N° F.16.0071.F
C. O.,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Roland Forestini, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, avenue Eugène Plasky, 102, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 février 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le 28 mars 2018, le premier avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le premier avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l'article 8, § 1er, de la convention entre le royaume de Belgique et le royaume de Norvège tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, les bénéfices provenant de l'exploitation, en trafic international, d'aéronefs ne sont imposables que dans l'État contractant où le siège de direction effective de l'entreprise est situé.
L'article 15 de cette convention prévoit, en son paragraphe 1er, que les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant, et que, si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État, et, en son paragraphe 3, que, nonobstant le paragraphe 1er, les rémunérations reçues au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un aéronef exploité en trafic international sont imposables dans l'État contractant où le siège de la direction effective de l'entreprise est situé.
En vertu de l'article 15, § 4, lorsqu'un résident d'un État contractant reçoit des rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un aéronef exploité en trafic international par le consortium norvégien, danois et suédois de transport aérien Scandinavian Airlines System (S.A.S.), ces rémunérations ne sont imposables que dans cet État.
L'expression « trafic international » désigne, suivant l'article 3, § 1er, h), de la même convention, tout transport effectué par un aéronef exploité par une entreprise dont le siège de direction effective est situé dans un État contractant, sauf lorsque l'aéronef n'est exploité qu'entre des points situés dans l'autre État contractant.
Il suit du rapprochement de ces dispositions que le pouvoir d'imposition des rémunérations tirées par un résident fiscal belge de l'exercice au service d'une entreprise norvégienne d'un emploi salarié de pilote d'aéronefs exploités en trafic international appartient à la Norvège si ces aéronefs sont exploités par ladite entreprise, qui y a son siège de direction effective.
L'arrêt attaqué constate, par la référence qui est faite dans un premier arrêt, du 17 décembre 2014, à l'exposé des faits du premier juge, que le demandeur « est pilote d'avion pour le compte de la société Confair Skandinavia AS, de droit norvégien », que cette dernière « met le personnel naviguant qu'elle recrute à la disposition de la société aérienne islandaise Islandflug, de droit islandais », et que, « contractuellement, le salarié est soumis aux lois islandaises, y compris pour les licences ».
Il constate, par des motifs propres, que le demandeur « est lié par un contrat de travail à la compagnie d'aviation norvégienne Confair Skandinavia [AS], qui prévoit notamment que ses prestations de pilote sont fournies à la société aérienne islandaise Islandflug et qu'en contrepartie de ces prestations, l'employeur, la société norvégienne, lui paie un salaire mensuel ». Il ajoute qu'il n'est ni démontré ni soutenu que l'emploi du demandeur était exercé en Norvège pour la période concernée.
Il considère que, « dès lors que [le demandeur] pilote un avion qui n'est pas exploité par son employeur mais par une société de droit islandais, il n'exerce pas un emploi salarié ‘à bord d'un [...] aéronef exploité en trafic international' visé à l'article 15, § 3, de la convention, qui envisage, selon la définition de l'article 3, [§ 1er], h), et le contexte qui comprend les autres dispositions de la convention, un aéronef exploité par une entreprise dont le siège de direction effective est situé dans un État contractant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ».
Par ces énonciations, l'arrêt attaqué justifie légalement sa décision qu'à défaut de relever du régime dérogatoire de l'article 15, § 3, de la convention préventive belgo-norvégienne, les rémunérations du demandeur relèvent du pouvoir d'imposition de la Belgique par application de l'article 15, § 1er, de cette convention.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Les énonciations de l'arrêt attaqué reproduites en réponse à la première branche du moyen et vainement critiquées par celle-ci suffisent à fonder la décision de la cour d'appel d'écarter l'application de l'article 15, § 3, de la convention préventive belgo-norvégienne.
Dirigé contre des motifs surabondants, le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est irrecevable à défaut d'intérêt.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cent trente-huit euros cinquante et un centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal D. Batselé Chr. Storck