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10/04/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1135.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 avril 2018, P.17.1135.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1135.N
1. N. E.,
(...)
7. A. B.,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
Me Zouhaier Chihaoui, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 26 octobre 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
Les demandeurs invoquent un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a concl

u.



II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen invoque la violation des articles 3 et 1...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1135.N
1. N. E.,
(...)
7. A. B.,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
Me Zouhaier Chihaoui, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 26 octobre 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
Les demandeurs invoquent un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen invoque la violation des articles 3 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : l'arrêt procède à des constatations de fait erronées ou déduit des conséquences qui ne se fondent sur aucun élément objectif ; l'arrêt rejette, à tort, la demande des demandeurs visant un complément d'instruction et notamment la demande de jonction d'un plan des parcelles numéros 31 et 33 avec indication de la localisation et des mouvements des unités du CGSU (Commissariat Général Special Units), l'identification et l'audition détaillée de ces unités qui ont pris part à l'action et l'interrogatoire des magistrats du ministère public sur les missions confiées concernant la perquisition ; ce complément d'instruction aurait pu apporter des éclaircissements sur les deux motifs contestés par les demandeurs que l'arrêt admet pour l'assaut dans la maison portant le numéro 31, à savoir le fait que les services de police ignoraient si la personne recherchée se trouvait au numéro 33 ou au numéro 31 et la rébellion au numéro 31 par la tentative de presser la porte fermée ; l'arrêt décide, à tort, qu'il n'est pas question de violences disproportionnées à l'égard des demandeurs ; après que le parquet a très rapidement classé sans suite, le 14 mai 2013, la plainte introduite le 25 janvier 2013 par les demandeurs, l'instruction judiciaire ouverte ensuite de leur plainte avec constitution de partie civile introduite le 14 avril 2015 a été menée de manière extrêmement sommaire, expéditive, incomplète et superficielle ; l'instruction s'est bornée à la jonction des auditions des demandeurs mêmes, à une audition de quelques fonctionnaires de police étrangers à l'assaut en tant que tel par les unités du CGSU et à une tentative de reconstitution de l'assaut à la lumière des images disponibles des caméras qui étaient uniquement dirigées sur la façade avant des immeubles portant les numéros 31 et 33 ; le juge d'instruction a rejeté la demande de complément d'instruction formulée par les demandeurs, l'appel formé contre cette décision a été déclaré irrecevable et tant l'ordonnance dont appel rendue par la chambre du conseil que l'arrêt ont refusé d'ordonner le complément d'instruction demandé ; il résulte des éléments de fait tels qu'ils sont exposés dans le moyen et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'il existe une présomption de lien de causalité entre le dommage subi par les demandeurs et son imputabilité aux unités du CGSU, de sorte qu'il doit être admis que l'article 3 de la Convention a été violé en son volet matériel ; il est inadmissible que les unités du CGSU n'aient pas été identifiées et entendues ; l'instruction n'a pas davantage été menée par un tiers indépendant, dans la mesure où elle a été menée en première instance par la police judiciaire fédérale de Malines et par le parquet de Malines ; l'instruction ne peut être considérée comme étant inscrite dans une démarche opportune et sérieuse, mais plutôt comme la recherche d'une échappatoire afin de clore l'enquête, de sorte qu'il n'est pas satisfait aux conditions des articles 3, en son volet procédural, et 13 de la Convention.

2. L'article 3 de la Convention dispose : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

L'article 13 de cette même Convention dispose : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

3. Le recours à la violence non strictement nécessaire par des fonctionnaires de police à l'encontre d'une personne confrontée à des fonctionnaires de police porte atteinte à la dignité humaine et implique, en principe, une violation de l'article 3 de la Convention, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme.

4. Cette disposition conventionnelle, telle qu'interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme, oblige l'État, si une personne invoque de manière crédible avoir été traitée par des fonctionnaires de police d'une manière qui implique une infraction à cette disposition, à mener une enquête officielle, indépendante et objective qui doit être effective, en ce sens qu'elle doit permettre d'identifier et de punir les responsables.
5. Il appartient à la juridiction d'instruction, dans les limites de ses compétences, de vérifier lors du règlement de la procédure si l'instruction a été menée avec indépendance, objectivité et exhaustivité, et de décider si l'instruction judiciaire a livré des charges suffisantes permettant de renvoyer les suspects à la juridiction de jugement. Ainsi est-il satisfait à l'obligation procédurale déduite de l'article 3 de la Convention par la Cour européenne des droits de l'homme.

6. L'obligation procédurale déduite de l'article 3 de la Convention par la Cour européenne des droits de l'homme de mener une enquête officielle, indépendante et objective qui doit être effective, en ce sens qu'elle doit permettre d'identifier et de punir les responsables, est une obligation de moyen et non de résultat. Seuls doivent être posés les actes d'instruction qui peuvent raisonnablement contribuer, eu égard aux circonstances concrètes, au recueil et à l'obtention des éléments de preuve et à la manifestation de la vérité. La juridiction d'instruction se prononce souverainement à cet égard.

7. Il résulte de l'article 3 de la Convention, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'Homme, que, si une personne a été victime de violences lors d'une confrontation avec la police, il existe une forte présomption que les autorités policières en sont responsables. Toutefois, il n'en résulte pas que la juridiction d'instruction doit admettre que cette violence n'était pas strictement nécessaire. La juridiction d'instruction se prononce souverainement à cet égard.

8. Si la juridiction d'instruction décide que les violences employées par la police étaient strictement nécessaires et que les faits imputés aux autorités policières par les plaignants ne constituent par conséquent pas une infraction, elle n'a pas l'obligation de faire identifier et d'entendre les fonctionnaires de police concernés.

9. Dans la mesure où il est déduit d'autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.

10. L'article 418 du Code d'instruction criminelle prévoit que seules les décisions judiciaires rendues en dernier ressort sont susceptibles de pourvoi en cassation.

Dans la mesure où il critique des décisions autres que les décisions figurant dans l'arrêt et notamment contre l'attitude du ministère public, l'attitude du juge d'instruction, l'ordonnance de la chambre du conseil et un arrêt antérieur de la chambre des mises en accusation, le moyen est, par conséquent, irrecevable.

11. Selon l'article 147, alinéa 2, de la Constitution, la Cour ne connaît pas du fond des affaires. Il en résulte qu'en tant qu'il impose un examen des faits, critique l'appréciation des faits par l'arrêt et demande en substance la Cour de se subroger aux juges d'appel concernant les faits tels qu'ils ressortiraient de l'instruction selon les demandeurs ou qu'ils se seraient produits selon eux, le moyen est irrecevable.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du dix avril deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1135.N
Date de la décision : 10/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-10;p.17.1135.n ?

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