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27/02/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0895.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 février 2018, P.17.0895.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0895.N
V. W.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Gwendolyn Van Kerckvoorde, avocat au barreau de Gand,

contre

Y. K. M.,
inculpé,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 juin 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat

général Luc Decreus a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

1...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0895.N
V. W.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Gwendolyn Van Kerckvoorde, avocat au barreau de Gand,

contre

Y. K. M.,
inculpé,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 juin 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6, § 1er, 6, § 3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 1er, 14, § 3, e, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 3, 4, alinéa 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale, 63 du Code d'instruction criminelle, 50 du Code pénal, 17 et 18 du Code judiciaire, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l'arrêt déclare, à tort, irrecevable la constitution de partie civile du demandeur ; les juridictions d'instruction sont appelées à se prononcer sur l'action publique et n'ont ni le pouvoir juridictionnel ni la compétence pour se prononcer sur la recevabilité de l'action civile ; seule la juridiction de jugement jouit de ce pouvoir et de cette compétence, de sorte que l'arrêt prive le demandeur de son juge naturel ; il ne s'agit pas en l'espèce d'une infraction pour laquelle l'action publique est exclusivement subordonnée à l'action civile ou pour laquelle la constitution de partie civile représente le seul fondement de l'exercice de l'action publique.

2. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu'il existe, en dehors de la plainte du demandeur avec constitution de partie civile, un autre fondement à la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre du défendeur.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

3. En vertu de l'article 63 du Code d'instruction criminelle, toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction. Cela implique que la constitution de partie civile devant le juge d'instruction et l'action publique qu'elle engage sont uniquement recevables lorsque les faits incriminés correspondent à l'une des infractions légalement qualifiées de crime ou de délit et qu'il est rendu admissible que ces faits ont porté préjudice à la partie civile.

4. La juridiction d'instruction est compétente pour apprécier la recevabilité de la constitution de partie civile lorsque celle-ci a donné lieu à l'ouverture de l'instruction sans que le ministère public en ait fait la demande ou ait requis le renvoi à la juridiction de jugement. Dans ce cas, la constitution de partie civile représente en effet le fondement de l'action publique dont la recevabilité est soumise à l'appréciation des juridictions d'instruction.

5. Il en résulte que la juridiction d'instruction est appelée à déclarer irrecevables cette constitution de partie civile et l'action publique mise en mouvement lorsqu'elle décide que la partie civile ne rend pas plausible le préjudice qu'elle a subi en raison des faits incriminés ou qu'elle n'a pas l'intérêt requis. Le fait qu'une constitution de partie civile ne soit pas nécessaire à l'exercice de l'action publique concernant l'infraction dénoncée ne conduit pas à une autre conclusion. Les droits de défense de la partie civile ne s'en trouvent pas violés.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

Quant à la deuxième branche :

6. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6, § 1er, 6, § 3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 1er, 14, § 3, e, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 10 et 11 de la Constitution, 3, 4, alinéa 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale, 63 du Code d'instruction criminelle, 50 du Code pénal, 17 et 18 du Code judiciaire, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l'arrêt ne peut statuer sur la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile, même si on considère que la plainte du demandeur représente le seul fondement de l'action publique ; lorsque, comme en l'espèce, le ministère public refuse de mener ou de requérir une instruction à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile et que la juridiction d'instruction déclare l'action civile irrecevable, la plainte est « décapitée » et les droits de défense et le droit à un procès équitable du plaignant sont violés ; en effet, en ne menant pas ou en ne requérant pas une instruction, le ministère public peut, en tant que simple partie au procès, déterminer ou influencer unilatéralement le pouvoir juridictionnel de la juridiction d'instruction, alors que toutes les parties doivent être égales et disposer des mêmes armes ; de la sorte, la partie civile est privée de son juge naturel qui a le pouvoir juridictionnel et la compétence pour se prononcer sur l'action civile.

7. Le juge d'instruction mène l'instruction et non le ministère public.

8. Le simple fait qu'une personne dépose plainte avec constitution de partie civile n'oblige pas le ministère public à requérir une instruction.

9. L'appréciation de la recevabilité de la constitution de partie civile est sans lien avec la question de savoir si le ministère public a requis une instruction et si le juge d'instruction a effectivement mené une instruction judiciaire.

10. Dans la mesure où il est déduit d'autres prémisses juridiques, le moyen, en cette branche, manque en droit.

11. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est déduit de l'illégalité vainement invoquée par le moyen, en sa première branche, et il est irrecevable.
(...)

Sur le deuxième moyen :
(...)
Quant à la première branche :

20. Le moyen, en cette branche, fait valoir que l'arrêt méconnaît l'étendue de son pouvoir juridictionnel et le contenu et la force probante de la plainte avec constitution de partie civile du demandeur en décidant que la chambre des mises en accusation est saisie uniquement du viol et du vol au préjudice de V.D., alors que la plainte du demandeur porte également sur le fait que ces infractions ont été commises par le défendeur, ainsi que le fait juridique que le demandeur a lui-même été poursuivi, à tort, du chef de ces faits et en a subi un préjudice.

21. Le pouvoir juridictionnel du juge d'instruction et ensuite de la juridiction d'instruction s'étend aux faits punissables mentionnés dans la plainte avec constitution de partie civile que la loi qualifie crime ou délit, qu'une plainte ait ou non été déposée à l'égard d'une personne déterminée. Ne relève pas de ces faits l'allégation du plaignant selon laquelle les infractions dénoncées lui ont porté préjudice parce qu'il a été poursuivi de leur chef alors qu'elles auraient été commises par la personne contre laquelle il porte plainte. Cette allégation est donc sans rapport avec le pouvoir juridictionnel visé.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

22. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est déduit de cette prémisse juridique erronée et il est irrecevable.
(...)
Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

30. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6, § 1er, 6, § 3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 1er, 14, § 3, e, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 3, 4, alinéa 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale, 17 et 18 du Code judiciaire, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l'arrêt limite, à tort, l'intérêt du demandeur à l'indemnisation financière en raison du préjudice subi par V.D. en tant que victime directe des faits matériels du viol et du vol, alors que l'intérêt de la partie civile peut également être moral, ce qui est le cas en l'espèce ; en effet, le demandeur a mentionné dans sa plainte avoir subi un préjudice en raison des infractions qui lui ont été, à tort, mises à charge ; l'exercice de l'action civile devant les juridictions pénales appartient à celui justifiant avoir été lésé par l'infraction dénoncée dont il a souffert dans sa personne, dans ses biens ou dans son honneur ; ainsi, l'arrêt méconnaît la condition de l'intérêt requis de la partie civile.

31. Ainsi qu'il ressort de la réponse apportée au premier moyen, en sa troisième branche, le fait que le demandeur ait été poursuivi du chef d'infractions commises au préjudice de V.D. qui ne l'ont pas lésé à titre personnel ne lui confère pas l'intérêt requis pour se constituer partie civile, indépendamment du fait que la condamnation du prétendu véritable auteur de ces infractions puisse lui être utile. Ainsi, le demandeur n'a ni l'intérêt matériel requis, ni l'intérêt moral requis.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

32. Les motifs par lesquels l'arrêt déclare irrecevable la plainte avec constitution de partie civile du demandeur impliquent que, dans cette plainte, le demandeur n'a pas l'intérêt matériel ou moral requis. Ainsi, la décision est légalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept février deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0895.N
Date de la décision : 27/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-02-27;p.17.0895.n ?

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