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16/04/2018 | BELGIQUE | N°C.13.0008.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 avril 2018, C.13.0008.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.13.0008.N
RÉGION FLAMANDE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
2. ETHIAS DROIT COMMUN, association d'assurances mutuelles.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 21 novembre 2011 par le tribunal de première instance de Tongres, statuant en degré d&apo

s;appel.
Par ordonnance du 27 février 2018, le premier président a renvoyé la cause devant la trois...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.13.0008.N
RÉGION FLAMANDE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
2. ETHIAS DROIT COMMUN, association d'assurances mutuelles.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 21 novembre 2011 par le tribunal de première instance de Tongres, statuant en degré d'appel.
Par ordonnance du 27 février 2018, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Sur la recevabilité du moyen :

1. La défenderesse oppose une fin de non-recevoir au moyen : la demanderesse allègue pour la première fois devant la Cour que le moment auquel la victime a eu ou a pu avoir elle-même connaissance de l'identité du responsable est déterminant pour fixer le point de départ du délai de prescription, de sorte que le moyen est nouveau.
2. Le jugement attaqué statue sur l'action exercée, en application de l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, contre la demanderesse par la défenderesse en tant que subrogée dans les droits de ses assurés, personnes lésées par un accident de roulage, et décide que cette action n'est pas prescrite en vertu de l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'État coordonnées le 17 juillet 1991.
3. Tant l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités que l'article 100 des lois coordonnées sur la comptabilité de l'État sont d'ordre public.
Le moyen, qui critique l'application que font les juges d'appel de ces dispositions légales, n'est pas nouveau.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen :

4. En vertu de l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'État, encore applicable au litige, lu conjointement avec l'article 71, § 1er, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, les créances contre la Région flamande qui sont fondées sur la responsabilité extracontractuelle de celle-ci sont prescrites après l'écoulement d'un délai de cinq ans prenant cours le premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées.
Dans ses arrêts 153/2006 du 18 octobre 2006 et 90/2007 du 20 juin 2007, la Cour constitutionnelle a jugé que l'article 100, alinéa 1er, 1°, précité viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il prévoit également un délai de prescription de cinq ans pour les actions en indemnisation fondées sur la responsabilité extracontractuelle des pouvoirs publics, lorsque le préjudice ou l'identité du responsable ne peuvent être établis que postérieurement à ce délai.
Il s'ensuit que l'action en responsabilité extracontractuelle qu'une personne lésée exerce contre la Région est prescrite si elle est introduite plus de cinq ans après le premier janvier de l'année durant laquelle la faute a été commise, à moins que la personne lésée n'ait eu connaissance du dommage et de l'identité de la personne responsable qu'après l'expiration de ce délai.
5. En vertu de l'article 136, § 2, alinéa 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, l'organisme assureur est subrogé de plein droit au bénéficiaire jusqu'à concurrence des prestations octroyées, pour la totalité des sommes qui sont dues en vertu d'une législation belge, d'une législation étrangère ou du droit commun et qui réparent partiellement ou totalement le dommage découlant d'une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès.
6. La subrogation a pour effet que la personne subrogée dans les droits de la personne lésée exerce l'action de celle-ci avec l'ensemble de ses caractéristiques et accessoires ; il s'ensuit également que le délai de prescription de l'action contre le responsable prend cours à l'égard de la personne subrogée au moment où il prend cours à l'égard de la personne lésée.
7. Il résulte de ce qui précède que l'action en responsabilité extracontractuelle qu'un organisme assureur subrogé exerce contre la Région est prescrite si elle est introduite plus de cinq ans après le premier janvier de l'année durant laquelle la faute a été commise, à moins que le bénéficiaire n'ait eu connaissance du dommage et de l'identité de la personne responsable qu'après l'expiration de ce délai. La circonstance que l'organisme assureur subrogé n'a lui-même eu connaissance de l'identité de la personne responsable qu'après l'expiration de ce délai est sans incidence à cet égard.
8. Le jugement attaqué constate que l'accident de roulage à la suite duquel la défenderesse a indemnisé ses assurés est survenu le 15 avril 2002.
Il considère que le 3 janvier 2008, date de la citation, l'action exercée contre la demanderesse par la défenderesse en tant qu'assureur soins de santé subrogé n'était pas encore prescrite. Il fonde cette décision sur le motif que ce n'est que le 17 janvier 2007 que la défenderesse a eu connaissance que la demanderesse était coresponsable de l'accident, de sorte que le délai de prescription prévu à l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'État a commencé à courir, non pas le 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'accident de roulage est survenu, mais seulement le 17 janvier 2007.
Par ces motifs, dont il ne ressort pas que les assurés de la défenderesse n'auraient eu connaissance qu'après le 1er janvier 2007 que la demanderesse était coresponsable de l'accident de roulage du 15 avril 2002, le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision suivant laquelle l'action exercée contre la demanderesse par la défenderesse n'est pas prescrite.
Le moyen est fondé.

Sur le second moyen :

9. En vertu de l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'État, encore applicable au litige, lu conjointement avec l'article 71, § 1er, de la loi spéciale du 16 janvier 1989, les créances contre la Région flamande qui sont fondées sur la responsabilité extracontractuelle de celle-ci sont prescrites après l'écoulement d'un délai de cinq ans prenant cours le premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées.
Dans son arrêt 97/2009 du 4 juin 2009, la Cour constitutionnelle a jugé que l'article 100, alinéa 1er, 1°, précité viole les articles 10 et 11 de la Constitution si cette disposition est interprétée en ce sens que le délai de prescription qu'elle prévoit commence à courir, à l'égard d'une action en garantie, le premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle l'action principale est née, mais que cette même disposition ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution si elle est interprétée en ce sens que le délai de prescription qu'elle prévoit commence à courir, à l'égard d'une action en garantie, le premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle est né le droit d'intenter l'action en garantie.
Il s'ensuit que le juge ne peut constater, en application dudit article 100, alinéa 1er, 1°, la prescription d'une demande incidente en garantie dirigée par un coresponsable contre la Région flamande que si la demande incidente a été introduite après l'écoulement d'un délai de cinq ans prenant cours le premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle le droit d'intenter ladite demande incidente en garantie est né.
10. Le moyen repose tout entier sur le soutènement que la demande incidente en garantie formée par un coresponsable contre la Région flamande en application de cet article 100, alinéa 1er, 1°, est prescrite après l'écoulement d'un délai de cinq ans prenant cours le premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle est né le droit de la personne lésée d'intenter une telle demande contre la Région flamande.
Le moyen qui, en cette branche, repose sur un soutènement inexact, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué en tant qu'il déclare fondée la demande principale originaire dirigée par la défenderesse contre la demanderesse et condamne la demanderesse à payer à la défenderesse une somme de 5.299,25 euros, augmentée des intérêts, et en tant qu'il statue sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance d'Anvers, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Beatrijs Deconinck, président, le président de section Alain Smetryns et les conseillers Koen Mestdagh, Antoine Lievens et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du seize avril deux mille dix-huit par le président de section Beatrijs Deconinck, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Mike Van Beneden.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Mireille Delange et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0008.N
Date de la décision : 16/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-16;c.13.0008.n ?

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