N° F.16.0026.N
RÉGION FLAMANDE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre du Budget, des Finances et de l'Énergie,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
KBC IMMOLEASE, s.a.,
Me Johan Speecke, avocat au barreau de Courtrai.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 mai 2015 par la cour d'appel de Gand.
Le 2 octobre 2017, le procureur général Dirk Thijs a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
Le procureur général Dirk Thijs a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. Aux termes de l'article 251 du Code des impôts sur les revenus 1992, le précompte immobilier est dû, d'après les modalités déterminées par le Roi, par le propriétaire, possesseur, emphytéote, superficiaire ou usufruitier des biens imposables.
L'article 9 de la loi du 10 janvier 1824 sur le droit d'emphytéose prévoit que l'emphytéote supportera les impositions établies sur le fonds, soit ordinaires, soit extraordinaires, soit annuelles, soit à payer en une fois.
Il s'ensuit que l'emphytéote est le contribuable pour le précompte immobilier qui est levé sur le bien faisant l'objet de l'emphytéose.
2. Aux termes de l'article 257, § 2, 3°, du code précité, tel qu'il est applicable en Région flamande, il est accordé, sur la demande de l'intéressé, remise ou modération proportionnelle du précompte immobilier dans la mesure où le revenu cadastral imposable peut être réduit en vertu de l'article 15.
L'article 15, § 1er, 1°, du même code dispose que le revenu cadastral est réduit dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'improductivité, de l'absence de jouissance de revenus ou de la perte de ceux-ci dans le cas où un immeuble bâti, non meublé, est resté totalement inoccupé et improductif de revenus pendant au moins 90 jours dans le courant de l'année.
Il s'ensuit que la remise ou la modération proportionnelle du précompte immobilier est accordée lorsque le contribuable n'a pas occupé l'immeuble bâti non meublé pendant au moins 90 jours dans le courant de l'année et lorsque le fait qu'il soit resté improductif de revenus durant cette période est dû à des raisons indépendantes de sa volonté.
Il s'ensuit également que la possibilité d'accorder la remise ou la modération proportionnelle pour cause d'improductivité doit s'apprécier dans le chef du contribuable lui-même et non dans le chef de celui à qui le bien est donné en location ou qui se voit concéder un droit d'usage dans le cadre d'un contrat de leasing immobilier.
Lorsque le contribuable accorde un droit d'usage à un tiers dans le cadre d'un contrat de leasing immobilier, le bien n'est pas improductif pour des raisons indépendantes de sa volonté.
3. Les juges d'appel ont constaté que :
- en vertu d'un contrat conclu avec la société anonyme Flanders Spinning-Mill Company (FSMC), la défenderesse détenait, pour une durée de 27 ans, un droit d'emphytéose sur le bien immeuble sis à Audenarde, Westerring, 27, et qu'un bâtiment industriel existant se trouvait sur cette parcelle ;
- le 18 décembre 2007, la défenderesse a conclu avec la société anonyme Consultanim un contrat de leasing dans le cadre duquel elle a donné les bâtiments en leasing afin qu'ils soient utilisés comme centre logistique ;
- pour l'exercice 2009, la demanderesse a établi, sous le numéro d'article de rôle 209.001.161.043, une cotisation au précompte immobilier se rapportant au bien immeuble susvisé à charge de la défenderesse pour un montant de 20.481,50 euros ;
- à la suite de la résiliation des baux conclus entre la société Consultanim et la société anonyme Samsonite, l'ensemble de l'immeuble bâti est devenu inoccupé à partir du 1er avril 2009 et, même avec l'intervention de tiers, aucun nouveau locataire n'a pu être trouvé ;
- la défenderesse a demandé une modération proportionnelle au motif que le bâtiment est resté inoccupé durant une partie de l'année 2009.
4. Les juges d'appel ont considéré que :
- le fait que la défenderesse ait reçu des redevances périodiques de la part de la société Consultanim n'empêche pas qu'il y ait improductivité ;
- dès lors qu'elles sont destinées à reconstituer le capital, les redevances périodiques que la défenderesse reçoit du preneur de leasing dans le cadre d'un leasing financier pur et simple ne peuvent être considérées comme des revenus du bien immeuble au sens de l'article 15, § 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ;
- le fait que ces redevances comprennent également des intérêts et des frais accessoires est sans incidence à cet égard ;
- même lorsque ces redevances périodiques comportent une part de profit, cette partie des redevances ne constitue pas une compensation pour l'usage du bien donné en leasing ;
- en vertu du contrat de leasing, le bailleur a, au demeurant, cédé tout droit d'usage du bien immeuble pendant la durée du contrat ;
- dans le cadre de l'appréciation de la demande de remise ou de modération proportionnelle du précompte immobilier se rapportant à un bien immeuble ayant fait l'objet d'un leasing financier pur et simple, il y a également lieu d'examiner si l'immeuble a été totalement ou partiellement improductif dans le chef de ceux qui, en vertu du contrat de leasing, détenaient le droit d'usage et pouvaient dès lors en tirer un revenu au sens de l'article 471, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992.
5. Les juges d'appel qui, sur la base de ces énonciations, ont accordé une modération proportionnelle du précompte immobilier à la défenderesse au motif que le bien est resté improductif pendant plus de 90 jours dans le chef du preneur de leasing, ont violé l'article 257, § 2, 3°, lu conjointement avec l'article 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, les conseillers Filip Van Volsem, Geert Jocqué, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du dix-neuf avril deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence du procureur général Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le président de section,