen u.a. weil er z. B. die Aufträge am Sitz des Arbeitnehmers (Kriterium des Ortes der tatsächlichen Geschäftsleitung) erhält, oder nach Erhalt der Anweisungen des Arbeitgebers vor den Fahrten seinen Lastwagen in diesem Land abholt und nach den Fahrten sein Fahrzeug nach Luxemburg zurückbringt.

In seinem Entscheid vom 28.0ktober 2011 (Nr. F.09.0156) hat der Kassationshof ausdrücklich entschieden, dass die außerhalb des luxemburgischen Territoriums erbrachten Leistungen berücksichtigt werden müssen, um die Steuerbasis in Belgien festzulegen (s. Unterlage V/22 der Steuerakte).

Im vorliegenden Fall zeigen die vom Berufungskläger vorgelegten manchmal unleserlichen und vereinzelt undatierten CMR-Frachtbriefe und Transportdokumente, weiche die Identität des Fahrers nicht wiedergeben, dass der Steuerpflichtige keineswegs auch teilweise seine Berufstätigkeit in Luxemburg ausgeübt hat, sondern lediglich dass der Fahrer die Aufträge in Belgien erhalten hat, weil die CMR-Dokumente als Ort der Übernahme der transportierten Güter immer Sankt-Vith angeben und die Bestimmungsorte in anderen Ländern (Deutschland, Frankreich... und Belgien) bezeichnen (s. Unterlagen 2 und 4 der Akte der Berufungskläger).

Er hat niemals bewiesen, dass er seine Tätigkeit auf dem Territorium des Großherzogtums Luxemburg ausgeführt hat (s. auch sein Schreiben vom 19. Dezember 2011 : "Tatsächlich transportieren wir Ware nach verschiedenen europäischen Länder... Es ist nicht notwendig, dass der Transport vom Sitz-Land des Arbeitsgebers ausgeht" Unterlage IV/34 der Verwaltungsakte).

Darüber hinaus ist unbestritten, dass der Steuerpflichtige ebenfalls als Monteur der gelieferten Möbelstücke und nicht ausschließlich als Transporteur gearbeitet hat (s. den Arbeitsvertrag vom 31. Januar 2009 Unterlage IV/23) obwohl die Firma ... lediglich eine Transportfirma ist und keine Möbel verkauft, so dass der Artikel 15, Absatz 3, der ausschließlich internationale Transportfahrer betrifft, offensichtlich nicht anwendbar ist (s. auch und vergleich. Appel, Lüttich 19. September 2012 und 4. September 2013 AZ Nr, 2009/RG/2013, Unterlage VII/54 bis 57 der Verwaltungsakte).

Die von den Berufungsklägern zitierte Rechtsprechung des Kassationshofes vom 5. November 2000 und 9. November 2007 ist somit nicht übertragbar.
In dem vorliegenden Fall ist hingegen der Artikel 15, Absatz 1 DBA zweifelsohne anwendbar (s. Appel. Lüttich 7. September 2011, AZ 2009/RG/172 in der Sache Willems; VII/1 bis 7 der Verwaltungsakte; Appel Lüttich 26. Juni 2009 2008 RG/872 in der Sache Grosjean, VII/8 bis 14). Von einer willkürlichen Besteuerung kann unter den gegebenen Umständen keineswegs die Rede sein, weil die Steuerverwaltung die gesetzlichen Bestimmungen richtig angewandt hat

Die Einkünfte des Berufungsklägers sind somit in Belgien zum normalen Steuertarif zu veranlagen, da der Berufungskläger nicht beweist, dass er die Voraussetzungen für eine Steuerbefreiung für die Gesamtheit oder für einen Teil seiner Einkünfte erfüllt. »
(arrêt attaqué, p. 6-8)

Traduction libre :

« Après examen des pièces des parties, la cour d'appel conclut qu'elle ne peut que se rallier à la conviction du premier juge.

En vertu de l'article 5 CIR92 les revenus du contribuable sont imposables lorsque celui-ci a son domicile en Belgique.

[Le demandeur] qui a son domicile dans notre pays, relève à tort que ses revenus sont imposables au Grand-Duché de Luxembourg en application de l'article 15, troisième alinéa de la CDI. Il soutient que son lieu de travail est situé au Luxembourg, puisque son employeur a son siège dans ce pays.

Pour autant que [le demandeur] invoque la dérogation de l'article 15, alinéa 3 de la CDI, il lui incombe de prouver toutes les conditions d'application de cette dérogation.

Il incombe au contribuable, qui a la charge de la preuve et a admis avoir, au moins partiellement, exercé son emploi en Belgique (transports de cabotage, v. la liste des trajets en Belgique, pièces 1 et 3 du [demandeur], v. également la lettre du 7 mars 2013, pièce V/14 du dossier administratif), de prouver la situation d'exception, suite à laquelle le pouvoir d'imposition est attribué au Grand-Duché de Luxembourg, et pour cette raison la dérogation CDI peut s'appliquer.

Il doit dès lors prouver le siège de direction effective au Grand-Duché et l'exercice de son emploi de transporteur international partiellement au Luxembourg, parce que p.e. il reçoit les ordres à la résidence de l'employé (critère du siège de direction effective), ou, après la réception des directions de l'employeur pour les trajets, il va chercher le camion dans ce pays ou ramène son véhicule au Luxembourg après le trajet.

Dans son arrêt du 28 octobre 2011 (F.09.0156) la Cour de cassation a décidé de manière explicite que, pour déterminer l'assiette des impôts en Belgique, les prestations effectuées hors du territoire luxembourgeois doivent être prises en compte.

En l'espèce, les lettres de voiture CMR et documents de transport parfois illisibles et, rarement, non datés, produites par [le demandeur], auxquelles l'identité du conducteur ne figure pas, démontrent que le contribuable n'a pas du tout également exercé son emploi partiellement au Luxembourg, mais simplement que le conducteur a reçu les ordres en Belgique, tandis que les documents CMR indiquent toujours comme lieu de transfert des biens transportés Sankt-Vith et des destinations dans d'autres pays (Allemagne, France... et Belgique) (v. Pièces 2 et 4 [du demandeur]).

La circonstance que [le demandeur] est rémunéré par un employeur luxembourgeois, n'est juridiquement pas pertinente pour l'appréciation de la cause.

Il n'a jamais prouvé qu'il a exercé son emploi sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg (v. également sa lettre du 19 décembre 2011 : « nous transportons en effet des biens vers plusieurs pays européens... il n'est pas nécessaire que le transport émane du pays siège de l'employeur », pièce IV/34 du dossier administratif).

Il n'est en outre pas contesté que le contribuable a également travaillé comme monteur des meubles livrés et qu'il n'a pas exclusivement travaillé comme transporteur (v. Convention du travail du 31 janvier 2009, pièce IV/23) tandis que la firme ... n'est qu'une firme de transport et ne vend pas de meubles, de sorte que l'article 15, alinéa 3, qui ne s'applique qu'au transporteur international, ne s'applique clairement pas (v. également et comp. Liège, 19 septembre 2012 et 4 septembre 2013, 2009/RG/2013, pièce VII/54 à 57 du dossier administratif).

La jurisprudence de la Cour de cassation du 6 novembre 2000 et 9 novembre 2007 citée par [le demandeur] n'est dès lors pas transposable.

En revanche, l'article 15, alinéa premier CDI s'applique incontestablement en l'espèce (Liège 7 septembre 2011, 2009/RG/172 dans l'affaire Willems ; VII/1 à 7 du dossier administratif ; Liège 26 juin 2009, 2008/RG/872 dans l'affaire Grosjean, VII/8 à 14). Il n'est dès lors pas question d'une imposition arbitraire, l'administration fiscale ayant appliqué les dispositions légales de manière correcte.
Les revenus du contribuable sont donc imposables en Belgique au taux normal de taxation, [le demandeur] ne prouvant pas qu'il satisfait aux conditions pour l'exonération fiscale pour l'ensemble ou une partie de ses revenus. »

Griefs

Première branche

En vertu de l'article 15, § 1er de la Convention entre le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et le Protocole final y relatif (ci-après nomme la CDI), les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat.

Par dérogation au § 1, les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international, sont considérées comme se rapportant à une activité exercée dans l'Etat contractant où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise et sont imposables dans cet Etat (article 15, §3 de la CDI).

L'article 15, §3 s'applique lorsque le contribuable exerce un emploi à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international. Il incombe au contribuable de prouver, d'une part, son emploi à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international et, d'autre part, le siège de la direction effective de l'entreprise. Cependant, l'article 15, §3 CDI ne subordonne pas l'exercice de l'emploi à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international à une présence physique du salarié dans l'État où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise.

La cour d'appel décide que le demandeur doit prouver le siège de direction effective au Grand-Duché de Luxembourg et l'exercice de son emploi de transporteur international, au moins partiellement, sur le territoire du Luxembourg. La cour d'appel décide que le demandeur n'a pas du tout exercé son emploi sur le territoire du Luxembourg, de sorte que l'article 15, §3 de la CDI ne peut pas s'appliquer.

En décidant que, pour que l'article 15, §3 de la CDI s'applique, le contribuable doit prouver qu'il a exercé son emploi, au moins partiellement, dans l'État où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise, la cour d'appel ajoute à l'article 15, §3 de la CDI une condition qu'il ne contient pas (violation de l'article 15, § 3 de la Convention entre la Belgique et le Luxembourg et vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et du Protocole final, signés à Luxembourg le 17 septembre 1970, et approuvés par la loi du 14 décembre 1972, tel que modifié par l'Avenant, signé le 11 décembre 2002 et approuvé par la loi du 17 décembre 2004, à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et le Protocole final y relatif, signés à Luxembourg, le 17 septembre 1970).

Deuxième branche

En vertu de l'article 15, § 1er de la Convention entre le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et le Protocole final y relatif (ci-après nomme la CDI), les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat.

Par dérogation au § 1, les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international, sont considérées comme se rapportant à une activité exercée dans l'Etat contractant où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise et sont imposables dans cet Etat (article 15, §3 de la CDI).

L'article 15, §3 CDI ne requiert pas que le contribuable ait exclusivement exercé son emploi à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international. Pour que cette dérogation s'applique, il suffit que le contribuable ait principalement exercé son emploi à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international.

La cour d'appel constate que le demandeur a également travaillé comme monteur des meubles livrés et en déduit que l'article 15, §3 CDI ne s'applique pas en l'espèce.
En décidant de la sorte que l'article 15, §3 ne s'applique que lorsque le contribuable a exercé son emploi exclusivement à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international, la cour d'appel viole l'article 15, § 3 de la Convention entre la Belgique et le Luxembourg et vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et du Protocole final, signés à Luxembourg le 17 septembre 1970, et approuvés par la loi du 14 décembre 1972, tel que modifié par l'Avenant, signé le 11 décembre 2002 et approuvé par la loi du 17 décembre 2004, à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et le Protocole final y relatif, signés à Luxembourg, le 17 septembre 1970.

DEVELOPPEMENTS

Dans sa version originale, l'article 15, §3 GDI était rédigé comme suit :

« Par dérogation aux §§ 1 et 2 et sous la réserve mentionnée au § 1er, les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un navire ou d'un aéronef exploité en trafic international ou à bord d'un bateau servant à la navigation intérieure en trafic international, sont considérés comme se rapportant et une activité exercée dans l'Etat contractant où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise et sont imposables dans cet Etat. »

L'article 15, §3 CDI n'était donc pas applicable aux rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international. Les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international étaient soumises à l'application de l'article 15, §1 CDI.

Dans son arrêt du 6 novembre 2000 (F.99.0085.F) votre cour a décidé que l'article 15, §1 ne subordonne pas l'exercice de l'emploi dans l'autre Etat contractant à une présence physique permanente du salarié dans cet Etat pendant l'exercice de son activité.

Votre Cour a notamment considéré

« que l'arrêt constate que le défendeur est domicilié à Eupen et qu'il exerce une activité professionnelle de chauffeur international au service d'une entreprise de transports établie au Grand-Duché de Luxembourg;

Que l'arrêt considère qu'un tel chauffeur "qui roule à travers toute l'Europe pour une entreprise de transports luxembourgeoise et qui ne se trouve que rarement sur le territoire national (minuscule) du Grand-Duché lors de l'exercice de son activité a bel et bien son port d'attache professionnel auprès de son employeur" et qu'"il faut, en conséquence, constater que le (défendeur) a exercé son activité pour son employeur luxembourgeois au Grand-Duché de Luxembourg";

Qu'ainsi, sur la base d'une appréciation qui gît en fait, les juges d'appel ont pu estimer que le défendeur pouvait être considéré comme ayant exercé son emploi au Grand-Duché de Luxembourg et ont justifié légalement leur décision d'annuler les impositions établies en Belgique ».

Cette jurisprudence de votre cour a été confirmée dans la nouvelle rédaction de l'article 15, §3 CDI. En vertu de cette disposition, les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international, sont considérées comme se rapportant à une activité exercée dans l'Etat contractant où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise et sont imposables dans cet Etat. Cette disposition ne subordonne pas l'exercice de l'emploi salarié à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international à une présence du salarié dans l'État contractant où est situé le siège de la direction effective de l'entreprise.

Cette disposition ne requiert pas davantage que l'emploi soit exercé exclusivement à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international. Il suffit que cet emploi soit exercé principalement à bord d'un véhicule routier exploité en trafic international.

En décidant que le demandeur ne peut pas invoquer la dérogation de l'article 15, §3 CDI aux motifs qu'il ne prouve pas qu'il a exercé son emploi sur le territoire du Grand- Duché de Luxembourg et qu'il n'a pas exclusivement travaillé comme transporteur, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision.

Par ces moyens et considérations, l'avocat à la Cour de cassation soussigné conclut, pour les demandeurs, qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué, renvoyer la cause et les parties devant la cour d'appel de Liège, autrement composée, et statuer sur les dépens comme de droit.

Anvers, le 17 janvier 2017

Johan Verbist

Annexes

1. La déclaration pro fisco
2. L'exploit de signification du présent pourvoi au défendeur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.17.0005.F
Date de la décision : 20/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-20;f.17.0005.f ?

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