N° F.16.0141.N
RÉGION FLAMANDE, représentée par son gouvernement, en la personne du vice-ministre-président, poursuites et diligence du ministre du Budget, des Finances et de l'Énergie,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
HET PORTAAL, a.s.b.l.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2015 par la cour d'appel de Gand.
Le 9 novembre 2017, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Aux termes de l'article 191 du décret communal du 15 juillet 2005, la commune et les régies communales autonomes peuvent, à condition de fournir une motivation spéciale et circonstanciée, constituer des droits réels sur les biens du domaine public, pour autant que lesdits droits ne soient pas manifestement inconciliables avec la destination de ces biens.
En vertu de l'article 245, § 1er, alinéas 1er et 2, de ce décret, la commune est habilitée à constituer, dans les conditions fixées à la section III, une société au sens du code des sociétés ou une association ou une fondation au sens de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations et à lui confier la réalisation de missions spécifiques d'intérêt communal ayant trait à la mise en œuvre de politiques. Dans le cadre de ces missions, les agences communales autonomes externes de droit privé peuvent également participer à l'élaboration des politiques. La constitution se fait conformément au principe d'égalité et dans le respect de la réglementation en matière de concurrence et d'aides d'État.
Suivant l'article 245, § 2, de ce même décret, le conseil communal décide de la constitution ou de la participation visées à l'alinéa 1er sur la base d'un rapport établi par le collège des bourgmestre et échevins. Ce rapport évalue les avantages et les inconvénients du type d'entité autonome externe choisie et démontre que la gestion dans le cadre de la personnalité juridique de la commune ou sous la forme d'une régie communale autonome ne saurait présenter les avantages requis. La constitution ou la participation ne peuvent intervenir qu'après que la décision du conseil communal en ce sens a été approuvée conformément au § 3.
L'article 245, § 3, dudit décret prévoit que la décision de constitution ou de participation, ainsi que le rapport visé au paragraphe 2, sont envoyés dans les trente jours au gouvernement flamand. Celui-ci approuve ou non la décision dans les cent jours qui suivent l'envoi. Si ce délai expire sans que le gouvernement flamand ait pris de décision et envoyé celle-ci à la commune, l'approbation est censée avoir été donnée.
Aux termes de l'article 246, § 1er, du décret précité, quelle que soit l'importance de l'apport éventuel des différentes parties, la commune dispose toujours d'une majorité des voix au sein de l'assemblée générale de la société ou de l'association communale et propose toujours une majorité de membres au sein du conseil d'administration de la société, de l'association ou de la fondation communale. Ces propositions garantissent à chaque groupe d'être représenté.
L'article 246, § 2, dudit décret dispose que le conseil communal choisit parmi ses membres les représentants de la commune au sein de l'assemblée générale de la société et de l'association communale. Les représentants de la commune au sein de l'assemblée générale agissent conformément aux instructions du conseil communal.
L'article 246, § 3, de ce même décret prévoit que le conseil communal et les représentants de la commune au sein de l'assemblée générale peuvent décider à tout moment de révoquer les désignations et propositions.
2. Un bien appartient au domaine public lorsque, par une décision expresse ou tacite de l'autorité compétente, il est affecté à l'usage de tous ou à un service public. Son usage ne peut porter atteinte au droit de l'autorité de le réglementer et de le préserver à tout moment en fonction des besoins et dans l'intérêt de l'ensemble des citoyens.
3. Il s'ensuit qu'une commune peut, par le truchement d'une agence autonome externe ayant la forme d'une association sans but lucratif au sens du décret du 15 juillet 2005, qui a été créée dans les conditions fixées par celui-ci, grever d'un droit d'emphytéose un bien du domaine public destiné à l'usage de tous, pour autant que cela ne porte pas atteinte à son droit de réglementer cet usage à tout moment.
Dans la mesure où il soutient que l'octroi, à une institution non dépendante de la Nation, d'un droit d'emphytéose sur un bien immobilier appartenant en propriété à l'État, aux provinces ou aux communes, entraîne inévitablement une désaffectation de ce bien, laquelle implique la volonté de priver celui-ci de sa destination publique, et que le bien immobilier perd son statut de domaine national du fait de la concession d'un droit d'emphytéose, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
4. L'article 253, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable, en Région flamande, à l'exercice d'imposition 2010, dispose qu'est exonéré du précompte immobilier le revenu cadastral des biens immobiliers qui ont le caractère de domaines nationaux, sont improductifs par eux-mêmes et sont affectés à un service public ou d'intérêt général. L'exonération est subordonnée à la réunion de ces trois conditions.
L'improductivité du bien immobilier n'est autre que son caractère impropre à toute jouissance privative. Ce caractère impropre est lié au fait qu'un service public en est propriétaire. Il découle de l'affectation qui est donnée au bien immobilier.
5. Les juges d'appel ont constaté et considéré que :
- les pièces démontrent que les activités de la défenderesse ne sont pas de nature commerciale ou lucrative et que celle-ci ne poursuit pas de but lucratif ni ne vise à procurer un avantage patrimonial à ses membres ;
- rien n'indique que la défenderesse poursuive un but lucratif et la demanderesse ne produit aucun élément en ce sens.
Les juges d'appel ont ainsi indiqué que la défenderesse avait la jouissance privative de la bibliothèque et que celle-ci était dès lors improductive par elle-même.
Dans la mesure où il procède d'une lecture inexacte de l'arrêt, le moyen, en cette branche, manque en fait.
6. Par les motifs énoncés au considérant 5, les juges d'appel ont répondu, en la rejetant, à la défense visée en cette branche du moyen.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque également en fait.
7. Par les motifs énoncés au considérant 5, les juges d'appel n'ont pas fait peser sur la demanderesse la charge d'apporter la preuve du non-respect des conditions de l'article 253, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable en l'espèce.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Beatrijs Deconinck, président, le président de section Alain Smetryns, les conseillers Geert Jocqué, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du quinze mars deux mille dix-huit par le président de section Beatrijs Deconinck, en présence de l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Didier Batselé et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,