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02/03/2018 | BELGIQUE | N°F.16.0137.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mars 2018, F.16.0137.F


N° F.16.0137.F
VILLE DE HANNUT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Hannut, rue de Landen, 23,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

SIT MEDIA, société de droit suisse, dont le siège est établi à Genève (Suisse), boulevard Georges-Favon, 43, faisant élection de domicile en l'étude de l'huissier de justice Bernard Rixhon, établie à Hannut,

avenue Paul Brien, 25 B,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourv...

N° F.16.0137.F
VILLE DE HANNUT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Hannut, rue de Landen, 23,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

SIT MEDIA, société de droit suisse, dont le siège est établi à Genève (Suisse), boulevard Georges-Favon, 43, faisant élection de domicile en l'étude de l'huissier de justice Bernard Rixhon, établie à Hannut, avenue Paul Brien, 25 B,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Une circulaire ministérielle, fût-elle publiée au Moniteur belge, à laquelle, sans en reproduire le texte, un règlement-taxe se réfère, directement ou par le truchement d'une autre circulaire qu'il vise, ne fait pas partie intégrante de ce règlement.
Le moyen, qui repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent huit euros quatre-vingt-huit centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Frédéric Lugentz, et prononcé en audience publique du deux mars deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont Fr. Lugentz S. Geubel
M.-Cl. Ernotte M. Lemal Chr. Storck

Requête
Requête en cassation

Pour

VILLE DE HANNUT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont à 4280 Hannut, rue de Landen, 23,

demanderesse en cassation,

assistée et représentée par Me François T'KINT, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 6000 Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est élu domicile.

Contre

SIT MEDIA, société anonyme de droit suisse, dont le siège social est établi à CH 1204 Genève (Suisse), boulevard George-Favon, 43,

défenderesse en cassation.

A Messieurs les premier président et président, Mesdames et Messieurs les conseillers qui composent la Cour de cassation,

Messieurs,
Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt contradictoirement rendu entre parties le 20 janvier 2016 par la neuvième chambre civile de la cour d'appel de Liège (rôle général 2013 RG 1707).

Les faits de la cause et les antécédents de la procédure, tels qu'ils résultent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard, se résument comme suit.

Le 15 novembre 2006, la demanderesse a adopté un règlement-taxe sur la distribution gratuite d'écrits publicitaires à domicile non adressés, dits « toutes boîtes », dont le préambule comporte entre autres les mentions suivantes :

« Vu la circulaire du 09 février 2006 de Monsieur le ministre des affaires intérieures et de la fonction publique, Philippe COURARD, relative à la taxe sur la distribution des ‘toutes boîtes' ;

Vu la circulaire du 13 juillet 2006 de Monsieur Philippe COURARD, ministre des affaires intérieures et de la fonction publique, relative à l'élaboration du budget 2007 des communes de la REGION WALLONNE ;

Vu les finances communales »,

et dont l'article 2 dispose que :

« Il est établi, pour les exercices 2007 à 2012, une taxe communale indirecte sur la distribution gratuite, à domicile, d'écrits et d'échantillons non adressés qu'ils soient publicitaires ou émanant de la presse régionale gratuite. Est uniquement visée la distribution gratuite dans le chef du destinataire »,

l'article 4 du règlement précisant que :

« La taxe est fixée à :

- 0,0111 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires jusqu'à 10 grammes inclus,

- 0,0297 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires au-delà de 10 grammes et jusqu'à 40 grammes inclus,

- 0,0446 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires au-delà de 40 et jusqu'à 225 grammes inclus,

- 0,08 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires supérieurs à 225 grammes.

Néanmoins, tout écrit publicitaire émanant de la presse régionale gratuite se verra appliquer un taux uniforme de 0,006 euro par exemplaire distribué. »

Le 18 janvier 2011, la demanderesse a adopté un nouveau règlement-taxe sur la distribution des « toutes boîtes », dont le préambule a visé notamment, outre la circulaire du 9 février 2006 déjà prise en considération par le précédent règlement-taxe :

« Vu la circulaire du 23 septembre 2010 (M. B. 12.10.2010, éd. 2) de Monsieur Paul FURLAND, ministre des pouvoirs locaux et de la ville, et relative à l'élaboration des budgets des communes et des CPAS de la REGION WALLONNE, à l'exception des communes et CPAS relevant des communes de la Communauté germanophone, pour l'année 2011.

Vu la circulaire du 5 octobre 2010 de Monsieur Paul FURLAND, ministre des pouvoirs locaux et de la ville et relative à l'établissement des règlements fiscaux, y compris de ceux relatifs aux taxes additionnelles.

Considérant la situation financière de la ville,

Considérant que la commune établit la présente taxe afin de trouver les moyens financiers nécessaires à l'exercice de ses missions (...). »

La défenderesse, société suisse éditrice et distributrice de publications à caractère strictement publicitaire distribuées gratuitement de manière indifférenciée dans toutes les boîtes aux lettres de tous les immeubles érigés sur le territoire de la demanderesse, a prétendu bénéficier du tarif préférentiel accordé à la presse régionale gratuite non publicitaire.

La demanderesse a rejeté cette prétention par décision du 7 février 2011 ; la défenderesse a introduit une réclamation contre cette décision de rejet et contre celle du 17 juin 2011, qui a aussi fait l'objet d'un recours (une troisième réclamation ayant été introduite par la défenderesse).

Toutes ces réclamations ont été repoussées par décision de la demanderesse du 8 juin 2012.

La défenderesse a formé, par requête du 12 septembre 2012, contre ces décisions du 8 juin 2012, devant le tribunal de première instance de Liège, un recours, tribunal qui par jugement du 24 octobre 2013 les a accueillis et y a fait droit, annulant les cotisations mises à charge de la défenderesse.

La demanderesse a interjeté appel de cette décision.

L'arrêt déclare l'appel de la demanderesse recevable mais non fondé, l'en déboute et la condamne aux frais d'appel.

À l'appui du pourvoi qu'elle forme contre l'arrêt attaqué, la demanderesse croit pouvoir vous proposer le moyen unique de cassation suivant.

Moyen unique de cassation

Dispositions légales violées

Articles 10, 11, 159, 170 et 172 de la Constitution ;

articles 1318, 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Décision attaquée et motifs critiqués

L'arrêt attaqué qui déclare l'appel de la demanderesse non fondé, l'en déboute, confirme le jugement entrepris, condamne la demanderesse à rembourser à la défenderesse toutes sommes éventuellement payées par la défenderesse du chef des cotisations annulées, en principal, intérêts et frais et la condamne aux dépens de l'appel, aux motifs que :

« Si le motif de la situation financière de la commune justifie l'existence d'une taxation, cette seule référence ne permet cependant pas de comprendre pourquoi en l'espèce sont soumis à la taxe les distributeurs d'écrits publicitaires gratuits non adressés distribués à domicile et non les distributeurs d'écrits publicitaires gratuits adressés distribués à domicile ou non adressés distribués ailleurs qu'au domicile (...).

Le motif indiqué dans les règlements, à savoir faire rentrer dans les caisses communales de l'argent, ne suffit pas à justifier les discriminations entre les différents types de distributeurs et ne permet pas de comprendre pourquoi telle ou telle catégorie de contribuables est plus spécialement visée que d'autres.

Aucun élément des circulaires auxquelles le règlement se réfère n'explique ces différences de traitement et que du fait que les motifs du règlement soient essentiellement, voire exclusivement, financiers, que la distribution d'écrits publicitaires adressés ne s'effectue pas de manière généralisée dans toutes les boîtes aux lettres situées dans la commune à la différence des écrits publicitaires non adressés et qu'il y ait des différences objectives entre les destinataires des écrits concernés, il ne ressort pas que le critère de distinction entre, d'une part, les distributeurs d'écrits publicitaires gratuits non adressés distribués à domicile, qui sont soumis à la taxe, et, d'autre part, les distributeurs d'écrits publicitaires gratuits adressés distribués à domicile, qui échappent à la taxe, est susceptible d'une justification raisonnable au regard du but financier de la taxe instaurée et de ses effets. »

Griefs

1. La règle de l'égalité des belges devant la loi contenue dans l'article 10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux belges inscrite dans l'article 11 de la Constitution ainsi que celle de l'égalité devant l'impôt exprimée par l'article 172 de la Constitution implique que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière mais n'exclut pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes, pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable ; l'existence d'une telle distinction doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise par l'impôt instauré ; et le principe d'égalité est aussi violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Rien ne s'oppose cependant à ce que l'autorité communale poursuive des objectifs financiers d'incitation ou de dissuasion accessoires, l'objectif principal de toute taxe étant, par nature, d'ordre budgétaire.

D'ailleurs, l'autorité communale tire son pouvoir de taxation de l'article 170, § 4, de la Constitution et il lui appartient, dans le cadre de cette autonomie fiscale, pour autant que, sous le contrôle de l'autorité de tutelle, l'établissement de l'impôt ne viole pas la loi ni ne blesse l'intérêt général, de déterminer les bases et l'assiette de l'imposition dont elle apprécie la nécessité au regard des besoins auxquels elle estime devoir pouvoir, sous la réserve imposée par la Constitution, à savoir la compétence du législateur d'interdire aux communes de lever certains impôts, faire face.

Cette autonomie fiscale trouve sa limite dans l'obligation pour les communes de respecter les principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination rappelés plus haut.

2. La justification de la taxe et de la différence qu'elle instaure éventuellement entre différentes catégories de contribuables doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ou de l'impôt instauré.

À cet égard, il n'est pas requis que la justification ressorte immédiatement du règlement-taxe querellé : il suffit que l'objectif susceptible de justifier raisonnablement la différence de traitement qui en découle apparaisse du préambule et/ou du dossier constitué par l'autorité lors de son élaboration ou puisse être déduit du dossier administratif constitué par l'auteur du règlement. Cette justification peut assurément être trouvée dans les documents auxquels le règlement ou son préambule se reportent expressément, singulièrement si ces documents ont fait l'objet d'une publication officielle, en sorte que les citoyens sont à même de comprendre la différence de traitement qui est appliquée à certains d'entre eux et non aux autres. Et le document auquel il est ainsi renvoyé par le règlement ou son préambule est de nature à constituer l'explication formelle de la différence de traitement, alors même qu'elle ne serait pas d'ordre exclusivement budgétaire, dès lors que l'autorité taxatrice l'invoque expressément au soutien de la taxe qu'elle a décidé d'imposer et constitue nécessairement une « pièce » dont peut ressortir l'un ou l'autre objectif accessoire que le règlement poursuit en frappant de la taxe les écrits publicitaires gratuits non adressés distribués à domicile.

3. Dans ses conclusions additionnelles et de synthèse d'appel, la demanderesse avait fait valoir que :

« (...) pour être régulier, un règlement-taxe ne doit pas énoncer lui-même les motifs qui justifient son adoption par le pouvoir communal ; il suffit que des motifs puissent être déduits du dossier administratif préalable de la commune mais également des dispositions du règlement-taxe (...) ;

(...) tel est le cas puisque le préambule du règlement litigieux du 15 novembre 2006 outre le fait qu'il vise la situation financière de la (demanderesse), vise expressément des circulaires budgétaires et du Ministre des affaires intérieures du Gouvernement régional wallon des 9 février 2006, 13 juillet 2006, 28 septembre 2006 et 11 juin 2007 relatives à la taxe sur la distribution gratuite à domicile des écrits publicitaires ‘toutes boîtes' ;

(...)

(...) il ressort en effet explicitement de la circulaire du 13 juillet 2006 que celle-ci renvoie à la jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêt 132.983 du 22 juin 2004) ;

(...) cet arrêt du Conseil d'Etat explicite les raisons d'appliquer un traitement fiscal différent à la presse régionale gratuite, d'une part et aux écrits publicitaires non adressés d'autre part ;

(...) l'arrêt en cause stipule :

‘qu'en l'espèce, il apparaît que les critères destinés à identifier les écrits soumis à la taxe et ceux qui ne le sont pas sont généraux et objectifs et sont en rapport avec le but poursuivi, à savoir compenser les frais qu'occasionne pour les finances de la commune l'intervention des services de la propreté publique et de l'environnement ; (...) en effet, les journaux dits ‘'toutes boîtes'' sont des journaux à vocation commerciale et publicitaires qui représentent une catégorie objectivement différente des journaux à vocation d'information, comme la presse quotidienne ou mensuelle d'information ; (...) en outre, il n'est pas manifestement déraisonnable d'assigner une fin écologique à la taxe, l'abondance des écrits publicitaires étant telle, par rapport au nombre des autres écrits, qu'il n'est pas contestable que l'intervention des services communaux de la propreté publique soit plus importante pour le premier type d'écrits que pour le second ; (...) en effet, à la différence de la presse adressée, qui est distribuée uniquement aux abonnés, à leur demande et à leurs frais, les journaux ‘'toutes boîtes'' visés par la taxe litigieuse sont diffusés gratuitement à l'ensemble des habitants de la commune, sans que les destinataires n'en fassent la demande ; (...) il en découle que cette diffusion ‘'toutes boîtes'' est de nature à provoquer une grande production de déchets sous forme papier, liée à la circonstance que les destinataires des écrits n'en étaient pas demandeurs ; (...) par ailleurs (...) ;

(...) la taxe frappant la distribution gratuite à domicile d'imprimés ‘'toutes boîtes'' a ainsi été instaurée sur la base d'un critère général, objectif et légalement admissible et que son montant et le critère retenu sont en rapport avec le but poursuivi (...)'

(...) ces différences s'expliquent par des considérations principalement budgétaires car liées à l'intervention des services de propreté publique et à la protection de l'environnement et surtout par les rôles social et informatif remplis par la presse régionale gratuite ;

(...) ces différences sont donc bien justifiées en termes de préambule et en termes de dispositions. »

Et, la circulaire ministérielle du 13 juillet 2006, publiée au Moniteur belge du 28 juillet 2006 (NUMAC, 2006 202382), alors même qu'elle n'aurait pas en soi valeur de loi au sens de l'article 608 du Code judiciaire, fait, de la sorte, partie intégrante du règlement-taxe de la demanderesse voté le 15 novembre 2006 et qu'il en va de même de l'arrêt du Conseil d'Etat auquel cette circulaire se réfère ; le juge, appelé à faire application du règlement-taxe litigieux ne peut en ignorer le texte et refuser d'en faire application, à peine de méconnaître les articles 159 et 170, spécialement § 4, de la Convention et, à tout le moins, sans méconnaître la foi qui est due à cette circulaire et violer les articles 1318, 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

La circulaire du 23 juillet 2006, intégrée au règlement-taxe du 15 novembre 2006, de la demanderesse, indique textuellement, en son annexe relative à la nomenclature des taxes, à propos de la distribution gratuite des écrits publicitaires « toutes boîtes » que :

« Le taux maximum recommandé est modulé en fonction du poids des écrits publicitaires.

- 0,0111 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires jusqu'à 10 grammes inclus,

- 0,0297 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires au-delà de 10 grammes et jusqu'à 40 grammes inclus,

- 0,0446 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires au-delà de 40 et jusqu'à 225 grammes inclus,

- 0,08 euro par exemplaire distribué pour les écrits et les échantillons publicitaires supérieurs à 225 grammes,

- 0,006 euro par exemplaire distribué pour les écrits émanant de la presse régionale gratuite.

La jurisprudence et notamment le Conseil d'Etat (C.E. n° 132.983 du 22 juin 2004) a reconnu cette différenciation de la presse régionale gratuite en distinguant les écrits publicitaires, en ce compris les journaux ‘'toutes boîtes'', de la presse quotidienne payante.

Dans un souci de simplification et surtout d'harmonisation, je recommande le projet de règlement type ainsi que la procédure de déclaration simplifiée et élaborée par le groupe de travail, lesquels vous ont été transmis par ma circulaire du 6 février 2006. J'insiste tout particulièrement sur la nécessité de prévoir et de respecter les différentes notions et catégories d'écrits et de respecter une progressivité dans la taxation des taux y afférents. Ces deux éléments sont, en effet, à la base du nouveau système de taxation.

Pour rappel, on entend par :

Écrit ou échantillon non adressé, l'écrit ou échantillon qui ne comporte pas le nom et/ou l'adresse complète du destinataire (rue, numéro, code postal et commune).

Écrit publicitaire, l'écrit qui contient au moins une annonce à des fins commerciales, réalisées par une ou plusieurs personne(s) physique(s) ou morale(s).

Échantillon publicitaire, toute petite quantité et/ou exemple d'un travail réalisé pour en assurer la promotion et/ou la vente.

Écrit de presse régionale gratuite, l'écrit distribué gratuitement selon une périodicité régulière d'un minimum de 40 fois l'an, contenant outre de la publicité, du texte rédactionnel d'informations liées à l'actualité récente, adaptées à la zone de distribution, mais essentiellement locales et/ou communales et comportant à la fois au moins cinq des six informations d'intérêt général suivantes, d'actualité et non périmées, adaptées à la zone de distribution et, en tout cas, essentiellement communales :

- les rôles de garde (médecins, pharmaciens, vétérinaires, ...),

- les agendas culturels reprenant les principales manifestations de la commune et de sa région, de ses ASBL, culturelles, sportives, caritatives,

- les ‘petites annonces' des particuliers,

- une rubrique d'offres d'emploi et de formation,

- les annonces notariales,

- par application des lois, décrets ou règlements généraux qu'ils soient régionaux, fédéraux ou locaux, des annonces d'utilité publique ainsi que des publications officielles ou d'intérêt public telles que : enquêtes publiques, autres publications ordonnées par les cours et tribunaux...

(...). »

Quant à la circulaire du 23 septembre 2010 relative à l'élaboration des budgets des communes et des CPAS de la REGION WALLONNE à l'exception des communes et des CPAS relevant des communes de la Communauté germanophone pour l'année 2011 (Moniteur belge du 12 octobre 2010, éd. 2, p. 61229 et s.), elle indique expressément (page 61271) :

« 04001/364.24 - Distribution gratuite d'écrits publicitaires ‘toutes boîtes' (taxe indirecte - modèle disponible).

Le taux maximum recommandé est modulé en fonction du poids des écrits publicitaires.

(... - voir circulaire 2006)

La jurisprudence et notamment le Conseil d'Etat (C.E. n° 132.983 du 24 juin 2004) a reconnu cette différenciation de la presse régionale gratuite en distinguant les écrits publicitaires, en ce compris les journaux ‘toutes boîtes', de la presse quotidienne payante.

(... - voir circulaire 2006)

D'aucuns avancent également que, vis-à-vis des taux appliqués à la distribution des écrits publicitaires, le traitement réservé à la presse régionale gratuite est discriminatoire. À ce propos, j'estime que vis-à-vis des écrits publicitaires, la presse régionale gratuite présente une spécificité qui justifie, non pas une exonération de la taxe, mais un taux distinct.

En effet, on ne peut pas nier que la vocation première d'un écrit publicitaire est d'encourager la vente d'un produit et que, si au sein de cet écrit, est introduit un texte rédactionnel, c'est uniquement dans le but de limiter l'impôt. Par contre, le but premier de la presse régionale gratuite étant d'informer, si là aussi on retrouve de nombreuses publicités, c'est dans le but de couvrir les dépenses engendrées par la publication de ce type de journal.

Ce sont donc des commerçants à raison sociale totalement distincte : dans le cas de l'écrit publicitaire, il s'agit d'un commerçant voulant augmenter son chiffre d'affaires par le biais de la publicité, tandis que dans l'hypothèse de la presse régionale gratuite, il s'agit plutôt d'un commerçant dont le souci majeur est, grâce à la publicité, d'éditer son journal à moindre coût.

J'estime dès lors que la presse régionale gratuite est, dans sa finalité, distincte de l'écrit publicitaire et qu'en vertu de la différence entre les deux objets taxables, on ne peut, dans le respect du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt, leur appliquer un traitement identique.' »

Il apparaît que les circulaires ministérielles que visent expressément les règlements-taxe litigieux de la demanderesse et qui en font donc, fût-ce par simple renvoi, partie intégrante, et qui elles-mêmes se réfèrent en le faisant sien, au texte de l'arrêt du Conseil d'Etat n° 132.983 du 24 juin 2004, comportent une explication de la différence de traitement fiscal qu'il s'impose, selon l'autorité taxatrice et l'autorité de tutelle, d'appliquer entre les distributeurs d'écrits publicitaires gratuits non adressés et les autres éditeurs et distributeurs d'écrits publicitaires gratuits adressés et distribués à domicile ou également distribués ailleurs, la valeur effective des critères ainsi évoqués étant indifférente, le juge n'ayant pas le pouvoir de se substituer à l'autorité taxatrice et à la censurer parce qu'il estimerait que ces motifs ne justifieraient pas la taxe.

D'où il suit que l'arrêt attaqué qui affirme que les circulaires ministérielles auxquelles les règlements-taxe de la demanderesse se réfèrent, circulaires qui elles-mêmes adoptent les motifs d'un arrêt du Conseil d'Etat qui a estimé que la différence de traitement dénoncée par la défenderesse n'était pas contraire aux dispositions constitutionnelles, n'expliquent pas les différences de traitement, au point de vue de l'impôt, entre les différentes catégories de distributeurs d'écrits publicitaires gratuits, selon qu'ils sont non adressés, adressés ou encore relèvent de la presse régionale et que, partant, la taxe qui frappe la défenderesse et non d'autres distributeurs d'écrits gratuits contenant de la publicité ou ne les frappent que dans d'autres conditions, n'est pas raisonnablement justifiée par la demanderesse qui n'a pas pu l'établir légalement, retranche des règlements-taxe litigieux des éléments qu'ils comportent, par référence aux circulaires ministérielles auxquelles ces règlements renvoient, violant ainsi la foi qui est due à ces circulaires (méconnaissance des articles 1318, 1319, 1320 et 1322 du Code civil), ignore illégalement le pouvoir constitutionnel dont la demanderesse bénéficie en sa qualité d'autorité taxatrice (violation de l'article 170, § 4, de la Constitution) et, par confirmation du jugement entrepris annule les taxes mises à charge de la défenderesse en faisant une fausse application des articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Développement

Le problème des taxes communales sur la distribution des « toutes boîtes » est récurrent.

L'amoncellement de détritus de papier, spécialement en raison d'un accroissement exponentiel des journaux publicitaires non adressés, est de plus en plus problématique et oblige les villes et communes à des campagnes de ramassage, de traitement et de collectes en parcs à containers de plus en plus intensives et dispendieuses. Et, nul n'ignore que les journaux « toutes boîtes », qui sont régulièrement encore glissés dans les boîtes aux lettres que leur propriétaire a néanmoins munies de l'affichette invitant les distributeurs à ne pas y déposer leur publications, représentent en quantité une masse incomparablement plus importante que les feuilles ou cartons glissés à la sauvette sous les pare-brise des voitures ou sous la porte des immeubles (et, au surplus, de manière incontrôlable).

La collecte et le traitement de ces déchets de papier doivent être financés par les communes car ces opérations relèvent de leur mission de services publics. Or, il existe dans le domaine de la fiscalité, singulièrement environnementale, un principe, qui semble malheureusement de plus en plus ignoré : celui du « pollueur - payeur ».

Il n'appartient pas au citoyen, qui n'a pas sollicité que ces « journaux » lui soient adressés, de financer le coût de leur élimination. C'est le résultat que tend à atteindre la fiscalité qui frappe les « toutes boîtes », mais avec un succès plus ou moins grand et, d'ailleurs, moins que plus.

Or, il ne fait guère de doute que d'importantes différences existent entre le distributeur d'écrits publicitaires gratuits non adressés, distribués indifféremment dans toutes les boîtes aux lettres de l'entité, peu important qu'elles correspondent à un occupant ou non (quand ce n'est pas simplement jetés en paquets dans l'entrée des immeubles inoccupés et qu'il faudra bien évacuer tôt ou tard, car ces déchets constituent un risque d'incendie) et qui ne poursuivent qu'un but strictement mercantile, et ceux qui distribuent aussi des écrits publicitaires mais qui, soit sont adressés à quelques personnes déterminées, à leur demande, ou parce qu'elles sont clientes et sont spécialement intéressées par cette publicité, écrits dont l'envoi est payé par le distributeur et répercuté nécessairement dans les prix des marchandises qu'il vend et qui sont vantées dans ces publicités ; et, ce d'autant que ces opérateurs économiques agissent via la poste ou des transporteurs privés de courriers et ne sont pas contrôlables. Et, il en va de même de la presse régionale gratuite qui, si elle contient des annonces publicitaires, est limitée quant à sa diffusion, son objet et différente quant à son contenu et contient des informations qui intéressent la généralité des citoyens, ce qui n'est pas le cas des publicités contenues dans les « toutes boîtes » (rubriques « Rencontres », « Massages », etc.).

Votre Cour admet que l'autorité taxatrice communale, qui, en vertu de l'article 170, § 4, de la Constitution, jouit d'une large autonomie, qui ne connaît d'autres limites que le respect de la loi et de l'intérêt général, sous le contrôle de l'autorité de tutelle, n'est modulée qu'en cas d'exclusion par la loi de certaines matières imposables et, par ailleurs, par le respect des principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination devant la loi, spécialement fiscale, imposés par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Sous ces réserves, dont le juge est appelé à contrôler le respect, l'autorité communale taxatrice a le pouvoir de déterminer souverainement la matière imposable et les taux de taxation et, à cet effet, peut taxer préférentiellement certaines activités, parce qu'elle les considère comme plus nuisibles que d'autres ou entraînant des charges plus importantes pour les services publics.

Il n'appartient pas au pouvoir judiciaire de se substituer à l'autorité publique dans cette évaluation.

Ceci étant, cette autorité doit, bien entendu, lorsqu'elle décide de frapper une activité plutôt qu'une autre, alors que toutes deux apparaissent de prime abord comme présentant de nombreuses caractéristiques similaires, ou de les soumettre à des régimes différents (taxation de l'une et exonération de l'autre, différence de taux d'imposition, etc...), pouvoir justifier cette différence de traitement, par des motifs raisonnables et objectivement vérifiables. En règle, il n'appartient pas aux cours et tribunaux, saisis du recours d'un contribuable, de se prononcer sur l'opportunité du règlement-taxe et de dire si celui-ci devait ou ne devait pas s'appliquer au contestataire et non à d'autres contribuables que ceux qu'il vise et si la taxe est à même d'atteindre le but que lui a assigné l'autorité taxatrice ou si elle l'aurait mieux réalisé en frappant d'autres contribuables (WILLEMART, Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal, p. 28 et s., qui souligne que l'appréciation des besoins financiers d'une commune relève d'un jugement d'opportunité dont le contrôle n'appartient qu'à l'autorité de tutelle et jamais aux tribunaux [p. 61]).

Certes, l'autorité communale, lorsqu'elle adopte un règlement-taxe est tenue de respecter les principes d'égalité et de non-discrimination (lesquels ne sont pas méconnus parce que le but financier poursuivi pourrait être plus ou moins aussi bien atteint par d'autres moyens, notamment en imposant d'autres catégories de contribuables).

La règle d'égalité devant la loi implique que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait soient traités également (cass., 12 décembre 2012, Pas., 2012, n° 520) mais aussi que les justiciables qui appartiennent à des catégories différentes ne soient pas traités identiquement : ainsi, la règle d'égalité n'exclut pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes, pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable, l'existence de pareille justification devant s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise (cass., 4 janvier 2004, Pas., 2004, n° 24 ; concl. de M. l'avocat général GENICOT, avant cass., 19 mai 2011, Pas., 2011, n° 322 qui disait que « le caractère comparable de situations susceptibles d'exposer l'une d'elles à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution s'apprécie toujours de façon relative au point de vue de l'approche adoptée et de l'angle de vue utilisé, c'est-à-dire au départ de la caractéristique essentielle au regard de laquelle les situations en question peuvent présenter un intérêt commun et prévalent [...] sous l'angle des buts de la réglementation »).

Votre Cour considère, d'ailleurs, que les motifs concrets qui expliquent la différence de traitement entre les différentes catégories de personnes susceptibles d'être frappées par la taxe, ne doivent pas être justifiées par la preuve d'éléments concrets : vous avez décidé, le 14 mars 2008 (J.L.M.B., 2009, p. 1700), que « l'exigence de justification objective et raisonnable n'implique pas que l'autorité publique qui opère une distinction entre les catégories de contribuables doive fonder celle-ci sur des constatations et des faits devant être prouvés concrètement devant le juge ni apporter la preuve que la distinction ou l'absence de distinction aura des effets déterminés ; il suffit qu'il apparaisse raisonnablement qu'il existe ou peut exister une justification objective et raisonnable par rapport à ces différentes catégories ».

Certes, par votre arrêt du 17 février 2005 (Pas., 2005, n° 101), vous avez décidé que, si, « pour être régulier, un règlement-taxe ne doit pas énoncer lui-même les motifs qui justifient son adoption par le pouvoir communal, (...) lorsque le juge doit (...) apprécier le règlement par rapport au but et aux effets de celui-ci, il est nécessaire mais suffisant que ces motifs puissent être déduits du dossier administratif de la commune ». Cette thèse, vous l'avez reprise par votre arrêt du 21 février 2013 (Pas., 2013, n° 122) aux termes duquel vous avez admis que, s'il n'est pas requis que la justification ressorte immédiatement du seul règlement attaqué, encore faudra-t-il qu'en pareil cas, l'objectif pouvant raisonnablement justifier la différence de traitement qui en découle apparaisse du dossier constitué au cours de son élaboration ou puisse être déduit du dossier administratif constitué par son auteur.

Vous avez systématiquement censuré les juges du fond qui ont cherché dans les écrits de procédure des autorités taxatrices dont les règlements faisaient l'objet de recours en annulation devant les cours et tribunaux et qui croyaient y trouver la justification des différences de traitement opérées au détriment des distributeurs de « toutes boîtes », spécialement lorsque ces juges invoquaient un objectif accessoire à la raison budgétaire invoquée par l'autorité communale tenant à la quantité invraisemblable de déchets de papier générés par l'activité mercantile poursuivie par ces distributeurs (voir votre arrêt du 29 janvier 2015, R.F.D.R.C., 2015, p. 260).

Dans un remarquable mémoire en réponse déposé dans une cause (F 15 0022 F) relative à un pourvoi formé par la défenderesse contre la ville de Nivelles et dirigé contre un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 16 octobre 2014, feu M. le bâtonnier J. KIRKPATRICK vous avait invité à abandonner la doctrine adoptée par vos arrêts de 2005 et de 2013.

À cet égard, cet éminent juriste a écrit (pages 9 et s. du mémoire en réponse) que :

« Par ailleurs, dans un Etat de droit, il est peu satisfaisant que des règlements-taxe identiques soient jugés conformes au principe constitutionnel d'égalité par le Conseil d'Etat lorsqu'il est saisi d'un recours en annulation (...) et soit au contraire considéré comme violant ce principe par la Cour de cassation dans des litiges relatifs aux taxes enrôlées en vertu de ces règlements.

Cela paraît justifier que la Cour reconsidère sa jurisprudence en la matière.

C'est pour la première fois par un arrêt du 17 février 2005 (...) que la Cour a décidé que, ‘pour être régulier, un règlement-taxe ne doit pas énoncer lui-même les motifs qui justifient son adoption par le pouvoir communal. Lorsque le juge doit apprécier le règlement-taxe par rapport au but et aux effets de celui-ci, il est nécessaire mais suffisant que ces motifs puissent être déduits du dossier administratif de la commune'.

Il faut toutefois relever que, dans cette affaire, l'arrêt attaqué avait considéré que le règlement-taxe litigieux violait le principe constitutionnel d'égalité au motif que la justification de la différence de traitement ne ressortait pas des termes du règlement alors que le préambule du règlement-taxe faisait état de l'examen du dossier par la commission des finances sur proposition du collège. En l'espèce, la justification de la discrimination critiquée ressortait donc du dossier administratif.

Eu égard à la motivation de cet arrêt (‘il est nécessaire mais suffisant'), l'annotateur de celui-ci au T.F.R. a considéré que lorsque la discrimination critiquée n'est justifiée ni dans le règlement-taxe, ni dans son préambule, ni dans le dossier administratif (ou plus exactement dans le dossier de l'imposition), le règlement-taxe doit être jugé contraire au principe constitutionnel d'égalité, quelles que soient les justifications apportées par la commune dans le cours de la procédure.

La jurisprudence ultérieure de la Cour s'est prononcée, en majorité, en ce sens.

Alors qu'il est unanimement admis que l'obligation de motivation formelle des actes administratifs prescrite par la loi du 29 juillet 1991 ne s'applique pas aux actes réglementaires, cette jurisprudence revient à déplacer cette obligation de motivation, sous une forme assurément atténuée, dans le dossier administratif.

Certes, lorsque la justification de la discrimination critiquée peut être déduite de ce dossier administratif, le juge doit avoir égard à celui-ci.

Mais pourquoi ne pourrait-il, en l'absence de pareil élément d'interprétation, examiner lui-même à la lumière du débat contradictoire, si la discrimination critiquée comporte une justification objective et raisonnable (...). Saisi d'une contestation relative à la question de savoir si la distinction faite par le règlement-taxe entre plusieurs catégories de contribuables est conforme au principe constitutionnelle d'égalité, le juge ne sort pas de son rôle en appréciant lui-même la conformité du règlement-taxe à la Constitution.

C'est ce que fait la Cour constitutionnelle lorsqu'elle est appelée à juger si une différence de traitement entre plusieurs catégories de contribuables établie par la loi viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Certes, chaque fois que c'est possible, elle examine la justification qui ressort des travaux préparatoires de la loi.

Mais il arrive que ces travaux préparatoires ne contiennent aucune justification de la discrimination critiquée. Ainsi, par exemple, dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt préjudicié n° 191/2009 du 26 novembre 2009 (...). Il n'y avait rien dans les travaux préparatoires (des) dispositions légales de nature à expliquer pourquoi (...).

Si la Cour constitutionnelle admet ainsi qu'une distinction établie par la loi entre plusieurs catégories de contribuables ne viole pas le principe constitutionnelle d'égalité du moment qu'elle juge que cette distinction comporte une justification objective et raisonnable, même si le but de la distinction ne ressort pas des travaux préparatoires de la loi, il n'y a aucune raison de raisonner de manière différente lorsque le pouvoir judiciaire est appelé à vérifier si une distinction établie par un règlement communal est conforme au principe constitutionnel d'égalité. »

Votre Cour ne l'a pas entendu et a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles aux motifs que « l'arrêt ‘constate que le but allégué dans le préambule du règlement-taxe est l'amélioration de la situation financière de (la ville de Nivelles)', que ledit préambule fait ‘référence à la circulaire du ministre COURARD du 9 février 2006 relative à la taxe ‘'toutes boîtes'' que (la ville de Nivelles) présente comme devant être son dossier administratif sur la base duquel elle a adopté le règlement-taxe litigieux' et que (la ville de Nivelles) ‘admet avoir ainsi anticipé la circulaire budgétaire qu'elle annonçait, du 13 juillet 2006, relative à l'élaboration des budgets des communes (...) de la REGION WALLONNE pour l'année 2007'.

L'arrêt considère que l'amélioration de la situation financière de (la ville) ‘implique une gestion de ces coûts', qu' ‘une taxe communale à l'instar d'autres impôts a pour objectif premier de prélever les moyens nécessaires pour financer les services assurés par l'administration' que ‘le propre de toute taxe est en effet d'apporter des ressources à l'autorité afin de lui permettre d'accomplir ses missions de services publics, en l'espèce les services de la propreté publique et de l'environnement » et qu' ‘il ne s'agit nullement en l'espèce de substituer un but environnemental au but financier exprimé'.

Il considère encore qu'en soutenant par référence aux motifs du premier juge, que ‘la distribution des ‘'toutes boîtes'' est de nature à provoquer une production de papier plus importante que la distribution d'écrits adressés en ce qu'elle entraîne, contrairement à cette dernière, la distribution généralisée dans toutes les boîtes aux lettres situées sur le territoire de la commune, y compris celles d'appartements ou d'immeubles inoccupés' et en faisant valoir que ‘les autres activités publicitaires mentionnées par (le distributeur) telles la distribution de ‘'flyers'' dans la rue ou sur les pare-brise des véhicules (...) s'exercent directement sur la voie publique' tout en produisant (à leur propos) ‘un règlement-taxe distinct qu'elle a adopté le 27 novembre 2006 et qui établit, à partir de l'exercice d'imposition 2007 une taxe sur la diffusion publicitaire sur la voie publique' (la ville) ‘établit à suffisance de droit qu'il existe ou peut exister une justification objective entre les différentes catégories visées par (la demanderesse) si bien qu'un traitement différencié (...) n'est nullement discriminatoire et n'enfreint pas le principe constitutionnel d'égalité'.

Par ces seules énonciations, dont il ne ressort pas que le critère de distinction entre, d'une part, les distributeurs d'écrits publicitaires gratuits adressés et distribués à domicile et non adressés distribués ailleurs qu'au domicile, qui échappent à la taxe, est susceptible d'une justification raisonnable au regard du but financier de la taxe instaurée et de ses effets, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision que le règlement-taxe litigieux n'est pas contraire aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution. »

La situation est cependant fondamentalement différente en l'espèce, les règlements-taxe de la demanderesse ne se bornant pas à se référer aux circulaires des ministres COURARD et FURLAND relatives à la taxation des distributions « toutes boîtes », mais font leur et intègrent par référence les circulaires ministérielles relatives à l'élaboration des budgets qui, elles, exposent la justification, tant par des motifs financiers qu'accessoires, de la différence de traitement qu'il s'impose, à peine de violer le principe d'égalité, d'établir entre les distributeurs d'écrits publicitaires gratuits non adressés et distribués de manière indifférenciée dans toutes les boîtes aux lettres de la commune, et les autres distributeurs d'écrits, contenant de la publicité, qu'ils soient gratuits ou non adressés ou non et distribués à domicile ou ailleurs. Ces circulaires, que ne visaient pas le règlement-taxe de la ville de Nivelles dans l'affaire qui a donné lieu à votre arrêt du 29 janvier 2016, se réfèrent toutes deux expressément à l'arrêt du Conseil d'Etat n° 132.983 du 22 juin 2004 dont les motifs sont ainsi adoptés. Or, cet arrêt du Conseil d'Etat exposait de manière très détaillée les circonstances qui justifiaient, à tout point de vue, les différences de traitement dénoncées par les distributeurs de presse publicitaire gratuite non adressée.

En conséquence, et en raison de ces différentes références, qui font que tant les circulaires ministérielles des 13 juillet 2006 et 23 septembre 2010, que l'arrêt du Conseil d'Etat, font donc bien partie du dossier administratif des taxations litigieuses, la demanderesse croit pouvoir conclure à la légalité de la taxation litigieuse.

En décidant que lesdites circulaires ne contiennent aucune explication quant à la discrimination au point de vue de la taxe de distribution entre les distributeurs d'écrits « toutes boîtes » et les autres distributeurs de journaux ou d'écrits publicitaires, l'arrêt attaqué retranche illégalement desdites circulaires les éléments qui tendaient à expliquer ces différences de traitement, méconnaissant de la sorte la foi qui est due à ces circulaires, tandis que, par ailleurs, il viole le principe de l'autonomie fiscale des autorités communales (article 170, § 4, de la Constitution) ainsi que les principes d'égalité et de non-discrimination (articles 10, 11 et 172 de la Constitution) qui imposent de traiter différemment les personnes qui ne se trouvent pas objectivement dans une situation semblable.

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigné conclut, pour la demanderesse, qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre décision sera inscrite en marge de l'arrêt cassé, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel et statuer comme de droit quant aux dépens.

Charleroi, le 22 maart 2018

Annexes :

1. Copie certifiée conforme par l'avocat à la Cour de cassation soussigné de la délibération du 15 novembre 2006 du conseil communal de la ville de Hannut ayant arrêté une taxe sur la distribution gratuite d'écrits publicitaires « toutes boîtes » - 04001/364-24, constituant la pièce n° 1 du dossier de la demanderesse déposée devant les juges du fond.
2. Copie certifiée conforme par l'avocat à la Cour de cassation soussigné de la délibération du 18 janvier 2011 du conseil communal de la ville de Hannut intitulée « Gestion financière - modification du règlement établissant une taxe sur la distribution gratuite d'écrits publicitaires ‘'toutes boîtes'' » constituant la pièce n° 4 du dossier déposé par la demanderesse devant les juges du fond.
3. Déclaration pro fisco conforme à l'arrêté royal du 12 mai 2015

François T'KINT
Avocat à la Cour de cassation


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : F.16.0137.F
Date de la décision : 02/03/2018

Analyses

TAXES COMMUNALES, PROVINCIALES ET LOCALES ; GENERALITES


Parties
Demandeurs : VILLE DE HANNUT
Défendeurs : SIT MEDIA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-02;f.16.0137.f ?

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