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16/04/2018 | BELGIQUE | N°S.17.0009.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 avril 2018, S.17.0009.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.17.0009.N
MIDDLEGATE EUROPE, s.a.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de l'Emploi,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2016 par la cour du travail de Gand, division de Bruges.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Les moyens de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.17.0009.N
MIDDLEGATE EUROPE, s.a.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de l'Emploi,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2016 par la cour du travail de Gand, division de Bruges.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

(...)

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Quant à la recevabilité :

6. Le défendeur oppose deux fins de non-recevoir :
- le moyen, en cette branche, omettrait d'invoquer la violation de l'article 7 du décret des 2-17 mars 1791 portant suppression de tous les droits d'aides, de toutes les maîtrises et jurandes et établissement de patentes, et de l'article II.4 du Code de droit économique ;
- le moyen, en cette branche, obligerait la Cour à procéder à un contrôle des articles 1er et 2 de la loi du 8 juin 1972 organisant le travail portuaire au regard des articles 10, 11 et 23 de la Constitution et à un examen des faits pour lequel elle est sans pouvoir.
7. Le grief exposé dans cette branche du moyen soutient que les articles 1er et 2 de la loi du 8 juin 1972 précitée portent atteinte de manière excessive à la liberté de commerce et d'industrie et opèrent ainsi une discrimination, de sorte qu'en appliquant ces dispositions légales, l'arrêt viole notamment les articles 10, 11 et 23, alinéa 2, de la Constitution.
La violation alléguée des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, à la supposer fondée, suffit à entraîner la cassation.
La première fin de non-recevoir doit être rejetée.
8. Le moyen, en cette branche, invite la Cour à poser à la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles sur la compatibilité des articles 1er et 2 de la loi du 8 juin 1972 organisant le travail portuaire avec les articles 10, 11 et 23, alinéa 2, de la Constitution. Il ne demande dès lors pas à la Cour de procéder elle-même à ce contrôle et d'examiner, à cette fin, des éléments de fait.
La seconde fin de non-recevoir doit également être rejetée.

Quant au fondement :

9. Aux termes de l'article 1er de la loi du 8 juin 1972 organisant le travail portuaire, nul ne peut faire effectuer un travail portuaire dans les zones portuaires par des travailleurs autres que les ouvriers portuaires reconnus.
L'article 2 de la loi précitée dispose que la délimitation des zones portuaires et du travail portuaire, telle qu'elle est établie par le Roi en application des articles 35 et 37 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, régit l'application de cette loi.
Cet article 2 fait ainsi sienne la délimitation du travail portuaire établie à l'article 1er de l'arrêté royal du 12 janvier 1973 instituant la Commission paritaire des ports et fixant sa dénomination et sa compétence et à l'article 2 de l'arrêté royal du 12 août 1974 instituant des sous-commissions paritaires pour des ports, fixant leur dénomination et leur compétence et en fixant leur nombre de membres.
10. L'article 1er de l'arrêté royal du 12 janvier 1973 et l'article 2 de l'arrêté royal du 12 août 1974 définissent le travail portuaire comme étant toutes les manipulations de marchandises qui sont transportées par des navires de mer ou des bâtiments de navigation intérieure, par des wagons de chemin de fer ou des camions, et les services accessoires qui concernent ces marchandises, que ces activités aient lieu dans les docks, sur les voies navigables, sur les quais ou dans les établissements s'occupant de l'importation, de l'exportation et du transit de marchandises, ainsi que toutes les manipulations de marchandises transportées par des navires de mer ou des bâtiments de navigation intérieure à destination ou en provenance des quais d'établissements industriels, et précisent qu'il faut entendre par :
1. Toutes les manipulations de marchandises :
a) marchandises : toutes les marchandises, les containers et les moyens de transport y compris, à l'exclusion uniquement :
- du transport de pétrole en vrac, de produits pétroliers (liquides) et de matières premières liquides pour les raffineries, l'industrie chimique et les activités d'entreposage et de transformation dans les installations pétrolières ;
- du poisson amené par des bateaux de pêche ;
- des gaz liquides sous pression et en vrac.
b) manipulations : charger, décharger, arrimer, désarrimer, déplacer l'arrimage, décharger en vrac, appareiller, classer, trier, calibrer, empiler, désempiler, ainsi que composer et décomposer les chargements unitaires.
2. Les services accessoires qui concernent ces marchandises : marquer, peser, mesurer, cuber, contrôler, réceptionner, garder (à l'exception des services de gardiennage assurés par des entreprises relevant de la compétence de la Commission paritaire pour les services de gardiennage et/ou de surveillance pour le compte d'entreprises relevant de la Commission paritaire des ports), livrer, échantillonner et sceller, accorer et désaccorer.
11. Les articles 1er et 2 de la loi du 8 juin 1972 organisant le travail portuaire limitent la liberté d'action des personnes, établissements ou entreprises qui exercent des activités dans une zone portuaire, ce qui a nécessairement une incidence sur la liberté de commerce et d'industrie.
La liberté de commerce et d'industrie n'ayant pas un caractère absolu, ces limitations ne seraient discriminatoires que si elles avaient été imposées sans aucune nécessité ou si elles étaient disproportionnées au but poursuivi.
Dès lors que la question se pose de savoir si les limites imposées par les articles 1er et 2 de la loi précitée à la liberté de commerce des personnes, établissements ou entreprises exerçant des activités dans une zone portuaire sont compatibles avec le principe constitutionnel d'égalité, il y a lieu de poser à la Cour constitutionnelle la question ci-après libellée.

Par ces motifs,

La Cour

Sursoit à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à la question préjudicielle suivante :
« Les articles 1er et 2 de la loi du 8 juin 1972 organisant le travail portuaire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 23, alinéa 2, de la Constitution et avec la liberté de commerce et d'industrie, en ce que l'obligation, imposée aux personnes, aux établissements ou aux entreprises qui exercent des activités dans une zone portuaire, de faire appel à des ouvriers portuaires reconnus ne se limite pas au chargement et au déchargement de navires, mais vaut également pour des manipulations pouvant également être effectuées en dehors des zones portuaires ? »
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les conseillers Koen Mestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du seize avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Mike Van Beneden.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.17.0009.N
Date de la décision : 16/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-16;s.17.0009.n ?

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