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29/03/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0632.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 mars 2018, C.17.0632.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0632.N
LAZARE KAPLAN BELGIUM, s.a.,
requérante en dessaisissement,
Me Hans Rieder et Me Eline Tritsmans, avocats au barreau de Gand,

dans la cause pendante devant la cinquième chambre de la cour d'appel d'Anvers - 2017/AR/919 - entre :
LAZARE KAPLAN INTERNATIONAL INC., société de droit américain,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, Me Kris Wagner, avocat au barreau de Bruxelles et Me Dominique Matthys, avocat au barreau de Gand,
contre
1. KBC BANK, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à

la Cour de cassation, Me Bob Delbaere, avocat au barreau d'Anvers et Me Joost Verlinden,...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0632.N
LAZARE KAPLAN BELGIUM, s.a.,
requérante en dessaisissement,
Me Hans Rieder et Me Eline Tritsmans, avocats au barreau de Gand,

dans la cause pendante devant la cinquième chambre de la cour d'appel d'Anvers - 2017/AR/919 - entre :
LAZARE KAPLAN INTERNATIONAL INC., société de droit américain,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, Me Kris Wagner, avocat au barreau de Bruxelles et Me Dominique Matthys, avocat au barreau de Gand,
contre
1. KBC BANK, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, Me Bob Delbaere, avocat au barreau d'Anvers et Me Joost Verlinden, avocat au barreau de Bruxelles,

2. LAZARE KAPLAN BELGIUM, s.a.,
Me Hans Rieder et Me Eline Tritsmans, avocats au barreau de Gand,
3. ERNST & YOUNG BEDRIJFSREVISOREN, s.c.r.l.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, et Me Benoît Allemeersch, avocat au barreau de Bruxelles.

I. La procédure devant la Cour
Le 16 novembre 2017, la requérante a déposé, sur la base de l'article 648, 2°, du Code judiciaire, en tant qu'intimée, une requête en dessaisissement de la cour d'appel d'Anvers de la cause n° 2017/AR/919.
Par un arrêt du 21 décembre 2017, la Cour a déclaré que la requête n'était pas manifestement irrecevable.
La déclaration du premier président de la cour d'appel d'Anvers et des membres de sa juridiction a été reçue au greffe de la Cour le 23 janvier 2018.
La première et la troisième intimées dans la procédure au fond ont déposé, en tant que parties non requérantes, des conclusions au greffe de la Cour, respectivement les 6 et 7 février 2018, en réclamant chacune, à charge de la requérante en dessaisissement, des dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire.
Le président de section Alain Smetryns a fait rapport.
L'avocat général Ria Mortier a conclu.

II. La décision de la Cour

Sur la requête en dessaisissement :

1. En vertu de l'article 648, 2°, du Code judiciaire, le dessaisissement du juge peut être demandé pour cause de suspicion légitime.
2. La requérante soutient en premier lieu, en se référant au précédent de la Cour du 11 janvier 2013 - C.12.0584.N - qu'il ressort de l'exposé des faits « qu'il est question d'une succession de procédures dans lesquelles la requérante a - à tort ou à raison - succombé » et que cette succession témoigne d'une perte d'impartialité et d'objectivité qui est de nature à faire naître une suspicion légitime. Toutefois, une suspicion légitime ne saurait se déduire de la simple succession de procédures dans lesquelles une partie succombe à tort ou à raison. La requérante oublie de signaler le principal élément du précédent précité, à savoir qu'outre la succession précitée de décisions négatives prises par le tribunal concerné, « il est à noter une certaine impulsivité et perte de sérénité qui, vu, entre autres, la taille limitée de ce tribunal » est de nature à faire naître une suspicion légitime.
L'analyse approfondie des faits allégués, exposée ci-après, ne révèle en aucune façon « une certaine impulsivité et perte de sérénité ».
3. La requérante affirme ensuite que le contenu des courriers que le greffier en chef de la cour d'appel d'Anvers a adressés le 25 septembre 2017 au premier président de cette cour, d'une part, et au conseil de la requérante, d'autre part, est incompatible avec les mentions portées sur les feuilles d'audience des audiences des 18 et 21 septembre 2017.
Cette allégation repose sur une lecture incomplète du courrier que le greffier en chef a adressé au premier président le 25 septembre 2017.
En réalité, ce courrier mentionne, en ce qui concerne les causes numéros 2017/AR/562, 2017/AR/563, 2017/AR/579 et 2017/AR/580, ce qui suit :
« Ces causes ont toutes été introduites à l'audience du 18/09/2017 de la chambre B4.
À cette audience, les causes ont été renvoyées au rôle général pour être distribuées à la chambre compétente. Il a d'ores et déjà été indiqué que la cause serait distribuée à la chambre B5.
Le greffier de la chambre B5 m'a appris que, lors de l'audience du 21/09/2017 :
- Me Helena Kuijl, collaboratrice de Me H. Rieder, a demandé à pouvoir consulter les dossiers concernés ; (...) ; l'avocate a consulté les dossiers dans la salle d'audience ;
- entre-temps, l'audience d'introduction avait commencé et les avocats des autres parties en ces causes étaient présents ;
on a alors constaté que Me Kuijl n'était plus présente dans la salle et on est allé la chercher dans le corridor ;
elle est ensuite entrée dans la salle d'audience sans porter sa toge et a déclaré ne pas vouloir comparaître ;
sur ce, le président de chambre faisant fonction n'a pas traité la cause parce que la décision de distribution n'avait pas encore été prise ;
- les causes n'ayant pas été fixées à cette audience, rien n'a été mentionné à ce sujet sur la feuille d'audience ».
Les causes ayant été renvoyées au rôle lors de l'audience du 18 septembre 2017 et leur distribution à la chambre B5 ayant été d'ores et déjà envisagée, il apparaît donc clairement que les conseils des autres parties en ces causes étaient présents lors de l'audience d'introduction subséquente de la chambre B5 du 21 septembre 2017, mais que les causes n'ont pu être traitées parce que la distribution à la chambre B5 n'était pas encore intervenue et que la collaboratrice du conseil de la requérante a refusé de comparaître de sorte qu'au final, aucune mention de tout cela n'a été faite sur la feuille d'audience.
La contradiction alléguée manque ainsi en fait, alors que l'incident de procédure, quoi qu'il en soit, ne témoigne d'aucun manque d'impartialité dans le chef des magistrats concernés mais atteste, au contraire, de l'absence de volonté de la requérante d'assurer le bon déroulement de l'examen des appels qu'elle avait formés contre deux décisions de remise.
4. Dans sa note du 1er mars 2018 en réplique aux conclusions verbales du ministère public, la requérante déclare introduire une demande incidente en faux contre les feuilles d'audience des audiences des 18 et 21 septembre 2017.
Cette demande ne peut être jugée immédiatement sans autres mesures d'instruction.
Les dispositions de procédure prévues aux articles 898 s. et 903 du Code judiciaire sont sans intérêt à cet égard.
En effet, c'est la requérante qui souhaite se servir des pièces en question pour démontrer le manque allégué d'impartialité et d'objectivité de la juridiction concernée. En outre, l'allégation de faux ne concerne pas un faux matériel mais un faux intellectuel, à savoir l'absence de mention d'un certain nombre d'événements survenus lors des audiences en question, ce qui n'est pas contesté. Dès lors que la demande sera tranchée à titre définitif par cette Cour, il n'y a pas lieu non plus d'ordonner le dépôt des pièces arguées de faux, dont une copie certifiée conforme a, par ailleurs, été produite.
En vertu de l'article 783, alinéa 2, du Code judiciaire, la feuille d'audience contient, en outre, la mention : 2° des actes de procédure accomplis.
Ne peuvent être assimilés à des actes de procédure accomplis des accords procéduraux non contraignants et conditionnels, tels que ceux qui ont eu lieu le 18 septembre 2017, ni des interventions qui ne peuvent sortir d'effet, à l'instar de celles qui eurent lieu le 21 septembre 2017.
La demande incidente est non fondée et doit être considérée comme une vaine tentative de retarder inutilement la procédure au niveau de la Cour également.
5. La requérante soutient ensuite que, par courrier du 25 septembre 2017, le greffier a mentionné « qu'une constatation a été faite à son greffe par l'huissier de justice suppléant Britt De Backer ».
En réalité, le greffier en chef a communiqué ce qui suit au premier président :
« Je constate que Me Kuijl [collaboratrice des conseils de la requérante] a exercé de fortes pressions sur M. Uytterhoeven, en insistant à chaque fois pour voir la décision de distribution [qui n'avait pas encore été prise], au point que celui-ci a fini par imprimer un projet d'ordonnnance afin d'expliquer plus clairement le fonctionnement administratif du greffe ; prétextant sans cesse qu'elle ne comprenait rien, elle a provoqué, pour ainsi dire, sciemment cette situation pour ensuite prendre une photo du document et pouvoir l'utiliser ultérieurement dans la bataille procédurale.
Un peu plus tard cependant, Me Kuijl s'est à nouveau présentée en posant la même question, cette fois en compagnie d'une seconde personne qui ne s'est pas fait connaître. M. G. Uytterhoeven a d'abord pensé qu'il s'agissait d'un confrère et - face à la demande insistante et obstinée de pouvoir consulter la décision - a bénéficié de l'aide du greffier J. Puts.
À ce moment-là, le premier document (non signé) ne figurait apparemment plus dans le dossier, puisqu'il ne présentait aucune valeur, et finalement, pour répondre à la demande insistante de l'avocate et de son compagnon, le document a été imprimé une seconde fois.
Les deux collaborateurs se sont ensuite rendus du petit greffe au grand greffe (...). Durant cet aparté, ils se sont mutuellement fait part de leur impression que la personne qui accompagnait Me Kuijl était peut-être un huissier de justice qui notait les déclarations et procédait à des constatations.
J. Puts [s']est ensuite rendu au greffe et a posé expressément cette question à la seconde personne qui s'est alors fait connaître comme étant l'huissier de justice Britt De Backer de l'étude Modero.
Je constate que, lors de cette seconde visite également, une pression importante et inacceptable a été exercée sur le greffier et le collaborateur concernés et qu'on a tenté, pour ainsi dire innocemment, de tendre un piège à ces derniers, dès lors que l'huissier de justice B. De Backer ne s'est pas fait connaître d'emblée et n'a pas indiqué non plus l'objectif de sa venue au greffe, ce qui, selon moi, n'est pas une manière correcte d'agir ».
Il s'ensuit que, s'il existait un droit - point sur lequel la Cour n'est pas amenée à se prononcer dans le cadre de la présente procédure - de faire procéder, d'une manière déguisée, par un huissier de justice, à des constatations sur des circonstances qui se sont produites lors d'une audience ou à un greffe, ce droit éventuel a, en l'espèce, été exercé abusivement par la requérante afin de provoquer des incidents de procédure fictifs et de les utiliser pour se livrer à d'autres manœuvres dilatoires.
Loin de susciter la moindre suspicion légitime à l'égard des magistrats de la cour d'appel d'Anvers, cet incident met plutôt en lumière les agissements déloyaux de la requérante.
6. Aucune suspicion légitime ne saurait dès lors se déduire de la circonstance que le premier président de la cour d'appel d'Anvers a adressé à son tour, à la suite de la plainte précitée envoyée par le greffier en chef, un courrier au syndic des huissiers de justice et a également donné des instructions générales concernant l'obligation pour les huissiers de justice de se présenter lorsqu'ils pénètrent à la cour d'appel.
En effet, il appartient à l'autorité disciplinaire de l'huissier de justice concerné et à elle seule de décider si les faits dénoncés doivent donner lieu à de quelconques suites disciplinaires. En outre, seul le conseil de la chambre d'arrondissement des huissiers de justice est maître des instructions générales qu'il donne concernant l'intervention des huissiers de justice dans l'accomplissement de constatations aux audiences et aux greffes.
Au demeurant, ces instructions s'appliquent aux huissiers de justice agissant pour n'importe quel justiciable et pas seulement aux huissiers de justice agissant pour la requérante en dessaisissement ou l'appelante. La circonstance que ces instructions ont été établies à la suite de l'incident précité n'implique pas qu'elles doivent être considérées comme dirigées contre la requérante en dessaisissement ou l'appelante.
Il en va de même des instructions du premier président de la cour d'appel concernant l'obligation pour les huissiers de justice de se présenter lorsqu'ils pénètrent à la cour d'appel d'Anvers, une obligation qui s'applique pour des raisons de sécurité en principe à l'égard de toute personne entrant dans la cour d'appel et qui est sans rapport avec les dispositions contenues aux articles 519 et 520 du Code judiciaire.
De surcroît, la requérante en dessaisissement ne précise pas comment et pour quelle raison les instructions du conseil et cette obligation de se présenter feraient effectivement obstacle à l'accomplissement de constatations utiles à l'audience ou au greffe.
Quant à la violation effective de ses droits civils en raison de l'impossibilité alléguée de procéder à des constatations le 26 octobre 2017 à la suite de ces instructions, il ne saurait en être question puisqu'il ressort déjà à suffisance de la feuille d'audience que les décisions de mise en état ont été prononcées lors de l'audience tenue le matin de cette journée, en présence des conseils des parties.
7. S'agissant des tribulations du traitement de la cause le 26 octobre 2017, il suffit de souligner que le conseil de la requérante était présent à cette audience et qu'il a seulement jugé utile de mentionner un prétendu excès de pouvoir du premier président, estimant inutile de signaler qu'il souhaitait formuler d'autres remarques quant à la fixation du calendrier, mais qu'il se plaint pourtant de ne pas avoir eu la possibilité de faire procéder de manière déguisée, durant l'après-midi, à des constatations parfaitement inutiles par un huissier de justice concernant le moment où les décisions en question ont été prononcées, qui ressortait déjà à suffisance de la feuille d'audience.
8. En vertu de l'article 656, alinéa 3, 1°, b), du Code judiciaire, la Cour ordonne, lorsque la requête en dessaisissement n'est pas manifestement irrecevable, la communication de l'arrêt, de la requête et des pièces y annexées au premier président ou au président, selon la juridiction dont le dessaisissement est demandé, pour qu'il fasse, dans le délai fixé par la Cour, une déclaration sur l'expédition de l'arrêt, et ce, en concertation avec les membres de la juridiction nommément désignés, qui contresignent ladite déclaration.
Cette disposition ne précise pas comment la concertation avec les autres membres de la juridiction doit avoir lieu.
Il convient d'admettre en l'espèce que l'assemblée générale tenue par la cour d'appel d'Anvers le 18 janvier 2018 était une assemblée générale officieuse destinée, vu le très grand nombre de membres que compte cette juridiction, à permettre matériellement l'établissement, d'un commun accord, d'une déclaration dans le délai imparti. Quels que soient les termes utilisés dans le procès-verbal, la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé de la demande en dessaisissement, qui doit être apprécié par la Cour. Ainsi qu'il a été mentionné dans la déclaration du premier président, les membres de la cour d'appel ont fait savoir qu'ils estiment qu'il n'y a pas lieu de dessaisir cette cour de la cause, ce qu'il leur était donné de faire. Dans ce contexte, un maximum d'informations objectives et pertinentes ont été fournies en toute sérénité pour permettre à la Cour de statuer en connaissance de cause.
Par conséquent, la Cour estime que ni la façon dont la déclaration du premier président et des membres de la juridiction a été établie, ni son contenu ne sont de nature à susciter un doute quant à la stricte impartialité et objectivité de la cour d'appel.
9. La façon dont la déclaration du premier président et des membres de sa juridiction a été établie et le contenu de cette déclaration sont donc pris en considération dans l'appréciation du bien-fondé de la requête, en tant que faits qui se sont produits depuis l'introduction de la requête, qui sont susceptibles d'éclairer celle-ci et qui ont été versés aux débats.
Il importe de préciser à cet égard que, dans le cadre de la requête en dessaisissement de la cour d'appel d'Anvers de cette même cause, introduite par l'appelante dans des conclusions très circonstanciées, la requérante a inclus ces faits dans l'appréciation de la requête en dessaisissement qu'il convient, selon elle, d'effectuer. Dans la note en réponse aux conclusions verbales du ministère public qu'elle a déposée en l'espèce, la requérante a en outre soutenu que la succession d'irrégularités de procédure, combinée aux initiatives impulsives du premier président, atteste un manque de sérénité, d'indépendance et d'impartialité et que « [c'est] (...) d'autant plus le cas compte tenu des agissements impulsifs du premier président et de la cour d'appel d'Anvers au complet à la suite de la requête en dessaisissement puisque - en violation de l'article 656, 1°, b, du Code judiciaire - une assemblée générale s'est tenue lors de laquelle tous les conseillers de la cour d'appel d'Anvers se sont exprimés sur le bien-fondé de cette requête ».
L'allégation formulée par la requérante dans la même note, selon laquelle elle demeure dans l'incertitude quant à savoir si la Cour prendra ces faits en considération dans son appréciation et que, si tel devait être le cas, elle se réserve le droit de conclure plus amplement à ce sujet, ce que, comme énoncé précédemment, elle a déjà fait de manière circonstanciée dans la procédure en dessaisissement de la même cause introduite par l'appelante de sorte qu'il ne peut être question d'une violation des droits de défense de la requérante, doit dès lors être considérée comme une nouvelle tentative de retarder le cours de la justice.

En revanche, il ne peut être admis que les autres motifs, à peine plus amplement précisés en l'espèce, qui font l'objet d'une nouvelle requête en dessaisissement, à savoir « la mise à disposition par le premier président de cette cour d'appel de pièces dans le cadre d'une autre procédure pendante devant les juridictions bruxelloises » fassent partie des débats et doivent être pris en considération par la Cour dans son appréciation, comme l'appelante le soutient.
10. Dans ces circonstances, il est indubitable que l'intervention du premier président et des autres magistrats de la cour d'appel d'Anvers ne peut susciter la moindre suspicion légitime, de sorte que la requête en dessaisissement n'est manifestement pas fondée.

Sur les dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire :

11. Les première et troisième intimées dans la procédure au fond forment chacune une demande reconventionnelle pour procédure téméraire et vexatoire et réclament chacune pour ce motif des dommages et intérêts d'un montant de 10.000 euros.
12. Ces parties peuvent former une telle demande sur la base des articles 563, alinéa 3, et 780bis, alinéa 1er, du Code judiciaire.
13. La demande en dessaisissement introduite est non seulement manifestement non fondée, ainsi qu'il a été démontré précédemment, mais vise également clairement à empêcher la cour d'appel de statuer au fond, dans les délais fixés par cette cour, sur les appels formés.
La procédure de dessaisissement est donc détournée à des fins abusives, à savoir retarder la procédure au fond et entraver la bonne marche de la justice.
En outre, elle participe de manœuvres procédurales déloyales et d'abus de procédure commis de longue date dans le cadre d'un important dossier d'indemnisation, qui ont déjà nécessité nombre d'interventions de la Cour et, jusqu'à ce jour, empêché un jugement au fond. Le déroulement déloyal du procès et les abus de procédure prennent ainsi des proportions inédites au civil.
14. Compte tenu, entre autres, de l'importance de l'action qu'elle a introduite, la première intimée estime le préjudice ainsi subi, de manière appropriée et équitable, à un montant de 10.000 euros par requête introduite.
Le préjudice subi par la troisième intimée, appelée plus récemment à la cause, est estimé en équité à 5.000 euros par requête introduite.

Sur l'amende infligée conformément à l'article 780bis du Code judiciaire :

15. L'article 780bis, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que la partie qui utilise la procédure à des fins manifestement dilatoires ou abusives peut être condamnée à une amende de 15 euros à 2.500 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En vertu de l'alinéa 2, il y sera statué par la même décision dans la mesure où il est fait droit à une demande de dommages et intérêts pour procès téméraire et vexatoire.
16. Il a déjà été fait état, lors de l'examen de l'action en dommages et intérêts, de l'attitude procédurale déloyale systématiquement adoptée de longue date ainsi que des abus de procédure commis par la requérante en dessaisissement qui inflige un préjudice important aux première et troisième intimées.
Ce comportement procédural répréhensible, d'une part, et l'abus des institutions et des procédures mises à la disposition du justiciable pour assurer sa protection, d'autre part, justifient l'application de l'amende maximale de 2.500 euros.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette la requête en dessaisissement ;
Condamne la requérante en dessaisissement à payer à la première intimée dans la procédure au fond des dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire d'un montant de 10.000 euros et à la troisième intimée dans la procédure au fond des dommages et intérêts d'un montant de 5.000 euros ;
Condamne la requérante en dessaisissement pour utilisation de la procédure à des fins manifestement dilatoires et abusives à payer une amende de 2.500 euros ;
Condamne la requérante en dessaisissement aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns et les conseillers Koen Mestdagh et Geert Jocqué, et prononcé en audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Martine Regout et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0632.N
Date de la décision : 29/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-29;c.17.0632.n ?

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