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16/03/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0428.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mars 2018, C.17.0428.F


N° C.17.0428.F
G. R.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

PROTECT, société anonyme, dont le siège social est établi à Molenbeek-Saint-Jean, chaussée de Jette, 221,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 15 mars 20...

N° C.17.0428.F
G. R.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

PROTECT, société anonyme, dont le siège social est établi à Molenbeek-Saint-Jean, chaussée de Jette, 221,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 15 mars 2017 par la cour d'appel de Liège.
Le 27 février 2018, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, applicable au litige, le contrat d'assurance ne peut prévoir la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance qu'en raison de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat et à la condition que le manquement soit en relation causale avec la survenance du sinistre.
Suivant l'article 8, alinéa 2, de cette loi, l'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire ; toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat.
Ces dispositions excluent que l'assureur s'exonère de sa garantie pour des cas de faute lourde de l'assuré déterminés en termes généraux.
Après avoir énoncé que « [la défenderesse] était l'assureur de la responsabilité civile professionnelle de [la demanderesse] pour ses activités d'architecture générale », l'arrêt relève que, « sous le titre 2.8 [de la police], on peut lire notamment : ‘il y a déchéance du droit à la prestation d'assurance pour [...] 2.8.2. les dommages consécutifs aux fautes graves définies ci-après : avec connaissance préalable, ne pas respecter des dispositions légales de nature impérative, entre autres des prescriptions de sécurité, des prescriptions urbanistiques, des prescriptions du permis d'urbanisme et des prescriptions relatives à l'environnement [et] tout exercice illicite des activités assurées' » et qu'« en l'espèce, c'est bien l'une [des prescriptions de sécurité] qui a été violée ».
L'arrêt considère qu'« il ne peut être exigé de l'assureur qui s'adresse spécifiquement à des architectes d'énumérer dans la police toutes les obligations qui s'imposent à celui-ci en matière de sécurité, notamment sous peine d'imposer aux assureurs d'inclure, par exemple, le Règlement général pour la protection du travail, l'arrêté royal du 31 août 2005 relatif à l'utilisation des équipements de travail pour des travaux temporaires en hauteur, dans les polices » et que « [la demanderesse] est une professionnelle de la construction et est censée connaître les obligations de sécurité qui s'imposent à tout architecte ».
L'arrêt, qui en déduit que « le fait pour [la demanderesse] de ne pas avoir désigné de coordinateur-sécurité et d'avoir endossé ce rôle sans y être légalement habilitée », alors qu'elle « n'ignorait pas que les mesures de sécurité obligatoires manquaient », dont la « sécurisation d'un escalier » à l'origine du sinistre, « est constitutif d'une faute lourde visée par la police », ne justifie pas légalement sa décision que « [la demanderesse] doit être déchue de la garantie de son assureur qui exerce à bon droit l'action récursoire ».
Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du seize mars deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M.-Cl. Ernotte M. Delange D. Batselé


Requête
1er feuillet

REQUETE EN CASSATION
________________________

Pour : G. R.,

demanderesse,

assistée et représentée par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à 4020 Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

Contre : la s.a. PROTECT, dont le siège social est établi à 1080 Molenbeek-Saint-
Jean, chaussée de Jette, 221, immatriculée à la BCE sous le n°
0440.719.894,

défenderesse.

A Messieurs les Premier Président et Présidents, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre les parties par la troisième chambre de la cour d'appel de Liège le 15 mars 2017 (n° 2015/RG/1154).

2ème feuillet

Les faits et antécédents de la cause, tels qu'ils ressortent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard, peuvent être ainsi brièvement résumés.

La demanderesse a exercé la profession d'architecte. Elle était couverte en responsabilité civile par la défenderesse. L'article 2.8.2 de la police liant les parties prévoit qu'il y a déchéance du droit à la prestation d'assurance pour les dommages consécutifs à diverses fautes supposées graves, dont celle, "avec connaissance préalable, (de) ne pas respecter les dispositions légales de nature impérative, entre autres des prescriptions de sécurité, des prescriptions urbanistiques, des prescriptions du permis d'urbanisme et des prescriptions relatives à l'environnement".

Par jugement du tribunal correctionnel de Liège du 28 juin 2010 et arrêt de la cour d'appel de Liège du 12 janvier 2012, la demanderesse fut reconnue coupable de ne pas avoir désigné de coordinateur de sécurité sur un chantier dont elle avait été chargée de la conception et du suivi de la réalisation et où, le 25 juin 2007, un magasinier-livreur fit une lourde chute. Elle fut condamnée, au civil, à indemniser le dommage de ce dernier et de l'assureur-loi, une expertise étant ordonnée.

Par jugement du 4 septembre 2013, la défenderesse, sur la citation de la victime, fut condamnée à lui payer la somme provisionnelle de 10.000 euro , outre 1 euro provisionnel à l'assureur-loi.

Par citation du 16 juin 2014, la défenderesse a assigné la demanderesse devant le tribunal de première instance de Liège en demandant que soit prononcée la déchéance de couverture dans son chef, motif pris de ce que le sinistre était intentionnel au sens de l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, alors applicable. Elle a sollicité sa condamnation à la garantir de toutes sommes qu'elle serait amenée à décaisser et à lui payer une somme provisionnelle de 50.000 euro sur une action évaluée à 500.000 euro .

3ème feuillet

Par jugement du 19 juin 2015, la troisième chambre du tribunal a reçu l'action mais l'a dite non fondée, au motif, d'une part, qu'il n'est pas établi que la demanderesse a causé intentionnellement le sinistre et, d'autre part, que la clause précitée de la police manque de précision et comprend une formulation générale, alors que le contrat doit viser des fautes lourdes déterminées expressément et limitativement.

La défenderesse a interjeté appel par requête déposée le 26 août 2015 et la demanderesse a formé une demande incidente nouvelle en allocation de 5.000 euro au titre de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire.

L'arrêt attaqué reçoit l'appel et la demande nouvelle (inexactement qualifiée d'appel incident), réforme le jugement entrepris, dit l'action de la défenderesse fondée, dit en conséquence sans objet la demande de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire, et condamne demanderesse à payer à la défenderesse "la somme provisionnelle de 10.000 euro suite à la déchéance de la garantie de l'assurance prononcée contre elle", outre les dépens.

A l'encontre de cet arrêt, la demanderesse croit pouvoir proposer les moyens suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Les articles 3, 8, alinéa 2, et 11, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

4ème feuillet

Décision critiquée

L'arrêt attaqué dit l'action de la défenderesse fondée et condamne la demanderesse à payer à la défenderesse "la somme provisionnelle de 10.000 euro suite à la déchéance de la garantie de l'assurance prononcée contre elle", aux motifs que :

"(La défenderesse) prétend à la déchéance de sa garantie en raison de la faute lourde commise par son assuré et exerce une action récursoire.
Les articles 8 et 11 de la loi du 25/6/1992 applicable au présent litige énoncent :
«Art. 8. Dol et faute.
Nonobstant toute convention contraire, l'assureur ne peut être tenu de fournir sa garantie à l'égard de quiconque a causé intentionnellement le sinistre. L'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire. Toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat. Le Roi peut établir une liste limitative des faits qui ne peuvent être qualifiés de faute lourde.
Art. 11. Déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance.
Le contrat d'assurance ne peut prévoir la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance qu'en raison de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat et à la condition que le manquement soit en relation causale avec la survenance du sinistre. Toutefois, le Roi peut réglementer la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance.»
Le litige s'articule autour de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat, n'étant pas contesté qu'il y a un lien causal entre le manquement invoqué et la survenance du sinistre ayant entraîné l'intervention de l'assureur (...).
La police litigieuse énonce qu'elle a pour objet de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré pour les dommages aux tiers découlant d'un exercice licite des activités assurées.
Sous le titre 2.8. Déchéance du droit à la prestation d'assurance, on peut y lire notamment :

5ème feuillet

«Il y a déchéance du droit à la prestation d'assurance pour les dommages suivants :
...
- avec connaissance préalable, ne pas respecter des dispositions légales de nature impérative, entre autres prescriptions de sécurité, des prescriptions urbanistiques, des prescriptions du permis d'urbanisme et des prescriptions relatives à l'environnement.
...
- tout exercice illicite des activités assurées.»
(La défenderesse) souligne que deux autres compagnies d'assurances et elle-même proposent sur le marché belge des contrats d'assurance RC aux architectes; il n'est pas contesté que ces polices s'adressent à un public ciblé de manière très précise.
La mission de l'architecte est d'ordre public et nombre de ses obligations sont sanctionné(e)s pénalement, ce qui implique qu'il est censé connaître le contenu des obligations qui lui incombent.
Il ne peut être exigé de l'assureur qui s'adresse spécifiquement à des architectes d'énumérer dans la police toutes les obligations qui s'imposent à celui-ci en matière de sécurité notamment sous peine d'imposer aux assureurs d'inclure par exemple, le R.G.P.T., l'A.R. du 31/8/2005 relatif à l'utilisation des équipements de travail pour des travaux temporaires en hauteur, dans les polices.
Raisonner comme le fait la (demanderesse) a pour effet que jamais un assureur RC professionnel(le) d'un architecte ne pourra exercer d'action récursoire contre un assuré architecte, ce que n'a pas voulu le législateur. Les références jurisprudentielles citées par (la demanderesse) ne permettent pas de savoir si l'assuré était un professionnel ou pas; en l'espèce (la demanderesse) est une professionnelle de la construction et est censée connaître les obligations de sécurité qui s'imposent à tout architecte.
Dès lors qu'en l'espèce, la police litigieuse vise «avec connaissance préalable, ne pas respecter les dispositions légales de nature impérative, entre autres prescriptions de sécurité», il s'en déduit que le fait pour (la demanderesse) de ne pas avoir désigné de coordinateur-sécurité et avoir endossé ce rôle sans y être légalement habilitée à défaut de brevet requis, alors qu'il apparaît que l'architecte n'ignorait pas que les mesures de sécurité obligatoires

6ème feuillet

manquaient - «la prévenue savait que l'accès à l'étage se faisait par une échelle, ne pouvait ignorer que cette échelle était d'une longueur insuffisante, qu'elle présentait une piètre adhérence et n'était encadrée par aucun garde-corps» -, et que la sécurisation d'un escalier est bien une prescription de sécurité, impérative, est constitutif d'une faute lourde visée par la police et autorise l'action récursoire.
Il y a dès lors lieu de constater que (la demanderesse) doit être déchue de la garantie de son assureur qui exerce à bon droit l'action récursoire".

Grief

En vertu de l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, applicable au litige, l'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire. Toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat.

De même, en vertu de l'article 11, alinéa 1er, de ladite loi, le contrat d'assurance ne peut prévoir la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance qu'en raison de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat et à la condition que le manquement soit en relation causale avec la survenance du sinistre.

Les actuels articles 62, alinéa 2, et 65, alinéa 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances reproduisent ces dispositions.

Il en résulte que l'assureur ne peut se soustraire à son obligation de principe de couvrir la faute lourde de l'assuré que pour certains cas de fautes lourdes déterminés expressément et limitativement dans le contrat conclu avec ce dernier.

7ème feuillet

Ces dispositions légales ne distinguent nullement selon que l'assuré est un consommateur ou un professionnel, le législateur ayant entendu que le preneur d'assurance, qu'il soit une personne privée ou un professionnel contractant en cette qualité, sache exactement à quoi s'en tenir et dans quels cas précis il est assuré ou ne l'est pas, ce qui s'oppose à des formulations générales et imprécises susceptibles de diverses interprétations.

Il ressort de la conjonction des dispositions légales précitées, qui sont impératives en vertu de l'article 3 de la loi du 25 juin 1992, que l'assureur ne peut stipuler la méconnaissance d'une obligation de diligence formulée en termes généraux comme motif de déchéance du droit à une prestation d'assurance, et que le juge, qui donne effet à une clause de déchéance qui sanctionne la violation d'une obligation de diligence formulée de manière générale, ne justifie pas légalement sa décision au regard desdites dispositions.

En effet, la clause des conditions générales d'un contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle qui exclut de la garantie un manquement aux normes de prudence ou de sécurité, ou aux lois, règles ou usages propres aux activités assurées, sans autre précision, ne permet pas de cerner à suffisance de droit les comportements constitutifs de fautes lourdes exclus de la garantie, et doit être déclarée nulle en vertu de l'article 8, alinéa 2, précité, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

L'arrêt attaqué constate que l'article 2.8.2 de la police d'assurance liant les parties stipule qu'"il y a déchéance du droit à la prestation d'assurance pour (...) les dommages consécutifs aux fautes graves définies ci-après : avec connaissance préalable, ne pas respecter les dispositions légales de nature impérative, entre autres des prescriptions de sécurité, des prescriptions urbanistiques, des prescriptions du permis d'urbanisme et des prescriptions relatives à l'environnement", et, de manière encore plus vague, pour "tout exercice illicite des activités assurées".

Il donne effet à cette clause, en dépit de son caractère général et de son absence totale de précision, aux seuls motifs que la demanderesse a commis une faute en ne désignant pas de coordinateur sécurité et en ne s'assurant pas que l'échelle sur laquelle chuta la
8ème feuillet

victime était sécurisée, tandis que "la mission de l'architecte est d'ordre public et nombre de ses obligations sont sanctionné(e)s pénalement, ce qui implique qu'il est censé connaître le contenu des obligations qui lui incombent", que "(la demanderesse) est une professionnelle de la construction et est censée connaître les obligations de sécurité qui s'imposent à tout architecte" et qu'"il ne peut être exigé de l'assureur qui s'adresse spécifiquement à des architectes d'énumérer dans la police toutes les obligations qui s'imposent à celui-ci en matière de sécurité (...)".

Ce faisant, l'arrêt attaqué, qui statue à nouveau sur la question de savoir si la demanderesse a commis une faute, mais qui ne constate pas que la clause contractuelle sur laquelle s'appuyait la défenderesse déterminait expressément et limitativement les cas de faute lourde autorisant l'assureur à s'exonérer de ses obligations, ou que cette clause imposait à la demanderesse une obligation déterminée dont l'inexécution était susceptible d'entraîner la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance, au sens des articles 8, alinéa 2, et 11, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, ne décide pas légalement "que (la demanderesse) doit être déchue de la garantie de son assureur qui exerce à bon droit l'action récursoire" (violation de toutes les dispositions visées au moyen).

Développements

La demanderesse rappelait en conclusions que, "pour pouvoir se retourner contre son assurée, l'assureur qui invoque une faute lourde doit avoir énoncé de manière précise le comportement litigieux qu'il veut incriminer comme une faute lourde, ouvrant un droit à la déchéance de la garantie d'assurance", et faisait valoir que la clause contractuelle litigieuse, qui "se contente (...) d'une définition nébuleuse des cas de faute grave", ne saurait "être considérée comme une faute lourde conforme à l'art. 8 al. 2 de la loi du 25 juin 1992 en ce que les cas de faute lourde doivent être déterminés expressément et limitativement dans le contrat" (concl. synth. app., pp. 7-8).

9ème feuillet

Il est constant que la clause qui permet à l'assureur de refuser sa garantie en raison de l'inexécution par l'assuré de ses obligations conventionnelles constitue une clause de déchéance au sens de l'article 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, désormais article 65 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances (Cass., 20 septembre 2012, Pas., n° 477). Dans un récent arrêt du 13 février 2017 (n° C.16.0280.F), votre Cour a rappelé qu'en application de l'article 1315, alinéa 2, du Code civil, il incombe à l'assureur, qui prétend être déchargé de la garantie, d'établir que l'assuré a commis le manquement allégué, que ce manquement constitue l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat et qu'il existe un lien de causalité entre le manquement et la survenance du dommage (dans le même sens, Cass., 13 septembre 2010, Pas., 2010, p. 2241, avec les concl. de M. l'avocat général Genicot, J.T., 2010, p. 737, note J. Kirkpatrick, J.L.M.B., 2011, p. 2070, R.G.A.R., 2011, n° 14.708).

La jurisprudence de votre Cour à propos de la précision requise des clauses de déchéance est claire et stable. Elle est fixée en ce sens que :

• La clause des conditions générales d'un contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle qui exclut de la garantie "un manquement tel aux normes de prudence ou de sécurité, aux lois, règles ou usages propres aux activités assurées que les conséquences dommageables de ce manquement étaient, suivant l'avis de toute personne normalement compétente en la matière, presque inévitables", ne permet pas "de cerner avec suffisamment de précision les comportements constitutifs de fautes lourdes exclus de la garantie", et la décision qu'elle ne doit pas être déclarée nulle viole l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (Cass., 2 octobre 2009, Pas., 2009, p. 2110, J.T., 2010, p. 538, note A. Lenaerts, J.T., 2011, p. 291, note T. De Haan, N.j.W., 2010, p. 318, note I. Boone, R.W., 2010-2011, p. 487, note S. Guiliams, Bull. ass., 2010, p. 440, note B. Weyts);

• Il ressort de la conjonction des dispositions impératives des articles 8, alinéa 2, et 11 de la loi du 25 juin 1992 que l'assureur ne peut stipuler la méconnaissance d'une obligation de diligence formulée en termes généraux comme motif de déchéance du droit à une prestation

10ème feuillet

d'assurance; l'arrêt qui donne effet à une clause de déchéance qui sanctionne la violation d'une obligation de diligence formulée de manière générale - clause obligeant l'assuré "à prendre toutes les dispositions nécessaires afin de prévenir tout dommage aux équipements" -, ne justifie pas légalement sa décision au regard de ces dispositions (Cass., 12 janvier 2007, Pas., 2007, p. 62, N.j.W., 2007, p. 845, note G. Jocqué, R.D.C., 2007, p. 786, note C. Van Schoubroeck);

• L'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre exclut l'exonération de l'assureur pour des cas de faute lourde déterminés en termes généraux; il s'en déduit que le juge ne peut considérer que la clause des conditions générales d'une police d'assurance responsabilité civile entreprise stipulant que "sont exclus de l'assurance les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux, y compris l'insuffisance de mesures élémentaires de prévention", n'est "pas formulée de manière générale" et doit recevoir effet, notamment parce que la disposition légale précitée n'exige pas une "formulation exhaustive" qui "reviendrait à imposer à l'assureur qu'il établisse et fasse figurer dans le contrat une liste impressionnante et pratiquement infinie de situations où l'entrepreneur aurait gravement méconnu les règles élémentaires de l'art de construire"; en se déterminant ainsi, l'arrêt attaqué ne justifie pas légalement sa décision de déclarer non fondée la demande de l'assurée contre l'assureur (Cass., 29 juin 2009, Pas., 2009, p. 1701);

• L'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, qui permet à l'assureur de s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat, exclut son exonération non seulement pour les cas de faute lourde déterminés en termes généraux mais aussi pour les cas de faute lourde déterminables en fonction des mesures préconisées par le Règlement général pour la protection du travail ou par le coordinateur de sécurité et de santé (Cass., 4 décembre 2013, Pas., 2013, p. 2447, For. ass., 2014, p. 91, note E. Georges, Bull. ass., 2014, p. 318, note).

11ème feuillet

La doctrine approuve cette approche restrictive.

N. Schmitz (Le point sur la charge de la preuve des causes d'exonération de garantie, in Actualités en droit des assurances, C. Paris et V. Callewaert [dir.], Larcier, CUP, 2015, vol. 154, pp. 153-155; du même auteur, La clause de déchéance qui sanctionne un manquement aux lois, règlements et usages exclut-elle, en termes trop généraux, la couverture de la faute lourde ?, J.L.M.B., 2014, p. 867) rappelle que la validité des clauses de déchéance est subordonnée "au respect d'un régime juridique strict caractérisé, notamment, par l'exigence de détermination, dans le contrat d'assurance, de l'obligation dont le manquement entraînerait la déchéance totale ou partielle de garantie" et souligne que "la jurisprudence de la Cour de cassation est abondante sur ce point. Elle est également très rigoureuse à l'égard des décisions qui apprécient la légalité des clauses qui sanctionnent de déchéance les manquements de l'assuré ou qui exonèrent l'assureur de la couverture des cas de faute lourde". Il évoque, outre les arrêts précités, un arrêt inédit du 12 janvier 2011 qui casse un arrêt ayant considéré que la clause des conditions générales d'une police d'assurance qui excluait les cas de faute lourde consistant dans la violation grave des réglementations relatives à la sécurité ou des lois, règlements ou usages propres aux activités de l'entreprise assurée, permettait de cerner avec suffisamment de précision les comportements constitutifs de faute lourde exclus de la garantie.

L'auteur relève que, "d'une manière générale, il semble que les juges du fond apprécient avec sévérité les exonérations conventionnelles de couverture des cas de faute lourde qui seraient formulées en termes trop généraux, notamment lorsqu'une clause de contrat d'assurance sanctionne la méconnaissance d'une obligation générale de prudence ou tout manquement aux lois, règlements et usages qui régissent l'activité concernée". L'auteur renvoie aux illustrations citées par V. Callewaert, L'exigence de détermination des clauses de déchéance, note sous Liège, 28 mai 2008, R.G.A.R., 2010, n° 14626, note 4; M. Fontaine, Faute lourde et sinistres répétitifs, obs. sous Mons, 16 juin 2011, Rec. For. Ass., vol. I, Anthémis, 2013, spéc. pp. 214-215, n° 9). Avec V. Callewaert (op. cit.) et Y. Thiery (Over de verzekerbaarheid van de zware fout... de grenzen van artikel 8, lid 2 WLVO, note sous Anvers, 18 septembre 2013, Limb. Rechtsl., 2014, p.

12ème feuillet

46), il s'étonne que l'on trouve encore, notamment dans des polices RC exploitation - donc dans des polices s'adressant à des professionnels en cette qualité -, "des clauses qui exonèrent de manière très grossière, au mépris de l'exigence de précision qui résulte de l'application des dispositions impératives de la loi et de la jurisprudence (précitée) de la Cour de cassation, des cas de faute lourde. L'étonnement fait place à l'indignation lorsqu'on constate que des décisions s'obstinent encore à ne pas invalider ces clauses". L'auteur cite un arrêt de la cour d'appel de Liège du 13 octobre 2011 (J.L.M.B., 2014, p. 865) ayant considéré que la clause qui définit la faute lourde comme "un manquement tel aux normes de prudence ou de sécurité, aux lois, règles ou usages propres aux activités assurées de l'entreprise, que les conséquences dommageables de ce manquement sont, suivant l'avis de toute personne normalement compétente en la matière, presque inévitables", respectait le prescrit de l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 - en dépit de l'arrêt précité de votre Cour du 2 octobre 2009 ayant décidé exactement le contraire. Il conclut qu'"il va de soi que ces décisions ne peuvent, en aucun cas, être approuvées", la "définition compréhensive" des cas de faute lourde exclus de la garantie méconnaissant les dispositions légales impératives applicables.

C. Paris et J.-L. Fagnart (Actualités législatives et jurisprudentielles dans les assurances en général, in Actualités en droit des assurances, C. Paris et B. Dubuisson [dir.], Anthémis, CUP, 2008, vol. 106) confirment que "l'assureur doit spécifier l'obligation dont le non-respect entraînera un refus de garantie" (p. 58, n° 73) : "si l'assureur veut s'exonérer de son obligation de garantie en raison d'un manquement de l'assuré, il est obligé de spécifier ce manquement dans son contrat, peu importe que l'on qualifie ce manquement de léger ou de grossier. Ce qui importe, c'est la spécification du manquement considéré dans le contrat d'assurance, afin que l'assuré sache à quoi s'en tenir. La lecture de son contrat d'assurance doit lui permettre de savoir dans quels cas il est couvert et dans quels cas il ne l'est pas. Il se peut que l'imprudence de l'assuré le prive de garantie. Il faut, pour ce faire, qu'il en ait été clairement averti, c'est-à-dire que l'assureur (ait) spécifié l'obligation de respecter telle prescription dans telles circonstances (obligation de vider les cendriers dans une poubelle à fermeture automatique, obligation de s'équiper d'un harnais de sécurité en cas de montée sur un toit à plus de trois mètres

13ème feuillet

du sol...) et que (celle)-ci soit en relation causale avec le sinistre" (p. 60, n° 76). Les auteurs ajoutent (p. 65, n° 81) que "le législateur veut que les cas de faute lourde soient déterminés expressément mais également limitativement dans le contrat. Si l'assureur énonce les hypothèses de faute lourde de manière exemplative, il ne respecte pas la loi". Ils citent (pp. 62-64, n° 79) diverses décisions qui "confirme(nt) la nécessité, pour l'assureur, de préciser le comportement qu'il n'entend pas couvrir" et qui ont jugé que diverses clauses rédigées en des termes trop généraux ne satisfont pas à cette exigence de spécification.

Le professeur Fontaine observe également que "la jurisprudence se montre relativement sévère dans son appréciation des exclusions conventionnelles de cas de faute lourde formulés en termes trop généraux" (Droit des assurances, Larcier, 4e éd., 2010, p. 274, n° 374, et les nombreux exemples cités à la note 983), et conclut qu'il n'est "pas possible de tenter d'éluder l'exigence essentielle de spécificité en recourant à une clause d'exclusion formulée en termes généraux" (p. 278, n° 380); dans le même sens, G. Heirman, Verval van recht, in Handboek Verzekeringsrecht, T. Vansweevelt et B. Weyts (éd.), Intersentia, 2016, pp. 521-523, n° 834-836, et les exemples cités; du même auteur, Grove schuld: beding met verwijzing naar elke tekortkoming aan wetten, regels of gebruiken voldoet niet aan de wettelijke vereisten, Bull. ass., 2015, p. 298.

La jurisprudence des juges du fond donne de nombreuses illustrations d'hypothèses où il fut refusé de donner effet à des clauses de déchéance pour faute lourde formulées en termes trop généraux, compréhensifs ou exemplatifs : voy. not. Anvers, 18 février 2013, N.j.W., 2013, p. 654, obs. J. De Bruyne; Anvers, 17 septembre 2012, R.D.C., 2013, p. 546; C. trav. Bruxelles, 21 novembre 2011, J.T.T., 2012, p. 153; Mons, 11 janvier 2011, Bull. ass., 2011, p. 431; Mons, 10 septembre 2009, Bull. ass., 2010, p. 415; Gand, 24 janvier 2008, R.W., 2009-2010, p. 1184, note L. Wermoes; Anvers, 5 décembre 2007, Bull. ass., 2008, p. 240; Liège, 15 mars 2007, J.L.M.B., 2008, p. 965; Civ. Bruxelles, 16 février 2007, R.G.A.R., 2008, n° 14.417; Gand, 28 avril 2006, Bull. ass., 2007, p. 234; Gand, 6 avril 2006, R.G.A.R., 2007, n° 14.307; Anvers, 7 décembre 2005, Bull. ass., 2009, p. 410; Mons, 8 septembre 2005, Ius & Actores, 2008, p. 57, note T. Delahaye; Comm. Bruxelles, 22 janvier 2002, R.W., 2004-2005, p. 148; Bruxelles, 4 décembre 2000, R.G.A.R., 2003, n° 13.758.

14ème feuillet


Ainsi par exemple, un arrêt de la cour d'appel de Liège du 14 mai 2004 (R.G.A.R., 2006, n° 14.112) rappelle que la clause contractuelle par laquelle l'assureur RC exploitation exclut sa garantie en cas de faute lourde est contraire à l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre lorsqu'elle est rédigée en des termes généraux qui ne permettent pas à l'assuré, à la lecture de la police, de savoir si la survenance d'un sinistre donnera lieu à la prestation d'assurance, et estime que tel est en l'espèce le cas d'une clause qualifiant de faute lourde le "manquement aux normes de prudence et de sécurité, aux lois, règles ou usages à propos d'activités assurées de l'entreprise telles que les conséquences dommageables de ce manquement étaient, suivant l'avis de toute personne normalement compétente en la matière, presque inévitables".

En l'espèce, telle qu'elle est libellée - soit en termes vagues, généraux et exemplatifs -, la clause contractuelle litigieuse est exactement du même ordre que celles qui furent tenues en échec dans les précédents de votre Cour cités plus haut.

L'arrêt attaqué paraît en réalité avoir davantage statué à nouveau sur la question de savoir si, oui ou non, la demanderesse a commis une faute - question tranchée par les décisions pénales rendues à son encontre - que sur celle, distincte, de savoir si la clause de déchéance visant le non respect des "dispositions légales de nature impérative, entre autres des prescriptions de sécurité, des prescriptions urbanistiques, des prescriptions du permis d'urbanisme et des prescriptions relatives à l'environnement", énonce bien des cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement, ainsi que les dispositions légales visées au moyen, impératives en faveur de l'assuré, l'imposent.

La référence que fait la cour d'appel aux circonstances que les polices du type de celle de la défenderesse s'adressent à un public précisément ciblé et que la mission de l'architecte est d'ordre public ne contribue en rien à ce que sa décision soit légalement justifiée : tout au plus l'arrêt attaqué en déduit-il - ce qui n'était pas l'enjeu du débat - que la demanderesse était, en sa qualité de professionnelle de la construction, "censé(e) connaître le contenu des

15ème feuillet

obligations qui lui incombent" ou "les obligations de sécurité qui s'imposent à tout architecte". Or, les dispositions légales dont le moyen invoque la violation ne distinguent nullement selon que l'assuré est un consommateur ou un professionnel, et nombre des décisions de votre Cour rapportées ci-dessus concernent d'ailleurs des assurances RC professionnelle ou RC exploitation, autrement dit des polices souscrites par des professionnels. Que l'assuré soit une personne privée ou un professionnel contractant en cette qualité, il n'en reste pas moins que le vœu du législateur est que le preneur d'assurance, quel qu'il soit, doit savoir à quoi s'en tenir et dans quels cas précis il est assuré ou ne l'est pas, ce qui s'oppose à des formulations générales et imprécises susceptibles de diverses interprétations (Doc. Parl., Chambre, 1990-1991, n° 1586, p. 22, cité par G. Heirman, op. cit., p. 521, n° 834).

Etendue de la cassation : la cassation découlant de l'accueil du premier moyen doit s'étendre à la décision de l'arrêt attaqué que "la demande de dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire intentée par (la demanderesse) manque d'objet", en raison du lien établi par l'arrêt entre ces deux dispositifs.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- les articles 1018, 6°, et 1022 du Code judiciaire,
- les articles 2 et 8 de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat.

16ème feuillet

Décision critiquée

L'arrêt attaqué condamne la demanderesse "aux dépens liquidés jusqu'ores par (la défenderesse) à la somme de 2200 euro à titre d'indemnité de procédure d'appel".

Grief

En vertu de l'article 1018, 6°, du Code judiciaire, les dépens auxquels la partie qui a succombé est condamnée comprennent l'indemnité de procédure visée à l'article 1022 dudit code, lequel définit l'indemnité de procédure comme une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause. Aux termes de l'article 1022, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire, après avoir pris l'avis de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et de l'Orde van Vlaamse Balies, le Roi établit par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige, et ce n'est qu'à la demande d'une des parties, éventuellement formulée sur interpellation par le juge, que celui-ci peut, par une décision spécialement motivée, soit réduire l'indemnité soit l'augmenter, sans pour autant dépasser les montants maxima et minima prévus par le Roi.

La défenderesse poursuivait la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme provisionnelle de 10.000,00 euro . C'est inexactement, au regard de cet enjeu financier, qu'elle concluait (concl. synth. app., p. 10) que "l'indemnité de base pour une demande portant sur la somme (de) 10.000,00 euro est de 2.200,00 euro ", alors que tel n'est pas le cas : en vertu de l'article 2 de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire, qui fixe l'indemnité de procédure pour les actions portant sur des demandes évaluables en argent, et en tenant compte, en application de l'article 8 dudit arrêté royal, de la première indexation de ces montants au 1er mars 2011 - mais non de la nouvelle indexation en vigueur depuis le 1er juin 2016 -, cette somme de 2.200 euro correspond aux litiges évaluables en argent et se situant entre 20.000 et 40.000 euro , ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

17ème et dernier feuillet

L'arrêt attaqué, qui se borne à condamner la demanderesse à l'indemnité de procédure d'appel telle qu'inexactement liquidée par la défenderesse dans ses conclusions, soit 2.200 euro , sans relever que la défenderesse aurait - quod non - demandé l'augmentation de cette indemnité et a fortiori sans rendre à cet égard une décision spécialement motivée, alors qu'en tenant compte de l'indexation applicable depuis le 1er juin 2016, le montant de base pour une demande située entre 5.000,01 euro et 10.000,00 euro est de 1.080 euro , n'est pas légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen).

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignée, pour la demanderesse, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel; statuer comme de droit quant aux dépens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 19 juillet 2017


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C.17.0428.F
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Assurances ; assurances terrestres


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-16;c.17.0428.f ?

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