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11/04/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0257.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 avril 2018, P.18.0257.F


N° P.18.0257.F
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Cathy Piront, avocats au barreau de Liège,

contre

Z.G., né à Tianjin (Chine) le 4 août 1954, sans domicile ni résidence connue en Belgique,
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cécile Dascotte, avocat au barreau de Mons.




I. LA PROCÉDURE DEVANT

LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Mons, chambr...

N° P.18.0257.F
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Cathy Piront, avocats au barreau de Liège,

contre

Z.G., né à Tianjin (Chine) le 4 août 1954, sans domicile ni résidence connue en Belgique,
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cécile Dascotte, avocat au barreau de Mons.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LES FAITS

Le défendeur est arrivé illégalement sur le territoire à une date indéterminée.

Après avoir fait l'objet d'un premier ordre de quitter le territoire du 20 mars 2010, il a été autorisé, par décision du 28 mai 2010, au séjour temporaire pour une durée d'un an en application de l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Cette autorisation a été prolongée le 14 octobre 2011 pour une durée de douze mois.

Le 14 novembre 2013, l'Office des étrangers a notifié au défendeur une décision de refus d'une nouvelle prolongation de l'autorisation de séjour ainsi qu'un ordre de quitter le territoire.

Ce dernier a introduit le 20 février 2014 une nouvelle demande d'autorisation de séjour que l'Office des étrangers a dit irrecevable par décision du 20 janvier 2015. Le même jour, un troisième ordre de quitter le territoire lui a été notifié.

Les recours du défendeur contre les deux décisions précitées ont été rejetés par arrêts du Conseil du contentieux des étrangers du 2 juillet 2015.

Le 10 décembre 2017, un autre ordre de quitter le territoire avec maintien en vue de l'éloignement a été pris sur la base de l'article 7 de la loi du 15 décembre 1980.

Suite au refus du défendeur, le 19 décembre 2017, d'embarquer dans l'avion en vue de son rapatriement, celui-ci s'est vu notifier le même jour une décision de réécrou prise en application de l'article 27 de la loi précitée.

Le 2 janvier 2018, le défendeur a introduit une demande d'asile et le 3 janvier 2018, l'Office des étrangers a pris un ordre de quitter le territoire avec maintien dans un lieu déterminé, conformément à l'article 74-6, § 1erbis, de la loi.

Le 25 janvier 2018, le défendeur a renoncé à sa demande d'asile. Il a déposé le 5 février 2018 une requête de mise en liberté.

Par décision du 16 février 2018, le réécrou du 19 décembre 2017 a été prolongé.

Après avoir constaté l'absence de titre valable de détention, l'arrêt attaqué confirme la libération du défendeur.

III. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen est pris de la violation de la foi due aux actes. Il reproche à l'arrêt de considérer que la décision de maintien dans un lieu déterminé, prise le 3 janvier 2018, constitue le titre de rétention querellé alors que la requête de mise en liberté vise expressément l'ordre de quitter le territoire avec maintien en vue de l'éloignement du 10 décembre 2017.

L'arrêt relève d'abord que le défendeur s'est vu notifier le 10 décembre 2017 un ordre de quitter le territoire avec maintien en vue de l'éloignement sur la base de l'article 7, alinéa 1er, 1° et 8°, de la loi du 15 décembre 1980, qu'une décision de réécrou a été prise le 19 décembre 2017 en application de l'article 27, §§ 1er et 3, suite à l'opposition du défendeur à son rapatriement et que, après une demande d'asile introduite le 2 janvier 2018, il s'est vu notifier le lendemain une nouvelle décision de maintien fondée sur l'article 74-6, § 1erbis, 5° et 12°. L'arrêt énonce ensuite qu'aux termes de la requête de mise en liberté, déposée le 2 février 2018, le défendeur sollicite sa libération immédiate à l'issue d'un exposé des faits relatant qu'il a été intercepté par la police lors d'un contrôle du 10 décembre 2017 et qu'il a été transféré au centre fermé pour illégaux de Vottem où il reste détenu depuis cette date. Il ajoute qu'il apparaît sans ambiguïté du dossier administratif que la décision faisant l'objet de la requête de mise en liberté est celle prise le 3 janvier 2018 et qu'il importe peu, à cet égard, que la requête ne le mentionne pas expressément.

Ainsi, le moyen ne reproche pas à l'arrêt de considérer que la requête de mise en liberté contient une indication qui n'y figure pas ou qu'elle ne contient pas une mention qui y figure. Il se borne à faire grief à la chambre des mises en accusation d'avoir déterminé, au terme d'une analyse en fait et en droit, l'objet de sa saisine.

Pareil grief ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.

Le moyen manque en droit.

Quant aux deuxième et troisième branches réunies :

Le moyen invoque la violation des articles 71, alinéa 1er, et 72, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, ainsi que des articles 17, 18 et 1138, alinéa 1er, 2°, du Code judiciaire. Le demandeur soutient que les juges d'appel n'étaient pas habilités à statuer sur la demande de libération du défendeur et que celui-ci était sans intérêt à agir dès lors qu'au moment de son dépôt, l'objet de la requête, à savoir le titre de rétention du 10 décembre 2017, avait été remplacé par le titre autonome subséquent, lui-même remplacé par la décision du 3 janvier 2018.

Par les énonciations indiquées en réponse à la première branche du moyen, l'arrêt constate que la requête de mise en liberté ne mentionne pas expressément le titre de rétention faisant l'objet de la demande, que le défendeur est maintenu depuis le 10 décembre 2017 sur la base de trois décisions administratives autonomes subséquentes et qu'il sollicite sa libération immédiate. L'arrêt décide que, eu égard à ces éléments, l'objet de la requête est la décision de maintien du 3 janvier 2018.

Par ces considérations, l'arrêt décide légalement qu'il y a lieu de statuer sur la demande de libération.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

Pris de la violation des articles 27, § 1er, et 74-6, § 1erbis, de la loi du 15 décembre 1980, le moyen fait grief aux juges d'appel d'avoir décidé que la décision fondant la détention du défendeur est celle prise le 3 janvier 2018. Selon le demandeur, c'est à tort que la chambre des mises en accusation a considéré que l'adoption d'une nouvelle mesure privative de liberté autonome anéantit la mesure précédente dès lors qu'en pareil cas, cette dernière n'est ni retirée, ni anéantie mais fonde à nouveau la privation de liberté lorsque le dernier titre est devenu caduc suite à un élément nouveau, telle la renonciation à la demande d'asile. A cet égard, il allègue que les juges d'appel ont violé les règles applicables au retrait d'un acte administratif. Le demandeur soutient que, partant, le défendeur est actuellement détenu sur la base de la décision de réécrou du 19 décembre 2017.

Lorsque la situation de l'étranger change en raison de la survenance de circonstances justifiant une nouvelle décision de rétention, celle-ci, qui constitue un titre autonome de privation de liberté, remplace l'ancienne décision.

Si, à la suite de la disparition ou de la modification des circonstances de fait ou de droit qui l'avaient motivé, l'acte perd son fondement légal, il disparaît de l'ordonnancement juridique.

Partant, la décision de réécrou du 19 décembre 2017, qui a disparu par l'effet de la décision du 3 janvier 2018, ne pouvait être prolongée.

En ce qu'il soutient le contraire, le moyen manque en droit.

Par ailleurs, en énonçant que l'adoption de la nouvelle mesure de privation de liberté a anéanti la mesure précédente, même sans retrait explicite de cette dernière, en s'y substituant, l'arrêt n'affirme pas que la décision de réécrou du 19 décembre 2017 a été retirée.

Dans la mesure où il repose sur une lecture inexacte de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Enfin, selon le moyen, l'arrêt considère erronément qu'un nouveau titre aurait dû être pris en application de l'article 52/3, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 après le désistement du défendeur de sa demande d'asile.

L'arrêt ayant légalement décidé que le défendeur ne faisait plus l'objet d'un titre de rétention valable, cette considération ne saurait entraîner la cassation.

A cet égard, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Quant à la seconde branche :

Le demandeur soutient qu'en décidant que le défendeur est détenu sur la base de la décision administrative du 3 janvier 2018 et que celle-ci a anéanti le réécrou du 19 décembre 2017, l'arrêt viole la foi due à cette décision administrative, à celle du 16 février 2018 prolongeant ce titre de rétention ainsi qu'à celle du Commissariat général aux réfugiés et apatrides décrétant le désistement de la demande d'asile.

Le moyen ne reproche pas à l'arrêt de considérer que les actes précités contiennent une indication qui n'y figure pas ou qu'ils ne contiennent pas une mention qui y figure. Il fait grief aux juges d'appel d'avoir opposé une analyse de la situation juridique du défendeur différente du demandeur.

Pareil grief ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.

Le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt euros nonante et un centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du onze avril deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.18.0257.F
Date de la décision : 11/04/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Etrangers


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-11;p.18.0257.f ?

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