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16/02/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0254.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 février 2018, C.17.0254.F


N° C.17.0254.F
INBEV BELGIUM, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Anderlecht, boulevard Industriel, 21,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre

PATRI ONE, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Liège, rue Tête-de-Bœuf, 10,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch,

avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait ...

N° C.17.0254.F
INBEV BELGIUM, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Anderlecht, boulevard Industriel, 21,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre

PATRI ONE, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Liège, rue Tête-de-Bœuf, 10,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

en présence de

ETHIAS, société anonyme, dont le siège social est établi à Liège, rue des Croisiers, 24,
partie appelée en déclaration d'arrêt commun,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 13 septembre 2016 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d'appel.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Article 14, spécialement alinéa 1er, de la loi sur les baux commerciaux du 30 avril 1951

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué reçoit l'appel de la demanderesse et la requête en intervention volontaire de la partie appelée en déclaration d'arrêt commun ; dit les demandes principale et reconventionnelle de la demanderesse non fondées ; confirme le jugement entrepris sous l'émendation que la demanderesse est condamnée aux dépens de la défenderesse liquidés à la somme de 1.625,51 euros et que les dépens de première instance de la demanderesse lui sont délaissés ; condamne la demanderesse aux dépens d'appel de la défenderesse liquidés à la somme de 1.440 euros, et délaisse à la demanderesse ses dépens d'appel.
Le jugement attaqué se fonde sur l'ensemble de ses motifs tenus ici pour intégralement reproduits et notamment sur les motifs selon lesquels :
« En ce qui concerne la validité de la demande de renouvellement de bail formulée par la défenderesse par envoi recommandé du 28 janvier 2013, l'article 14, alinéa 1er, de la loi sur les baux commerciaux énonce : ‘Le preneur désireux d'exercer le droit au renouvellement doit, à peine de déchéance, le notifier au bailleur, par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée, dix-huit mois au plus, quinze mois au moins, avant l'expiration du bail en cours. La notification doit indiquer, à peine de nullité, les conditions auxquelles le preneur lui-même est disposé à conclure le nouveau bail et contenir la mention qu'à défaut de notification, par le bailleur, suivant les mêmes voies et dans les trois mois, de son refus motivé de renouvellement, de la stipulation de conditions différentes ou d'offres d'un tiers, le bailleur sera présumé consentir au renouvellement du bail aux conditions proposées'.
La [demanderesse] estime qu'il se déduit de cette disposition légale que, lors de sa demande de renouvellement de bail, le preneur doit notamment préciser expressément que le bailleur doit lui notifier sa réponse par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée.
Elle soutient que la [défenderesse] a violé cet article 14, alinéa 1er, en ne lui ayant pas apporté ces précisions de manière expresse dans sa demande de renouvellement du bail.
La [défenderesse] n'étant plus en mesure de valablement solliciter le renouvellement du contrat de bail compte tenu du temps qui s'est écoulé, [la demanderesse] estime que ledit bail a pris fin le 30 avril 2014.
Le tribunal constate que la loi sur les baux commerciaux impose tant au preneur qu'au bailleur des formes et délais dont le non-respect entraîne des conséquences néfastes pour chacune des parties.
Ainsi, suivant l'article 14, alinéa 1er, de la loi sur les baux commerciaux, la demande de renouvellement du bail est nulle lorsqu'elle ne contient pas la mention de la manière dont le bailleur doit notifier, soit son refus motivé de renouvellement, soit la stipulation de conditions différentes, soit l'offre d'un tiers.
Le formalisme imposé par cette disposition légale vise à ce que le preneur informe de manière claire le bailleur quant à la forme que doit revêtir son éventuelle réponse à la demande de renouvellement du bail qu'il formule à travers son envoi recommandé ou son exploit d'huissier de justice. Ce formalisme a ainsi pour but de garantir les intérêts du bailleur.
L'absence dans la demande de renouvellement du bail formulée par la [défenderesse] de la précision expresse que [la demanderesse] devait notifier sa réponse ‘par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée' est indéniable.

Cependant, cet envoi recommandé transmis par le preneur en date du 28 janvier 2013 contient la formule ‘qu'à défaut de notification par vous, suivant les mêmes voies et dans les trois mois, de votre refus motivé de renouvellement, de la stipulation de conditions différentes ou d'offres d'un tiers, vous serez présumés consentir au renouvellement aux conditions proposées ci-dessus'.
Ce passage renseigne ainsi le bailleur sur l'une des deux possibilités de réaction qui s'ouvrent à lui, à savoir la voie d'un courrier recommandé, voie utilisée par le preneur pour formuler sa demande de renouvellement du 28 janvier 2013.
Certes, la voie de l'exploit d'huissier de justice, également ouverte au bailleur pour répondre à la demande de renouvellement du bail selon la prescription légale, n'a pas été portée à la connaissance du bailleur à travers la demande de renouvellement du 28 janvier 2013. Toutefois, le formalisme imposé par la loi sur les baux commerciaux n'impose pas au bailleur de formuler sa réponse selon les deux voies cumulativement. La loi lui ouvre le choix de recourir à un envoi recommandé ou à un exploit d'huissier de justice afin de garantir ses intérêts.
L'information qui a été donnée à la [demanderesse] suivant laquelle sa réponse devait être formulée par les mêmes voies, à savoir l'envoi recommandé compte tenu de la forme prise par la demande de renouvellement du preneur, constituait un formalisme suffisant permettant la garantie des intérêts du bailleur. Elle renseignait en effet ce dernier relativement à la voie la moins onéreuse pour lui de réagir à la demande de renouvellement du bail ».
Le jugement attaqué en conclut que le jugement entrepris « sera donc confirmé sur ce point et que les demandes principale et reconventionnelle de la [demanderesse] seront déclarées non fondées ».

Griefs

1. Aux termes de l'article 14, alinéa 1er, de la loi sur les baux commerciaux du 30 avril 1951 : « Le preneur désireux d'exercer le droit au renouvellement doit, à peine de déchéance, le notifier au bailleur par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée dix-huit mois au plus, quinze mois au moins, avant l'expiration du bail en cours. La notification doit indiquer, à peine de nullité, les conditions auxquelles le preneur lui-même est disposé à conclure le nouveau bail et contenir la mention qu'à défaut de notification par le bailleur, suivant les mêmes voies et dans les trois mois, de son refus motivé de renouvellement, de la stipulation de conditions différentes ou d'offres d'un tiers, le bailleur sera présumé consentir au renouvellement du bail aux conditions proposées ».
La Cour a déduit de cette disposition que :
« La demande de renouvellement doit contenir, à peine de nullité, la mention que le bailleur sera présumé consentir au renouvellement du bail et aux conditions proposées s'il ne notifie pas dans les trois mois, par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée, son refus motivé de renouvellement, de la stipulation de conditions différentes ou d'offres d'un tiers.
La demande de renouvellement est, dès lors, nulle lorsqu'elle ne contient pas la mention de la manière dont le bailleur doit notifier, soit son refus motivé de renouvellement, soit la stipulation de conditions différentes, soit l'offre d'un tiers.
L'article 14 de la loi du 30 avril 1951 tend à la protection du bailleur et, eu égard aux conséquences importantes pour lui du renouvellement du bail, cette mention dans la demande de nouvellement est de stricte application.
Il ne suffit dès lors pas que le bailleur connaisse le contenu de l'article 14 de la loi du 30 avril 1951 ni que cette obligation puisse être remplacée par l'adage suivant lequel nul n'est censé ignorer la loi [...].
Les juges d'appel ont constaté que la défenderesse a bien indiqué la deuxième partie de l'article 14 de la loi du 30 avril 1951 de la demande de renouvellement du bail mais non la première partie, qui décrit le mode de notification. Ils ont ainsi considéré que la demande de renouvellement du bail ne doit pas mentionner suivant quelle voie le bailleur doit notifier sa demande au preneur, qu'il suffit que la demande mentionne que ce soit ‘suivant une même voie' que la notification de la demande et que, pour savoir en quoi cela consiste, il suffit que le bailleur connaisse la législation applicable ou soit censé la connaître.
En décidant par ces motifs que la demande de renouvellement de bail est valable, les juges d'appel ont violé l'article 14, alinéa 1er, de la loi du 30 avril 1951 ».
La demande de renouvellement doit donc mentionner expressément, à peine de nullité, que, si le bailleur n'y répond pas, soit par huissier de justice, soit par lettre recommandée, il sera présumé consentir audit renouvellement et aux conditions proposées par le preneur.
Certes, la demande peut, soit reprendre le texte intégral de l'article 14 de la loi sur les baux commerciaux, soit spécifier les deux options ouvertes au bailleur. La Cour a en effet précisé que la manière dont doivent être libellées les mentions obligatoires de l'article 14 de la loi sur les baux commerciaux n'oblige pas le preneur à faire usage de termes sacramentels.
Cependant, il demeure que la demande de renouvellement du preneur qui se borne à énoncer que le bailleur doit y répondre suivant les mêmes voies mais qui ne précise pas les deux modes légaux de notification est nulle.
2. Après avoir constaté que la demande de la défenderesse, envoyée à la demanderesse par lettre recommandée, ne comporte pas la « précision expresse que la [demanderesse] devait notifier sa réponse ‘par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée' » mais ne contient que la formule selon laquelle, « à défaut de notification, par vous, suivant les mêmes voies et dans les trois mois, de votre refus motivé de renouvellement, de la stipulation de conditions différentes ou d'offres d'un tiers, vous serez présumés consentir au renouvellement aux conditions proposées ci-dessus », le jugement attaqué décide que « l'information qui a été donnée à la [demanderesse] suivant laquelle sa réponse devait être formulée par les mêmes voies, à savoir l'envoi recommandé compte tenu de la forme prise par la demande de renouvellement du preneur, constituait un formalisme suffisant permettant la garantie des intérêts du bailleur » aux motifs que la demande « renseigna[it] en effet ce dernier relativement à la voie la moins onéreuse pour lui » et que, si, « certes, la voie de l'exploit d'huissier de justice, également ouverte au bailleur pour répondre à la demande de renouvellement du bail selon la prescription légale, n'a pas été portée à la connaissance du bailleur à travers la demande de renouvellement du 28 janvier 2013 [...], [il ne reste pas moins que] le formalisme imposé par la loi sur les baux commerciaux n'impose pas au bailleur de formuler sa réponse selon les deux voies cumulativement ».
Or, en considération des principes rappelés ci-avant, est nulle la demande de renouvellement ne mentionnant pas suivant quelle voie le bailleur doit notifier réponse au preneur et se limitant à indiquer « suivant la même voie ».
3. En conséquence, le jugement attaqué qui, sur la base des considérations qui précèdent, décide que la demande de renouvellement est valable, n'est pas légalement justifié (violation de l'article 14, spécialement alinéa 1er, de la loi sur les baux commerciaux).

III. La décision de la Cour

L'article 14, alinéa 1er, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux dispose que le preneur désireux d'exercer le droit au renouvellement doit, à peine de déchéance, le notifier au bailleur par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée dix-huit mois au plus, quinze mois au moins, avant l'expiration du bail en cours.
Cette disposition légale prescrit aussi que la notification doit indiquer, à peine de nullité, les conditions auxquelles le preneur lui-même est disposé à conclure le nouveau bail et contenir la mention qu'à défaut de notification par le bailleur, suivant les mêmes voies et dans les trois mois, de son refus motivé de renouvellement, de la stipulation de conditions différentes ou d'offres d'un tiers, le bailleur sera présumé consentir au renouvellement du bail aux conditions proposées.
Il ressort de cette disposition, qui est impérative en faveur du bailleur, que la demande de renouvellement doit contenir, à peine de nullité, la mention que le bailleur sera présumé consentir au renouvellement du bail aux conditions proposées s'il ne notifie pas dans les trois mois, par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée, son refus motivé de renouvellement, la stipulation de conditions différentes ou l'offre d'un tiers.
Le jugement attaqué constate que, « par un [envoi] recommandé du 28 janvier 2013, la [défenderesse] a sollicité un renouvellement du bail pour une durée de neuf années à dater de sa date d'expiration, aux conditions en cours », et que « le deuxième paragraphe de [cet envoi] reprend les termes suivants : ‘la loi nous oblige de vous préciser qu'à défaut de notification par vous, suivant les mêmes voies et dans les trois mois, de votre refus motivé de renouvellement, de la stipulation de conditions différentes ou d'offres d'un tiers, vous serez présumés consentir au renouvellement aux conditions proposées ci-dessus' ».
Le jugement attaqué, qui, par confirmation du jugement du premier juge, déclare valable cette demande de renouvellement aux motifs que, si « l'absence dans la demande de renouvellement du bail [...] de la mention expresse que la [demanderesse] devait notifier sa réponse ‘par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée' est indéniable », cependant, le passage précité de cette lettre « renseigne [...] le bailleur sur l'une des deux possibilités de réaction qui s'ouvrent à lui, à savoir la voie d'un courrier recommandé, voie utilisée par le preneur pour formuler sa demande de renouvellement du 28 janvier 2013 », que « l'information qui a été donnée à la [demanderesse] suivant laquelle sa réponse devait être formulée par les mêmes voies, à savoir l'envoi recommandé compte tenu de la forme prise par la demande de renouvellement, constituait un formalisme suffisant permettant la garantie des intérêts du bailleur » et qu'« elle renseignait en effet ce dernier relativement à la voie la moins onéreuse pour lui de réagir à la demande de renouvellement », viole l'article 14, alinéa 1er, précité.
Le moyen est fondé.
La cassation de la décision qui statue sur la demande de renouvellement du bail de la défenderesse s'étend à celle, qui en est la suite, qui statue sur les demandes principale et reconventionnelle de la demanderesse.
Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la partie appelée à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué ;
Déclare le présent arrêt commun à la société anonyme Ethias ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Namur, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, le conseiller Didier Batselé, le président de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du seize février deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin M. Lemal
M. Regout D. Batselé Chr. Storck


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0254.F
Date de la décision : 16/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-02-16;c.17.0254.f ?

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