La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1017.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 mars 2018, P.17.1017.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1017.N
1. TRANS CONTINENTAL LOGISTICS, société anonyme,
2. ALHOCEIMA IMPORT & EXPORT, société à responsabilité limitée de droit néerlandais,
3. ALLA MARCA FOOD, société à responsabilité limitée de droit néerlandais,
4. MIA TRADING INTERNATIONAL, société anonyme,
prévenues,
demanderesses en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

ETAT BELGE, Service public fédéral Finances, poursuites et diligences du directeur régional des douanes et accises de la provinc

e d'Anvers,
partie poursuivante,
défendeur en cassation,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1017.N
1. TRANS CONTINENTAL LOGISTICS, société anonyme,
2. ALHOCEIMA IMPORT & EXPORT, société à responsabilité limitée de droit néerlandais,
3. ALLA MARCA FOOD, société à responsabilité limitée de droit néerlandais,
4. MIA TRADING INTERNATIONAL, société anonyme,
prévenues,
demanderesses en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

ETAT BELGE, Service public fédéral Finances, poursuites et diligences du directeur régional des douanes et accises de la province d'Anvers,
partie poursuivante,
défendeur en cassation,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 20 septembre 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Les demanderesses invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 220, § 2, point b, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (ci-après : le Code des douanes communautaire), ainsi que de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et du principe de sécurité juridique : l'arrêt ne peut déduire des faits qu'il constate que les autorités douanières n'ont commis aucune erreur active au sens de l'article 220 du Code des douanes communautaire ; en effet, il ne s'appuie, à cette fin, que sur les pouvoirs de contrôle légaux dont l'administration est investie, comme l'absence d'obligation de vérifier la déclaration, d'une part, et sur la constatation que la décision du 17 novembre 2003 invoquée par les demanderesses n'est pas une décision tarifaire contraignante, d'autre part ; seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane ; la présentation, par un exportateur, d'une déclaration inexacte n'exclut pas nécessairement l'hypothèse que les autorités aient commis une erreur active ; la référence à l'absence d'obligation de vérifier la déclaration n'est pas pertinente puisqu'il n'est pas exclu que les autorités aient commis une erreur active ; il en va de même de la référence à l'article 78 du Code des douanes communautaire et de la possibilité d'un contrôle a posteriori, dès lors qu'une révision des déclarations est postérieure aux actes reprochés aux demanderesses et que l'appréciation de l'existence d'une erreur active doit avoir lieu au moment des déclarations ; dans son appréciation, l'arrêt ne tient pas compte directement de la décision D.T. 233.936 du 17 novembre 2003 invoquée par les demanderesses mais considère, au contraire et à tort, que les demanderesses auraient dû demander un renseignement tarifaire contraignant ; le Code des douanes communautaire ne prescrit pourtant pas que seul un classement tarifaire contraignant puisse être la cause ou le fondement d'une erreur des autorités douanières au sens de l'article 220 dudit code.

2. L'arrêt ne fonde pas l'appréciation attaquée uniquement sur des considérations relatives aux pouvoirs de contrôle légaux dont les autorités douanières sont investies et sur la constatation que la décision du 17 novembre 2003 invoquée par les demanderesses ne constitue pas un renseignement tarifaire contraignant. Il considère en outre que les demanderesses ne démontrent pas les erreurs concrètes susceptibles d'être attribuées à des comportements actifs des autorités douanières à l'origine de la non-prise en compte. De surcroît, en ce qui concerne la décision du 17 novembre 2003, il estime que les déclarations datent de la période comprise entre le 10 décembre 2009 et le 27 avril 2012, qu'un renseignement tarifaire contraignant officiel n'est jamais valable plus de six ans et que la nomenclature combinée n'est pas une donnée statistique, mais soumise à une mise à jour régulière, et que des notes explicatives sont publiées au Journal officiel de l'Union européenne.

Dans la mesure où il s'appuie sur une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen, en cette branche, manque en fait.

3. L'arrêt considère que, si les demanderesses souhaitaient obtenir une décision sur la position tarifaire à utiliser, elles devaient demander un renseignement tarifaire contraignant, dont la validité est régie par le Code des douanes communautaire, ce qu'elles ont manifestement omis de faire. Ce faisant, il ne considère pas, cependant, qu'une décision autre qu'un renseignement tarifaire contraignant puisse être la cause ou le fondement d'une erreur commise par les autorités douanières au sens de l'article 220, § 2, point b, alinéa 1er, dudit code.
Dans la mesure où il s'appuie sur une lecture erronée de l'arrêt, le moyen, en cette branche, manque également en fait.

4. L'article 220, § 2, point b, alinéa 1er, du Code des douanes communautaire dispose que, hormis les cas visés à l'article 217, § 1er, alinéas 2 et 3, il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte
- (1) par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes,
- (2) qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, et,
- (3) lorsque le contribuable a agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.

5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, cette disposition a pour objectif de limiter le paiement a posteriori des droits à l'importation dans les cas où un tel paiement est justifié et où il est compatible avec un principe fondamental tel que le principe de protection de la confiance légitime (C.J.U.E 20 novembre 2008, C-3[75]/07, Heuschen et crts, point 57). Ainsi, cette disposition confirme le principe de protection de la confiance légitime, en définissant expressément les conditions d'application à vérifier.

6. Il appartient à la juridiction appelée à statuer sur la régularité de la prise en compte d'examiner si les trois conditions d'application prévues à l'article 220, § 2, point b, alinéa 1er, du Code des douanes communautaire sont remplies.

7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (C.J.U.E. 18 octobre 2007 C-173/06, Agrover, point 31 ; C.J.U.E. 10 décembre 2016, C-427/14, Valsts ieņëmumu dienests, point 44) qu'en ce qui concerne la première de ces conditions, la confiance légitime du contribuable n'est digne de protection que si ce sont les autorités compétentes « elles-mêmes » qui ont créé la base sur laquelle reposait cette confiance, de sorte que seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori de droits de douane.

8. Le juge apprécie souverainement si les trois conditions d'application prévues à l'article 220, § 2, point b, alinéa 1er, du Code des douanes communautaire sont remplies et s'il est donc question d'une confiance raisonnable suscitée auprès du contribuable. La Cour vérifie cependant si le juge ne déduit pas des faits qu'il a constatés des conséquences qui y sont étrangères ou qu'ils ne sauraient justifier.

9. Le seul fait que les autorités douanières acceptent le code de marchandises erroné indiqué par un déclarant pour mettre en libre pratique des marchandises, sans procéder à une vérification approfondie, ne peut néanmoins être considéré comme une erreur active des autorités douanières ni donc susciter une confiance légitime dans la validité de la déclaration. En acceptant la déclaration, les autorités douanières ne se prononcent pas, en effet, sur l'exactitude des informations fournies par le déclarant, dont ce dernier porte lui-même la responsabilité, ni sur la sous-position correcte du classement tarifaire des marchandises. Pour apprécier si les conditions de l'article 220, § 2, point b, du Code des douanes communautaire sont remplies, le juge peut tenir compte du cadre légal opérationnel des autorités douanières, y compris la possibilité d'un contrôle a posteriori.

10. Dans la mesure où il procède d'autres prémisses juridiques, le moyen, en cette branche, manque en droit.

11. Sur la base des motifs qu'il expose (p. 15 à 20 et p. 24 à 25), l'arrêt peut légalement décider que la première condition prévue à l'article 220, § 2, point b, alinéa 1er, du Code des douanes communautaire n'est pas remplie et que les demanderesses ne peuvent invoquer un droit de non-recouvrement. Cette décision est légalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)

Sur le troisième moyen :

16. Le moyen est pris de la violation des articles 4, § 3, du Traité sur l'Union européenne, 288 à 292 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 5, 201, § 3 et 213 du Code des douanes communautaire, 199, § 1er, du règlement n° 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire, 70-3 et 127 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 (avant sa modification par la loi du 12 mai 2014 modifiant la loi générale sur les douanes et accises), 1382, 1383 et 1984 à 2010 du Code civil : par la considération que l'État belge n'a commis aucune erreur au sens de l'article 1382 du Code civil en ne permettant pas l'utilisation du mode de représentation directe à l'époque des déclarations, l'arrêt rejette, à tort, le recours à cet article fait par la demanderesse 1 ; l'arrêt estime, à tort, que la réglementation belge était conforme au droit communautaire et que la demanderesse 1 a agi en pleine connaissance de cause en tant que représentante indirecte, alors qu'il ne lui était pas interdit d'effectuer les déclarations en qualité de représentante directe ; l'article 5, § 2, du Code des douanes communautaire prévoit depuis le 1er janvier 1994 que la représentation peut être directe ou indirecte, mais jusqu'à la modification des articles 70-3 et 127 de la loi du 18 juillet 1977 par la loi du 12 mai 2014, et donc à l'époque des faits, la réglementation belge ne prévoyait pas cette possibilité, de sorte que la demanderesse 1 devait nécessairement introduire les déclarations en qualité de représentante indirecte ; au moment des déclarations, il n'était pas possible d'agir en toute liberté et de choisir d'introduire la déclaration en qualité de représentant direct ou indirect en vertu de l'article 5 du Code des douanes communautaires ; la réglementation belge était lacunaire, puisque la réglementation interne ne prévoyait pas la possibilité concrète pour les agents en douane d'agir en tant que représentant direct des importateurs pour les déclarations en douane et de garantir une pleine sécurité quant à la validité de ces actes ; l'effet direct de l'article 5 du Code des douanes communautaire ne s'oppose pas à ce que les États membres aient l'obligation, en vertu des articles 288 à 292 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 4, § 3, du Traité sur l'Union européenne, d'atteindre l'objectif poursuivi par le droit communautaire et de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation ; ce n'est que par la loi du 12 mai 2014 que la Belgique a adapté sa réglementation interne pour permettre concrètement la représentation directe, comme en attestent d'ailleurs les travaux préparatoires de cette loi ; de surcroît, l'article 70-3 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 ne s'appliquait, jusqu'à sa modification par la loi du 12 mai 2014, qu'à un petit nombre de déclarations et, en particulier, aux déclarations de mise en libre pratique de marchandises.

17. L'article 5, § 2, du Code des douanes communautaire dispose que la représentation peut être :
- directe, dans ce cas le représentant agit au nom et pour le compte d'autrui ou
- indirecte, dans ce cas le représentant agit en son nom propre, mais pour le compte d'autrui.

Aux termes de cette disposition, les États membres peuvent se réserver le droit d'effectuer des déclarations en douane sur leur territoire en utilisant le mode de représentation directe ou indirecte, de telle sorte que le représentant doit être un commissaire en douane qui y exerce sa profession.

L'article 5, § 4, du Code des douanes communautaire précise que :
- le représentant doit déclarer agir pour la personne représentée, préciser s'il s'agit d'une représentation directe ou indirecte et posséder un pouvoir de représentation ;
- la personne qui ne déclare pas qu'elle agit au nom ou pour le compte d'une autre personne ou qui déclare agir au nom ou pour le compte d'une autre personne sans posséder un pouvoir de représentation est réputée agir en son nom propre et pour son propre compte.

18. L'article 70-3, § 2, de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977, avant sa modification par l'article 71 de la loi du 12 mai 2014, dispose que le déclarant peut agir :
- soit en son nom propre et pour son compte propre ;
- soit en son nom propre mais pour compte d'autrui dans les conditions prévues au chapitre XIV ;
- soit au nom et pour compte d'autrui.

L'article 127 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977, avant sa modification par l'article 126 de la loi du 12 mai 2014, précise que :
- nul ne peut agir comme représentant en douane s'il n'est pas immatriculé dans un registre spécial à tenir à jour aux conditions prescrites par le ministre des Finances ;
- par agent en douane, il y a lieu d'entendre toute personne physique ou morale qui, à titre professionnel, remplit les formalités douanières à l'importation, l'exportation et au transit pour compte d'autrui.

19. Il suit de ces dispositions de droit communautaire et de droit interne que, si tel était son souhait, l'agent en douane avait bien la possibilité d'effectuer des déclarations en douane en qualité de représentant direct de son mandant. Le fait que la représentation indirecte fût réservée aux agents en douane inscrits n'impliquait pas l'interdiction d'introduire une déclaration à titre de représentant direct.

Ni les modifications des articles 70-3 et 127 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 par la loi du 12 mai 2014, ni les travaux parlementaires de cette loi modificatrice ne font apparaître le contraire.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

20. Sur la base des motifs qu'il énonce (p. 20 à 23), l'arrêt considère, en ce qui concerne les déclarations de mise en libre pratique introduites pour les marchandises faisant l'objet des poursuites, qu'il n'était pas interdit à l'agent en douane d'effectuer une déclaration en qualité de représentant direct et que le régime de droit interne n'est pas contraire aux dispositions communautaires.

Cette décision est légalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

21. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne les demanderesses aux frais de leur pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, Antoine Lievens et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt mars deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1017.N
Date de la décision : 20/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-20;p.17.1017.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award