N° P.18.0212.F
T. A., alias T. M.
détenu en vue d'extradition,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Nathan Mallants, avocat au barreau de Liège, et Alexandre Chateau, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 février 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LES FAITS
Le demandeur fait l'objet d'une demande d'extradition émanant du gouvernement de la République d'Albanie pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement de sept ans et quatre mois, du chef de vol à l'aide de violences et de détention arbitraire, prononcée le 2 février 2015 par le tribunal du district judiciaire de Tirana. Selon l'avis du parquet du district de Tirana et son annexe, cette décision est définitive depuis le 12 février 2015, aucun recours n'ayant été introduit.
Les pièces officielles ont été signifiées au demandeur le 31 mai 2017.
La chambre des mises en accusation a rendu le 30 juin 2017 un avis favorable à l'extradition, « sous réserve de l'existence d'une demande d'asile en cours ».
L'extradition a été accordée par arrêté ministériel du 1er août 2017. La demande de suspension de cette décision en extrême urgence, introduite par le demandeur, a été rejetée par un arrêt du Conseil d'État rendu le 28 septembre 2017.
Le 17 octobre 2017, le président du tribunal de première instance de Liège a ordonné qu'il soit sursis à l'extradition dans l'attente d'une décision sur la demande d'asile introduite par le demandeur le 15 septembre 2017.
Saisie d'une requête de mise en liberté, la chambre du conseil y a fait droit par ordonnance du 2 février 2018.
L'arrêt attaqué réforme cette décision.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 584 du Code judiciaire, 5, alinéa 4, de la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions et 3, 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance de la notion légale de présomption de l'homme. Il reproche d'abord à l'arrêt de rejeter la requête de mise en liberté du demandeur au motif que c'est lui, et non la Belgique, qui est responsable de la durée de son arrestation provisoire dès lors que c'est en raison des procédures qu'il a introduites et de leurs aléas qu'il n'a pas encore pu être remis aux autorités requérantes. Selon le demandeur, cette décision n'est pas légalement justifiée dans la mesure où il n'est à l'origine que d'une seule procédure à l'issue de laquelle l'extradition a été suspendue, tandis que l'Etat belge a acquiescé à cette solution.
Le délai raisonnable de la détention en vue de l'extradition s'apprécie sur la base des données concrètes de la cause, au moment de la décision à rendre par le juge auquel ce contrôle incombe.
Lorsqu'il est appelé à apprécier les mérites d'une requête aux termes de laquelle l'étranger arrêté réclame sa mise en liberté provisoire eu égard à la longueur de l'arrestation subie, aucune règle, notamment celles visées au moyen, n'interdit au juge, qui a exclu la responsabilité des autorités belges, d'avoir égard à la circonstance que l'intéressé a introduit des recours successifs, imprimant à la cause un caractère complexe, et dont le traitement a contribué au prolongement de la procédure.
Contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel n'ont pas décidé que la durée de la détention du demandeur demeurait raisonnable au seul motif qu'il avait introduit, devant le président du tribunal de première instance de Liège, une action ayant abouti à la suspension de la procédure d'extradition.
Par renvoi aux motifs du réquisitoire du ministère public, les juges d'appel ont en effet eu égard à l'ensemble des recours dont le demandeur est l'auteur, pour décider que ceux-ci, ainsi que leurs suites, ont empêché sa remise aux autorités étrangères.
Le moyen manque en fait.
Pour le surplus, en tant qu'il soutient que la durée de son arrestation est en tout état de cause excessive, le moyen critique l'appréciation en fait des juges d'appel et est, partant, irrecevable.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-sept euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe