La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1062.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 mars 2018, P.17.1062.F


N° P.17.1062.F
K. K.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Ixelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile, et ayant pour conseils Maîtres Cédric Vergauwen et Olivia Venet, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 octobre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au p

résent arrêt, en copie certifiée conforme.


L'avocat général Damien Vandermeersch a dépo...

N° P.17.1062.F
K. K.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Ixelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile, et ayant pour conseils Maîtres Cédric Vergauwen et Olivia Venet, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 octobre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.

L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 8 février 2018.
A l'audience du 21 février 2018, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 182 à 185, 187 et 208 du Code d'instruction criminelle et 1349 et 1353 du Code civil.

Les articles 1349 et 1353 du Code civil, relatifs à la preuve des obligations, ne s'appliquent pas, à l'exception des cas visés à l'article 16 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, en matière répressive, à la preuve des infractions ou des circonstances de fait invoquées par une partie et susceptibles d'entraîner des effets procéduraux.

À cet égard, le moyen manque en droit.

Quant à la première branche :

Le moyen invoque la violation de l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle. Selon le demandeur, après avoir constaté que la citation en vue de la comparution devant la cour d'appel avait été signifiée non à lui-même mais à son domicile, le 3 octobre 2016, après son départ pour la Turquie, les juges d'appel ne pouvaient déclarer l'opposition non avenue en considérant qu'il était établi que le demandeur avait eu connaissance de cette citation, au seul motif qu'il avait été représenté par son avocat à l'audience d'introduction.

Conformément à l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle, pour que l'opposition puisse être considérée comme non avenue, il faut d'abord qu'il soit établi que l'opposant a eu connaissance de la citation dans la procédure par défaut. Il appartient à la partie poursuivante ou à la partie civile de l'établir, le prévenu n'ayant pas à fournir de preuve à cet égard.

En tant qu'il considère que doit être rapportée la preuve du fait que l'opposant a eu connaissance de la signification de la citation à comparaître et non de cette seule citation, de même qu'en tant qu'il considère que la connaissance de la citation ne peut intervenir que par sa signification, le moyen manque en droit.

Le juge du fond constate souverainement les circonstances sur lesquelles il fonde sa décision, la Cour contrôlant toutefois s'il a pu légalement déduire de celles-ci que l'opposant avait eu connaissance de la citation à comparaître dans la procédure qui s'est clôturée par défaut.

Contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel ne se sont pas bornés à considérer que la seule présence de l'avocat du demandeur à l'audience d'introduction attestait la connaissance, par ce dernier, de la citation à comparaître devant la cour d'appel.

Au feuillet 6 de l'arrêt, les juges d'appel ont décidé que la preuve de cette connaissance de la citation à comparaître à l'audience d'introduction était rapportée à suffisance, « dès lors que [le demandeur] y fut représenté par son conseil, dont le mandat n'est à cet égard pas contesté et, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de cette audience, qu'il n'y formula aucune demande particulière, seul un coprévenu ayant fait valoir son droit à conclure, en sorte que l'examen de la cause fut reporté à l'audience du 20 avril 2017 [...]. Ainsi représenté par son conseil, [le demandeur] était légalement présent à l'audience du 18 novembre 2016, en sorte qu'il avait connaissance de la citation à comparaître devant la cour à cette date. C'est inexactement [qu'il] soutint qu'il demanda le report de l'examen de la cause ‘pour [lui] permettre (...) d'être présent'».

Dans la mesure où il revient à critiquer l'appréciation en fait des juges d'appel, le moyen est irrecevable.

La cour d'appel a pu, sur la base des considérations précitées, légalement décider qu'il était établi que le demandeur avait eu connaissance de la citation.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Selon le demandeur, à supposer que la preuve de la connaissance de la citation à comparaître devant le juge qui a statué par défaut soit rapportée, ce magistrat ne peut déclarer l'opposition non avenue que s'il exclut la force majeure ou l'excuse légitime invoquée par l'opposant ; le juge ne peut, à cet égard, se fonder sur des circonstances de fait antérieures au moment de la prise de connaissance de la citation. Dès lors, le juge qui déclare l'opposition non avenue est tenu de préciser la date à laquelle l'opposant a acquis de manière effective cette connaissance.

Aucune disposition légale n'interdit au juge du fond d'avoir égard à des circonstances antérieures à la prise de connaissance de la citation par l'opposant, pour apprécier l'admissibilité de la force majeure ou de l'excuse légitime invoquée par ce dernier.

Entièrement fondé sur une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 182 à 185, 187 et 208 du Code d'instruction criminelle et 1319 à 1322 du Code civil.

Quant à la première branche :

Le demandeur soutient que dans la mesure où, selon l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle, l'opposant qui avait connaissance de la citation à comparaître peut éviter que son recours soit déclaré non avenu s'il fait état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime justifiant son défaut, et dans la mesure où les notions de « force majeure » et d'« excuse légitime » ne sont pas assimilables, les juges d'appel ne pouvaient les rejeter ensemble, pour des motifs identiques, déduits des mêmes éléments de fait. Au contraire, il appartenait aux juges d'appel d'apprécier de manière distincte ces deux notions.

Aucune disposition légale n'impose au juge qui statue sur les mérites des circonstances invoquées par l'opposant au titre, d'une part, de la force majeure et, d'autre part, de l'excuse légitime, de prendre en considération, à cette occasion, des éléments de fait différents et de se prononcer aux termes de motifs distincts, pour autant qu'il ne méconnaisse pas la signification usuelle de ces notions de « force majeure » et d'« excuse légitime », telle qu'elle a été prévue par le législateur.

Le moyen manque en droit.

Quant aux deuxième et troisième branches réunies :

Selon le demandeur, les circonstances de fait qu'il a invoquées devant la cour d'appel, arguant que son défaut était notamment justifié en raison d'une excuse légitime, auraient dû être prises en considération par les juges d'appel en vue d'apprécier l'existence de cette dernière.

D'une part, en tant qu'il critique l'arrêt au motif qu'il donne de l'« excuse légitime » une interprétation inconciliable avec cette notion légale, sans exposer en quoi les juges d'appel l'auraient violée et, d'autre part, dans la mesure où il reproche aux juges d'appel de ne pas avoir eu égard aux circonstances de fait que le demandeur avait invoquées devant eux pour établir l'existence d'une excuse légitime, sans indiquer lesquels de ces éléments n'auraient pas été examinés, le moyen, imprécis, est irrecevable.

Le moyen reproche encore à l'arrêt de contenir des motifs contradictoires. Selon lui, il ne pouvait, d'une part, énoncer que le demandeur avait été acquitté en Turquie et que, nonobstant cette décision, il était demeuré arrêté administrativement dans cet Etat jusqu'au 23 mai 2017 et, d'autre part, constater que « [le demandeur] fut expulsé de Turquie dès le 23 mai 2017 tandis que le jugement d'acquittement du tribunal d'Aksaray ne fut prononcé que le 13 juin 2017 ».

Mais aux termes de la première proposition visée au moyen, les juges d'appel ont seulement relevé que bien qu'un acquittement du demandeur ait été prononcé, à une date qui n'est pas encore mentionnée, l'intéressé était en tout état de cause détenu en Turquie pour des raisons administratives.

La contradiction alléguée n'existe pas.

Le moyen manque en fait.

Sur l'ensemble du troisième moyen et sur la quatrième branche du deuxième moyen :

Quant aux trois premières branches du troisième moyen réunies :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 et 6.3, b et c, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14.3, b, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 182 à 185, 187, § 6, et 208 du Code d'instruction criminelle et de la méconnaissance des principes généraux du droit à un procès équitable et relatif au respect des droits de la défense. D'après le moyen, l'arrêt ne pouvait, sans violer ces dispositions et principes généraux, refuser d'admettre l'excuse légitime invoquée par le demandeur au motif que, détenu en Turquie, il lui était loisible de se faire représenter devant la cour d'appel par un avocat.

Selon les articles 185, § 1er, du Code d'instruction criminelle, 6.3, c, de la Convention et 14.3, d, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute personne accusée d'une infraction pénale a notamment droit à être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix. Les dispositions conventionnelles visées au moyen prévoient en outre que cet accusé a droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix.

Lorsque, comme en l'espèce, le prévenu est, par sa faute, dans l'impossibilité, pour une durée indéterminée, d'assister en personne à son procès en raison notamment de son incarcération à l'étranger, aucune des dispositions ou principes visés au moyen n'a toutefois pour portée ou pour effet d'imposer au juge de suspendre le procès jusqu'au moment où l'intéressé sera à nouveau en mesure de comparaître personnellement, ni de lui interdire de considérer qu'il appartenait au prévenu, au regard de circonstances qui lui sont imputables, de prendre les mesures utiles en vue de continuer à se faire représenter par le conseil dont il a fait le choix ou un autre défenseur.

Ayant constaté, d'une part, que c'est en raison de sa faute que le demandeur n'a pu comparaître devant la cour, son entrée illégale en Turquie y ayant justifié son incarcération et, d'autre part, qu'alors qu'il avait d'abord fait le choix de se faire représenter, il y a ensuite délibérément renoncé et fut donc défaillant en pleine connaissance de cause, adoptant ainsi une attitude contraire aux propos tenus dans ses courriers et devant la cour d'appel, les juges d'appel ont pu, sans violer les dispositions et principes généraux du droit visés au moyen, décider que l'excuse légitime invoquée n'était pas admissible.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
En tant qu'il fait état des difficultés de communiquer avec son avocat depuis la Turquie, des contacts qu'il avait avec sa famille et du temps insuffisant dont il aurait disposé pour préparer sa défense, eu égard au volume du dossier le concernant, le moyen exige la vérification d'éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans compétence.

À cet égard, le moyen est irrecevable.

Quant à la quatrième branche du deuxième moyen et quant à la quatrième branche du troisième moyen :

Les moyens invoquent la violation de la foi due aux actes. D'une part, selon le demandeur, la cour d'appel n'a pu, sans méconnaître la foi due aux procès-verbaux des audiences du 18 novembre 2016 et du 20 avril 2017, considérer qu'il avait alors fait le choix d'être représenté par son avocat, de sorte qu'il aurait pu continuer de l'être, alors qu'il ressort au contraire à tout le moins du second de ces actes, que le demandeur avait, à sa date, seulement donné mandat à son conseil en vue de solliciter la disjonction et la remise de la cause. L'arrêt ne pouvait davantage déduire de ce second procès-verbal que le demandeur avait exprimé le choix délibéré de ne plus être représenté après cette audience. D'autre part, le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir violé la foi due à deux courriers du 13 octobre 2016 : l'arrêt ne pouvait, pour exclure l'excuse légitime invoquée, considérer, sur la base de ces deux écrits, que le demandeur y exprimait son vœu d'être représenté par un avocat plutôt que de comparaître personnellement.

Le premier procès-verbal de l'audience de la cour d'appel du 20 avril 2017 précise, au sujet du demandeur, que « Me V., conseil du [demandeur], se présente devant la cour, afin de solliciter la disjonction de l'examen de la cause en ce qui concerne ce prévenu, ce dernier étant détenu administrativement en Turquie ; Me V. quitte la salle d'audience ».

Ainsi, d'une part, l'arrêt n'énonce pas que le 20 avril 2017, le conseil du demandeur était mandaté afin de représenter ce dernier en vue des débats au fond. Il constate seulement, ce qui est différent, qu'il ressort de cet acte que le demandeur avait mandaté un avocat, que ce pouvoir de représentation n'est pas contesté et qu'en exécution de celui-ci, ce conseil a sollicité la disjonction de la cause en ce qui concerne le demandeur.

D'autre part, l'arrêt relève que ce procès-verbal de l'audience du 20 avril 2017 mentionne que l'avocat du demandeur a ensuite quitté la barre et qu'il ne représenta plus ce dernier. Mais les juges d'appel n'ont pas décidé qu'il ressortait des mentions indiquées au procès-verbal précité que le demandeur avait fait le choix délibéré de ne plus être représenté. Ils ont conclu de l'attitude du demandeur, qui avait mandaté un avocat aux fins indiquées au procès-verbal, qu'il avait par ailleurs fait le choix délibéré et en parfaite connaissance de cause de ne pas se défendre sur le fond. La critique d'une telle déduction, qui ne se réfère pas au procès-verbal visé aux moyens, ne constitue pas la violation de la foi due à cet acte.

Pour le surplus, par aucune énonciation de l'arrêt, les juges d'appel n'ont considéré qu'il découlait des termes des deux courriers du 13 octobre 2016 que le demandeur avait choisi de se faire représenter par un avocat pour assurer sa défense.

Ils ont seulement jugé, ce qui est différent, que l'attitude du demandeur n'était pas conforme aux propos qu'il tenait dans ces courriers et que c'est en connaissance de cause qu'il avait en réalité choisi d'être défaillant.

Ainsi, aux conclusions du demandeur, qui invoquaient ces courriers à l'appui de ses dires selon lesquels il avait toujours voulu comparaître en personne devant la cour d'appel, les juges d'appel ont opposé une appréciation différente, après avoir relevé les circonstances de fait qui les avaient menés à cette conclusion.

Procédant d'une lecture erronée de l'arrêt, les moyens manquent en fait.
Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-sept euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1062.F
Date de la décision : 21/03/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Opposition


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-21;p.17.1062.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award