La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1164.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 février 2018, P.17.1164.F


N° P.17.1164.F
I. B. M., A.,
accusée,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Catherine Hupez, avocat au barreau de Mons, Laurent Kennes et Fanny Vansiliette, avocats au barreau de Bruxelles,

II. D. V., Y., J.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Ricardo Bruno et Jean-Philippe Mayence, avocats au barreau de Charleroi.






I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi I est dirigé contre l'arrêt de motivation, rendu le 26 octobre 2017, et contre l'arrêt de condamnation,

rendu le 27 octobre 2017, par la cour d'assises de la province du Hainaut.
Le pourvoi II est dirigé cont...

N° P.17.1164.F
I. B. M., A.,
accusée,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Catherine Hupez, avocat au barreau de Mons, Laurent Kennes et Fanny Vansiliette, avocats au barreau de Bruxelles,

II. D. V., Y., J.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Ricardo Bruno et Jean-Philippe Mayence, avocats au barreau de Charleroi.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi I est dirigé contre l'arrêt de motivation, rendu le 26 octobre 2017, et contre l'arrêt de condamnation, rendu le 27 octobre 2017, par la cour d'assises de la province du Hainaut.
Le pourvoi II est dirigé contre l'arrêt de condamnation rendu le 27 octobre 2017 par la même juridiction.
La demanderesse fait valoir trois moyens et le demandeur en fait valoir un, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe le 29 janvier 2018.
À l'audience du 31 janvier 2018, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport, l'avocat général précité a conclu et la demanderesse a déposé une note en réponse.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi de M. B. :

La demanderesse se désiste de son pourvoi en tant qu'il est dirigé contre les dispositions civiles découlant de l'arrêt pénal du 27 octobre 2017.

Dans la mesure où, en réservant les intérêts civils, cet arrêt n'a pas statué sur l'action civile, le désistement est dépourvu d'objet.

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt de motivation :

Sur le premier moyen :

Quant aux deux premières branches réunies :

La demanderesse reproche à l'arrêt de se contredire et de violer les articles 66 et 67 du Code pénal, en la reconnaissant coupable de deux assassinats en qualité de coauteur, alors que, selon la motivation de cette décision, elle a seulement facilité l'exécution de ces crimes. En outre, la demanderesse fait grief à la cour d'assises de l'avoir reconnue coupable sans lui reprocher aucun acte de participation actif.

Certes, l'arrêt constate que la demanderesse, en s'occupant des enfants effrayés d'une autre accusée, a posé un acte de participation qui consista à faciliter les deux assassinats en donnant le champ libre aux auteurs et en évitant que des tiers ne soient alertés par ces enfants. Mais l'arrêt précise également que la demanderesse n'a pas hésité à s'imposer auprès de son compagnon pour ne pas le laisser seul avec un autre accusé et qu'elle a assisté aux coups et traitements inhumains infligés à deux victimes, à leur séquestration, ainsi qu'à la discussion sur les modalités d'exécution de leur mise à mort, à leur préparation et à leur départ, avant d'attendre le retour des auteurs. L'arrêt en conclut ensuite que par son attitude, ses agissements, compte tenu de l'ensemble de ces évènements, la demanderesse a participé activement à la réalisation de l'ensemble des infractions.

Ainsi, sans verser dans la contradiction qui lui est reprochée et sans se borner à ne retenir contre elle que des omissions d'agir, l'arrêt a pu considérer que certains actes avaient facilité l'exécution des crimes, alors que d'autres comportements adoptés par la demanderesse avaient emporté sa participation en qualité de coauteur.

Procédant dans cette mesure d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

En tant qu'il critique l'appréciation en fait, par la cour d'assises, des comportements imputés à la demanderesse, qui, ensemble, ont constitué les actes révélant sa participation aux faits en qualité de coauteur, le moyen est irrecevable.

Quant à la troisième branche :

Le moyen invoque une contradiction entre les motifs de la condamnation de la demanderesse et ceux, identiques selon lui, fondant l'acquittement d'un coaccusé.
La circonstance que le juge apprécie différemment la portée d'éléments relatifs à la culpabilité selon la personne visée par ceux-ci ne constitue pas un vice de contradiction susceptible d'être censuré au titre de l'article 149 de la Constitution.

Le moyen manque en droit.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen reproche à l'arrêt de se contredire en reconnaissant la demanderesse coupable de deux faits de torture, alors que cette décision est justifiée par la circonstance qu'elle a assisté à des faits qualifiés de traitements inhumains, qui étaient infligés aux deux victimes, c'est-à-dire une infraction différente de la torture.

La cour d'assises a également déclaré établis, pour les sanctionner de la même peine unique, deux assassinats.

Légalement justifiée par lesdites préventions, la peine n'est pas spécialement motivée par celles que le moyen critique.

Dénué d'intérêt, le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen :

La demanderesse allègue être victime de discrimination par comparaison avec le justiciable qui bénéficie d'une correctionnalisation aux motifs, respectivement, que la procédure applicable devant la cour d'assises ne lui accorde pas le droit à une motivation, mais uniquement à connaître les « principales raisons de la décision du jury », que la décision du jury n'associe pas, avec voix délibérative, un magistrat professionnel, ce qui limiterait le risque d'erreur, et qu'aucun recours n'est prévu sur le fond.

Critiquant la loi applicable à la procédure devant la cour d'assises et non la décision attaquée, le moyen ne saurait entraîner la cassation et est partant irrecevable.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt de condamnation :

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par le jury.

B. Sur le pourvoi de V. D. formé contre l'arrêt de condamnation :

Sur le moyen :

Quant aux troisième et quatrième branches réunies :

Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 344 du Code d'instruction criminelle, 1er, 61, 62, 65, 79, 80, 417bis et 417ter du Code pénal, ainsi que de la violation du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Le demandeur reproche à la cour d'assises de l'avoir condamné à une peine de réclusion de douze ans alors qu'ayant été acquitté des préventions d'assassinats et reconnu coupable de deux préventions de torture, il ne pouvait être condamné à une peine de plus de dix ans de réclusion, dans la mesure où la cour avait admis en sa faveur l'existence de circonstances atténuantes. Ainsi, l'arrêt laisse incertaine la question de savoir s'il entend faire bénéficier le demandeur de ces circonstances atténuantes ou si, eu égard aux éléments négatifs indiqués ensuite, il considère que les circonstances atténuantes énumérées n'étaient pas de nature à adoucir la sanction ; dans cette dernière hypothèse, l'arrêt ne motive pas le choix qu'il a fait d'appliquer cette augmentation de la peine, qui n'est qu'une faculté accordée au juge.

Le demandeur a été déclaré coupable par la cour d'assises du chef de deux faits de torture (faits 3 et 4, des crimes), de deux séquestrations (faits 5 et 6, des délits) et de deux non-assistances à personne en danger (faits 1 et 2, des délits).

En application des articles 417bis, 1°, et 417ter, alinéa 1er, du Code pénal, les faits de torture sont punis de réclusion de dix à quinze ans.

Conformément aux articles 79 et 80, alinéa 4, du Code pénal, dans leur libellé à l'époque des faits, en cas d'admission de circonstances atténuantes, ces crimes sont punissables de réclusion de dix ans au plus.

En constatant l'existence de circonstances atténuantes en faveur de l'auteur d'un crime, le juge s'oblige à réduire ou modifier la peine que la loi attache à ce crime.

Toutefois, en application de l'article 62 du Code pénal, en cas de concours de plusieurs crimes, la peine la plus lourde sera seule prononcée. Celle-ci pourra même être élevée de cinq ans au-dessus du maximum, si elle consiste dans la réclusion à temps.

Après l'avoir notamment reconnu coupable de deux faits de torture, l'arrêt condamne le demandeur à la réclusion durant douze ans. Il ordonne ensuite l'interdiction à perpétuité de l'exercice des droits énumérés à l'article 31, alinéa 1er, 1° à 6°, du Code pénal.

Il énonce cependant, d'une part, qu'il existe dans le chef du demandeur des circonstances atténuantes qui résultent de son jeune âge, de son immaturité et de sa personnalité aux traits peu consistants et, d'autre part, que néanmoins, il y a lieu de lui faire application d'une peine qui tiendra compte de la nature des faits, de leur extrême gravité, de la souffrance des victimes, et de l'absence de réaction qu'engendrent chez le demandeur des actes de torture posés en sa présence sur des êtres affaiblis.

Ces motifs laissent incertain si la cour d'assises a entendu décider que l'existence de circonstances atténuantes dans le chef de l'auteur d'un crime peut demeurer sans effet sur la peine que la loi attache à ce crime, ou si elle a considéré en fait que les circonstances retenues par l'arrêt ne constituent pas des circonstances atténuantes au sens de la loi ou, enfin, si elle a entendu, en application de l'article 62 du Code pénal, aggraver la peine appliquée au demandeur en l'élevant au-dessus du maximum.

Conforme à la loi dans certaines hypothèses, la décision n'est pas légalement justifiée dans d'autres, tandis que si le juge décide d'aggraver la peine conformément à l'article 62 du Code pénal, il lui appartient de motiver spécialement le choix qu'il fait d'appliquer cette sanction facultative.

Cette ambiguïté ne permet pas le contrôle de la Cour et constitue une violation de l'article 149 de la Constitution.

Il n'y a pas lieu d'examiner le surplus du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation sans renvoi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué du 27 octobre 2017, numéro 25 du répertoire, en tant qu'il statue sur la peine appliquée au demandeur ;
Rejette le pourvoi de la demanderesse ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les frais du pourvoi du demandeur pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais de son pourvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'assises de la province de Namur, aux fins de statuer uniquement sur la peine qu'il échet d'appliquer au demandeur ensuite des réponses du jury aux questions posées par le président.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de sept cent douze euros quarante et un centimes dont I) sur le pourvoi de M. B. : cinq cent soixante-cinq euros septante-cinq centimes dus et II) sur le pourvoi de V. D.: cent quarante-six euros soixante-six centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un février deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1164.F
Date de la décision : 21/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-02-21;p.17.1164.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award