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11/04/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0372.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 avril 2018, P.18.0372.F


N° P.18.0372.F
I. M.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Mathieu Simonis, avocat au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 mars 2018, sous le numéro C449, par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.




II. LA

DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 5.1 de la Conventio...

N° P.18.0372.F
I. M.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Mathieu Simonis, avocat au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 mars 2018, sous le numéro C449, par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 5.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2bis, § 9, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et 47bis, § 4, du Code d'instruction criminelle, et de la méconnaissance de la foi due aux actes.

Le demandeur reproche à l'arrêt de considérer qu'« il ressort des termes de l'audition [du demandeur] du 13 mars 2018 (pièce 15) que celle-ci a été précédée d'une concertation confidentielle avec un avocat sans qu'aucune remarque (relative à une violation des droits de la défense) n'ait été à ce moment formulée quant à ses modalités d'exécution », alors que l'entretien qu'il a eu avec son avocat avant sa première audition par la police, dans une cellule gardée par cinq enquêteurs, ne peut être considérée comme une concertation confidentielle, et que le juge d'instruction n'a pas dérogé à ce droit pour un des motifs impérieux prévus par la loi. Il en résulterait que le demandeur n'a pas été privé de sa liberté selon les voies légales.

En tant qu'il allègue que l'entretien que le demandeur a eu avec son avocat avant la première audition n'était pas une concertation confidentielle au sens des articles 2bis de la loi relative à la détention préventive et 47bis du Code d'instruction criminelle, parce que cette rencontre a eu lieu dans une cellule gardée par cinq enquêteurs, le moyen requiert une vérification des éléments de fait de la cause qui échappe au pouvoir de la Cour.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.

Le moyen soutient également que la considération critiquée viole la foi due au procès-verbal dressé par les verbalisants et à celui de son interrogatoire par le juge d'instruction L., dès lors qu'il ressort de ces pièces, contrairement à ce que l'arrêt indique, que des remarques ont été formulées. Le moyen précise que le procès-verbal de l'interrogatoire du demandeur par ce juge d'instruction mentionne : « [L'avocat du demandeur] est entendu en ses observations. Il souligne le fait qu'il regrette que pour des raisons de sécurité, il n'ait pas pu s'entretenir ailleurs qu'en cellule avec son client ».

Un grief de violation de la foi due à un acte consiste à désigner une pièce à laquelle la décision attaquée se réfère expressément et à reprocher à celle-ci, soit d'attribuer à cette pièce une affirmation qu'elle ne comporte pas, soit de déclarer qu'elle ne contient pas une mention qui y figure, en d'autres termes de donner de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes.

D'une part, le procès-verbal n° 4815 du 13 mars 2018 de la police judiciaire fédérale énonce : « [L']audition dans le cadre du dossier d'évasion du 26/02/2017 [...] a été précédée d'une concertation préalable avec [l'avocat du demandeur et], pour des raisons de sécurité, elle a été réalisée dans la cellule où était placé [le demandeur], [l'avocat de celui-ci] a marqué son accord pour cette procédure ». L'audition du demandeur par la police, annexée à ce procès-verbal, énonce : « Je suis assisté par Maître [S.]. Préalablement à mon audition, j'ai pu avoir une concertation avec Maître [S.] ce 13 mars 2018 de 12 h 23 à 12 h 38. »

Il ne ressort pas de ces énonciations, ni d'aucune autre mention du procès-verbal n° 4815 et de son annexe, que le demandeur ou son conseil ont formulé à ce moment des remarques relatives à une violation des droits de la défense quant aux modalités d'exécution de la concertation confidentielle.

Partant, par la considération visée au moyen, l'arrêt ne donne pas de ces pièces une interprétation inconciliable avec leurs termes.

D'autre part, il ne ressort pas de la considération critiquée qu'elle se réfère au procès-verbal de l'interrogatoire du demandeur par le juge d'instruction L.

Elle ne saurait, dès lors, violer la foi due à cette pièce.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

En tant qu'il invoque la violation des articles 127 à 130, 132 et 133 du Code d'instruction criminelle, sans préciser en quoi l'arrêt viole ces dispositions, le deuxième moyen est imprécis et, partant, irrecevable.

Quant à la première branche du deuxième moyen et au troisième moyen :

Le deuxième moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l'article 19, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Il reproche à l'arrêt de ne pas remédier, par une motivation légale et pertinente, à l'absence de motivation du mandat d'arrêt quant au choix de la maison d'arrêt de Bruges, alors qu'en vertu de la disposition précitée, le mandat d'arrêt doit en principe être exécuté dans la maison d'arrêt du lieu où se fait l'instruction ou de l'arrondissement dans lequel l'inculpé a été trouvé. Une telle motivation s'imposait d'autant plus que la décision du magistrat instructeur de ne pas appliquer cette règle entrave gravement l'exercice des droits de défense du demandeur, par les longs déplacements auxquels sa famille et son avocat sont astreints pour lui rendre visite et par le fait d'être placé dans un établissement utilisant le néerlandais, langue que le demandeur ne parle pas.

Le troisième moyen est pris de la violation de l'article 20, § 1er, de la loi relative à la détention préventive. Il soutient qu'en ne décidant pas, malgré les difficultés pratiques engendrées par le placement du demandeur dans la maison d'arrêt précitée, de le déplacer dans un établissement plus proche du bureau de son avocat, l'arrêt contrevient à cette disposition qui prévoit le droit pour l'inculpé de communiquer librement avec son avocat immédiatement après la première audition par le juge d'instruction.

L'article 19, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 dispose que si dans le cours de l'instruction le juge saisi de l'affaire décerne un mandat d'arrêt, il peut ordonner, par ce mandat, que l'inculpé sera transféré dans la maison d'arrêt du lieu où se fait l'instruction, et que s'il n'est pas indiqué dans le mandat d'arrêt que l'inculpé sera ainsi transféré, il restera en la maison d'arrêt de l'arrondissement dans lequel il aura été trouvé jusqu'à ce qu'il ait été statué par la chambre du conseil conformément aux articles 127, 128, 129, 130, 132 et 133 du Code d'instruction criminelle.

Il ne résulte pas de cette disposition que le mandat d'arrêt ne peut être exécuté que dans la maison d'arrêt du lieu où se fait l'instruction ou de l'arrondissement dans lequel l'inculpé aura été trouvé, ni que, lorsqu'il ordonne l'exécution du mandat dans une autre maison d'arrêt, le juge d'instruction doit spécialement motiver sa décision sur ce point.

Dans la mesure où, en sa première branche, il soutient le contraire, le deuxième moyen manque en droit.

Les juges d'appel ont considéré que les éléments de personnalité du demandeur, qu'ils ont précisés, justifient pleinement le choix de la maison d'arrêt désignée. L'arrêt considère également que si cette situation peut engendrer des difficultés pratiques, le demandeur reste en défaut de démontrer concrètement la violation de ses droits de défense qui en est résulté, de même que l'impossibilité pour sa famille de lui rendre visite.

Par ces énonciations, au terme d'une appréciation en fait, et sans violer les dispositions visées aux moyens, les juges d'appel ont légalement décidé, d'une part, que le choix par le juge d'instruction de l'établissement désigné au mandat d'arrêt était pertinent au regard de la personnalité du demandeur, et, d'autre part, que les difficultés inhérentes au lieu où la détention préventive est subie n'ont pas eu pour effet, concrètement, de violer les droits de défense du demandeur ni, partant, son droit de communiquer librement avec son avocat.

A cet égard, les moyens ne peuvent être accueillis.

Pour le surplus, en tant qu'ils requièrent pour leur examen une vérification des éléments de fait de la cause, laquelle échappe au pouvoir de la Cour, les moyens sont irrecevables.

Quant à la deuxième branche du deuxième moyen :

Le moyen allègue que le choix de la maison d'arrêt, dont la base légale est l'article 19 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ne peut être fait qu'en observant l'article 41 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, qui est d'ordre public. Selon le moyen, en plaçant le demandeur, qui ne parle pas le néerlandais, dans une maison d'arrêt qui fait usage de cette langue, le juge d'instruction a méconnu cette disposition. Le moyen reproche à l'arrêt de ne pas répondre à cette défense invoquée dans les conclusions du demandeur.

Dans la mesure où il réitère le moyen pris de la violation de l'article 19, § 3, de la loi relative à la détention préventive, vainement invoqué à la première branche, le moyen est irrecevable.

En vertu de l'article 41, § 1er, desdites lois coordonnées, les services centraux utilisent dans leurs rapports avec les particuliers celle des trois langues dont ces particuliers ont fait usage.

Le statut administratif interne d'un inculpé détenu est étranger au pouvoir du juge d'instruction. L'article 41 précité n'est, partant, pas applicable au juge d'instruction qui décerne un mandat d'arrêt.

Procédant d'une prémisse juridique contraire et étant sans incidence sur la légalité du mandat d'arrêt, le moyen ne demandait pas de réponse des juges d'appel.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche du deuxième moyen :

Le moyen allègue qu'en considérant que les éléments de personnalité du demandeur, qui a choisi le français comme langue de la procédure et est censé ne pas comprendre le néerlandais, justifient pleinement le choix par le juge d'instruction de la prison indiquée au mandat d'arrêt, située en région de langue néerlandaise, l'arrêt traite de manière identique le détenu néerlandophone nécessitant d'être placé sous un régime de haute surveillance, qui sera placé dans un établissement situé en région de langue néerlandaise, et le détenu francophone nécessitant d'être placé sous un tel régime, qui, à défaut d'un établissement situé en région de langue française disposant de ce régime, sera également placé dans un établissement situé en région de langue néerlandaise. Ainsi, les juges d'appel auraient commis une discrimination directe ou indirecte fondée sur la langue, interdite par les articles 3 et 14 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination.

Les décisions prises en matière de détention préventive sont étrangères au champ d'application de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination.

Entièrement fondé sur la prémisse contraire, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du onze avril deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.18.0372.F
Date de la décision : 11/04/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Mandat d'arrêt


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-11;p.18.0372.f ?

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