N° P.18.0024.F
M.A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Ricardo Bruno et Michel Bouchat, avocats au barreau de Charleroi.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 décembre 2017 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 411 et 414 du Code pénal, ainsi que du principe général de la motivation des décisions en matière pénale et de « non-contradiction des motifs ».
Quant à la première branche :
Le demandeur soutient que l'arrêt se contredit en rejetant l'excuse de la provocation. Il lui fait également grief de méconnaître la notion légale de provocation, en refusant de l'en faire bénéficier au motif que sa réaction fut disproportionnée, alors que les juges d'appel ont constaté la réunion des seules conditions d'application prévues par le législateur, à savoir l'existence de violences graves du provocateur, lesquelles comprennent en elles-mêmes l'admission d'un rapport de proportionnalité avec les faits ensuite commis, et une réaction immédiate du demandeur.
Aux termes de l'article 411 du Code pénal, l'homicide, les blessures et les coups sont excusables, s'ils ont été immédiatement provoqués par des violences graves envers les personnes.
L'application de cette disposition implique, dans le chef du juge, la recherche du rapport de proportionnalité nécessaire entre les violences graves génératrices de l'excuse et l'infraction provoquée.
En tant qu'il repose sur la prémisse contraire, le moyen manque en droit.
Le juge apprécie en fait l'existence d'une provocation invoquée comme cause d'excuse, la Cour vérifiant si, de ses constatations, il a pu légalement déduire sa décision.
Il ressort de l'arrêt que le tribunal correctionnel a condamné le demandeur du chef, notamment, de meurtre sur la personne de K.O.
Examinant l'excuse alléguée de la provocation, les juges d'appel l'ont rejetée, en considérant que si la réaction du demandeur a immédiatement suivi les violences illicites de K.O. envers lui, lesquelles ont entraîné une atteinte partielle à son libre arbitre, ces dernières ne sont toutefois pas susceptibles d'excuser le crime, dans la mesure où cette réaction du demandeur, qui a reconnu avoir tiré à de nombreuses reprises pour s'assurer de la mort de la victime, est largement disproportionnée par rapport aux violences subies. Les juges d'appel ont précisé à cet égard qu'un homme prudent et raisonnable, s'il était le cas échéant porteur d'une arme, « se serait contenté de n'en faire usage que pour mettre un terme aux violences graves dont il faisait l'objet, sans s'assurer de façon certaine, comme l'a fait [le demandeur], de la mort de l'auteur [de ces violences] ».
Contrairement à ce que le demandeur soutient, les juges d'appel ne se contredisent pas en estimant, d'une part, qu'il a été confronté à des violences graves lui ayant fait perdre partiellement son libre arbitre et, d'autre part, qu'un jeune homme prudent et raisonnable, placé dans les mêmes circonstances, eût fait montre de modération dans l'usage immédiat de son arme.
Par les considérations précitées qui ne sont pas entachées de contradiction, les juges d'appel ont pu légalement justifier leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le moyen soutient que l'arrêt est entaché de contradiction. Selon lui, en abandonnant quarante pour cent du dommage découlant du meurtre à sa victime, en raison de ses fautes antérieures, soit une fraction très proche de celle du dommage à la réparation duquel le demandeur est condamné, les juges d'appel, statuant sur l'action civile, ont admis de manière implicite mais certaine l'existence de l'excuse de la provocation, alors qu'ils l'ont pourtant écartée aux termes de la décision rendue sur l'action publique.
Le rejet de l'excuse de la provocation n'empêche pas le juge de vérifier si la victime a commis une faute, autre que celle décrite à l'article 411 du Code pénal, de nature à justifier qu'elle supporte une partie de son dommage. S'il reconnaît l'existence d'une telle faute, le juge apprécie en fait son incidence sur la réalisation du dommage, la Cour se bornant à vérifier si, de ses constatations, il a pu légalement déduire sa décision d'abandonner à la victime une partie de ce dernier.
Renvoyant aux énonciations de l'arrêt à propos du déroulement des évènements, les juges d'appel, à l'appui de leur décision de rejeter la cause d'excuse de la provocation, ont toutefois délaissé à la victime quarante pour cent du dommage, compte tenu de l'incidence de son comportement, avant les faits et le jour de ceux-ci, dans la survenance de ce dommage. Ce faisant, ils ont eu égard non à la gravité intrinsèque des fautes respectives de la victime et du demandeur, mais à leur incidence sur la réalisation du dommage tel qu'il s'est produit.
Sur la base de ces considérations qui gisent en fait, les juges d'appel ont pu sans se contredire, d'une part, affirmer que le comportement de la victime a constitué une violence grave au sens de l'article 411 du Code pénal, mais que la réaction du demandeur a été trop disproportionnée pour que se produise l'effet atténuateur de la peine prévu par l'article 414 du même code, tout en décidant, d'autre part, que cette violence subie par le demandeur a cependant pu entraîner, sur le jugement de l'action civile, un partage de responsabilités, à concurrence de son incidence sur la réalisation du dommage.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, en tant qu'il estime que la part du dommage laissée à charge de la victime serait trop élevée notamment au regard de ce qui fut auparavant admis par la Cour en pareilles circonstances, le moyen revient à critiquer l'appréciation en fait des juges d'appel.
Partant, à cet égard, il est irrecevable.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du onze avril deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe