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13/03/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0841.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 mars 2018, P.17.0841.N


N° P.17.0841.N
S. B.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Christophe Marchand, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

1. B. A.,
inculpé,
2. J. V.,
inculpé,
défendeurs en cassation.




I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 juin 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat génÃ

©ral Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

4. Le ...

N° P.17.0841.N
S. B.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Christophe Marchand, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

1. B. A.,
inculpé,
2. J. V.,
inculpé,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 juin 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

4. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : en considérant qu'il n'est pas démontré que le demandeur a été blessé au cours de sa privation de liberté et que, comme invoqué par les défendeurs, plusieurs heures se sont encore écoulées entre la libération du demandeur et sa visite chez le médecin sans que l'on sache ce qu'il s'est passé pendant cet intervalle, l'arrêt méconnait la présomption de causalité selon laquelle les blessures ont été infligées pendant la détention, qui est une présomption factuelle et réfragable déduite de l'article 3 de la Convention en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme ; un document médical établi le jour des faits suffit à admettre que les blessures constatées par ce certificat médical ont été causées pendant la privation de liberté, alors que l'intéressé se trouvait sous le contrôle des agents de police.

5. Il résulte de l'article 3 de la Convention, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, que si une personne a été victime de violences au moment de son arrestation ou au cours de sa détention, il existe une forte présomption de fait que les autorités en sont responsables et il appartient à l'État de fournir une explication plausible à cet égard. S'il n'y parvient pas, une violation de la Convention est établie dans le chef de l'État.

6. Il appartient au plaignant de rendre admissible, au moyen d'éléments dignes de foi tels des photographies ou des certificats médicaux, qu'il a subi des blessures lors de son arrestation ou de sa privation de liberté.

7. Il appartient au juge d'apprécier souverainement si les pièces produites par le plaignant rendent suffisamment plausible qu'il a subi les blessures lors de son arrestation ou de sa détention. La circonstance que les pièces ont été établies immédiatement ou très peu de temps après sa libération constitue un facteur important, mais non déterminant à cet égard. Le juge peut décider, sur la base des éléments concrets de la cause, que de telles pièces ne rendent pas suffisamment admissible que les blessures constatées ont été subies lors de l'arrestation ou de la détention.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

8. L'arrêt considère que :
- la photographie du demandeur prise par la police, dont une version agrandie a été produite comme élément de preuve, ne permet pas de constater l'existence de blessures ;
- il est exact que le jour de la libération du demandeur, un médecin a constaté qu'il présentait diverses ecchymoses, mais qu'il n'est pas démontré que le demandeur a subi ces blessures au cours de sa privation de liberté ;
- comme le soulignent les défendeurs, plusieurs heures se sont encore écoulées entre la libération du demandeur et sa visite chez le médecin, sans que l'on sache ce qu'il s'est passé pendant cet intervalle ;
- au cours de la privation de liberté, des blessures n'ont été constatées ni lors de l'audition par le magistrat de parquet, ni au moment de la prise de sang par un médecin ;
- les blessures aux poignets résultent du recours à la violence, légalement autorisé, par la police, au moment où le demandeur a tenté d'ouvrir la portière du véhicule et où les fonctionnaires de police l'en ont empêché.

Par ces motifs, l'arrêt justifie légalement la décision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

9. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : l'arrêt considère, à tort, que la charge de la preuve ne peut être transférée aux fonctionnaires de police impliqués dans la privation de liberté, lesquels bénéficient de la présomption d'innocence ; la présomption d'innocence ne s'oppose pas à l'invocation des présomptions factuelles de causalité découlant de l'article 3 de la Convention ; tel est certainement le cas lorsque l'appréciation porte sur une action civile et non sur des poursuites pénales.

10. Il résulte de l'article 3 de la Convention, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, que si une personne a été victime de violences au moment de son arrestation ou au cours de sa détention, il y a une forte présomption de fait que les autorités en sont responsables et il appartient à l'État de fournir une explication plausible à cet égard. S'il n'y parvient pas, une violation de la Convention est établie dans le chef de l'État.

11. Toutefois, il ne résulte pas de cette disposition que l'obligation de fournir une explication plausible quant aux blessures subies par le plaignant au moment de son arrestation ou au cours de sa détention, incombe à tous les fonctionnaires de police qui ont été en contact avec ce plaignant lors de son arrestation ou de sa détention. En effet, un tel renversement de la charge de la preuve en matière pénale, lorsqu'il n'est pas prévu par le droit national, est contraire à la présomption d'innocence garantie par l'article 6, § 2, de la Convention, dont les fonctionnaires de police bénéficient également. Cette règle s'applique tout autant lorsque le juge pénal statue sur une action civile fondée sur une infraction.

Le moyen qui, en cette branche, procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
(...)
PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du treize mars deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0841.N
Date de la décision : 13/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-13;p.17.0841.n ?

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