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19/02/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0273.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 février 2018, C.17.0273.F


N° C.17.0273.F
C. L.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. V. L.,
2. C. V. A., avocat, en qualité d'administrateur des biens de V L.,
3. M. C. R.,
défenderesses en cassation,
en présence de

C. L.,
partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu

le 3 février 2017 par le tribunal de première instance du Brabant wallon, statuant en degré d'appel.
Par ordo...

N° C.17.0273.F
C. L.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. V. L.,
2. C. V. A., avocat, en qualité d'administrateur des biens de V L.,
3. M. C. R.,
défenderesses en cassation,
en présence de

C. L.,
partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 3 février 2017 par le tribunal de première instance du Brabant wallon, statuant en degré d'appel.
Par ordonnance du 15 janvier 2018, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le 15 janvier 2018, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Disposition légale violée

Article 501 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué, par confirmation du jugement entrepris, déboute la demanderesse de sa demande de se voir désignée en qualité de personne de confiance de sa sœur, aux côtés de sa mère, aux motifs que
« Dans sa décision, le juge de paix indiquait que, lors de son audition du 2 décembre 2015, la personne à protéger n'avait pas confirmé sa volonté, exprimée dans une lettre du 28 juin 2015, de voir désigner ses deux sœurs aux côtés de leur mère en qualité de personnes de confiance ;
[La demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] déposent une nouvelle lettre du 2 janvier [2016] signée par l'administrée où elle réitère ce souhait, expliquant qu'elle avait eu peur lors de l'audition précédente, dont elle n'avait pas compris le sens, et avait préféré quitter les lieux ;
La personne à protéger faisait défaut lors de l'audience du 14 octobre 2016 et n'a pas réitéré personnellement ce souhait ;
Indépendamment de cet aspect des choses, la loi, plus précisément l'article 501 nouveau du Code civil, ne prévoit la possibilité que de désigner personnellement une personne de confiance ;
Cette disposition ne prévoit pas, par contre, la possibilité de démultiplier cette fonction sur plusieurs têtes et ne met en place aucun mécanisme susceptible de gérer les éventuels conflits d'intérêt ou les divergences de perception des personnes de confiance quant à l'expression des souhaits ou de l'avis de la personne administrée qu'elles sont censées relayer ;
Dès lors que personne ne met en cause le dévouement de [la troisième défenderesse], mère de l'administrée, à l'égard de cette dernière et que son remplacement n'est pas sollicité, la demande initiale [de la demanderesse et de la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] manque dès lors en droit ».

Griefs

En vertu des deux premiers alinéas de l'article 501 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, la personne à protéger ou protégée a le droit d'être soutenue, pendant toute la durée de l'administration, par une personne de confiance qu'elle a désignée personnellement. L'homologation de la désignation de la personne de confiance s'effectue, sur requête écrite ou verbale adressée au juge de paix par la personne protégée ou à protéger, par un tiers dans l'intérêt de celle-ci ou par le procureur du Roi, au début ou au cours de l'administration. Le juge de paix s'assure au préalable de son acceptation et statue par une ordonnance spécialement motivée.
Le quatrième alinéa de cette disposition précise que, si la personne protégée n'a pas désigné personnellement de personne de confiance, le juge de paix peut examiner la possibilité d'homologuer néanmoins la désignation d'une personne de confiance, conformément aux alinéas 2 et 3, ou peut désigner d'office une personne de confiance.
En ses neuvième et dixième alinéas, l'article 501 du Code civil dispose expressément que le juge de paix peut, dans l'intérêt de la personne protégée, désigner plusieurs personnes de confiance et que, le cas échéant, il précise les compétences des différentes personnes de confiance ainsi que les modalités d'exercice de leur compétence.

Il s'en déduit que

Première branche

La personne de confiance peut, soit avoir été désignée personnellement par la personne protégée, soit être désignée par le juge de paix d'office ou « sur requête écrite ou verbale » émanant d'un tiers dans l'intérêt de celle-ci, au début ou au cours de l'administration.
Il ne ressort ni de la disposition légale visée au moyen ni d'aucune autre que, lorsque la personne protégée a exprimé, à plusieurs reprises, son souhait quant à la désignation d'une personne de confiance par des lettres ou documents figurant au dossier, elle devrait réitérer personnellement et verbalement ce souhait à l'audience.
À l'appui de sa décision que la demande de la demanderesse « manque [...] en droit », le jugement attaqué relève que, lors de son audition par le juge de paix, « la personne à protéger n'avait pas confirmé sa volonté, exprimée dans une lettre du 28 juin 2015, de voir désigner ses deux sœurs aux côtés de leur mère en qualité de personnes de confiance » et que « la personne à protéger faisait défaut lors de l'audience du 14 octobre 2016 et n'a pas réitéré personnellement ce souhait », tout en constatant que, par « une nouvelle lettre du 2 janvier [2016] signée par l'administrée », celle-ci « réitère ce souhait, expliquant qu'elle avait eu peur lors de l'audition précédente, dont elle n'avait pas compris le sens, et avait préféré quitter les lieux ».
Le jugement attaqué laisse ainsi entendre que l'homologation de la demanderesse en qualité de personne de confiance, aux côtés de sa mère dont elle ne sollicitait pas le remplacement, n'eût été possible que si la personne protégée avait réitéré verbalement ce souhait lors de son audition ou à l'audience, ce que l'article 501 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2013, n'impose pas. Il n'est, partant, pas légalement justifié (violation de cette disposition).

Seconde branche

L'article 501, alinéa 9, du Code civil dispose expressément que le juge de paix peut, dans l'intérêt de la personne protégée, désigner plusieurs personnes de confiance.
Le jugement attaqué, qui ne contient aucun motif duquel il pourrait se déduire que la désignation de la demanderesse en qualité de personne de confiance, aux côtés de sa mère, ne rencontrerait pas l'intérêt de la personne protégée, laquelle a précisément et à plusieurs reprises émis ce souhait, énonce, à l'appui de sa décision que la demande de la demanderesse « manque [...] en droit », que « la loi, plus précisément l'article 501 nouveau du Code civil, ne prévoit la possibilité que de désigner personnellement une personne de confiance » et que « cette disposition ne prévoit pas [...] la possibilité de démultiplier cette fonction sur plusieurs têtes ».
Ce faisant, il méconnaît frontalement l'article 501, alinéa 9, du Code civil et n'est, partant, pas légalement justifié (violation de cette disposition).
L'article 501, alinéa 10, du Code civil ajoute que, le cas échéant, il appartient au juge de paix, s'il désigne plusieurs personnes de confiance, de préciser les compétences des différentes personnes de confiance ainsi que les modalités d'exercice de leur compétence.
Ce faisant, contrairement à ce que retient le jugement attaqué, le législateur a prévu un « mécanisme susceptible de gérer les éventuels conflits d'intérêt ou les divergences de perception des personnes de confiance quant à l'expression des souhaits ou de l'avis de la personne administrée qu'elles sont censées relayer », de sorte que le jugement attaqué, qui énonce le contraire, sans aucunement constater qu'en l'espèce un conflit d'intérêt ou une divergence de perception existerait ou serait à redouter, n'est pour cette autre raison pas légalement justifié (violation de cette disposition).

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

Aux termes de l'article 501, alinéa 1er, du Code civil, la personne à protéger ou protégée a le droit d'être soutenue, pendant toute la durée de l'administration, par une personne de confiance qu'elle a désignée personnellement.
L'homologation de la désignation de la personne de confiance s'effectue, poursuit l'alinéa 2 de cet article, sur requête écrite ou verbale adressée au juge de paix par la personne protégée ou à protéger, par un tiers dans l'intérêt de celle-ci ou par le procureur du Roi, au début ou au cours de l'administration.
Il ne résulte pas de ces dispositions que la personne protégée ou à protéger doive confirmer devant le juge le souhait qu'elle a exprimé quant à la désignation d'une personne de confiance.
Le jugement attaqué constate que le premier juge a indiqué que, « lors de son audition du 2 décembre 2015, la [première défenderesse, personne protégée], n'avait pas confirmé sa volonté, exprimée dans une lettre du 28 juin 2015, de voir désigner [la demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun], ses deux sœurs, aux côtés de [la troisième défenderesse], leur mère, en qualité de personnes de confiance » et que la demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun « déposent une nouvelle lettre du 2 janvier [2016] signée par l'administrée où elle réitère ce souhait, expliquant qu'elle avait eu peur lors de l'audition précédente, dont elle n'avait pas compris le sens, et avait préféré quitter les lieux ».
En considérant, pour refuser la désignation des deux sœurs de la première défenderesse comme personnes de confiance, que cette dernière « faisait défaut lors de l'audience du 14 octobre 2016 et n'a pas réitéré personnellement ce souhait », le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision.

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 501, alinéa 9, du Code civil, le juge de paix peut, dans l'intérêt de la personne protégée, désigner plusieurs personnes de confiance.
Le cas échéant, il précise dans ce cas, conformément à l'alinéa 10 de cet article, les compétences des différentes personnes de confiance ainsi que les modalités d'exercice de leur compétence.
Du rapprochement de ces dispositions et de celle de l'article 501, alinéa 1er, précité du Code civil, il ne suit pas que la personne à protéger ou protégée ne pourrait pas personnellement désigner plusieurs personnes de confiance pour la soutenir.
Le jugement attaqué, qui, pour fonder sa décision, considère que « l'article 501 [...] du Code civil ne prévoit la possibilité que de désigner personnellement une personne de confiance » mais non celle « de démultiplier cette fonction sur plusieurs têtes [et] ne met en place aucun mécanisme susceptible de gérer les éventuels conflits d'intérêt ou les divergences de perception des personnes de confiance quant à l'expression des souhaits ou de l'avis de la personne administrée qu'elles sont censées relayer », viole les dispositions légales précitées.
Le moyen, en chacune de ses branches, est fondé.
Et la demanderesse a intérêt à ce que le présent arrêt soit déclaré commun à la personne appelée à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué ;
Déclare le présent arrêt commun à C. L. ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en degré d'appel.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du dix-neuf février deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body S. Geubel M.-Cl. Ernotte
M. Lemal M. Delange Chr. Storck


Requête
1er feuillet

REQUETE EN CASSATION
________________________

Pour : Mme C. L.,
143,

demanderesse,

assistée et représentée par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à 4020 Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

Contre : 1°. Mme V. L., ,
2°. Me C. V. A., avocate, en sa qualité d'administrateur des biens de Mme V. L., désignée à cette fonction par ordonnances du juge de paix du canton de Jodoigne-Perwez, section Perwez, des 23 février 2012 et 2 décembre 2015,

3°. Mme M.-C. R.,

défenderesses,
2ème feuillet

En présence de : Mme C. L.,

partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

A Messieurs les Premier Président et Présidents, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à votre censure le jugement rendu contradictoirement entre les parties par la trente-deuxième chambre du tribunal de première instance du Brabant wallon, statuant en degré d'appel, le 3 février 2017 (R.G. n° 16/106/A).

Le jugement attaqué porte la date du 3 février 2016 mais cette indication résulte d'une erreur matérielle, ainsi qu'il ressort incontestablement des pièces de procédure : la requête d'appel a été déposée au greffe le 27 janvier 2016, l'audience de plaidoiries eut lieu le 14 octobre 2016 et le jugement fut notifié au conseil de la demanderesse le 7 février 2017.

Les faits et antécédents de la cause, tels qu'ils ressortent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard, peuvent être ainsi brièvement résumés.

Par ordonnance du 23 février 2012, le juge de paix du canton de Jodoigne-Perwez, section de Perwez, a constaté que la première défenderesse, sœur de la demanderesse, n'est pas apte à assurer la gestion de ses biens et a désigné la deuxième défenderesse en qualité d'administrateur provisoire, avec les pouvoirs prévus à l'article 488bis, c, du Code civil.


3ème feuillet

Statuant sur la demande de la troisième défenderesse, mère de la demanderesse et de la première défenderesse, de se voir désignée en qualité d'administrateur provisoire en remplacement de la deuxième défenderesse, le juge de paix, par jugement du 3 octobre 2012, a confirmé la mise sous administration provisoire de la première défenderesse et la désignation de la deuxième défenderesse en qualité d'administrateur provisoire et a désigné la troisième défenderesse en tant que personne de confiance. Sur l'appel de la troisième défenderesse, le tribunal de première instance de Nivelles, par jugement du 8 janvier 2013, a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.

Par lettre du 22 avril 2015, la demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun, l'une des autres sœurs de la personne protégée, ont demandé au juge de paix de les nommer personnes de confiance aux côtés de leur mère.

Par lettre du 28 juin 2015, la première défenderesse, personne protégée, a émis personnellement le même souhait.

Par jugement du 2 décembre 2015, le juge de paix du canton de Jodoigne-Perwez, section de Perwez, a, sur saisine d'office, transformé la mesure de protection prise à l'égard de la première défenderesse par son jugement du 23 février 2012 en rendant applicables les dispositions nouvelles relatives à l'administration des biens, issues de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, la mesure de protection applicable étant une mesure de représentation. Le juge de paix a confirmé la désignation de la deuxième défenderesse en qualité d'administrateur des biens, et celle de la troisième défenderesse en qualité de personne de confiance.

Par un document du 2 janvier 2016, la première défenderesse, personne protégée, a "déclar(é) vouloir que (ses) sœurs C. et C. L. soient nommées personnes de confiance afin qu'elles puissent exprimer (ses) désirs", tout en indiquant qu'elle "désire toujours garder également (sa) mère comme personne de confiance".

4ème feuillet

Par requête déposée au greffe du tribunal le 27 janvier 2016, la demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun ont interjeté appel du jugement du 2 décembre 2015 afin de se voir désignées en qualité de personnes de confiance aux côtés de leur mère. Seule cette dernière a conclu en degré d'appel; elle ne s'est pas opposée à cette demande, se bornant à solliciter qu'il lui soit "donn(é) acte (...) de ses réserves quant à la nécessité de multiplier le nombre de personnes de confiance" et à faire part de "son accord de communiquer à (la demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun) les informations transmises par l'administrateur de biens".

Par un document du 27 août 2016, la première défenderesse, personne protégée, a indiqué : "Je souhaite toujours que ma sœur C. devienne personne de confiance comme je l'ai déjà demandé à plusieurs reprises. Elle s'occupe de moi en venant me voir régulièrement et en étant attentive à mes besoins. Elle tente toujours de les satisfaire comme elle le peut. Elle a toute ma confiance. J'aimerais le faire savoir car je ne sais si je saurai me déplacer pour le dire à Nivelles. Je suis en effet très angoissée et j'ai peur des nouveaux endroits que je ne connais pas, ainsi que des grands espaces. J'espère que ma demande de voir ma sœur C désignée comme personne de confiance sera prise en considération et qu'on accèdera à ma demande".

Le jugement attaqué reçoit l'appel, le dit non fondé, en déboute la demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun et les condamne aux dépens.

A l'encontre de ce jugement, la demanderesse croit pouvoir proposer le moyen suivant.

5ème feuillet

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Disposition légale violée

L'article 501 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine.

Décision critiquée

Le jugement attaqué, par confirmation du jugement entrepris, déboute la demanderesse de sa demande de se voir désignée en qualité de personne de confiance de sa sœur, aux côtés de sa mère, aux motifs que :

"Dans sa décision, Mme le Juge de Paix indiquait que, lors de son audition du 2 décembre 2015, la personne à protéger n'avait pas confirmé sa volonté exprimée dans une lettre du 28 juin 2015, de voir désigner ses deux sœurs aux côtés de leur mère en qualité de personnes de confiance.
(La demanderesse et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun) déposent une nouvelle lettre du 02 janvier [lire : 2016] signée par l'administrée où elle réitère ce souhait, expliquant qu'elle avait eu peur lors de l'audition précédente dont elle n'avait pas compris le sens et avait préféré quitter les lieux
La personne à protéger faisait défaut lors de l'audience du 14 octobre 2016 et n'a pas réitéré personnellement ce souhait.
Indépendamment de cet aspect des choses, la loi, plus précisément l'article 501 nouveau C.civ. ne prévoit la possibilité que de désigner personnellement une personne de confiance.

6ème feuillet

Cette disposition ne prévoit pas, par contre, la possibilité de démultiplier cette fonction sur plusieurs têtes, ni ne met en place aucun mécanisme susceptible de gérer les éventuels conflits d'intérêt ou les divergences de perception des personnes de confiance quant à l'expression des souhaits ou de l'avis de la personne administrée qu'elles sont censées relayer.
Dès lors que personne ne met en cause le dévouement de (la troisième défenderesse), mère de l'administrée, à l'égard de cette dernière et que son remplacement n'est pas sollicité, la demande initiale des requérantes manque dès lors en droit".

Griefs

En vertu des deux premiers alinéas de l'article 501 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, la personne à protéger ou protégée a le droit d'être soutenue, pendant toute la durée de l'administration, par une personne de confiance qu'elle a désignée personnellement. L'homologation de la désignation de la personne de confiance s'effectue, sur requête écrite ou verbale adressée au juge de paix, par la personne protégée ou à protéger, par un tiers dans l'intérêt de celle-ci, ou par le procureur du Roi, au début ou au cours de l'administration. Le juge de paix s'assure au préalable de son acceptation et statue par une ordonnance spécialement motivée.

Le quatrième alinéa de cette disposition précise que, si la personne protégée n'a pas désigné personnellement de personne de confiance, le juge de paix peut examiner la possibilité d'homologuer néanmoins la désignation d'une personne de confiance, conformément aux alinéas 2 et 3, ou peut désigner d'office une personne de confiance.

En ses neuvième et dixième alinéas, l'article 501 du Code civil dispose expressément que le juge de paix peut, dans l'intérêt de la personne protégée, désigner plusieurs personnes de confiance et que, le cas échéant, il précise les compétences des différentes personnes de confiance ainsi que les modalités d'exercice de leur compétence.

7ème feuillet

Il s'en déduit que :

Première branche

La personne de confiance peut, soit avoir été désignée personnellement par la personne protégée, soit être désignée par le juge de paix d'office ou "sur requête écrite ou verbale" émanant d'un tiers dans l'intérêt de celle-ci, au début ou au cours de l'administration.

Il ne ressort ni de la disposition légale visée au moyen ni d'aucune autre que, lorsque la personne protégée a exprimé, à plusieurs reprises, son souhait quant à la désignation d'une personne de confiance par des courriers ou documents figurant au dossier, elle devrait réitérer personnellement et verbalement ce souhait à l'audience.

A l'appui de sa décision que la demande de la demanderesse "manque (...) en droit", le jugement attaqué relève que, lors de son audition par le juge de paix, "la personne à protéger n'avait pas confirmé sa volonté exprimée dans une lettre du 28 juin 2015, de voir désigner ses deux sœurs aux côtés de leur mère en qualité de personnes de confiance" et que "la personne à protéger faisait défaut lors de l'audience du 14 octobre 2016 et n'a pas réitéré personnellement ce souhait", tout en constatant que, par "une nouvelle lettre du 02 janvier [lire : 2016] signée par l'administrée", celle-ci "réitère ce souhait, expliquant qu'elle avait eu peur lors de l'audition précédente dont elle n'avait pas compris le sens et avait préféré quitter les lieux".

Le jugement laisse ainsi entendre que l'homologation de la demanderesse en qualité de personne de confiance, aux côtés de sa mère dont elle ne sollicitait pas le remplacement, n'eût été possible que si la personne protégée avait réitéré verbalement ce souhait lors de son audition ou à l'audience, ce que l'article 501 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2013, n'impose pas. Il n'est, partant, pas légalement justifié (violation de cette disposition).


8ème feuillet

Deuxième branche

L'article 501, neuvième alinéa, du Code civil dispose expressément que le juge de paix peut, dans l'intérêt de la personne protégée, désigner plusieurs personnes de confiance.

Le jugement attaqué, qui ne contient aucun motif duquel il pourrait se déduire que la désignation de la demanderesse en qualité de personne de confiance, aux côtés de sa mère, ne rencontrerait pas l'intérêt de la personne protégée, laquelle a précisément et à plusieurs reprises émis ce souhait, énonce, à l'appui de sa décision que la demande de la demanderesse "manque (...) en droit", que "la loi, plus précisément l'article 501 nouveau C.civ. ne prévoit la possibilité que de désigner personnellement une personne de confiance" et que "cette disposition ne prévoit pas (...) la possibilité de démultiplier cette fonction sur plusieurs têtes".

Ce faisant, il méconnaît frontalement l'article 501, neuvième alinéa, du Code civil et n'est, partant, pas légalement justifié (violation de cette disposition).

L'article 501, dixième alinéa, du Code civil ajoute que, le cas échéant, il appartient au juge de paix, s'il désigne plusieurs personnes de confiance, de préciser les compétences des différentes personnes de confiance ainsi que les modalités d'exercice de leur compétence.

Ce faisant, contrairement à ce que retient le jugement attaqué, le législateur a prévu un "mécanisme susceptible de gérer les éventuels conflits d'intérêt ou les divergences de perception des personnes de confiance quant à l'expression des souhaits ou de l'avis de la personne administrée qu'elles sont censées relayer", de sorte que le jugement, qui énonce le contraire, sans aucunement constater qu'en l'espèce un conflit d'intérêt ou une divergence de perception existeraient ou seraient à redouter, n'est pour cette autre raison pas légalement justifié (violation de cette disposition).

9ème et dernier feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignée, pour la demanderesse, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser le jugement attaqué; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée; renvoyer la cause et les parties devant un autre tribunal de première instance siégeant en degré d'appel; statuer comme de droit quant aux dépens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 27 avril 2017


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0273.F
Date de la décision : 19/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-02-19;c.17.0273.f ?

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