La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2018 | BELGIQUE | N°F.16.0132.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2018, F.16.0132.F


N° F.16.0132.F
J.-L. P., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme D. D.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

1. VILLE DE STAVELOT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Stavelot, en l'hôtel de ville, place Saint-Remacle, 32,
2. VILLE DE MALMEDY, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont étab

lis à Malmedy, en l'hôtel de ville, rue Jules Steinbach, 1,
défenderesses en cassation,
r...

N° F.16.0132.F
J.-L. P., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme D. D.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

1. VILLE DE STAVELOT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Stavelot, en l'hôtel de ville, place Saint-Remacle, 32,
2. VILLE DE MALMEDY, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Malmedy, en l'hôtel de ville, rue Jules Steinbach, 1,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 mars 2015 par la cour d'appel de Liège.
Le 28 mars 2018, le premier avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le premier avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par les défenderesses et déduite du défaut d'intérêt :

L'arrêt ne décide pas que, si l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 avait pour portée d'interdire les taxes litigieuses, il conviendrait d'en refuser l'application pour contrariété à la Constitution.

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par les défenderesses et déduite de ce qu'il serait mélangé de fait et de droit :

L'examen du moyen ne requiert pas de déterminer si la société D. D. était assujettie à l'impôt des sociétés.

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par les défenderesses et déduite du défaut d'intérêt :

La considération de l'arrêt que la taxe sur les spectacles et divertissements « n'est pas similaire aux centimes additionnels établis sur la base des impôts [énumérés à l'article 464, 1°, précité] » ne peut être dissociée de celle que cette taxe « n'est pas perçue sur la base ni même sur le montant [desdits] impôts ».

Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.

Sur le fondement du moyen :

En vertu de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable au litige, les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier.
Une taxe locale qui, à l'instar des impôts sur les revenus, frappe des revenus est interdite en raison de l'identité de l'assiette imposable.
Tel est le cas d'une taxe communale frappant les spectacles et divertissements qui est calculée sur les recettes brutes qui en sont tirées.
L'arrêt, qui considère que « l'article 464 du Code des impôts sur les revenus 1992 n'interdit pas aux communes de percevoir une taxe sur les recettes brutes des exploitants de spectacles et divertissements », viole cette disposition.
Le moyen est fondé.
Et les questions préjudicielles proposées par les défenderesses, qui reposent sur la prémisse inexacte qu'à l'inverse d'une taxe sur les revenus nets, une taxe locale sur les revenus bruts ne présenterait pas assez de similarité avec les impôts sur les revenus, ne doivent pas être posées à la Cour constitutionnelle.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal D. Batselé Chr. Storck


Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR : Maître J.-L. P., en sa qualité de curateur à la faillite de la société anonyme D. D.,
Demandeur en cassation, assisté et représenté par Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de Cassation soussignée, ayant son cabinet à 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras 6, chez qui il est fait élection de domicile,

CONTRE : 1. La ville de Stavelot, représentée par son Collège communal, ayant son siège administratif à 4970 Stavelot, place Saint Remacle, 32,

2. La ville de Malmedy, représentée par son Collège communal, ayant son siège administratif à 4960 Malmedy, rue J. Steinbach,1,

Défenderesses en cassation,

* * *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, composant la Cour de Cassation,

Messieurs,
Mesdames,

Le demandeur en cassation a l'honneur de déférer à la censure de Votre Cour l'arrêt, rendu le 4 mars 2015 par la neuvième chambre civile de la Cour d'appel de Liège (R.G. : 2012/RG/1712).

FAITS ET RETROACTES

La société anonyme D. D. fut l'organisateur du Grand Prix de Belgique de Formule 1 en date du 11 septembre 2005 sur le circuit de Spa Francorchamps, situé à la fois sur le territoire de la commune de Stavelot et sur celui de la commune de Malmedy.

Le 11 août 2005 le conseil communal de la commune de Stavelot a voté un règlement-taxe sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006.

L'article 1 du règlement-taxe énonce que :
« Il est établi, pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, une taxe communale sur les spectacles et /ou divertissements.
Sont visés les spectacles et/ou les divertissements accessibles au public et pour lesquels il y a une perception à charge de tout ou partie de ceux qui y assistent ou y prennent part.
La taxe est due sur le montant intégral des prix d'entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que toutes autres perceptions, généralement quelconques ».

L'article 2, dernier alinéa, précise que : « Dans le cas où un spectacle se déroule à la fois sur le territoire de la commune et sur le territoire d'une commune voisine, moyennant un tarif unique pour les deux communes, la taxe est calculée conformément au présent règlement et est due à la commune de Stavelot à concurrence de 50 % de son montant ».

L'article 3 du règlement prévoit différents taux de taxation. Ensuite, la taxe litigieuse est assise sur les recettes hors TVA du spectacle ou divertissement, chaque tranche du chiffre d'affaires étant taxée de manière dégressive.

Le 20 juillet 2005 le conseil communal de la commune de Malmedy a également voté un règlement-taxe sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, dont l'article 1 énonce que :
« Il est établi, pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, une taxe communale sur les spectacles et /ou divertissements.
Sont visés les spectacles et/ou les divertissements accessibles au public et pour lesquels il y a une perception à charge de tout ou partie de ceux qui y assistent ou y prennent part.
La taxe est due sur le montant intégral des prix d'entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que la totalité des perceptions, déduction faite du montant de la TVA ».

Le règlement prévoit des taux différents selon la nature du spectacle. Ensuite la taxe litigieuse est assise sur les recettes brutes hors TVA du spectacle ou divertissement, chaque tranche du chiffre d'affaires étant taxée de manière dégressive.

Par jugement du 31 octobre 2005 la société a été déclarée en faillite par le Tribunal de commerce de Liège.

Le 23 novembre 2005 un avertissement-extrait de rôle a été établi par la ville de Stavelot pour l'exercice 2005. Le montant de la taxe fut fixé à 1.380.930,34 euros.

Par lettre reçue le 2 mars 2006 le curateur à la faillite a introduit une réclamation qui fut rejetée par décision du 22 juin 2011 par le collège communal de la commune de Stavelot.

Par requête déposée le 23 septembre 2011 le curateur a porté la contestation devant le Tribunal de première instance de Liège.

Le 9 décembre 2005 un avertissement-extrait de rôle a été établi par la ville de Malmedy pour l'exercice 2005. Le montant de la taxe fut fixé à 1.380.930,34 euros.

Par lettre reçue le 2 mars 2006 le curateur à la faillite a introduit une réclamation. Par décision du 6 septembre 2011 le collège communal de la commune de Malmedy a rejeté la réclamation.

Par requête déposée le 2 décembre 2011 le curateur a porté la contestation devant le Tribunal de première instance de Liège.

Par jugement du 26 octobre 2012 le Tribunal de première instance de Liège a joint les deux causes, a dit la première requête recevable et fondée, annulé la taxe sur les spectacles et divertissements reprise au rôle pour l'exercice 2005 sous le numéro 000001 du rôle de la commune de Stavelot, a dit la seconde requête recevable et fondée, annulé la taxe sur les spectacles et divertissements reprise au rôle pour l'exercice 2005 sous le numéro 000001 du rôle de la commune de Malmedy, et a condamné in solidum les communes de Stavelot et de Malmedy aux dépens du curateur, liquidés à la somme unique de 16.500 euros.

Les défenderesses ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 4 mars 2015 la Cour d'appel de Liège a déclaré l'appel recevable et fondé, a réformé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des causes et a déclaré les requêtes recevables, a dit pour droit que le montant en principal des taxes dues par le curateur aux communes est ramené à 622.432,6 euros pour la ville de Stavelot et à 620.325,15 euros pour la ville de Malmedy et que le montant des accroissements est réduit à 10 % des taxes dues, et a condamné le curateur aux dépens des deux instances des parties appelantes liquidés au montant non contesté de 16.500 euros par instance.

Le demandeur estime pouvoir présenter les moyens développés ci-après à l'encontre de cet arrêt.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

-article 159 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994,
- articles 6, 24, 1°, 183, 185 et 464, spécialement 1°, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 avril 2014, du Code des impôts sur les revenus 1992,
- articles 1 et 3 du règlement-taxe du 11 août 2005 de la commune de Stavelot sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006,
-articles 1 et 3 du règlement-taxe du 20 juillet 2005 de la commune de Malmedy sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006,

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 4 mars 2015 la Cour d'appel de Liège a déclaré l'appel des défenderesses recevable et fondé, a réformé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des causes et a déclaré les requêtes recevables, a dit pour droit que le montant en principal des taxes dues par le curateur aux communes est ramené à 622.432,6 euros pour la ville de Stavelot et à 620.325,15 euros pour la ville de Malmedy et que le montant des accroissements est réduit à 10 % des taxes dues, et a condamné le curateur aux dépens des deux instances des parties appelantes liquidés au montant non contesté de 16.500 euros par instance, ce après avoir considéré :

« Quant à la contrariété éventuelle des taxes communales à l'article 464, 1° du code d'impôt sur les revenus 1992 :

Attendu qu'il y a lieu d'examiner comme l'indique (le demandeur), si les taxes litigieuses sont compatibles avec l'article 464, 1° du code d'impôt sur les revenus, (le demandeur) soutenant le contraire ;

Attendu que l'article 464 du code d'impôt sur les revenus 92 qui interdit aux communes d'établir des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts (sauf le précompte immobilier) (souligné par la cour) déroge au principe inscrit à l'article 170, § 4 de la Constitution qui prévoit le principe de l'autonomie fiscale des communes, en sorte que la règle est de stricte interprétation ;

Qu'il est donc hors de question de l'interpréter par analogie ;

Que la taxe sur les spectacles et divertissements n'est pas perçue sur la base, ni même sur le montant des impôts énumérés à l'article 464, 1° du code d'impôt sur les revenus et n'est pas similaire aux centimes additionnels établis sur la base des impôts qui y sont énumérés ;

Qu'elle est due indépendamment de l'existence d'un bénéfice quelconque ;

Qu'elle est perçue sur une des composante du chiffre d'affaire (les recettes liées au spectacle) ;

Que la taxe sur les spectacles et divertissements ne constitue pas une taxe directe en ce qu'elle ne vise pas une situation stable mais qu'elle est fonction du nombre d'entrées des spectateurs et qu'elle frappe donc des opérations passagères qui doivent se renouveler pour donner lieu une nouvelle fois à l'impôt, ce qui correspond bien à la notion d'impôt indirect (...) ».
Que l'article 464 du code d'impôt sur les revenus, provenant de l'article 354 du code d'impôt sur les revenus 1964, lui-même issu de l'article 83 des lois coordonnées précédant le code d'impôts sur les revenus 1964, introduit par l'article 34 de la loi du 17 décembre 1948 relatif aux finances communales, doit être interprété à la lumière de l'article 36, 2° de la même loi qui a aboli, à partir de l'exercice 1949, les taxes établies au profit de l'Etat sur les spectacles ou divertissements, le législateur ayant entendu abandonner aux communes la taxe établie par l'Etat afin d'accroître le potentiel fiscal des autorité locales (Doc.parl. Chambre, session 1947-1948, n°492 ; p. 11 et 12 ; Doc.Parl. Sénat, session 1947-1948, n° 492, p.10 et 11) ;

Que précisément ces taxes étaient établies par la loi du 28 février 1920 étaient prélevées sur les recettes de l'exploitant pour être ristournées partiellement aux communes (loi du 7 juin 1926 et du 22 janvier 1931 en sorte qu'il n'est pas douteux que le législateur a voulu par cette abrogation, transférer la compétence de taxation aux communes sur des bases identiques (voir circulaire du 31 octobre 1949 du ministre de l'intérieur préconisant un règlement-type) ;

Que la jurisprudence du Conseil d'Etat l'a expressément reconnu dans plusieurs arrêts (C.E. n° 199454 et 199.455 du 12 janvier 2010 rendus en assemblée générale !, R.Dr.com. 2010/3 p.87 et suivantes, note Sépulchre) lesquels se sont appuyés sur les travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 (v. aussi V. Sépulchre, note sous C.E. n° 199.454 et 199.455 précités, Rev.dr.com. 2010, liv.3, p.98).

Que le Conseil d'Etat s'est référé aux travaux préparatoires non pour interpréter l'article 34 (devenu l'article 464,1° du code d'impôt sur les revenus) mais pour déterminer si les taxes communales sur le spectacles et divertissements autorisées par l'article 36 de la loi de 1948 précitée pouvaient être proportionnelles aux recettes, ce qu'il a expressément reconnu dans ses rapports longuement motivés ;

Qu'il doit ainsi être admis que l'article 464 du code d'impôt sur les revenus 92 n'interdit pas aux communes de percevoir une taxe sur les recettes brutes des exploitants de spectacles et divertissements, ce que la cour constitutionnelle a expressément reconnu dans son arrêt du 16 février n° 19/2012 rendu sur question préjudicielle du Conseil d'Etat du 3 mars 2011 (considération B.6.3) puisqu'elle souligne que la seule prohibition qui s'impose aux communes consiste à ne pas établir de taxes calculées sur la base de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés ;

Que la deuxième partie du dispositif de l'arrêt ne laisse aucun doute sur l'interprétation conforme à la constitution selon laquelle l'article 464, 1° du code d'impôt sur les revenus n'est pas réputé interdire aux communes de lever une taxe, notamment à l'égard des spectacles et divertissements, sur les recettes brutes générées par les droits d'entrée ou sur les revenus bruts (v. aussi Appel Liège 25 juin 2014, RG 2013/50 et RG 2011/383) ;

Que l'argumentation développée par (le demandeur) méconnaît la portée exacte de l'arrêt de la cour Constitutionnelle cité ci-avant qui indique bien que les dispositions normatives doivent être interprétées dans le sens d'une conformité à la constitution dans la mesure où une telle interprétation est possible ;

Que c'est d'ailleurs vainement que (le demandeur) invoque un ultime arrêt de la cour de cassation du 20 septembre 2013 relatif à une taxe sur les hôtels totalement étranger à l'hypothèse soumise à la cour eu égard à l'article 36 de la loi du 17 décembre 1948 précitée »,

Griefs

En vertu de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel que d'application avant la modification par la loi du 19 avril 2014, les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier.

L'article 83 des anciennes lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus, tel qu'il a été remplacé par l'article 34 de la loi du 24 décem-bre 1948 concernant les finances provinciales et communales, est à l'origine de cette disposition.

Cet article 83 disposait initialement que : « Les provinces et les communes ne sont pas autorisées à établir des centimes additionnels aux impôts cédulaires sur les revenus ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts. Exception est faite, toutefois, en ce qui concerne la contribution foncière ». Les termes de l'article 83 des lois coordonnées devaient être adaptés en raison de l'abandon du système cédulaire en faveur du système actuel des impôts sur les revenus et a, dès lors, été remplacé par l'article 70 de la loi du 20 novembre 1962 portant réforme des impôts sur les revenus.

Le nouvel article 83 des mêmes lois coordonnées a interdit aux provinces et communes d'établir des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier.

Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 que l'article 34 précité - et par conséquent aussi l'article 464, 1°, ultérieur du Code d'impôt sur les revenus 1992 - contient une attribution de compétences pour les provinces et les communes qui ne les autorise qu'à établir des centimes additionnels à la contribution foncière (actuellement le précompte immobilier).

Quand le texte de l'article 83 des lois coordonnées sur les impôts sur les revenus a été adapté en 1962 en raison de la transition vers le système actuel des impôts sur les revenus, cette interprétation a été reconfirmée durant les travaux préparatoires.

La loi ne contient pas uniquement une interdiction faite aux provinces et aux communes d'établir des centimes additionnels à l'impôt sur les revenus, exception faite du précompte immobilier, mais elle leur interdit aussi d'établir des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts.

En raison de la séparation voulue par le législateur de la fiscalité locale et de la fiscalité de l'État, la similarité des taxes doit en effet être appréciée du point de vue de la base de calcul.

Une taxe communale générale qui est fondée sur un des éléments essentiels déterminant directement la base de l'impôt sur les revenus constitue, dès lors, une taxe similaire interdite au sens de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992.

La circonstance qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales que le législateur entendait laisser la taxe sur les spectacles et divertissements, établie auparavant au profit du royaume, aux communes et provinces, ne peut pas avoir pour conséquence que la limitation de la compétence fiscale des autorités locales contenue à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus soit considérée comme non-écrite, dès lors que le législateur n'a pas expressément dérogé à limitation de la compétence d'imposition communale contenue à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus précité et aux dispositions qui le précédaient.

Une taxe communale sur les spectacles et divertissements, calculée sur le chiffre d'affaire réalisé, diminué de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur celui-ci, ou encore sur le montant brut de toutes les recettes, déduction faite de la taxe sur la valeur ajoutée qui y est appliquée, constitue une taxe similaire interdite dans la mesure où le chiffre d'affaire ou ces revenus constituent un élément essentiel qui est pris en considération pour fixer l'assiette de l'impôt sur les revenus à charge du débiteur de cette taxe.

En l'occurrence l'article 1 du règlement-taxe de la commune de Stavelot du 11 août 2005 énonce qu'il est établi, pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, une taxe communale sur les spectacles et/ou divertissements, laquelle est due sur le montant intégral des prix d'entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que toutes autres perceptions, généralement quelconques.

Aux termes de l'article 3 dudit règlement, pour les autres spectacles ou divertissements non spécialement désignés par le règlement, les taux de la taxe sont arrêtés comme suit :
a) sur les recettes hors TVA du spectacle ou divertissement : 13,5 % pour un chiffre d'affaires jusque 6.197.338 euro , 10 % pour un chiffre d'affaires de 6.197.339 euro à 8.676.273 euro , 7,5 % pour un chiffre d'affaires de 8.676.273 euro à 11.155.208 euro , 5 % pour un chiffre d'affaires de 11.155.208 euro à 14.873.611 euro et 2,5 % à partir de 14.873.611 euro ,
b) sur les recettes hors TVA afférentes aux consommations et autres prestations non obligatoires : 13,5 %.

De même, l'article 1 du règlement-taxe de la commune de Malmedy du 20 juillet 2005 dispose qu'il est établi, pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, une taxe communale sur les spectacles et /ou divertissements, laquelle est due sur le montant intégral des prix d'entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que la totalité des perceptions, déduction faite du montant de la TVA.

Aux termes de l'article 3 dudit règlement, pour les autres spectacles ou divertissements non spécialement désignés par le règlement, les taux de la taxe sont arrêtés comme suit :
a) sur les recettes brutes hors TVA du spectacle ou divertissement : 13,5 % pour un chiffre d'affaires de 0,00 euro à 6.197.338 euro , 10 % pour un chiffre d'affaires de 6.197.339 euro à 8.676.273 euro , 7,5 % pour un chiffre d'affaires de 8.676.273 euro à 11.155.208 euro , 5 % pour un chiffre d'affaires de 11.155.208 euro à 14.873.611 euro et 2,5 % à partir de 14.873.611 euro ,
b) 13,50 % des recettes brutes afférentes aux consommations et autres prestations non obligatoires, déduction faite de la taxe sur la valeur ajoutée.

L'article 3 des deux règlements concernés prévoit ainsi différents taux de taxation selon la tranche des revenus bruts. Ensuite, la taxe litigieuse est assise sur les recettes hors TVA du spectacle ou divertissement, chaque tranche du chiffre d'affaires étant taxée de manière dégressive.

Il s'ensuit que les deux règlements frappent la totalité des revenus bruts de l'organisateur du spectacle ou divertissement, soit un élément composant la base de calcul de l'impôt des sociétés.

En effet, aux termes de l'article 6 du Code des impôts sur les revenus 1992 le revenu imposable est constitué de l'ensemble des revenus nets, diminué des dépenses déductibles. L'ensemble des revenus nets est égal à la somme des revenus nets des catégories suivantes : 1° les revenus des biens immobiliers ; 2° les revenus des capitaux et biens mobiliers ; 3° les revenus professionnels ; 4° les revenus divers.

L'article 183 du Code des impôts sur les revenus 1992 dispose que sous réserve des dérogations prévues au titre III les revenus soumis à l'impôt des sociétés ou exonérés dudit impôt sont, quant à leur nature, les mêmes que ceux qui sont envisagés en matière d'impôt des personnes physiques ; leur montant est déterminé d'après les règles applicables aux bénéfices.

En vertu de l'article 185, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices, y compris les dividendes distribués.

Aux termes de l'article 24, 1° du Code des impôts sur les revenus les bénéfices des entreprises industrielles, commerciales ou agricoles quelconques sont ceux qui proviennent de toutes les opérations traitées par les établissements de ces entreprises ou à l'intermédiaire de ceux-ci.

Les recettes de la société, provenant des spectacles ou divertissements qu'elle organise, constituent dès lors un élément essentiel qui détermine directement la base de l'impôt des sociétés.

La cour d'appel constate d'ailleurs explicitement que la taxe « est perçue sur une des composante du chiffre d'affaire (les recettes liées au spectacle) ».

Il s'ensuit qu'en imposant une taxe sur le montant intégral des prix d'entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que la totalité des perceptions, déduction faite du montant de la TVA, les deux défenderesses ont institué une taxe interdite similaire à l'impôt sur les revenus des sociétés.

Or, en vertu de l'article 159 de la Constitution les cours et tribunaux n'appliquent les règlements et ordonnances généraux, provinciaux et locaux que pour autant qu'ils sont conformes aux lois.

Partant, en considérant pouvoir appliquer les règlements-taxes précités, alors qu'il ressort des articles 1 et 3 desdits règlements ainsi que des constatations de l'arrêt entrepris clairement que ceux-ci taxent la recette des organisateurs de spectacles ou divertissements, soit un élément essentiel, composant la base de l'impôt sur les revenus, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision, faisant application d'un règlement non conforme à la loi (violation des articles 159 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994, 6, 24, 1°, 183, 185, 464, 1°, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 avril 2014, du Code des impôts sur les sociétés 1992, 1 et 3 du règlement-taxe du 11 août 2005 de la commune de Stavelot sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, 1 et 3 du règlement-taxe du 20 juillet 2005 de la commune de Malmedy sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006).

DEVELOPPEMENTS

La décision entreprise va en l'encontre de la jurisprudence de Votre Cour, qui a notamment décidé en 2008 qu' « il ressort notamment des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 que l'article 34 précité - et par conséquent aussi l'article 464, 1°, ultérieur du Code des impôts sur les revenus 1992 - contient une attribution de compétences pour les provinces et les communes qui ne les autorise qu'à établir des centimes additionnels à la contribution foncière (actuellement le précompte immobilier). Quand le texte de l'article 83 des lois coordonnées sur les impôts sur les revenus a été adapté en 1962 en raison de la transition vers le système actuel des impôts sur les revenus, cette interprétation a été reconfirmée durant les travaux préparatoires. La loi ne contient pas uniquement une interdiction faite aux provinces et aux communes d'établir des centimes additionnels à l'impôt sur les revenus, exception faite du précompte immobilier, mais elle leur interdit aussi d'établir des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts. »

Votre Cour poursuivait en observant que « En raison de la séparation voulue par le législateur de la fiscalité locale et de la fiscalité de l'État, la similarité des taxes doit être appréciée du point de vue de la base de calcul. Une taxe communale générale qui est fondée sur un des éléments constitutifs essentiels déterminant directement la base de l'impôt sur les revenus constitue, dès lors, une taxe similaire interdite au sens de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992. » (Cass. 10 octobre 2008, Pas. 2008, n° 538, et Arr.Cass. 2008, 2176, concl. Av. gén. Thijs) (c'est nous qui soulignons).

Dans sa conclusion précédant cet arrêt l'Avocat Général D. Thijs précisait que la notion « base de l'impôt » ne peut pas être interprétée en ce sens que seuls les éléments qui sont retenus comme base de calcul de l'impôt sur les revenus, tel que les revenus nets des biens immobiliers et les revenus nets et produits des biens mobiliers et capitaux seraient visés. Les éléments (components) qui forment cette base ne sont pas davantage disponibles pour les communes. Il estimait qu'une interprétation plus restrictive viderait la disposition pour une grande partie de son sens et partant, et serait contraire à la séparation voulue par le législateur de la fiscalité locale et de la fiscalité de l'État (conclusion de l'Avocat Général D. Thijs précédant Cass. 10 octobre 2008, Arr.Cass. 2008, 2176).

Dans sa conclusion précédant l'arrêt du 19 septembre 2013 l'Avocat général Thijs soulignait que l'interprétation de l'article 464, 1° CIR92 par la Cour Constitutionnelle, à laquelle se réfère l'arrêt entrepris, était très contestable à la lumière du ratio legis de l'article 461, 1° CIR92 (Cass. 19 septembre 2013, Arr.Cass. 2013, 1883, concl. Av. gén. Thijs, not. 1887) (voir aussi P. Seutin, La légalité des taxes locales sur spectacles et divertissements au regard de l'article 464, 1° du C.I.C. : Cour de Cassation vs. Conseil d'Etat, RGCF 2010/5, 337 et suiv.).

Ces principes se retrouvent dans les arrêts qui Votre Cour a rendu par après.

Une taxe locale qui se fonde sur un des éléments essentiels déterminant directement l'assiette des impôts sur les revenus, constitue une taxe similaire interdite (Cass. 5 mai 2011, Pas. 2011, n° 301; Cass. 24 mai 2012, Pas. 2012, n° 335 ; Cass. 24 mai 2012, F.11.0052.N., Arr.Cass. 2012, 1401; Cass. 24 mai 2012, F.11.0053.N., Pas. 2012, n° 336, et Arr.Cass. 2012, 1407, concl. Av. gén. Thijs; Cass. 24 mai 2012, Pas. 2012, n° 337; Cass. 19 septembre 2013, Pas. 2013, n° 466, et Arr.Cass. 2013, 1883; Cass. 20 septembre 2013, F.12.0084.F., Pas. 2013, n° 471 ; Cass. 13 février 2014, Pas. 2014, n° 115, et Arr.Cass. 2014, 408, concl. Av. gén. Thijs).

Dans l'arrêt du 10 décembre 2009 qui concernait une taxe communale sur les spectacles et divertissements la Cour de Cassation décidait que :
« 2. Une taxe locale qui est fondée sur une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette des impôts sur les revenus, constitue une taxe similaire interdite.
3. Une taxe communale sur les spectacles et divertissements, calculée sur le chiffre d'affaire réalisé, diminué de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur celui-ci, constitue une taxe similaire interdite dans la mesure où le chiffre d'affaire constitue un élément essentiel qui est pris en considération pour fixer l'assiette de l'impôt sur les revenus à charge du débiteur de cette taxe. » (Cass. 10 décembre 2009, Pas. 2009, n° 737, et Arr.Cass. 2009, 2985, concl. Av. gén. Thijs) (c'est nous qui soulignons).

Dans son arrêt du 13 février 2014, qui se rapportait également à une taxe sur les spectacles et divertissements, Votre Cour décidait :
« 3. La circonstance qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales que le législateur entendait laisser la taxe sur les spectacles et divertissements, établie auparavant au profit du royaume, aux communes et provinces, ne peut pas avoir pour conséquence que la limitation de la compétence fiscale des autorités locales contenue à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus soit considérée comme non-écrite, dès lors que le législateur n'a pas expressément dérogé à limitation de la compétence d'imposition communale contenue à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus précité et aux dispositions qui le précédaient.

4. Une taxe communale frappant les concerts, représentations cinématographiques, vidéo et érotiques qui est calculée sur le montant brut de toutes les recettes, déduction faite de la taxe sur la valeur ajoutée qui y est appliquée, constitue une taxe similaire interdite visée à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus pour les organisateurs de concerts et de représentations qui sont soumis à l'impôt des personnes physiques et des sociétés, dès lors que ces revenus sont un élément essentiel pour déterminer l'assiette de ces impôts sur les revenus.

5. Les juges d'appel ont constaté que le règlement-taxe communal applicable a pour assiette imposable les recettes brutes des concerts et représentations.

6. Sur la base de cette constatation, les juges d'appel ont pu légalement décider qu'à l'égard des organisateurs qui sont soumis à l'impôt des personnes physiques ou des sociétés, le règlement-taxe est contraire à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus » (Cass. 13 février 2014, Pas. 2014, n° 115, et Arr.Cass. 2014, 408, concl. Av. gén. Thijs).

Il est suffisant qu'il existe un lien étroit avec le chiffre d'affaires pour conclure à une taxe interdite.

Ainsi Votre Cour décidait qu' « une taxe communale sur la mise en location de chambres dans des entreprises d'hébergement, qui est calculée sur la base d'un chiffre d'affaires qui n'est pas le chiffre d'affaires réel mais qui y est étroitement lié, constitue une taxe similaire interdite dès lors que le chiffre d'affaires est un élément essentiel qui est pris en compte pour l'établissement de l'assiette des impôts sur les revenus » (Cass. 19 septembre 2013, Pas. 2013, n° 466, et Arr.Cass. 2013, 1883). (c'est nous qui soulignons).

Ainsi, est une taxe similaire la taxe communale, qui est calculée sur le chiffre d'affaire réalisé, diminué de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur celui-ci, dans la mesure où le chiffre d'affaire constitue un élément essentiel qui est pris en considération pour fixer la base de l'impôt sur les revenus qui est levé à charge du débiteur de cette taxe (Cass. 10 décembre 2009, Pas. 2009, n° 737, concl. M.P. ; Cass. 5 mai 2011, Pas. 2011, n° 301 ; Cass. 24 mai 2012, F.2011.57.N., concl. M.P.) qui est calculé sur la base qui n'est pas le chiffre d'affaire réel, mais qui y est étroitement lié (Cass. 19 septembre 2013, Pas. 2013, n° 466).

Or, en l'espèce, il ressort clairement des règlements communaux en question que la taxe était établie sur les recettes hors TVA du spectacle ou divertissement, soit un élément un élément essentiel qui est pris en considération pour fixer l'assiette de l'impôt sur les revenus à charge du débiteur de cette taxe. La cour d'appel constate d'ailleurs elle-même explicitement que la taxe « est perçue sur une des composante du chiffre d'affaire (les recettes liées au spectacle) ».

Il s'ensuit qu'elle n'a pas pu décider légalement qu'il ne s'agissait en l'espèce pas de taxes similaires interdites.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Dispositions et principe général violés

-articles 10, 11, 159 et 172 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994,
-articles 1 et 3 du règlement-taxe du 11 août 2005 de la commune de Stavelot sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006,
-articles 1 et 3 du règlement-taxe du 20 juillet 2005 de la commune de Malmedy sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006,
-principe général du droit interdisant au juge d'appliquer une norme, notamment un règlement local, contraire à une disposition supérieure,

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 4 mars 2015 la Cour d'appel de Liège a déclaré l'appel des défenderesses recevable et fondé, a réformé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des causes et a déclaré les requêtes recevables, a dit pour droit que le montant en principal des taxes dues par le curateur aux communes est ramené à 622.432,6 euros pour la ville de Stavelot et à 620.325,15 euros pour la ville de Malmedy et que le montant des accroissements est réduit à 10 % des taxes dues, et a condamné le curateur aux dépens des deux instances des parties appelantes liquidés au montant non contesté de 16.500 euros par instance, ce après avoir considéré :

« Quant à l'éventuelle violation du principe constitutionnel d'égalité :

Attendu que (le demandeur) prétend que les règlements-taxes litigieux violeraient les principes visés aux articles 10, 11 et 172 de la constitution ;

Que (le demandeur) fait valoir que la seule justification donnée par les règlements à l'imposition serait la situation financière de la commune, aucune des communes ne produisant de dossier administratif de nature à éclairer la cour sur les objectifs desdits règlements alors que ceux-ci opèrent des distinction entre différentes catégories de spectacles (spectacles forains, cinématographiques, parc d'attraction, circuit de karting...) ;

Attendu que la Cour de Cassation a rappelé que « les règles constitutionnelles relatives à l'égalité entre les Belges et à la non-discrimination en matière fiscale ne font pas obstacle à ce qu'un traitement fiscal différent soit établi à l'égard d'une certaine catégorie de personnes pour autant que cette différence soit objectivement et raisonnablement justifiée à la lumière de la juste proportionnalité entre les moyens utilisés et le but visé » (Cass. 14 novembre 2000, Bull. 2000, n° 630) ;

Que « l'exigence de justification objective et raisonnable n'implique pas que l'autorité publique qui opère une distinction entre les catégories de contribuables doive fonder celle-ci sur des constatations et des faits devant être prouvées concrètement devant le juge, ni apporter la preuve que la distinction ou l'absence de distinction aura nécessairement des effets déterminés » ;

Qu'il suffit qu'il apparaisse raisonnablement qu'il existe ou peut exister une justification objective pour ces différentes catégories (Cass. 14 mars 2008, F.06.0084)

Qu'il convient d'observer par ailleurs une distinction entre les deux règlements, les dispositions étant différentes ;

2.1. Quant à la ville de Stavelot :

Que l'article 3 du règlement litigieux établit plusieurs catégories distinctes de contribuables soumis à des taux différents (fard I, art. 3.1 à 3.4 selon qu'il s'agit d'un parc d'attraction (4,5%), d'un circuit de karting (4,5%) ou d'un divertissement forain (8 %) ou encore d'un autre spectacle 13,5 % sur la première tranche et dégressif pour le surplus) dans le cadre d'une appréciation qui relève de la seule autonomie communale ;

Qu'il n'est pas démontré que ces catégories seraient arbitraires parce qu'elles visent manifestement des contribuables faisant partie de catégories différentes dont les situations ne sont pas comparables comme l'indique la ville en page 18 de ses conclusions à savoir le droit d'utiliser des attractions qui diffère du droit d'entrée exigé du spectateur pour jouir du droit d'assister à un spectacle ;

Qu'il est vain de la part (du demandeur) de soutenir dans ces conditions l'existence d'une discrimination non objectivement justifiable ;

2.2. Quant à la ville de Malmedy :

Attendu que le seul taux préférentiel concerne les spectacles cinématographiques menacés notamment constamment par les diffusions télévisées, spectacles soumis à un taux réduit ou exemptés lorsqu'il s'agit de films documentaires à caractère artistique ou d'éducation populaire ;

Que ces spectacles cinématographiques diffèrent donc manifestement de celui offert par (le demandeur) ;

Qu'il y a lieu de relever que les distinctions opérées par les communes dans les règlements-taxes peuvent se justifier dans la mesure où celles-ci peuvent estimer que l'organisateur de certains spectacles aggrave plus ou moins lourdement leurs charges notamment en matière de sécurité, en fonction du type de spectacle, de la régularité et de la fréquence de ceux-ci, de l'affluence d'un public différencié et qu'elles peuvent souhaiter favoriser certains types de divertissements notamment ceux qui sont organisés dans un but culturel et non lucratif ;

(...)

Qu'il ne peut être perdu de vue que l'autorité communale tire son pouvoir de taxation de l'article 170, § 4 de la Constitution et qu'il lui appartient, à elle seule, dans le cadre de son autonomie fiscale, pour autant que, sous le contrôle de l'autorité de tutelle, l'établissement de l'impôt ne viole pas la loi ou ne blesse pas l'intérêt général, de déterminer les bases et l'assiette des impositions dont elle apprécie la nécessité au regard des besoins, auxquelles elle estime devoir pourvoir, sous la réserve imposée par la Constitution, à savoir la compétence du législateur d'interdire aux communes de lever certains impôts ;

Que dans le cadre de l'exercice de cette autonomie, l'autorité communale peut a priori dans un but financier, décider de taxer les spectacles et divertissements et déterminer les taux de la taxe applicables aux différentes catégories d'exploitants de spectacles sans devoir apporter d'autre justification ;

Qu'il revient au contribuable qui se prétend injustement discriminé, d'apporter la preuve d'une discrimination non objectivement et raisonnablement justifiable confinant à l'arbitraire ;

Que prétendre notamment exiger qu'une commune motive les taux différenciés de la taxe applicable aux catégories distinguées de redevables est dénué de fondement et clairement excessif sous peine d'annihiler complètement l'autonomie communale sous prétexte de respecter un principe de non-discrimination ;

Qu'établir un impôt implique nécessairement une distinction entre ceux qui y sont soumis, mêmes à des taux différenciés et ceux qui y échappent et que cette distinction ne peut être écartée comme inconstitutionnelle que si elle repose sur des bases non susceptibles de justification objective et raisonnablement admissibles (cf. notamment C.E. arrêt n° 200.075 du 26 janvier 2010) ;

Qu'une rupture d'égalité n'existe qu'en cas de distinction arbitraire, soit « lorsque l'autorité administrative applique un régime différents à des personnes qui se trouvent dans une même situation objective et impersonnelle » (cf. par ex. C.E. n° 200.075 du 26 janvier 2010 ; C.E. ,n° 180.380 du 4 mars 2008) et que les règles d'égalité et de non-discrimination consacrées par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution s'opposent également à ce que des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes, soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable (cf. Cass. 10.12.2009, F.08.0020.N., www.juridat.be);

Qu'en définitive les règlements-taxes litigieux non formellement motivés peuvent être implicitement considérés comme justifiés comme tout règlement-taxe par la situation financière de la commune et l'équilibre budgétaire à atteindre pour autant qu'il n'opère pas de distinctions qui ne seraient pas objectivement justifiables ;

Que l'appréciation des finances d'une collectivité relève d'un jugement d'opportunité » du Conseil communal démocratiquement élu, jugement dont le contrôle ne peut être exercé que par l'autorité de tutelle (cf. E. Willemart, Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal, Bruylant, 1999, p. 61) ;

Qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit à une commune, lorsqu'elle établit une taxe justifiée par l'état de ses finances, de la faire porter par priorité sur certaines activités de spectacles et de divertissements qu'elle estime plus génératrices de charges et d'inconvénients (...) ;

Qu'en l'espèce (le demandeur) ne démontre pas l'existence d'une discrimination non objectivement justifiable et qu'elle tente de se comparer avec d'autres exploitations qui diffèrent manifestement de la sienne »

Grief

En vertu de l'article 159 de la Constitution ainsi que le principe général du droit interdisant au juge d'appliquer une norme, notamment un règlement local, contraire à une disposition supérieure, les cours et tribunaux n'appliquent les règlements et ordonnances généraux, provinciaux et locaux que pour autant qu'ils sont conformes aux lois.

Les règles constitutionnelles de l'égalité des Belges et de la non-discrimination en matière d'impôts, consacrées par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, ne font pas obstacle à ce qu'un traitement financier différent soit instauré à l'égard de certaines catégories de personnes pour autant que cela soit justifié de manière objective et raisonnable.

Cette justification doit être contrôlée à la lumière du but et des conséquences de la taxe instaurée et du caractère raisonnable du rapport entre les moyens utilisés et le but poursuivi.

Le principe d'égalité sera violé lorsqu'il apparaît qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

L'appréciation de l'existence d'un rapport raisonnable se fait à la lumière des faits, qui ont conduit jadis l'autorité compétente à adopter le règlement critiqué.

S'il n'est pas requis que la justification ressort immédiatement du seul règlement attaqué, encore faut-il en pareil cas que l'objectif pouvant raisonnablement justifier la différence de traitement qui en découle apparaisse du dossier constitué au cours de son élaboration ou puisse être déduit du dossier administratif constitué par son auteur.

En l'occurrence, la cour d'appel constate quant à la ville de Stavelot qu'il n'est pas démontré que les catégories distinctes, à savoir parc d'attraction, circuit de karting ou divertissement forain ou en encore un autre spectacle, seraient arbitraires, parce qu'elles visent manifestement des contribuables faisant partie de catégories différentes, dont les situations ne sont pas comparables, « à savoir le droit d'utiliser des attractions qui diffère du droit d'entrée exigé du spectateur pour jouir du droit d'assister à un spectacle ».

Quant à la ville de Malmedy la cour d'appel constate que le seul taux préférentiel concerne les spectacles cinématographiques menacés notamment constamment par les diffusions télévisées, spectacles soumis à un taux réduit ou exempté lorsqu'il s'agit de films documentaires à caractère artistique ou d'éducation populaire et conclut que ces spectacles cinématographiques diffèrent donc manifestement de celui offert par la société faillie.

La cour d'appel admet dès lors que dans les deux règlements les catégories retenues se distinguent objectivement.

Toutefois, la seule existence de différentes catégories selon un critère objectif ne justifie pas encore un traitement différent desdites catégories. Ledit traitement différent doit encore être raisonnablement justifié, ce qui doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la taxe établie ainsi que d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Si, en l'occurrence, la cour d'appel considère quant au règlement communal de Stavelot « qu'il n'est pas démontré que ces catégories seraient arbitraires parce qu'elles visent manifestement des contribuables faisant partie de catégories différentes dont les situations ne sont pas comparables » (page 7 de l'arrêt entrepris) et quant au règlement communal de Malmedy « que ces spectacles cinématographiques diffèrent donc manifestement de celui offert par [la société faillie] » (page 8 de l'arrêt entrepris) et si la cour d'appel constate de manière générale « que les distinctions opérées par les communes dans les règlements-taxes peuvent se justifier dans la mesure où celles-ci peuvent estimer que l'organisateur de certains spectacles aggrave plus ou moins lourdement leurs charges notamment en matière de sécurité, en fonction du type de spectacle, de la régularité et de la fréquence de ceux-ci, de l'affluence d'un public différencié et qu'elles peuvent souhaiter favoriser certains types de divertissements notamment ceux qui sont organisés dans un but culturel et non lucratif » (page 8) et « que dans le cadre de l'exercice de cette autonomie, l'autorité communale peut a priori dans un but financier, décider de taxer les spectacles et divertissements et déterminer les taux de la taxe applicables aux différentes catégories d'exploitants de spectacles sans devoir apporter d'autre justification » (page 9), il ne ressort d'abord d'aucune considération de l'arrêt entrepris ce qu'était le but précis desdites taxe.

A supposer que le but desdites taxes était purement financier, alors il ne ressort pas davantage des constatations de l'arrêt entrepris qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre la taxation plus lourde de la catégorie, à laquelle appartenant la société faillie en tant qu'organisateur d'un grand prix formule 1, soit pour la commune de Stavelot une taxation sur les recettes hors TVA du spectacle ou divertissement de 13,5 % pour un chiffre d'affaires jusque 6.197.338 euro , 10 % pour un chiffre d'affaires de 6.197.339 euro à 8.676.273 euro , 7,5 % pour un chiffre d'affaires de 8.676.273 euro à 11.155.208 euro , 5 % pour un chiffre d'affaires de 11.155.208 euro à 14.873.611 euro et 2,5 % à partir de 14.873.611 euro , et sur les recettes hors TVA afférentes aux consommations et autres prestations non obligatoires : 13,5 % (article 3 du règlement du 11 août 2005), sans aucune limite quant au montant de la taxe, et pour la commune de Malmedy une taxation sur les recettes brutes hors TVA du spectacle ou divertissement de 13,5 % pour un chiffre d'affaires de 0,00 euro à 6.197.338 euro , 10 % pour un chiffre d'affaires de 6.197.339 euro à 8.676.273 euro , 7,5 % pour un chiffre d'affaires de 8.676.273 euro à 11.155.208 euro , 5 % pour un chiffre d'affaires de 11.155.208 euro à 14.873.611 euro et 2,5 % à partir de 14.873.611 euro , et de 13,50 % des recettes brutes afférentes aux consommations et autres prestations non obligatoires, déduction faite de la taxe sur la valeur ajoutée (article 3 du règlement du 20 juillet 2005), sans aucune limite quant au montant de la taxe, ce qui représentait, après réduction pour éviter la double imposition pour l'exercice 2005 une taxe de 622.432,6 euros pour la ville de Stavelot et de 620.325,15 euros pour la ville de Malmedy, et ce à charge d'un seul contribuable, et ledit but de la taxation.

A supposer que le but desdites taxes était également de pourvoir aux charges, « notamment en matière de sécurité, en fonction du type de spectacle, de la régularité et de la fréquence de ceux-ci, de l'affluence d'un public différencié », que peut entraîner l'organisation de tels événements, alors il ne ressort pas non plus des constatations de l'arrêt entrepris qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le taux de la taxation instaurée à charge de la catégorie, à laquelle appartenait la société faillie en tant qu'organisateur d'un grand prix formule 1, et ledit but.

Partant, en décidant « qu'il est vain de la part (du demandeur) de soutenir (...) l'existence d'une discrimination non objectivement justifiable » (page 7) et « qu'en l'espèce [la société faillie] ne démontre pas l'existence d'une discrimination non objectivement justifiable et qu'elle tente de se comparer avec d'autres exploitations qui diffèrent de la sienne » (page 10), sans qu'elle n'ait précisé d'abord le but précis des taxes instaurées par les deux communes, et sans qu'elle n'ait ensuite examiné s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre la taxation plus lourde de la catégorie, à laquelle appartenant la société faillie en tant qu'organisateur d'un grand prix formule 1, notamment eu égard à l'absence de toute limite quant au montant de la taxe, et le but desdites taxes, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision que les taxes instaurées par les villes de Stavelot et de Malmedy par les règlements respectifs du 11 août 2005 et 20 juillet 2005 n'étaient pas discriminatoires (violation des articles 10, 11, 159, 172 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994, 1 et 3 du règlement-taxe du 11 août 2005 de la commune de Stavelot sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, et 1 et 3 du règlement-taxe du 20 juillet 2005 de la commune de Malmedy sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, ainsi que du principe général du droit interdisant au juge d'appliquer une norme, notamment un règlement local, contraire à une disposition supérieure).

DEVELOPPEMENTS

Il ressort de la jurisprudence constante de Votre Cour de Cassation que les règles constitutionnelles de l'égalité des Belges et de la non-discrimination en matière fiscale n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Cette justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la taxe établie ainsi que d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Cass. 5 octobre 1990, Pas. 1991, I, n° 61; Cass. 30 avril 1992, Pas. 1992, I, n° 455 ; Cass. 10 septembre 1993, Pas. 1993, I, n° 341 ; Cass. 3 octobre 1996, Pas. 1996, I, n° 353 ; Cass. 16 octobre 1997, FJF 97/241; Cass. 12 janvier 1998, Pas. 1998, I, n° 19 ; Cass. 1er octobre 1999, Pas. 1999, I, n° 496; Cass. 17 novembre 2000, Pas. 2000, I, n° 630 ; Cass. 29 mars 2001, Pas. 2001, n° 186; Cass. 15 janvier 2004, Pas. 2004, n° 24, et Arr.Cass. 2004, 69, concl. Av. gén. Thijs ; Cass. 8 juin 2006, Pas. 2006, n° 319 ; Cass. 17 novembre 2006, Pas. 2006, n° 574, concl. Av. gén. D. Thijs; Cass. 30 novembre 2006, Pas. 2006, n° 616 ; Cass. 15 février 2013, Pas. 2013, n° 113).

Partant, il ne suffisait pas de constater que les catégories retenues se distinguaient objectivement. Encore fallait-il examiner s'il existait un rapport raisonnable entre les moyens utilisés, à savoir la taxation de la catégorie de spectacles, à laquelle appartenait la société faillie, à un taux de pourcentage plus élevé que les autres catégories, et sur l'ensemble des recettes brutes hors TVA du spectacle ou divertissement, et ce quel que soit le montant du chiffre d'affaire, et le but poursuivi par les taxes.

Or, en l'occurrence, non seulement la cour d'appel n'a pas précisé le but précis des taxes instaurées par les deux communes, n'évoquant que de manière générale le but financier que peuvent poursuivre les communes ou encore la volonté qu'elles peuvent avoir de pourvoir à certaines charges qu'entraînent certains spectacles, mais en outre elle n'a procédé à aucun examen du rapport de proportionnalité entre lesdites taxes, établies à charges des organisateurs des spectacles en question, et le but poursuivi par les taxes.

En effet, si « aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit à une commune, lorsqu'elle établit une taxe justifiée par l'état de ses finances, de la faire porter par priorité sur certaines activités de spectacles et de divertissements qu'elle estime plus génératrices de charges et d'inconvénients », il n'empêche qu'il faut toujours un rapport de proportionnalité entre le but et le moyen, soit la taxe, notamment eu égard au montant de celle-ci.

Or, cet examen fait en l'espèce défaut.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

-articles 1315, 1349 et 1353 du Code civil,
-articles 6 et 12 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales,
-article 340 du Code des impôts sur les revenus 1992,
-article 7, § 3, du règlement-taxe du 11 août 2005 de la commune de Stavelot sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006,
-article 7, § 3, du règlement-taxe du 20 juillet 2005 de la commune de Malmedy sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006,

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 4 mars 2015 la Cour d'appel de Liège a déclaré l'appel des défenderesses recevable et fondé, a réformé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des causes et a déclaré les requêtes recevables, a dit pour droit que le montant en principal des taxes dues par le curateur aux communes est ramené à 622.432,6 euros pour la ville de Stavelot et à 620.325,15 euros pour la ville de Malmedy et que le montant des accroissements est réduit à 10 % des taxes dues, et a condamné le curateur aux dépens des deux instances des parties appelantes liquidés au montant non contesté de 16.500 euros par instance, ce après avoir considéré :

« Quant à la détermination de la base imposable sur base des recettes de l'année 2004 :

« Attendu que les (défenderesses) ont recouru à la taxation d'office en l'absence de déclaration conformément à l'article 7 de leurs règlements respectifs ;

Qu'elles se sont basées sur les seuls éléments en leur possession, soit les chiffres communiquées pour l'année précédente ;

Que la procédure d'imposition d'office a été prévue pour vaincre la négligence ou l'inertie, voire la volonté du contribuable d'échapper à l'impôt dû ;

Que (le demandeur) croit pouvoir se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Mons du 15 janvier 2009 relatif à la taxation de l'exercice 2004 mais qu'à l'analyse cette taxation a été annulée pour non-respect de la procédure de taxation d'office à défaut de mandat de la société de promotion ayant communiqué les chiffres de la base imposable (farde III) ;

Qu'il ne ressort pas de cette décision que les chiffres de la base imposable étaient inexacts ;

Qu'à défaut pour (le demandeur) de fournir des éléments plus précis, les pouvoirs taxateurs ne pouvaient se fonder que sur les présomptions de l'homme et qu'à défaut pour (le demandeur) de prouver que les conditions d'exploitation auraient été différentes de celles de l'année précédente, la taxation ne peut être considérée comme arbitraire et encore moins assises sur des bases obtenues illégalement ».

Grief

L'article 7, § 3, du règlement-taxe du 11 août 2005 de la commune de Stavelot sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, prévoit qu'à défaut de déclaration dans les délais prévus ou en cas de déclaration incomplètes, incorrectes ou imprécise, l'administration communale aura recours à l'article 6, § 1-2-3 de la loi du 24.12.96 : le contribuable est imposé d'office, d'après les éléments dont l'administration peut disposer, sauf le droit de réclamation et de recours.

L'article 7, § 3, du règlement-taxe du 20 juillet 2005 de la commune de Malmedy sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, contient un texte identique.

L'article 6, premier alinéa, de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales dispose que lorsque le règlement de taxation prévoit une obligation de déclaration, la non-déclaration dans les délais prévus par ce même règlement ou la déclaration incorrecte, incomplète ou imprécise de la part du redevable entraîne l'enrôlement d'office de la taxe.

L'article 6, deuxième alinéa, de ladite loi dispose qu'avant de procéder à la taxation d'office, l'autorité habilitée à arrêter le rôle en vertu de l'article 4, notifie au redevable, par lettre recommandée à la poste, les motifs du recours à cette procédure, les éléments sur lesquels la taxation est basée, ainsi que le mode de détermination de ces éléments et le montant de la taxe.

L'article 12 de ladite loi stipule par ailleurs que, sans préjudice des dispositions de la présente loi, les dispositions du titre VII, chapitres 1er, 3, 4, 7 à 10 du Code des impôts sur les revenus et les articles 126 à 175 de l'arrêté d'exécution de ce Code sont applicables aux taxes provinciales et communales pour autant qu'elles ne concernent pas spécialement les impôts sur les revenus.

L'article 340 du chapitre 4 du titre VII du Code des impôts sur les revenus 1992, dispose notamment que pour établir l'existence et le montant de la dette d'impôt, l'administration peut avoir recours à tous les moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment.
Plus en général l'article 1315, premier alinéa, du Code civil dispose qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation, de la prouver.

Il s'ensuit qu'il appartient à la commune d'apporter la preuve des chiffres qu'elle retient à titre de base de la taxe.

Cette preuve peut être rapportée par toutes voies de droit, dont la présomption.

Aux termes de l'article 1349 du Code civil les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu.

L'article 1353 du Code civil dispose que les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol.

Si le juge du fond apprécie souverainement la valeur probante des faits qu'elle retient à titre de présomptions, encore ne peut-il déduire des faits, ainsi constatés, des conséquences sans aucun rapport avec ceux‐ci ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification, sous peine de méconnaître la notion juridique de présomption.

En l'espèce, la cour d'appel constate que les communes se fondent sur les recettes de l'année 2004, qui leur furent communiquées à l'époque par une personne non mandatée par la société faillie.

Or, du seul fait que la société faillie aurait réalisé un certain chiffre d'affaires en organisant le Grand Prix de 2004, il est impossible de déduire que celle-ci a réalisé un chiffre d'affaires identique en organisant le Grand Prix de 2005, ledit chiffre d'affaires dépendant d'éléments variables, tels que les conditions d'exploitation, la participation du public, les conditions météorologiques.

Partant, en retenant, au moins implicitement mais certainement, les éléments connus relatifs à l'année 2004, à savoir des chiffres communiqués à l'époque par une personne non mandatée de la société et se rapportant à l'organisation du Grand Prix 2004, à titre de présomption du chiffre d'affaire réalisé par la société faillie lors de l'organisation du Grand Prix 2005, la cour d'appel a méconnu la notion juridique de présomption en déduisant des faits connus, se rapportant à l'année 2004, des conséquences sans aucun rapport avec ceux‐ci, à savoir la recette réalisée en 2005 (violation des articles 1349 et 1353 du Code civil).

En outre, en obligeant le demandeur à prouver « que les conditions d'exploitation auraient été différentes de celles de l'année précédente », la cour d'appel renverse la charge de la preuve, dès lors qu'il appartenait d'abord aux communes d'apporter la preuve des éléments dont elles disposaient relativement à l'année 2005 et, partant, de démontrer, le cas échéant par présomptions, que les conditions d'exploitation en 2005 avaient été les mêmes qu'en 2004 (violation des articles 1315, premier alinéa du Code civil, 340 du Code des impôts sur les revenus 1992, 6 et 12 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales, 7 du règlement-taxe du 11 août 2005 de la commune de Stavelot sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006, et 7 du règlement-taxe du 20 juillet 2005 de la commune de Malmedy sur les spectacles et divertissements pour les exercices d'imposition 2005 à 2006).

Partant, la cour d'appel n'a pas pu décider légalement que « la taxation ne peut être considérée comme arbitraire et encore moins assises sur des bases obtenues illégalement » (violation de toutes les dispositions invoquées au moyen).

DEVELOPPEMENTS

Le juge du fond méconnaît la notion juridique de présomption en déduisant des faits connus des conséquences sans aucun rapport avec ceux‐ci ou qui ne sont susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification (Cass. 10 février 1983, Pas. 1983, I, 665 ; Cass. 6 novembre 1991, Pas. 1992, I, 1240 ; Cass. 5 mars 1999, Pas. 1999, 327).

En l'espèce la cour d'appel retient à titre de présomptions de l'homme la recette réalisée en 2004 à titre de preuve de celle de 2005.

Or, de ce qu'en 2004 un certain chiffre d'affaire a été réalisé il ne peut se déduire qu'un même chiffre d'affaire a été réalisé en 2005.

En outre, en imposant au demandeur d'apporter la preuve que les conditions d'exploitation en 2005 auraient été différentes de celles de l'année précédente, la cour d'appel renverse la charge de la preuve, dès lors qu'il appartenait à la commune d'apporter preuve des éléments dont elle disposait relativement à l'année 2005 et, partant, de démontrer, le cas échéant par présomptions, que les conditions d'exploitation en 2005 avaient été les mêmes.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour le demandeur l'avocat à la Cour de Cassation soussigné qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt entrepris, renvoyer la cause et les parties à une autre cour d'appel ; dépens comme de droit.

Bruxelles, le 14 octobre 2016.

Pièces, jointes au présent pourvoi :

1. une copie conforme de l'extrait du registre aux délibérations du conseil communal de la Ville de Stavelot (séance du 11 août 2005), contenant le règlement-taxe sur les spectacles et divertissements, tel qu'adopté par le Conseil Communal le 23 juin 2005 avec effet au 1er septembre 2005, ainsi que de l'avis du collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville Stavelot dûment signé, portant à la connaissance du public ledit règlement sur la taxe sur les spectacles et divertissements, adopté comme précisé ci-avant, et le certificat de publication et l'approbation par la Députation Permanente du Conseil provincial de la modification dudit règlement;
2. une copie conforme de l'extrait du registre aux délibérations du conseil communal de la Ville de Malmédy du 20 juillet 2005, contenant le règlement de la taxe sur les spectacles et divertissements.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.16.0132.F
Date de la décision : 20/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-20;f.16.0132.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award