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20/04/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0335.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2018, C.17.0335.F


N° C.17.0335.F
1. P. L. et
2. A. P.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. ASSOCIATION DES COPROPRIÉTAIRES ...,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
2. J. P. L.,
défendeur en cassation ou, à tout

le moins, partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi ...

N° C.17.0335.F
1. P. L. et
2. A. P.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. ASSOCIATION DES COPROPRIÉTAIRES ...,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
2. J. P. L.,
défendeur en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les jugements rendus les 23 décembre 2014 et 6 février 2017 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent quatre moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Après avoir relevé que, « par requête déposée le 11 juin 2008 sur pied de l'article 973, § 2, du Code judiciaire, les [demandeurs] ont sollicité le ‘remplacement du [défendeur désigné en qualité de] syndic provisoire' », le jugement attaqué du 23 décembre 2014 considère que « la désignation d'un syndic provisoire a pour conséquence que celui-ci est soumis au statut de syndic, avec toutes les prérogatives et obligations qui s'y attachent », qu'« il exerce sa mission sous le contrôle de l'assemblée générale », que, « bien que désigné par le juge, ce syndic n'a pas la qualité d'un expert judiciaire » et que « les dispositions du Code judiciaire relatives à l'expertise ne lui sont donc pas applicables », et il invite les demandeurs à s'expliquer sur la régularité et le fondement de leur demande de remplacement sur la base des dispositions applicables en matière d'expertise.
Contrairement à ce que suppose le moyen, il ne suit pas de ces énonciations que le jugement attaqué du 23 décembre 2014 décide qu'il appartenait à l'assemblée générale de la défenderesse de valider l'analyse du syndic et du sapiteur quant à la régularité des comptes et au bien-fondé des contestations relatives à ces comptes mais qu'il considère que la demande de remplacement du syndic provisoire ne pouvait s'effectuer sur la base des dispositions légales relatives à l'expertise.
Le moyen manque en fait.

Sur le deuxième moyen :

D'une part, il ressort des conclusions d'appel des demandeurs antérieures à la réouverture des débats ordonnée par le jugement attaqué du 23 décembre 2014 que les critiques que les demandeurs dirigeaient contre le rapport établi par le sapiteur auquel le défendeur a eu recours et que le moyen reproduit figuraient sous le titre « Le mandat du syndic provisoire, le rapport W. et la demande des [demandeurs] consistant à obtenir un rapport écrit complémentaire du syndic » et étaient formulées à l'appui de la demande des demandeurs de, « avant dire droit, exiger [des défendeurs] qu'ils établissent un rapport écrit sur les questions [énoncées au dispositif desdites conclusions] et toutes autres que le tribunal estimerait devoir leur poser » et que cette mesure d'instruction était relative à leur demande de dédommagement du préjudice qu'ils prétendaient avoir subi, les demandeurs demandant à cet égard de dire pour droit que la défenderesse est responsable de leur dommage matériel et moral, qu'il soit réservé à statuer sur le surplus de cette demande et qu'avant dire droit, le tribunal ordonne ladite mesure d'instruction.
Ainsi, contrairement à ce que soutient le moyen, ces conclusions, auxquelles il fait grief au jugement attaqué de ne pas répondre, ne concernaient, ni leur demande d'annulation de la décision de l'assemblée générale de la défenderesse du 12 juin 2006, ni la demande reconventionnelle de la défenderesse, ni celle du défendeur.
D'autre part, s'agissant de la demande des demandeurs d'annuler les décisions de l'assemblée générale de la défenderesse du 12 juin 2006 relatives à la vérification et à l'approbation des comptes du quatrième trimestre 2005 et du premier trimestre 2006, le jugement, non frappé d'appel, du premier juge du 5 juillet 2007 considère que « le problème est récurrent », qu'« à l'heure actuelle [la défenderesse et son syndic de l'époque] ne démontrent toujours pas que les comptes sont justes » et que « l'article 20 du règlement de copropriété n'est toujours pas respecté, à savoir la communication des comptes de gestion un mois avant leur approbation », et il désigne en conséquence un syndic provisoire avec pour mission, notamment, d'« examiner toute la comptabilité de la copropriété depuis 2002, après s'être fait remettre la comptabilité complète et les registres où sont consignés les procès-verbaux des assemblées générales », syndic provisoire qu'il autorise, « pour l'accomplissement de sa mission, à s'entourer de l'aide d'un ou plusieurs sapiteurs et conseillers techniques ».

Le jugement du premier juge du 24 septembre 2010 constate que le défendeur, désigné en qualité de syndic provisoire, a, dans le cadre de sa mission, mandaté monsieur W. afin de procéder à une analyse de la gestion de la copropriété et que, dans son rapport déposé le 1er juin 2008, « tout en relevant certaines erreurs imputables aux différents syndics professionnels qui se sont succédé au sein de la copropriété, monsieur W. concluait à la pertinence des comptabilités annuelles qui lui étaient soumises » et qu'« il estimait en outre que les dépenses furent exposées dans le cadre de la gestion normale et habituelle d'un ensemble immobilier et que les dépenses exceptionnelles visant les installations de chauffage ou d'ascenseur le furent en fonction de décisions préalables de l'assemblée générale ou ratifiées par cet organe ».
Le jugement attaqué du 6 février 2017 considère qu'« en ce qui concerne les décisions prises par l'assemblée générale du 12 juin 2006 relatives à la vérification et l'approbation des comptes, il faut constater que le premier juge a également suivi les arguments développés par [les demandeurs] puisqu'il a désigné un syndic provisoire (en la personne [du défendeur]) chargé d'‘examiner toute la comptabilité de la copropriété depuis 2002' », que, « comme l'a relevé le premier juge, [le défendeur] - aidé d'un sapiteur en la personne de monsieur W. - a procédé à une analyse fouillée des exercices 2002 à 2007, a formulé des recommandations et a dressé un compte individualisé de chacun des copropriétaires arrêté au 30 septembre 2007 », que « ce travail a été présenté à l'assemblée générale des copropriétaires du 1er juillet 2008 aux termes de laquelle les copropriétaires se sont dits ‘satisfaits de l'important travail de qualité réalisé' » et que « les problèmes pointés par le premier juge, qui avaient justifié la désignation d'un syndic provisoire, ont donc été rencontrés et levés ».
Il suit de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient le moyen, ce jugement ne considère pas qu'il appartient à l'assemblée générale de la copropriété de statuer sur les contestations relatives à la régularité des comptes de la copropriété et, partant, sur la contestation relative à l'annulation de la décision de l'assemblée générale qui les a approuvés et la contestation relative aux charges établies sur la base desdits comptes, mais qu'il déduit de l'examen approfondi de la comptabilité effectué par le défendeur et son sapiteur et de la circonstance que l'assemblée générale s'est déclarée satisfaite de ce travail qu'il n'y avait plus lieu de douter de la justesse des comptes approuvés lors de l'assemblée générale du 12 juin 2006.
Le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen :

Il ne suit pas des énonciations reproduites dans la réponse au deuxième moyen que le jugement attaqué du 6 février 2017 considère qu'une décision de l'assemblée générale du 1er juillet 2008 a avalisé le rapport du sapiteur sur la comptabilité des exercices 2002 à 2007.
Le moyen, qui repose sur cette prémisse inexacte, manque en fait.

Sur le quatrième moyen :

Aux termes de l'article 577-2, § 7, du Code civil, chacun des copropriétaires contribue aux dépenses utiles de conservation et d'entretien, ainsi qu'aux frais d'administration, impôts et autres charges de la chose commune.
L'article 577-9, § 8, de ce code dispose, en son alinéa 1er, que, par dérogation à l'article 577-2, § 7, le copropriétaire dont la demande, à l'issue d'une procédure judiciaire l'opposant à l'association des copropriétaires, est déclarée fondée par le juge est dispensé de toute participation à la dépense commune aux honoraires et dépens, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires, et, en son alinéa 2, que, si la prétention est déclarée partiellement fondée, le copropriétaire est dispensé de toute participation aux honoraires et dépens, mis à charge de l'association des copropriétaires en application de l'article 1017, alinéa 4, du Code judiciaire.
L'article 1017, alinéa 4, précité prévoit que les dépens peuvent être compensés dans la mesure appréciée par le juge si les parties succombent respectivement sur quelque chef.
L'article 577-9, § 8, alinéa 2, du Code civil ne concerne que la contribution du copropriétaire qui succombe en partie dans les dépens mis à charge de la copropriété au titre de charges de la chose commune et est étranger au pouvoir que le juge puise dans l'article 1017, alinéa 4, du Code judiciaire de condamner ce copropriétaire à une partie des dépens de la copropriété relatifs à la procédure opposant ces parties.
Le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille trois cent vingt-quatre euros vingt-huit centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de quarante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal D. Batselé Chr. Storck


Requête
1er feuillet

REQUETE EN CASSATION
________________________

Pour : 1°. P. L., et

2°. A. P.,

demandeurs,

assistés et représentés par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Cour de
cassation, dont le cabinet est établi à 4020 Liège, rue de Chaudfontaine, 11,
où il est fait élection de domicile,

Contre : 1°. l'ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES ...,

défenderesse,
2ème feuillet

2°. M. J.-P. L.,

défendeur ou à tout le moins appelé en déclaration d'arrêt commun.

A Messieurs les Premier Président et Présidents, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

Les demandeurs ont l'honneur de déférer à votre censure les jugements prononcés entre les parties les 23 décembre 2014 et 6 février 2017 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, section civile (n° 2011/4606/A).

Les faits et antécédents de la cause, tels qu'ils ressortent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard, peuvent être ainsi brièvement résumés.

1. De multiples litiges émaillent le fonctionnement de la copropriété de la résidence ..., dans laquelle les demandeurs sont propriétaires d'un appartement et d'un garage, et qui fut successivement gérée par plusieurs syndics. Les demandeurs, considérant que de nombreuses décisions prises lors des assemblées générales sont irrégulières ou abusives en ont postulé l'annulation et ont saisi à cet effet le juge de paix d'Ixelles de diverses procédures (notamment les procédures inscrites au rôle de la justice de paix d'Ixelles sous les n°° 02A1469, 03A812, 06A1096, 07A605 et 12A541 et les procédures 03A812, 04A426, 05A445, lesquelles ont été jointes à la procédure 02A469 où le juge de paix a annulé la décision relative à la chaudière mais réservé à statuer sur les questions de corrosion).
3ème feuillet

2. La présente procédure est introduite par exploit du 12 septembre 2006, par lequel les demandeurs ont cité l'ACP ... et la s.p.r.l. Cabinet C., alors syndic de celle-ci, devant le juge de paix d'Ixelles afin d'entendre déclarer l'assemblée générale extraordinaire du 12 juin 2006 irrégulière et en conséquence annuler l'ensemble des décisions prises, notamment l'approbation des comptes du quatrième trimestre 2005 et du premier trimestre 2006, la décision
relative à des travaux extraordinaires, le choix de l'exécutant et le financement, l'entretien des communs, la récupération des arriérés, intérêts et pénalités de retard et les fonds de roulement et de réserve. Cette affaire est inscrite au rôle de la justice de paix d'Ixelles sous le n° 06A1433. La défenderesse a formé une action reconventionnelle pour arriérés de charges.

Par jugement interlocutoire du 20 décembre 2006, le juge de paix fixe le calendrier de la procédure et, constatant l'existence d'autres litiges en cours, décide "en vertu du principe non bis in idem et suite à (ses) vérifications" de limiter la demande reconventionnelle à raison de 3.000 euro provisionnels.

Par jugement du 5 juillet 2007, le juge de paix annule - dans ses motifs la décision relative à l'entretien des communs et, constatant que la copropriété est "totalement ingérable", désigne, avant de statuer plus au fond, Me A. B. en qualité de syndic provisoire avec pour mission :
"- examiner toute la comptabilité de la copropriété depuis 2002, après s'être fait remettre la comptabilité complète et les registres où sont consignés les procès-verbaux des Assemblées Générales;
- établir la liste des travaux généralement quelconques, nécessaires et/ou urgents pour le maintien et la sécurité de l'immeuble sis ...;
- examiner ou réunir des devis relatifs à ces travaux;
- examiner l'état des fonds de réserve et de roulement et déterminer les mesures nécessaires pour les réalimenter et les équilibrer;
- répondre aux faits directoires des parties;
- convoquer une Assemblée Générale ou une Assemblée Générale Extraordinaire avec un ordre du jour qu'il établira après avoir consulté les parties et soumettre au vote les mesures à prendre pour assurer un nouveau départ à cette copropriété sur des bases saines et transparentes".
4ème feuillet

Il autorise le syndic provisoire à s'entourer de l'aide "d'un ou plusieurs sapiteurs et/ou conseillers techniques" et dit que les frais et honoraires du syndic provisoire, des sapiteurs et des conseillers techniques devront être supportés par la copropriété. Il désigne ledit syndic provisoire pour le délai d'un an, sous réserve d'éventuelles demandes justifiées de prolongation.

Statuant sur les demandes reconventionnelles, il dit la demande de l'ACP recevable et condamne solidairement les demandeurs à payer la somme provisionnelle de 5.000 euro à titre de frais et charges de copropriété. Il déboute le syndic de sa demande de dommages et intérêts et de frais de défense et de correspondance.

Parallèlement à cette décision, dans la procédure inscrite au rôle sous le n° 06A1096 ayant pour objet l'annulation de certaines décisions prises à l'assemblée générale du 27 mars 2006 et une demande reconventionnelle de l'actuelle défenderesse en paiement des charges de copropriété suivant un décompte arrêté au 8 septembre 2006 à 10.405,70 euro , il désigne également Me A. B. en qualité de syndic provisoire avec la même mission et, statuant sur la demande reconventionnelle, fixe les charges de copropriété dues par les demandeurs à 3.000 euro provisionnels.

Devant le juge de paix d'Ixelles, dans le cadre d'une autre procédure, les demandeurs ont postulé la jonction des diverses causes inscrites au rôle de cette juridiction dont la cause 06A1433 mais il n'a pas été fait droit à cette mesure alors même que le syndic provisoire était désigné dans diverses procédures avec la même mission.

Par jugement du 26 septembre 2007, pris dans la procédure inscrite au rôle de la justice de paix sous le n° 06A1433 qui a donné lieu aux jugements attaqués, le juge de paix a déchargé Me B. de cette mission de syndic provisoire et a désigné en cette qualité, avec la même mission, le défendeur, gérant de la s.p.r.l. Atelier Gestion.

Par requête du 11 juin 2008, les demandeurs ont postulé le remplacement du syndic provisoire.

5ème feuillet

Par jugement du 26 novembre 2008, le juge de paix a déclaré cette demande recevable mais non fondée, constatant que la mission judiciaire du syndic provisoire a pris fin par l'expiration du délai imparti par le jugement de désignation et à défaut de demande de prolongation de la mission.

Statuant sur le fond du litige, le juge de paix a, par jugement du 24 septembre 2010, annulé à nouveau la décision prise lors de l'assemblée générale du 12 juin 2006 et relative à l'entretien des communs, débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes et condamné ceux-ci à payer à l'Association des copropriétaires la somme de 23.046,32 euro à titre d'arriérés de charges.

3. Par requête déposée le 7 avril 2011, les demandeurs ont interjeté appel des jugements des 26 novembre 2008 et 24 septembre 2010 sollicitant (i) que le jugement du 26 novembre 2008 soit mis à néant, (ii) que les décisions prises par l'assemblée générale du 12 juin 2006 relatives à l'entretien des communs et à la vérification et l'approbation des comptes soient annulées, qu'il soit dit pour droit que l'Association des copropriétaires est responsable de leurs dommages matériel et moral et qu'il soit réservé à statuer sur le quantum de celui-ci et qu'il soit exigé du syndic provisoire et de l'ACP qu'ils établissent un rapport écrit sur diverses questions qu'ils posent en lien avec l'intervention de M. W., soit le sapiteur sollicité par le syndic provisoire quant à la comptabilité.

Par jugement du 23 décembre 2014, le tribunal de première instance de Bruxelles, considérant qu'"il convient (...) de rappeler que la désignation d'un syndic provisoire a pour conséquence que celui-ci est soumis au statut de syndic, avec toutes les prérogatives et obligations qui s'y attachent. Il exerce sa mission sous le contrôle de l'assemblée générale (...). Bien que désigné par le juge, ce syndic n'a pas la qualité d'un expert judiciaire", ordonne, avant dire droit, la réouverture des débats sur la régularité et le fondement de la demande introduite par les demandeurs en remplacement du syndic provisoire "sur pied des dispositions applicables en matière d'expertise", "sur l'intérêt que revêtait encore cette demande au moment où ils ont relevé appel de la décision (soit le 7 avril 2011), compte tenu du fait que M. L. n'était plus le syndic de l'immeuble

6ème feuillet

depuis le 19 novembre 2008" et sur l'intérêt et la régularité que revêt encore cette demande au jour du jugement "dans la mesure où le syndic actuel de l'immeuble est la sprl Sodeximmo (qui n'est pas partie à la cause), à l'égard duquel aucun grief n'est formulé".

Dans leurs conclusions prises après la réouverture des débats, les demandeurs ont postulé qu'il soit dit pour droit que les missions imparties au syndic provisoire adjoint n'ont pas été accomplies valablement, que par conséquent un nouveau syndic judiciaire adjoint soit nommé avec la mission détaillée au dispositif de leurs conclusions, que leur demande originaire soit déclarée fondée en ce qu'elle tend à l'annulation des décisions prises par l'assemblée générale du 12 juin 2006 relative à l'entretien des communs et à la vérification et l'approbation des
comptes, qu'il soit dit pour droit que l'ACP est responsable de leur dommage matériel et moral et qu'il soit réservé à statuer sur son quantun et enfin que la demande reconventionnelle originaire de l'ACP soit dite non fondée.

L'ACP a poursuivi la confirmation pure et simple des jugements entrepris.

Le défendeur et la s.p.r.l. Atelier et Gestion ont sollicité que l'appel soit déclaré irrecevable à leur encontre ou à tout le moins non fondé, que les jugements entrepris soient confirmés et que les demandeurs soient condamnés à une indemnité de 2.500 euro pour appel téméraire et vexatoire.

Par jugement du 6 février 2017, le tribunal déclare l'appel principal des demandeurs irrecevable en tant qu'il était dirigé contre la s.p.r.l. Atelier et Gestion, le déclare irrecevable en tant qu'il était dirigé contre le défendeur et tendait à la réformation du jugement du 24 septembre 2010 et le déclare recevable mais non fondé pour le surplus. Il confirme les jugements entrepris en toutes leurs dispositions, dit partiellement fondées les demandes reconventionnelles formées par la s.p.r.l. Atelier et Gestion et le défendeur, condamne les demandeurs à payer à la première 1.500 euro et au second 500 euro à titre de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire et les condamne aux dépens d'appel adverses.

7ème feuillet

A l'encontre des décisions prises par les jugements des 23 décembre 2014 et 6 février 2017, les demandeurs ont l'honneur de faire valoir les moyens de cassation suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- les articles 577-8, §§ 4 et 7 et 577-9, § 3,
- les articles 5 et 11 du Code judiciaire.

Décision critiquée

Le jugement du 23 décembre 2014 en tant qu'il décide "que la désignation d'un syndic provisoire a pour conséquence que celui-ci est soumis au statut de syndic, avec toutes les prérogatives et obligations qui s'y attachent. Il exerce sa mission sous le contrôle de l'Assemblée générale".

Grief

Le juge, saisi par un copropriétaire d'une action visée à l'article 577-9, § 3, du Code civil en annulation de décisions de l'assemblée générale relatives à la vérification et à l'approbation des comptes et d'une contestation des charges imputées à ce copropriétaire sur base desdits comptes, doit examiner si les griefs allégués pour établir l'irrégularité ou le caractère frauduleux ou abusif de ces décisions et vérifier si les comptes approuvés ont été régulièrement établis, sont conformes à la réalité et respectent les droits de ce copropriétaire.

8ème feuillet

Il doit statuer sur les contestations dont il est saisi à cet égard et ne peut ni s'abstenir de les trancher sans déni de justice (article 5 du Code judiciaire) ni déléguer à l'assemblée générale des copropriétaires le contrôle de la mission du syndic provisoire quant à la régularité des comptes et, partant, le pouvoir de décider sur l'annulation ou non des décisions de vérification et des comptes qui font l'objet de l'action (articles 577-8, § 7, du Code civil et 11 du Code judiciaire).

Si le syndic provisoire désigné en vertu de l'article 577-8, § 1er, du Code civil a les obligations et prérogatives du syndic, visées au § 4 de cette disposition, et est soumis au contrôle de l'assemblée générale en ce qui concerne sa gestion, il ne s'en déduit pas, lorsqu'un syndic provisoire a été désigné sur la base de l'article 577-8, § 7, du Code civil dans le cadre d'une action en annulation de décisions de l'assemblée générale, avec notamment pour mission d'examiner toute la comptabilité de la copropriété relative à une période déterminée avec l'autorisation de s'entourer de l'aide d'un sapiteur, que l'assemblée générale se verrait conférer le pouvoir de statuer sur les contestations relatives à la régularité desdits comptes et, partant, sur la contestation de l'annulation de la décision de l'assemblée générale qui les a approuvés et sur la contestation des charges établies sur la base desdits comptes.

Le juge saisi de ces contestations peut certes se fonder sur l'examen de la comptabilité effectuée par le syndic provisoire aidé d'un sapiteur afin de décider si les griefs invoqués au soutien des contestations sont ou non fondés mais il ne peut conférer à l'assemblée générale le pouvoir de décider que les problèmes sont réglés et, partant, de décider du bien-fondé des contestations.

Il s'ensuit que, si en considérant "que la désignation d'un syndic provisoire a pour conséquence que celui-ci est soumis au statut de syndic, avec toutes les prérogatives et obligations qui s'y attachent" et qu'"il exerce sa mission sous le contrôle de l'assemblée générale", le jugement attaqué du 23 décembre 2014 a décidé qu'il appartenait à l'assemblée générale de la copropriété ... de valider l'analyse du syndic et du sapiteur quant à la régularité des comptes et le bien-fondé des contestations, il viole toutes les dispositions visées au moyen.

9ème feuillet

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- les articles 577-8, §§ 4 et 7 et 577-9, § 3,
- les articles 5 et 11 du Code judiciaire,
- l'article 149 de la Constitution.

Décision critiquée

Le jugement du 6 février 2017 dit non fondé l'appel des demandeurs dirigé contre le jugement du 24 septembre 2010 disant non fondée leur action en annulation des décisions de l'assemblée générale du 12 juin 2006 relatives à la vérification et à l'approbation des comptes, confirme le jugement ainsi entrepris condamnant les demandeurs à payer à la première défenderesse la somme de 23.046,32 euro majorée des intérêts judiciaires, dit fondée la demande du défendeur sub 2 et les condamne à lui payer 500 euro à titre de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et spécialement pour les motifs que :
"En ce qui concerne les décisions prises par l'AG du 12 juin 2006 relative à la vérification et l'approbation des comptes, il faut constater que le premier juge a également suivi les arguments développés par les (demandeurs) puisqu'il a désigné un syndic provisoire (en la personne du second défendeur) chargé d'«d'examiner toute la comptabilité de la copropriété depuis 2002».
Comme l'a relevé le premier juge, (le défendeur) - aidé d'un sapiteur en la personne de M. W. - a procédé à une analyse fouillée des exercices 2002 à 2007, a formulé des recommandations et a dressé un compte individualisé de chacun des copropriétaires arrêté au 30 septembre 2007.
Ce travail a été présenté à l'AG des copropriétaires du premier du 1er juillet 2008 aux termes de laquelle les copropriétaires se sont dit «satisfaits de l'important travail de qualité réalisé».

10ème feuillet

Les problèmes pointés par le premier juge, qui avaient justifié la désignation d'un syndic provisoire, ont donc été rencontrés et levés.
(...)
L'appel principal en tant qu'il tend à la réformation du jugement prononcé le 24 septembre 2010 doit partant être déclaré non fondé".

Grief

Le juge saisi par un copropriétaire d'une action, visée à l'article 577-9, § 3, du Code civil en annulation de décisions de l'assemblée générale relatives à la vérification et à l'approbation des comptes et d'une contestation des charges imputées à ce copropriétaire sur base desdits comptes, doit examiner si les griefs allégués pour établir l'irrégularité ou le caractère frauduleux ou abusif de ces décisions et vérifier si les comptes approuvés ont été régulièrement établis, sont conformes à la réalité et respectent les droits de ce copropriétaire.

Il doit statuer sur les contestations dont il est saisi à cet égard et ne peut ni s'abstenir de les trancher sans déni de justice (article 5 du Code judiciaire) ni déléguer à l'assemblée générale des copropriétaires le contrôle de la mission du syndic provisoire quant à la régularité des comptes et, partant, le pouvoir de décider sur l'annulation ou non des décisions de vérification et des comptes qui font l'objet de l'action (articles 577-8, § 7, du Code civil et 11 du Code judiciaire).

Si le syndic provisoire désigné en vertu de l'article 577-8, § 1er, du Code civil a les obligations et prérogatives du syndic, visées au § 4 de cette disposition, et est soumis au contrôle de l'assemblée générale en ce qui concerne sa gestion, il ne s'en déduit pas, lorsqu'un syndic provisoire a été désigné sur la base de l'article 577-8, § 7, du Code civil dans le cadre d'une action en annulation de décisions de l'assemblée générale, avec notamment pour mission d'examiner toute la comptabilité de la copropriété relative à une période déterminée avec l'autorisation de s'entourer de l'aide d'un sapiteur, que l'assemblée générale se verrait conférer le pouvoir de statuer sur les

11ème feuillet

contestations relatives à la régularité desdits comptes et, partant, sur la contestation de l'annulation de la décision de l'assemblée générale qui les a approuvés et la contestation des charges établies sur la base desdits comptes.

Le juge saisi de ces contestations peut certes se fonder sur l'examen de la comptabilité effectuée par le syndic provisoire aidé d'un sapiteur afin de décider si les griefs invoqués au soutien des contestations sont ou non fondés mais il ne peut conférer à l'assemblée générale le pouvoir de décider que les problèmes sont réglés et, partant, de décider du bien-fondé des contestations.

Dans leurs conclusions additionnelles et de synthèse prises devant les juges d'appel avant la réouverture des débats sur un objet déterminé, les demandeurs faisaient valoir :
(i) que le rapport établi par le sapiteur et proposé à l'assemblée générale du 1er juillet 2008 n'établissait pas que les comptabilités annuelles pour les exercices 2002 à 2007 (soit la période concernée par la mission impartie au syndic provisoire) étaient exemptes de toutes irrégularités, se référant à celles retenues par "Madame L., expert comptable " qui "met en évidence certaines erreurs" soit :
1°. la quotité de base de 173 est utilisée pour les quotités de charges et des ascenseurs alors qu'en application de l'acte de base modificatif ces quotités sont de 173 pour les charges récurrentes et 149 pour la quotité des ascenseurs, en sorte que les éléments imputés à titre de créance contre les demandeurs deviennent caduques et non probants;
2°. le tableau du document D - compta 2002, ne reprend pas toutes les dépenses émanant du facturier en sorte que "les éléments de départ (...) ne peuvent (...) être considérés comme fiables";
3°. que les mêmes lacunes sont à constater pour la comptabilité 2003 et "ont été reconnues comme telles dans le rapport d'audit (p. 6/12...)";
4°. que l'alimentation comptable du fonds de réserve laisse dubitatif (...) : «le fonds de réserve a été alimenté par des quotes-parts de loyer non réglées par le locataire» (...). Cette constatation permet de mettre en doute les mouvements et solde enregistrés à ce fonds qui ne devrait faire l'objet d'alimentation que pour la réalisation future de travaux conséquents et que de reprise pour paiement de travaux réalisés" (concl. add. et de synth. app., pp. 17 à 19).

12ème feuillet

Ils faisaient en outre valoir :
5°. que le rapport du sapiteur a été fait sans que celui-ci prenne en compte les jugements intervenus quant aux "décisions d'appel de fonds de réserve, citerne, (...) qui ont été réformées par le jugement du 30 avril 2008", quant aux "dépenses liées à la remise en état de l'ascenseur" "invalidées par jugement du 30 avril 2008" (mêmes concl., p. 20), "au remplacement de la chaudière" "annulée par le jugement du 16 novembre 2008" ou aux travaux à la citerne à mazout pour un montant de 9.655,16 euro annulés par jugement du 3 avril 2008 ou enfin aux frais d'avocat leur imputés à tort en se référant au jugement du 5 juillet 2007 (pp. 19 à 21);
6°. que la somme de 15.104,00 euro reprise pour les dépenses de chauffage ne correspond à rien, aucune pièce comptable n'existant à cet égard (pp. 21 et 22);
7°. qu'en ce qui concerne le point de la mission du syndic provisoire : "établir la liste des travaux généralement quelconques, nécessaires et/ou urgents pour le maintien de la sécurité de l'immeuble (...) et examiner ou réunir des devis relatifs aux travaux", (i) le syndic "avait été forcé de reconnaître enfin l'existence et l'urgence des problèmes de fond (dénoncés par les demandeurs)" relatifs notamment aux problèmes de chauffage et le bruit et l'ascenseur; (ii) que les questions techniques quant à la corrosion des canalisations "avec comme conséquences dégâts des eaux, défaillance du système de chauffage et d'eau chaude" restaient d'actualité; (iii) que "la transformation de la chaufferie n'a fait l'objet d'aucune validation technique et financière" et la négligence d'une fuite sur le circuit de chauffage a sinistré les sixième, cinquième et quatrième étages en 2010", que cette situation enfreint trois législations selon le courrier de l'IBGE du 13 mars 2013 et que "le problème n'est évidemment pas théorique puisque la nuisance empêche (les demandeurs) de dormir normalement dans les trois chambres de leur logement depuis 2003 et ce sans que rien n'ait été entrepris par les syndics successifs dont (le défendeur) pour remédier à cette situation anormale et de surcroît infractionnelle" (pp. 26 à 28).

Les demandeurs déduisaient de ces griefs qu'"il ne suffit pas pour le syndic ou son sapiteur de prétendre de manière péremptoire que le montant des charges réclamé correspondrait à des dépenses réellement exposées dans l'intérêt de la copropriété, encore faut-il le prouver, ce qui n'est pas le cas en l'espèce" (p. 23).

13ème feuillet

Il s'ensuit que :

Le jugement attaqué qui, pour débouter les demandeurs de leur action en annulation des décisions de vérification et d'approbation des comptes du 12 juin 2006 et les condamner au paiement de charges pour un montant de 23.046,13 euro , décide que le syndic provisoire "aidé d'un sapiteur en la personne de M. W. - a procédé à une analyse fouillée des exercices 2002 à 2007, a formulé des recommandations et a dressé un compte individualisé de chacun des copropriétaires arrêté au 30 septembre 2007. Ce travail a été présenté à l'AG des copropriétaires du 1er juillet 2008 aux termes de laquelle les copropriétaires se sont dits «satisfaits de l'important travail de qualité réalisés». Les problèmes pointés par le premier juge, qui avaient justifié la désignation d'un syndic provisoire, ont donc été rencontrés et levés", sans rencontrer par aucune considération les moyens circonstanciés rappelés ci-dessus contestant la régularité de la
comptabilité, n'est ni régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution), ni légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen à l'exception de l'article 149 de la Constitution).

Développements des premier et deuxième moyens de cassation

Dans le cadre d'une copropriété par appartements, un syndic peut être désigné par le juge, soit en vertu de l'article 577-8, § 1er, du Code civil, "lorsque le syndic n'est pas désigné par le règlement de copropriété" ou par la première assemblée générale, soit en vertu de l'article 577-8, § 7, du Code civil "en cas d'empêchement ou de carence du syndic".

Le statut du syndic nommé par le juge n'est pas défini par la loi. Certains auteurs estiment qu'il n'est pas un mandataire de justice (voy. C. Mostin "Compétences, pouvoirs du syndic et syndic nommé par le juge", in La copropriété par appartements, deux ans après la réforme, CUP n° 138, p. 92). Le même auteur estime néanmoins important "qu'un contrôle puisse s'exercer sur le bon déroulement de la mission" du syndic désigné par le juge et que celui-ci "pourrait être considéré comme un auxiliaire du juge", les parties au litige devant également pouvoir saisir le juge

14ème feuillet

de paix des éventuels incidents dans le déroulement de la mission (Le contentieux de la propriété, in La copropriété forcée des immeubles ou groupes d'immeubles bâtis - bilan et perspective dix ans après l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 1994, Bruylant, 2005).

En ce qui concerne le contrôle du syndic provisoire désigné judiciairement, la doctrine regrette le mutisme de la loi et constate que la jurisprudence statue en divers sens (M. Wahl, "Le syndic provisoire et le syndic judiciaire", R.C.D.I., 2015/3, p. 8; C. Mostin "Syndic judiciaire et syndic provisoire : quelle mission leur confier, qui désigne et comment assurer le contrôle de cette mission ?", R.C.D.I., 2009/9, pp. 22-23 et les références citées).

Les solutions retenues par la jurisprudence présentent une grande diversité.

Certains magistrats cantonaux considèrent que la mission de syndic désigné judiciairement s'exercera sous le contrôle du juge (J.P. Schaerbeek, 25 juin 2014, R.C.D.I., 2014/3, p. 50). D'autres estiment que le syndic provisoire échappe au contrôle du magistrat qui l'a désigné et que ce contrôle s'opère classiquement par l'assemblée générale des copropriétaires (voy. not. J.P. Etterbeek, 15 mars 2012, J.J.P., 2014/3-4, p. 133; J.P. Anderlecht (premier canton), 8 mai 2007, R.G. n°° 98A411-99A435-03B53-04A1360, inédits). Dans la décision précitée du juge de paix d'Etterbeek, celui-ci avait considéré que "le statut de syndic provisoire ne peut être assimilé au statut d'expert judiciaire" et que "le syndic provisoire échappe (...) à tout contrôle du magistrat qui l'a désigné, et ne doit rendre compte qu'à l'assemblée générale".

D'autres juges de paix considèrent, lorsque la désignation d'un syndic provisoire constitue le seul moyen de débloquer la situation, que "ce qui distingue précisément le syndic provisoire du syndic conventionnel c'est le fait que le premier exerce un mandat judiciaire sous le contrôle du juge alors que le second dépend exclusivement de la copropriété. Lorsque celle-ci dysfonctionne et plus précisément lorsque l'assemblée générale elle-même dysfonctionne (...) le syndic conventionnel est sans aucun pouvoir pour rectifier la situation. Le syndic provisoire n'a par contre de comptes à rendre qu'au juge qu'il l'a désigné, ce qui lui assure à la fois pouvoir et indépendance pour faire fonctionner la copropriété conformément à la loi" (J.P. Bruxelles, quatrième canton, 13 décembre 2008, R.G. n° 02A20).

15ème feuillet

S'agissant du syndic provisoire désigné par le juge sur la base de l'article 577-8, § 7, du Code civil, la loi du 2 juin 2010, qui a modifié l'article 577-8, n'a apporté aucune précision alors, comme le relevaient les travaux préparatoires, "qu'il règne une grande confusion à cet égard". Il reste que l'intention des auteurs de la loi à cet égard paraît claire dès lors que les travaux préparatoires indiquent "comme il s'agit d'une mesure exceptionnelle, le syndic provisoire doit travailler sous le contrôle du juge de paix, à l'instar des experts judiciaires" (Doc. parl., ch. 52-1334/011, pp. 138 et 139).

Les premier et deuxième moyens de cassation soutiennent que le juge saisi d'une contestation doit la trancher, même s'il procède, dans le cadre de cette procédure, à la désignation d'un syndic provisoire sur la base de l'article 577-8, § 7, du Code civil; qu'il peut certes
s'appuyer pour prendre sa décision sur le résultat de la mission d'examen des comptes dont il a chargé ce syndic provisoire mais doit l'apprécier et ne peut se borner à constater que l'assemblée générale s'est dite satisfaite du travail dudit syndic provisoire (aidé d'un sapiteur) pour décider que "les problèmes sont réglés" et que la demande en annulation n'était pas fondée et, par voie de conséquence, décider que les arriérés de charges réclamés sur base des comptes contestés sont dus.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Disposition violée

- l'article 149 de la Constitution.

Décision critiquée

Le jugement attaqué du 6 février 2017 confirme le jugement entrepris qui avait débouté les demandeurs de leur demande d'annulation de la décision du 12 juin 2006 relative à la vérification et l'approbation des comptes et de leur demande de dommage et intérêt dirigée contre
16ème feuillet

la défenderesse, fait droit à l'action de la défenderesse en paiement de charges et condamné les demandeurs à lui payer la somme de 23.046,32 euro majorée des intérêts et les trois quarts de l'indemnité de procédure pour la première instance, aux motifs que :
"En ce qui concerne les décisions prises par l'AG du 12 juin 2006 relative à la vérification et l'approbation des comptes, il faut constater que le premier juge a également suivi les arguments développés par les (demandeurs) puisqu'il a désigné un syndic provisoire (en la personne du second défendeur) chargé d'«d'examiner toute la comptabilité de la copropriété depuis 2002».
Comme l'a relevé le premier juge, M. L. - aidé d'un sapiteur en la personne de M. W. - a procédé à une analyse fouillée des exercices 2002 à 2007, a formulé des recommandations et a dressé un compte individualisé de chacun des copropriétaires arrêté au 30 septembre 2007.
Ce travail a été présenté à l'AG des copropriétaires du premier du 1er juillet 2008 aux termes de laquelle les copropriétaires se sont dit «satisfaits de l'important travail de qualité réalisé».
Les problèmes pointés par le premier juge, qui avaient justifié la désignation d'un syndic provisoire, ont donc été rencontrés et levés.
(...)
L'appel principal en tant qu'il tend à la réformation du jugement prononcé le 24 septembre 2010 doit partant être déclaré non fondé".

Grief

Dans leurs conclusions additionnelles et de synthèse déposées devant le juge d'appel, les demandeurs contestaient qu'une décision de l'assemblée générale du 1er juillet 2008 ait "avalisé" le rapport du sapiteur sur la comptabilité des exercices 2002 à 2007, en faisant valoir :
"D'une part, l'approbation du rapport W. n'était pas à l'ordre du jour de la convocation de l'AG extraordinaire du 1er juillet 2008. L'ordre du jour ne prévoit en effet aucun vote à ce sujet.

17ème feuillet

Le libellé du point d'AG est le suivant :
«Point E. Commentaires des copropriétaires sur l'état financier de l'association communiqué à tous les copropriétaires».
Par ailleurs, aucun vote n'a avalisé le rapport comptable. Le procès-verbal est en effet rédigé comme suit : «Les copropriétaires se montrent satisfaits de l'important travail de qualité réalisé et remercient Monsieur S. W. », ni plus ni moins.
Pour faire avancer le débats, les (demandeurs) ont tenu à mettre à l'ordre du jour de la dernière assemblée du 26 octobre 2011 un point relatif à la question de l'approbation (ou pas) du rapport W.

Le procès-verbal de cette assemblée mentionne : «le président signale que dans la mesure où il s'agit de procédure pendante, il convient de ne pas l'aborder en assemblée générale. L'assemblée estime ne pas pouvoir se prononcer sur cet ordre du jour».
Il découle ainsi de ce qui précède que nul vote d'assemblée n'a avalisé le rapport W." (p. 23).

Le jugement attaqué du 6 février 2017, qui se borne à considérer que "ce travail (soit l'analyse des exercices 2002 à 2007 par le syndic provisoire aidé d'un sapiteur en la personne de W.) a été présenté à l'AG des copropriétaires du 1er juillet 2008 aux termes de laquelle les copropriétaires se sont dits «satisfaits de l'important travail de qualité réalisé»" et que "les problèmes pointés par le premier juge, qui avaient justifié la désignation d'un syndic provisoire, ont donc été rencontrés et levés", sans rencontrer par aucune considération le moyen déduit de ce qu'aucun vote n'avait avalisé ce rapport, n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

18ème feuillet

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Disposition violée

- l'article 577-9, § 8, alinéa 2, du Code civil.

Décision critiquée

Le jugement attaqué du 6 février 2017 confirme le jugement entrepris du 24 décembre 2010 "qui a mis les trois quarts de l'indemnité de procédure (de la défenderesse) à charge des (demandeurs), dans la mesure où le premier juge a partiellement fait droit à la demande de ces derniers".

Grief

En vertu de l'article 577-9, § 8, alinéa 2, du Code civil, le copropriétaire dont la prétention est déclarée partiellement fondée est dispensé de participation aux honoraires et dépens, dont la charge est reportée sur les autres copropriétaires.

Il s'en déduit que le jugement attaqué, qui constate que le premier juge a fait partiellement droit à la demande des demandeurs, ne pouvait confirmer leur condamnation aux trois quarts de l'indemnité de procédure de la première défenderesse, sans violer cette disposition.

19ème et dernier feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignée, pour les demandeurs, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser les jugements attaqués ; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge des décisions annulées; renvoyer la cause et les parties devant un autre tribunal de première instance statuant en degré d'appel; statuer comme de droit quant aux dépens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 26 juin 2017

Pièces jointes

1. Copie certifiée conforme de l'exploit de signification du jugement attaqué du 6 février 2017 à la requête de la défenderesse,
2. Copie certifiée conforme de l'exploit de signification du jugement attaqué du 6 février 2017 à la requête du défendeur,


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C.17.0335.F
Date de la décision : 20/04/2018
Type d'affaire : arrêt

Analyses

Copropriété ; Procédure judiciaire ; Dépens ; Charges communes ; Contribution des copropriétaires ; Procédure judiciaire opposant un copropriétaire à la copropriété ; Prétention partiellement non fondée ; Contribution aux dépens de la copropriété à titre de copropriétaire ; Condamnation à une partie des dépens de la copropriété à titre de partie adverse succombante ; Fondements

L'article 577-9 § 8 alinéa 2 du Code civil ne concerne que la contribution du copropriétaire qui succombe en partie dans les dépens mis à charge de la copropriété au tire de charges de la chose commune et est étranger au pouvour que le juge puise dans l'article 1017, alinéa 4 du code judiciaire de condamner ce copriétaire à une partie des dépens de la copropriété relatifs à la procédure opposant ces parties.


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-20;c.17.0335.f ?

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